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UNE REVUE SCIENTIFIQUE POUR PENSER LA SÉCURITÉ GLOBALE

Yves ROUCAUTE

(À la suite d’une forte demande, nous avons remis en place cet article paru dans les Cahiers de la sécurité, en octobre-novembre 2010, pp. 7-15)

Les Cahiers de la Sécurité s’inscrivent résolument dans l’évolution scientifique ouverte par la problématique de la « sécurité globale ». 

Adopter un tel point de vue scientifique qui casse les façons positivistes de penser en réintroduisant de l’hybridation et en reconstituant la passerelle entre science et morale qui avait été occultée par la modernité, n’est pas facile. Le risque est grand de préférer fonctionner selon des paradigmes usés et faillis, malgré les impasses gnoséologiques où ils nous conduisent, sous prétexte qu’avec cette notion de « sécurité globale » nous perdrions nos repères. Les théoriciens de la connaissance (« épistémologues », disent les Français) savent les freins mis ainsi à toute « révolution scientifique », pour reprendre une notion utilisée avec succès par Thomas Kuhn. Des repères sur lesquels vivent tant de laboratoires et à partir desquels on a produit tant de textes favorisent la paresse d’esprit, l’incompréhension et heurte des intérêts de corps ou de groupe constitués autour des paradigmes concurrents. Ces résistances à la science sont d’autant plus importantes que nous perdons apparemment plus que ce que nous gagnons. Ainsi, imaginer des atomes-États chargés d’assurer sur leur territoire aux frontières tracées, la sécurité dans la distinction d’un extérieur et d’un intérieur, du public et du privé, avec l’horizon de coopérations internationales intéressées et d’un égoïsme national orienté vers la puissance, est certes confortable. Et il est séduisant de tenter de créer des hypothèses ad hoc pour maintenir la matrice théorique en tentant de l’adapter aux vulnérabilités nées avec la mondialisation et le développement des nouvelles technologies et des sciences de l’infiniment petit, aux nouveaux risques et aux nouvelles menaces.

Si cette façon de résister est en général, pacifique, et, à bien des égards, stimulante, ce n’est pas toujours le cas quand le point de vue idéologique qui se cachait derrière un vocabulaire pseudo-savant se trouve ruiné. Il suffit de voir la façon odieuse dont certaines revues idéologiques comme Politix traitent ceux qui ne partagent pas le point de vue « politiquement correct » du populisme bourdieusien pour s’en assurer. De façon assez classique, quand le seul espoir est de se répéter au lieu de progresser, face à la découverte de phénomènes nouveaux, la police de l’esprit succède à l’esprit policé.

Ce risque scientifique, qui est donc aussi social pour certains laboratoires, comme le montre, en France, le jeu « administratif » de certains groupes, il faut pourtant avoir le courage de le prendre, en ayant parfaitement conscience des insuffisances de notre démarche dans l’élaboration de la matrice disciplinaire, au niveau des généralisations symboliques, des modèles métaphysiques et heuristiques, des valeurs, des méthodes et des réussites exemplaires. Néanmoins, nous ne le prenons pas sans atouts : la matrice disciplinaire est bel et bien constituée, ses succès ne sont pas nuls, des avancées scientifiques ont été faites et une communauté scientifique est née, malgré les hésitations, tâtonnements, erreurs, oppositions, bref tout ce qui est le signe d’une véritable vie scientifique autour du concept de « sécurité globale ».

La raison majeure du choix scientifique de la revue tient au contexte. Comment ne pas mettre la sécurité globale au cœur de nos réflexions tout simplement pour penser ? Le « contexte conceptuel », aurait dit Imre Lakatos, contraint les esprits ouverts à ce choix scientifique 1. Développement des nouvelles technologies et des sciences liées à l’informatique et à l’infiniment petit, chute du mur de Berlin et mondialisation apparaissent en effet comme les éléments nodaux d’une transformation profonde de la conception que nous pouvions avoir des espaces politiques et de la sécurité des espaces de vie. Les conséquences les plus visibles de ces trois phénomènes sont la libération des marchés, l’ouverture des systèmes politiques et le développement des sociétés de communication transnationales qui propulsent le flux des échanges de biens, de personnes et de signes et le surgissement de nouvelles puissances, telles la Chine, l’Inde, le Brésil ou l’Indonésie.

Ainsi s’est engagée une dynamique dont les conséquences les plus importantes sont une nouvelle conception des modes de pensée et de vie, nouvelle conception qui touche la vision de l’espace et du temps, qui bouleverse les manières d’être, des formes d’organisation du travail aux systèmes de valeurs en passant par le rôle dévolu au politique, c’est-à-dire aussi à l’Etat, et cela jusque dans ses fonctions dites « régaliennes ». Et, enfin, qui nous contraint à replacer au cœur des sciences le souci de l’humain.

Il n’est pas anodin que dans ce nouveau monde ait surgi le concept central de « sécurité globale » 2, qui définit des problématiques qui n’auraient pu avoir de sens naguère, quand la modernité imposait ses règles. Souveraineté des États, conceptions classiques d’un extérieur opposé à l’intérieur, notions de frontière, séparations fonctionnelles entre sécurité et défense, opposition ou ignorance mutuelle du privé et du public, études « disciplinaires », recherche de tours de contrôle centrales…. Dans ce nouveau monde, l’État devient poreux face aux vulnérabilités, aux risques et aux menaces. Ou, pour être plus précis : la sécurité et le droit à la recherche du bonheur des individus, droit naturel, et la vie des nations, doivent être repensés face aux vulnérabilités des infrastructures et des interdépendances infrastructurelles, à la multipolarisation des risques et à la transnationalisation des menaces.

C’est dire à quel point penser la nouvelle donne n’est pas facile. Car la Déclaration des Chefs d’État et de gouvernement sur la sécurité de l’Alliance du 4 avril 2009, l’indique clairement: penser la sécurité, introduire la dimension de la mondialisation et repenser conceptuellement la stratégie, sont un même objectif. Des réflexions actuelles sur le « concept stratégique » à l’OTAN, aux interrogations européennes sur une vraie politique de l’Union après la disparition des trois piliers les scientifiques doivent sortir des impasses où les conduiraient le maintien de paradigmes venus d’un autre temps et qui ont montré leur inaptitude à saisir la nouvelle donne.

C’est pourquoi notre revue est très ouverte aux programmes de recherche qui posent au départ les questions en termes de sécurité globale. Et elle est très rétive à installer l’illusion d’un continuum avec les paradigmes qui le refusent. A cet égard, certains attribuent l’origine de ce concept de sécurité globale aux travaux de Kenneth Waltz et de Barry Buzan 3, et à ceux de la commission Palme, en 1982, qui évoquent la « sécurité commune » et la prise en compte de l’interdépendance croissante. Il est aussi possible de s’intéresser aux travaux de la commission Ramphal sur la « gouvernance sécuritaire mondiale », en 1992, indéniablement annonciateurs de cette piste.

Néanmoins, cela est tout à la fois vrai et faux. Des intuitions ou des recommandations ne constituent pas un vrai programme de recherche. La « sécurité commune » n’est pas la « sécurité globale », à moins de voir déjà chez Antoine-Henri de Jomini, par ses travaux sur l’élément diplomatique, ou chez Clausewitz, par ses réflexions sur la dimension politique, voire chez tous ceux qui prennent en compte comme éléments de la puissance, l’économie, la démographie, l’état d’esprit même d’un pays, l’annonce d’un programme de sécurité globale. Ce faisant, on passerait à côté de l’essentiel.

Disons clairement que notre revue prend le parti scientifique de refuser tout positivisme en réintégrant la dimension humaine et le point de vue de l’humaine humanité au cœur de la science et en s’installant, par ce point de vue haut, dans un univers dont les trois concepts clefs sont ceux de sécurité globale, de sécurité humaine et de développement durable. Et, ainsi, de contribuer aux avancées des programmes de recherches qui mettent la sécurité globale non seulement dans leur réflexion mais au centre, quand bien même les énoncés de ces recherches ne sont pas systématiquement organisés et fermés sous l’opération de déduction.

Ces programmes de recherche paraissent avoir une première caractéristique : une remise en cause d’une vision classique, d’origine réaliste quand bien même elle fut ensuite « améliorée » par des hypothèses ad hoc, qui fut longtemps hégémonique, qui produit encore bien des recherches et dont le paradigme conduisait à une distinction entre « intérieur » et « extérieur », « sécurité » et « défense », « public » et « privé », « intérêt » et « moralité » … avec ses corollaires connus. Ces « améliorations » ressemblaient un peu à celles qui avaient permis, en astronomie, le maintien du paradigme géocentrique d’Hipparque et de Ptolémée, contre l’héliocentrisme de Galilée. Elles entraient difficilement dans le paradigme. Penser ainsi la sécurité est à l’évidence inefficace pour cerner le terrorisme ou mettre à nu les réseaux du crime et ne justifie aucune intervention humanitaire face aux risques et aux catastrophes de tout ordre. Ces hypothèses ad hoc permettent certes parfois de réintroduire avec quelques avantages quelques forces transnationales et la question de la puissance économique, mais le schéma reste à nos yeux impuissant quand l’on postule l’acteur État, sujet, centre et tour de contrôle, conformément au modèle né de Thomas Hobbes, pour sa théorie de l’état de nature, Jean Bodin, pour sa théorie de la souveraineté, et Nicolas Machiavel, pour ses jeux politiques dégagés de la moralité, selon la « virtù » et la « Fortuna ». Et si le paradigme de Hans Morgenthau, et, plus encore, celui de Raymond Aron, permet de saisir l’intérêt de prendre en compte l’économie et la mondialisation, il n’est pas anodin de constater que ce dernier ne le fit que tardivement et ne put changer radicalement son paradigme 4.

La revue se pose également dans une critique du courant transnationaliste qui s’imposa scientifiquement quelques années sur les faiblesses manifestes du courant réaliste en revalorisant les forces transnationales, réintroduisait une dimension de porosité dans les systèmes politiques. Il permettait ainsi de donner du sens à l’analyse des acteurs non étatiques. Mais il remettait en même temps si radicalement en cause le schéma de ses concurrents réalistes que l’acteur État se voyait réduit à être un acteur « comme les autres », voire moins important, ce qui conduisit à des impasses auxquelles les inventeurs du paradigme eux-mêmes furent sensibles au point d’en venir à un schéma néoréaliste qui tenta de sauver à nouveau l’hypothèse de l’État.

Avant même l’explosion théorique corrélée aux nouvelles technologies la question de la sécurité avait en tout état de cause pris un tournant qui ouvrait le chemin à des réflexions sur la nouvelle donne. Le modèle néoréaliste, en partie construit par les auteurs qui avaient vendu le modèle transnationaliste, aussi ouvert aux défis modernes que pouvait l’être Barry Buzan 5, lança des pistes qui commençaient à répondre aux bouleversements en cours en réintroduisant les dimensions transnationales. Les travaux de l’Économie Politique Internationale, qu’ils conservent à l’État un rôle central, comme chez Robert Gilpin 6, ou qu’ils insistent sur la diffusion du pouvoir et le rôle des structures économiques et financières en démontrant la difficulté de l’État à assurer la sécurité, la justice, la richesse et la liberté comme chez Susan Strange 7, imposent l’idée que la sécurité ne peut être pensée dans la seule distinction militaire et police tandis qu’était réintroduite de plein droit la dimension économique, culturelle et environnementale.

Mais la nouvelle donne conduisait à aller plus loin en énonçant une problématique novatrice avec ses valeurs, ses concepts propres et ses moyens d’investigation 8. Cela nécessitait aussi, à la façon dont l’indique le Livre blanc sur la Sécurité et la Défense, et, plus encore, le rapport remis par Alain Bauer au Président de la République française, Déceler-Étudier-Former : une voie nouvelle pour la recherche stratégique, de sortir d’une vision trop disciplinaire de la sécurité. Cela nécessitait enfin de concevoir la sécurité non pas à l’aune d’un territoire mais de ceux qui l’habitent et la nécessaire solidarité consubstantielle avec leurs frères en humanité des autres nations pour répondre efficacement et scientifiquement, en termes de résilience, aux risques et aux menaces ; ni la vague terroriste, ni le nuage de Tchernobyl, ni la pandémie du Sida, ne s’arrêtent aux postes douaniers.

S’agissant des concepts qui sont au cœur de la revue car ils sont au centre des programmes de recherche qui prennent pour objet la sécurité globale, ceux de vulnérabilité, de risque et de menace doivent être définis.

Une vulnérabilité ne peut être exprimée que sur une réalisation particulière d’un système.

Le terme de vulnérabilité désigne l’existence d’une possibilité de modification du comportement du système qui pourrait être utilisée de façon indésirable. On notera que l’existence d’une telle vulnérabilité ne résulte pas d’une erreur de conception ou de mise en œuvre, mais peut être nécessaire au fonctionnement du système.

Les risques se distinguent des menaces par leur aspect contingent, accidentel et non volontaire, que l’origine soit humaine ou non humaine. Une menace reflète l’existence d’un phénomène, d’une organisation ou d’un individu qui peut utiliser une vulnérabilité pour influencer le comportement du système afin d’aller vers un objectif différent de celui qui était initialement prévu. La notion de risque n’est valide que lorsqu’elle est associée à un bien au sens large du terme, qu’il s’agisse d’un bien matériel, d’un bien moral (telle que la réputation), ou d’un service. En outre, un risque particulier concerne un événement et est généralement considéré comme étant la combinaison d’une possibilité d’occurrence 9 et d’une quantification de l’impact sur le bien considéré.

Ces trois concepts centraux étant définis, les programmes de recherche qui concernent la sécurité globale visent des domaines, qui se caractérisent par des entités (« explananda»), des séries récurrentes en général, sur lesquelles les hypothèses émises peuvent être vérifiées. Ces « domaines », circonscrits par la vulnérabilité, le risque et la menace, ainsi que par leur dynamique, sont étudiés dans les « dossiers » de la revue ainsi que dans l’Institut National des Hautes Études de Sécurité et de Justice dont dépend la revue et dans les laboratoires affiliés à la revue.

Nous commencerons par définir les domaines qui sont cernés par le concept de « menace », c’est-à-dire par les processus provoqués par volonté humaine.

La sécurité d’une nation, d’un groupement social ou d’un individu, peut être la cible d’attaques dans le cadre de conflits de haute intensité, par des États malveillants, fragiles ou faillis. Ces attaques peuvent prendre des formes classiques d’agression. Elles peuvent aussi prendre des formes tout à fait nouvelles en plaçant au cœur de leur dispositif d’agression les réseaux numériques eux-mêmes, par la destruction des infrastructures ou la prise de contrôle physique de ces réseaux, comme la destruction de groupements ou d’entreprises qui sont au cœur de la sécurité du pays, comme l’élimination ou le contrôle de cadres, ingénieurs, techniciens, savants qui sont au cœur de la sécurité et du contrôle des réseaux numériques.

A cette menace classique « revisitée » par la notion de sécurité globale, s’ajoutent les menaces dues aux guerres asymétriques, qui ne se limitent pas à l’islamisme radical. Elles peuvent être couplées avec des conflits de haute intensité. Le terrorisme est en lui-même un objet hybride à faces multiples qui ne peut être étudié que de façon hybride et pluridisciplinaire.

En relation avec les réseaux numériques, ces menaces peuvent être rendues particulièrement létales par l’attaque contre des infrastructures vitales et les responsables de ces infrastructures.

Elles s’apparentent de plus en plus souvent, aussi bien par leurs moyens que par leurs fins, aux menaces du crime organisé. Et elles ont la caractéristique de pouvoir frapper des cibles multiples, dans des lieux différents dans des temps courts, à l’intérieur d’un espace étatisé ou à partir de l’extérieur. Elles ajoutent à l’incertitude une dimension transnationale et multipolaire de l’imprévisible qui contraint à poser conceptuellement la nécessité de penser non seulement la protection et la prévision mais aussi les conditions de la meilleure résilience. Si le terrorisme, en raison de sa dimension transdisciplinaire est souvent présent dans les dossiers, un grand numéro spécifique de la revue sera néanmoins consacré à cette question prochainement.

La sécurité globale, c’est donc aussi la prise en compte de la menace du crime organisé de façon novatrice. Certes, les réseaux du crime ne datent pas d’aujourd’hui, mais, comme l’a démontré le numéro de la revue consacré aux réseaux criminels, la mondialisation économique et juridique change la donne qualitativement et pas seulement en extension 10. A cet égard, les réseaux numériques sont des espaces virtuels où les réseaux criminels peuvent s’organiser et se développer, de la vente de médicaments frelatés aux réseaux pédophiles.

Stupéfiants, armes, traite des êtres humains, flux migratoires, piraterie, il est peu d’activités criminelles qui menacent la sécurité sur le globe et ne trouvent leur prolongement, voire parfois leur départ, dans les réseaux numériques, et bien souvent, au-delà des frontières des espaces où ils s’exercent. C’est le sens des numéros sur les réseaux du crime, le fléau de la drogue ou sur la traite des êtres humains desquels nous avons extrait quelques textes ici.

La sécurité globale, c’est encore la prise en compte des menaces liées au « soft power ».

L’imaginaire est au cœur de la sécurité et de l’insécurité. Il s’agit, via des associations, des partis, des groupements politiques divers, via des medias dont internet, de miner l’autorité, la légalité et la légitimité d’un État, d’un gouvernement et de la culture d’une nation. Ces menaces visent d’abord à déstabiliser l’autorité dans les zones d’influence, en particulier par l’usage de réseaux de désinformation et de mobilisation. Il s’agit aussi de déstabiliser les politiques publiques en attaquant leur soutien, en particulier le soutien à la politique de sécurité globale. Il s’agit enfin de l’espionnage des centres de recherche, publics et privés, des entreprises et des administrations de l’État. Notre revue n’a pas pour rien mis la question de l’imaginaire au cœur de sa réflexion dans tous ses numéros.

La sécurité globale, c’est encore la prise en compte de menaces « cyber » proprement dites qui déterminent de nouveaux territoires en transformant, sans les annuler, les espaces de vie ; d’où ces extraits du numéro sur les « nouveaux territoires de la sécurité » qui permettent de démonter scientifiquement l’illusion de croire que la naissance d’espaces virtuels conduit à abolir l’espace de vie local et la territorialisation humaine. Téléphonie mobile, constellations de satellites de géo-navigation), réseaux sans fils (Bluetooth, WiFi, WiMax), Internet, systèmes d’information, routeurs, ordinateurs, téléphones, décodeurs de télévision, assistants numériques, systèmes d’exploitation, applications informatiques, toutes ces entités pénètrent l’ensemble de la vie de nos Cités. Peu d’activités échappent aux réseaux numériques et aucune activité vitale. Menaces individuelles, destruction d’un système, menaces de groupements (groupes, États), l’espionnage industriel, destruction de biens matériels ou immatériels, les cyber-attaques contre les infrastructures, vitales ou non vitales, peuvent prendre des formes diverses, des virus, chevaux de Troie, phishing, hacking, prises de contrôle. Et se coupler avec des attaques destructrices des centres décisionnels. Ces cyberattaques peuvent s’opérer contre des individus, des cadres, des entreprises ou le pays tout entier. Ainsi, des cyberattaques d’envergure nationale ont, par exemple, frappé l’Estonie en 2007 et les armées françaises en 2008. Elles touchent chaque jour des entreprises dans le monde entier. Les plus importantes font l’objet d’un traitement médiatique à l’instar de l’attaque subie par le service Twitter et Google début août 2009, mais la plupart demeurent dans l’ombre au point d’être perçues comme une menace banalisée. Les cyberattaques gagnent constamment en complexité et en intensité. Exécutées à des fins lucratives ou pour des raisons politiques, elles sont devenues des armes redoutables et redoutées à l’origine d’un véritable marché dans lequel assaillants et assaillis dépensent des sommes considérables pour atteindre leurs objectifs face aux vulnérabilités, des failles de sécurité aux défauts de conception ou de configuration. On comprend que notre revue revienne régulièrement sur cette question.

La prise en compte de la sécurité globale c’est aussi celle des risques. Et, à nouveau, les Cahiers de la sécurité les prennent au sérieux dans le cadre de leur problématique de sécurité globale.

Ces risques sont d’abord ceux qui sont directement liés à la mondialisation. Le développement des sciences et des techniques, soulage les souffrances et a conduit des pays à sortir de la misère, tels la Chine ou l’Inde, mais ils signalent aussi des dangers jusque-là inconnus.

Les erreurs humaines, dans tous les secteurs de la vie, du nucléaire au médical, des transports à la gestion de l’eau, peuvent avoir des conséquences funestes. L’accroissement des échanges de biens sur internet, la prolifération des flux financiers, l’invention d’outils financiers liés aux nouvelles technologies, conduit à des risques de toute nature, dangereux localement régionalement, nationalement ou internationalement, comme le montre l’actuelle crise financière.

Faute de contrôle, en l’absence d’éthique suffisante ou tout simplement par accident, l’insécurité grandit.

La sécurité globale c’est aussi la prise en compte des risques sanitaires et alimentaires, ainsi que des risques transport. Les risques de pandémie, les questions sanitaires liées aux catastrophes naturelles ou aux conflits, les effets même de l’irresponsabilité, via des ventes de produits alimentaires de toute nature, y compris de médicaments, par Internet, augmentent avec la mondialisation. De même les transports des marchandises, via le ciel, la mer ou la terre, sont, d’un côté, devenus plus sûrs, de l’autre plus sensibles aussi aux défaillances humaines et aux vulnérabilités structurelles des réseaux numériques.

La sécurité globale c’est encore la prise en compte des risques environnementaux et technologiques. Catastrophes naturelles, industrielles, évolutions démographiques, flux, émissions toxiques… Un numéro des Cahiers a été consacré à cette question et les éléments de la sécurité globale trouvent tous leur corrélation dans la sécurisation des réseaux numériques, cause parfois d’insécurité environnementale et technologique, toujours au cœur de la gestion de crise.

Mais les recherches entreprises dans le cadre des Cahiers le démontrent : s’il faut distinguer conceptuellement risques et menaces, il apparaît qu’ils peuvent entrer dans une dynamique létale qui doit être appréhendée scientifiquement. Un groupe terroriste peut tenter de déclencher une crise sanitaire par des armes biologiques, par exemple bactériologiques ou virologiques. De telles opérations pourraient être organisées via Internet. En tout état de cause, tout usage des armes de destruction massive, biologiques, chimiques ou nucléaires, pourrait ainsi déclencher une dynamique de risques de tout ordre, naturels et humains, et aurait un effet destructif sur la population. Les réseaux numériques, cible potentielle des attaques sur les infrastructures vitales, sont au cœur des réponses pour prévenir et gérer.

Face à ces risques et à ces menaces, dans ce contexte de nouvelle vulnérabilité, la revue a montré d’ores et déjà que les programmes de recherche qui prennent au sérieux la sécurité globale posent l’existence de nouveaux acteurs.

Certes, les acteurs classiques de la sécurité restent incontournables, élus d’abord, acteurs de l’armée, de la gendarmerie, de la police, voire de la justice ensuite. Les acteurs de l’insécurité que l’on peut déduire des « menaces » sont aussi des objets d’étude classiques : groupements politiques divers, des États voyous ou groupes terroristes, sectes ou mafias, individus malveillants ou entreprises d’espionnage et de renseignements. Mais la conception de la sécurité globale rénove les études sur ces acteurs en les considérant sous leur forme rhizomique dans leur connexion systémique aux réseaux de la mondialisation. Et elle conduit à prendre en compte, dans la même perspective, d’autres acteurs de la sécurité et de l’insécurité.

Le premier acteur « recréé » est le monde associatif. Églises, associations de consommateurs, de défense de l’environnement, ONG, syndicats… ces univers jouent un rôle majeur. Dans la nouvelle conception scientifique, ils sont conçus non plus comme des êtres autonomes mais comme des domaines et des éléments du contexte des crises, de la gestion de crise, de la sortie de crise et acteur de la résilience (qu’ils y participent ou la freinent), acteurs des espaces locaux et virtuels, qu’ils soient officiellement de type local ou transnational. Par leur présence, en particulier via les réseaux numériques, leur jeu est étudié également pour saisir la sécurité via le soft power, par les phénomènes spirituels qu’ils induisent et les processus de mobilisation et de démobilisation qu’ils peuvent produire.

Le second acteur recréé, ce sont les entreprises, privées et publiques. La multiplication des entreprises de sécurité est un premier objet spécifique des études scientifiques de sécurité globale car elle est le symptôme de la nécessité de l’externalisation des actions sécuritaires non seulement pour les entreprises mais aussi pour la puissance publique. Elle révèle la nature de la nouvelle donne pour les États, le renouveau de la conception de la souveraineté, le développement des formes de sécurité hybrides et l’évolution de certains structures politiques elles-mêmes hybrides, telles l’Union européenne. S’agissant des autres entreprises, parfois des mêmes, si elles peuvent être des acteurs de l’insécurité quand ce sont des entreprises liées au renseignement industriel ou politique, elles sont plus souvent victimes et jouent un grand rôle dans les réflexions de sécurisation des entreprises en raison de leur activité propre ou des attaques dont elles sont l’objet (par exemple l’affaire Valéo, en 2005). Nombre d’entreprises ont ainsi, par leurs activités et leur développement, engagé une réflexion et des moyens pour la sécurité de leurs activités, la protection de leur personnel, de leurs recherches, de leurs brevets jusqu’à celle des réseaux numériques. De son côté, l’État est intéressé, pour sa puissance et pour assurer son rôle, par la sécurisation des entreprises publiques, mais aussi privées, et cela en particulier quand ces entreprises sont en relation avec des infrastructures vitales. Ainsi se nouent des possibilités d’étude des jeux d’intérêts, parfois divergents, afin de penser non seulement les politiques privées de sécurité mais aussi les politiques publiques, leur degré d’efficacité et de cohérence. A cet égard, il n’est pas anodin que les numéros des Cahiers tentent de cerner les politiques publiques et d’y associer des chercheurs du public et du privé.

Précisément, la nouvelle conception scientifique de la sécurité conduit à aider les recherches de ces acteurs particuliers de la sécurité globale : les centres de recherche, publics et privés.

Ces acteurs produisent des concepts et des méthodes, ils peuvent produire des brevets, premier moteur de développement et d’emplois et ils sont la source du développement et des modifications des réseaux numériques qu’ils ont historiquement créés. Ils sont ainsi au centre de la guerre commerciale, politique, technologique et militaire. Leur travail, de la modélisation aux échanges, de la construction des banques de données aux débats entre laboratoires, passe aujourd’hui de plus en plus par les réseaux numériques, qu’ils ont créés, et qui deviennent ainsi une des clefs de leur développement. C’est bien le sens de la présence grandissante des centres de recherche dans les collaborations et à la direction de la revue.

La sécurité globale à l’heure de la mondialisation, c’est encore le monde de la médiation, en particulier de la communication. Outre l’usage que les menaces font peser par ce biais sur la nation, l’esprit de la population est une des clefs de la sécurité globale, comme naguère elle l’était de la sécurité. Alerte, manipulation, information, désinformation, rôle de certaines officines, mobilisation, démobilisation : les moyens classiques nés de la galaxie Gutenberg tout comme les réseaux numériques de la révolution technologique agissent sur l’état d’esprit du pays. Messageries, blogs, sites conviviaux, journaux en ligne, télévisions en ligne, téléphones cellulaires jouent un rôle majeur lors des crises, de leur prévention à leur gestion.

Les scientifiques voient surgir une « opinion » publique locale régionale, nationale voire mondiale, qui intervient directement ou indirectement via les élus aussi bien quand il s’agit d’une entreprise que lorsqu’il s’agit d’une affaire d’État.

Enfin, la problématique de la sécurité globale exige de prendre en compte des acteurs internationaux et régionaux « revisités » à l’aune de la conjugaison de la sécurité globale avec la sécurité humaine et le développement durable et de leur mise en réseaux dans le cadre de la globalisation, tels l’ONU, l’OTAN, l’Union européenne, l’ALENA…. ainsi que ces associations comme l’Organisation Internationale de Normalisation ou de la Commission Électronique Internationale. A cet égard, la revue consacrera un de ses prochains numéros à cet aspect du problème.

Cette problématique de la sécurité globale impose enfin non seulement des concepts et des acteurs mais des méthodes de recherche. Il n’y a pas de résilience possible sans connaissance du prévisible et mise en œuvre préalable des conditions pour recevoir et gérer l’imprévisible.

Cela nécessite de poser l’hybridation des savoirs et l’interdisciplinarité comme pierre de touche du savoir. 

Il suffit pour s’en convaincre de penser à l’ensemble des acteurs concernés par une crise sanitaire. Outre la diversité des acteurs de santé (médecins généralistes, hospitaliers, pharmaciens, biologistes, infirmières…), s’ajoutent les services de l’État (préfecture, affaires sanitaires…), y compris militaires (service de santé des armées) et, au-delà, une noria d’intervenants, psychologues, sociologues, juristes, politistes, spécialistes des transports de voyageurs, enseignants, journalistes…. Un phénomène apparemment limité (la crise sanitaire) devient un enjeu global appelant une réponse globale.

La méthode s’impose donc : permettre cette hybridation des savoirs, que nul ne peut détenir seul et qu’aucune discipline ne peut gérer seule, afin de poser les conditions de possibilité pour analyser les infrastructures, déceler les vulnérabilités (en particulier, par prospection intrusive), prévenir, modéliser des systèmes réactifs et construire des processus de résilience.

Cela explique pourquoi, face à la multipolarisation des risques et à la transnationalisation des menaces, la revue fait appel à des savoirs venus d’horizons différents, qui mêlent public et privé et ce qui relevait autrefois de la sécurité intérieure et de la défense. Et elle est ouverte résolument aux laboratoires internationaux qui travaillent eux aussi dans cette problématique de sécurité globale.

Avec la claire volonté de constituer une communauté scientifique qui soit une « société ouverte », selon le beau mot venu de Bergson et repris par Karl Popper. Une société ouverte sur l’humanité de l’humain, sur ses exigences éthico-scientifiques, selon le message des grandes spiritualités. Car les déferlements de haine du XXE siècle à partir de certains des États les plus « progressistes » de la planète, comme l’Allemagne, l’Autriche, l’Italie ou le Japon, les errances positivistes et productivistes qui conduisent à envisager le présent humain en s’accommodant du sacrifice et à ruiner son avenir, nous le rappellent : « science sans conscience n’est que ruine de l’âme ». Et la sécurité globale est un songe creux si elle n’est l’expression de la sécurité humaine.

Yves ROUCAUTE

Directeur des. Cahiers de la Sécurité,

Professeur des Facultés, agrégé de science politique, docteur d’Etat, agrégé de philosophie.

Directeur du master de « Management du Risque », Faculté de Droit et des sciences politiques de Paris X-Ouest-Nanterre

Notes

  1. Imre Lakatos, Criticism and the Growth of Knowledge, New York: Cambridge University Press, 1970.
  2. Voir pour cette évolution, Jean-Jacques Roche, Théories des Relations Internationales, Paris, Montchrestien, collection « Clefs », 4e édition, 2001, Chapitre 1. Voir également : Charles-Philippe David, La Guerre et la paix Approches Contemporaines de la Sécurité et de la Stratégie, Paris, Presses de Sciences Po, collection « Références inédites », 2000, Chapitre 1.
  3. Kenneth Waltz, Theory of International Politics, Reading, Addison Wesley, 1991, Barry Buzan, People, States and Fear – An Agenda for International Security Studies in the Post-Cold War Era, Hemel Hempstead, Harvester-Wheatheaf, 2e éd, 1991, 393 p. Du même auteur, voir également : New Patterns of Global Security in the 21th Century, in International Affairs, 1991, 67 n°3.
  4. Ramond Aron, 50 ans de réflexion politique, Paris, Julliard, 1983.
  5. Buzan, B., « New Patterns of Global Security in the 21th century », in « International Affairs », 1991, 67-3.
  6. Gilpin, R., The Political Economy of International Relations, Princeton, Princeton University Press, 1987
  7. Strange S., The Retreat of the State, The diffusion of Power in the World Economy, Cambridge, Cabridge Uni-versity Press, 1996
  8. Yves Roucaute, « Mondialisation et sécurité nationale », communication, École militaire, Paris, 10 octobre 2009.
  9. Nous parlerons ici de possibilité d’occurrence plutôt que de probabilité, car la notion mathématique de probabilité, stricto sensu, présuppose certaines propriétés qui ne peuvent être garanties pour tous les risques pris en compte ici. Si la notion de probabilité reste nécessaire pour certaines analyses formelles, elle n’est pas nécessaire dans cet exposé.
  10. Voir le dossier « Les organisations criminelles », in les Cahiers de la Sécurité, N°7, Janvier-mars 2009

La Gouvernance européenne et le paradigme de la sécurité globale

Conférence. Par le Professeur Dr Yves ROUCAUTE

Chairman, Panel 14. IPSA International Conference, Luxembourg 18-20 mars 2010 

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La conception de la sécurité qui dominait la théorie politique et les analyses de la politique européenne ont été bouleversées, tout comme les perspectives de construction de l’Union européenne qui animaient les initiateurs du Traité sur l’Union européenne de 1992, qui croyaient possible d’élaborer une coopération policière et judiciaire en matière pénale (CPJP) à côté de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) et des communautés européennes. 

Dés 1999 (Traité d’Amsterdam), cette séparation est apparue en grande partie inefficace. L’idée que les 2ème et 3ème Piliers seraient seulement à caractère « intergouvernementaux », et non communautaires, était apparue peu pertinente pour les politiques, d’asile, de contrôle aux frontières, de l’immigration, de la circulation des personnes et une partie de la coopération judiciaire. Les décisions par coopérations entre Etats quand il s’agissait de la sécurité intérieure de l’Union semblaient devoir être associées à un pouvoir communautaire plus fort. Le Traité établissant une Constitution pour l’Europe, signé le 28 octobre 2004 à Rome, parut en partie régler le problème, en proposant d’abandonner cette vision des piliers et en ouvrant la porte à une redéfinition des relations entre ce qui relève de l’intégration et de la coopération. Le traité modificatif, proposé par les chefs d’Etat et de gouvernement lors du Conseil européen de Bruxelles du 21-22 juin 2007, va dans le même sens. 

Néanmoins, la question reste posée. Car s’il est admis que l’ancien second pilier (titre V du Traité sur l’Union Européenne), relève plutôt de l’intégration par le titre IV de la Troisième partie, consacré aux politiques et actions intenses de l’Union qui inclut la coopération policière et la coopération judiciaire en matière civile et pénale, il n’en demeure pas moins que les Etats de l’Union semblent en partie réticents sur les nécessités politiques de la prise en compte d’une véritable politique de sécurité globale, malgré les fortes pressions dues aux nouveaux risques et aux nouvelles menaces, au lieu d’envisager une dynamique d’intégration et de coopération qui  intègre aussi le troisième pilier. 

Aujourd’hui, trois facteurs fondamentaux conduisent à aller plus loin et à repenser un modèle conceptuel de la sécurité issu de la modernité et de son faisceau de dichotomies. 

D’une part, la révolution numérique et des sciences de l’infiniment petit a bouleversé les postulats de la théorie de la souveraineté étatique qui avaient été théorisées par les réalistes, Jean Bodin et Thomas Hobbes en tête. Sont remis en question les espaces aux frontières « cartésiennes » claires et distinctes avec un dedans et un dehors, un intérieur et un extérieur, ce qui relève de l’Etat, de la société civile et de l’individu, tout comme les divisions scientifiques en domaines séparés occupés par des « disciplines » ayant chacune leurs spécialistes (militaires, diplomates, policiers, pompiers, juges, géographes, informaticiens, physiciens, chimistes, économistes, médecins, sociologues…) et l’appréhension des temporalités de vie quotidiennes territorialisées et en partie sécurisées à partir d’un centre. 

D’autre part, le surgissement d’un nouvel ordre international ouvre la voie à des réflexions où l’intérêt et la puissance ne sont plus le droit face aux exigences de l’humanité et a retour de l’éthique et de la morale, tandis que, par les nouvelles menaces et les nouveaux  risques, en particulier sur les infrastructures critiques, sont ruinées les séparation entre défense/sécurité, public/privé et accélérées les constructions de nouveaux espaces hybrides de coopération, à temporalités différenciées. 

Enfin, la mondialisation des échanges de biens, de signes et de personnes n’a pas seulement conduit à mettre en question, au moins en partie, le poids des politiques publiques, elle a dynamisé les deux précédents processus, et poussé, en extension et en intensité, la déconstruction des espaces clos pour leur substituer de nouvelles formes d’organisation du travail et de vie brûlant au passage les formes de séparation vertical/horizontal, producteur/intermédiaire/consommateur, marché/science/morale, revisitant la notion de pouvoir elle-même en réintroduisant une dimension éthique au cœur des échanges.

Ainsi, ce n’est pas seulement la nécessité de repenser la séparation de la coopération policière et judiciaire qui est en jeu. La Déclaration des Chefs d’Etat et de gouvernement sur la sécurité de l’Alliancedu 4 avril 2009[1], l’indique clairement : penser la sécurité, introduire la dimension de la mondialisation et repenser conceptuellement la stratégie, sont un même objectif. Des réflexions actuelles sur le « concept stratégique » à l’OTAN, aux interrogations européennes, les scientifiques doivent sortir des impasses où les conduiraient le maintien de paradigmes venus d’un autre temps et qui ont montré leur inaptitude à saisir la nouvelle donne. 

A cet égard, certains attribuent l’origine de ce concept de sécurité globale aux travaux de Kenneth Waltz et de Barry Buzan[2], et à ceux de la commission Palme, en 1982, qui évoquent la “sécurité commune” et la prise en compte de l’interdépendance croissante. Il est aussi possible de s’intéresser aux travaux de la commission Ramphal sur la “gouvernance sécuritaire mondiale”, en 1992[3], indéniablement annonciateurs de cette piste. 

Néanmoins, des intuitions ou des recommandations ne constituent pas un vrai programme de recherche. 

La « sécurité commune » n’est pas la « sécurité globale », à moins de voir déjà chez Antoine-Henri de Jomini, par ses travaux sur l’élément diplomatique, ou chez Clausewitz, par ses réflexions sur la dimension politique, voire chez tous les réalistes par leur prise en compte comme éléments de la puissance de l’économie, de la démographie, de l’état d’esprit même d’un pays, l’annonce d’un programme de sécurité globale. Ce faisant, on passerait à côté de l’essentiel.

Disons clairement qu’il s’agit de prendre le parti scientifique de s’installer dans un univers dont les trois concepts clefs sont ceux de sécurité globale, de sécurité humaine et de développement durable[4] et de contribuer aux avancées des programme de recherches qui mettent la sécurité globale non seulement dans leur réflexion mais dans son cœur, quand bien même les énoncés de ces recherches ne sont pas systématiquement organisés et fermés sous l’opération de déduction.

Ces programmes de recherche doivent donc avoir une première caractéristique : une remise en cause d’une vision classique, d’origine réaliste, qui fut longtemps hégémonique et qui produit encore bien des recherches, et dont le paradigme conduisait à une distinction entre “intérieur” et “extérieur”, « sécurité » et « défense », avec ses corollaires connus. 

D’ailleurs, ce courant avait lui-même dû introduire des éléments qui entraient difficilement dans son paradigme pour tenter de le sauver. Penser les relations internationales par la puissance, l’étude des jeux de forces interétatiques et l’intérêt est à l’évidence inefficace pour cerner le terrorisme ou mettre à nu les réseaux du crime. Des hypothèses ad hoc permettent certes parfois de réintroduire avec quelques avantages quelques forces transnationales et la question de la puissance économique, mais le schéma reste à nos yeux impuissant quand l’on postule l’acteur Etat, sujet, centre et tour de contrôle, conformément au modèle né de Thomas Hobbes, pour sa théorie de l’état de nature, Jean Bodin, pour sa théorie de la souveraineté, et Nicolas Machiavel, pour ses jeux politiques dégagés de la moralité, selon la “virtù” et la “Fortuna”. Et si le paradigme de Hans Morgenthau, et, plus encore, celui de Raymond Aron, permet de saisir l’intérêt de prendre en compte l’économie et la mondialisation, il n’est pas anodin de constater que ce dernier ne le fit que tardivement et ne put changer radicalement son paradigme[5].

Il s’agit encore de poser une critique du courant transnationaliste qui s’imposa scientifiquement quelques années sur les faiblesses manifestes du courant réaliste en revalorisant les forces transnationales, réintroduisait une dimension de porosité dans les systèmes politiques. Il permettait ainsi de donner du sens à l’analyse des acteurs non étatiques. Mais il remettait en même temps si radicalement en cause le schéma de ses concurrents réalistes que l’acteur Etat se voyait réduit à être un acteur “comme les autres”, voire moins important, ce qui conduisit à des impasses auxquelles les inventeurs du paradigme eux mêmes furent sensibles au point d’en venir à un schéma néoréaliste qui tenta de sauver à nouveau l’hypothèse de l’Etat[6].

Avant même l’explosion théorique corrélée aux nouvelles technologies la question de la sécurité avait en tout état de cause pris un tournant qui ouvrait le chemin à des réflexions sur la nouvelle donne. Le modèle néoréaliste, en partie construit par les auteurs qui avaient vendu le modèle transnationaliste, aussi ouvert aux défis modernes que pouvait l’être Barry Buzan[7], lança des pistes qui commençaient à répondre aux bouleversements en cours en réintroduisant les dimensions transnationales. Les travaux de l’Economie Politique Internationale, qu’ils conservent à l’Etat un rôle central, comme chez Robert Gilpin[8], ou qu’ils insistent sur la diffusion du pouvoir et le rôle des structures économiques et financières en démontrant la difficulté de l’Etat à assurer la sécurité, la justice, la richesse et la liberté comme chez Susan Strange[9], imposent l’idée que la sécurité ne peut être pensée dans la seule distinction militaire et police tandis qu’était réintroduite de plein droit la dimension économique, culturelle et environnementale. 

Mais prendre au sérieux la notion de « sécurité globale » conduit à aller plus loin en énonçant une problématique novatrice avec ses valeurs, ses concepts propres et ses moyens d’investigation[10]

S’agissant des concepts qui sont au cœur de la revue car ils sont au centre des programmes de recherche qui prennent pour objet la sécurité globale, ceux de vulnérabilité, de risque et de menace doivent être définis.

Le concept de sécurité globale est la clef théorique de cette possibilité de penser une réflexion sur les vulnérabilités, les risques et les menaces et il conduit à revisiter la vision de la sécurité et de la défense européenne. Il permet d’appréhender scientifiquement Le Traité de Lisbonne, qui, avec sa clause d’assistance mutuelle et son concept de solidarité, tout comme les réflexions actuelles de l’OTAN sur le nouveau concept stratégique, permettent de dégager l’évolution induite par ces nouveaux risques et ces nouvelles menaces et de projeter ce qui pourrait la politique de sécurité globale de l’Union. à travers le paradigme de la sécurité globale[11],

Le paradigme de la sécurité globale

Adopter un tel point de vue scientifique n’est pas facile, le risque est grand de préférer fonctionner selon des paradigmes usés et faillis, malgré les impasses gnoséologiques où ils nous conduisent, sous prétexte qu’avec cette notion de « sécurité globale » nous perdrions nos repères. Les théoriciens de la connaissance (« épistémologues », disent les Français) savent les freins mis ainsi à toute « révolution scientifique », pour reprendre une notion utilisée par Alexandre Koyré et reprise avec succès par Thomas Kuhn.  Des repères sur lesquels vivent tant de laboratoires et à partir desquels on a produit tant de textes favorisent la paresse d’esprit, l’incompréhension et heurte des intérêts de corps ou de groupe constitués autour des paradigmes concurrents ; de façon assez classique, quand le seul espoir est de se répéter au lieu de progresser, face à la découverte de phénomènes nouveaux, la police de l’esprit succède à l’esprit policé. Ces résistances à la science sont d’autant plus importantes que nous perdons apparemment plus au départ que ce que nous gagnons. 

Ce risque scientifique, qui est donc aussi social pour certains laboratoires, comme le montre en France le jeu « administratif » de certains groupes, nous le prenons, en ayant parfaitement conscience des insuffisances de notre démarche dans l’élaboration de la matrice disciplinaire, au niveau des généralisations symboliques, des modèles métaphysiques et heuristiques, des valeurs, des méthodes et des réussites exemplaires. Néanmoins, nous ne le prenons pas sans atouts : la matrice disciplinaire est bel et bien constituée, nos succès ne sont pas nuls, des avancées scientifiques ont été faites et une communauté scientifique est née, malgré les oppositions, autour du concept de « sécurité globale ».  

La raison majeure du choix scientifique qui est devant nous tient au contexte. 

Comment ne pas mettre la sécurité globale au cœur de nos réflexions tout simplement pour penser ? Le « contexte conceptuel », aurait dit Imre Lakatos, contraint les esprits ouverts à ce choix scientifique[12]. Développement des nouvelles technologies et des sciences liées à l’informatique et à l’infiniment petit, chute du mur de Berlin et mondialisation apparaissent en effet comme les éléments nodaux d’une transformation profonde de la conception que nous pouvions avoir des espaces politiques et de la sécurité des espaces de vie. Les conséquences les plus visibles de ces trois phénomènes sont la libération des marchés, l’ouverture des systèmes politiques et le développement des sociétés de communication transnationales qui propulsent le flux des échanges de biens, de personnes et de signes et le surgissement de nouvelles puissances, telles la Chine, l’Inde, le Brésil ou l’Indonésie. Ainsi s’est engagée une dynamique dont les conséquences les plus importantes sont une nouvelle conception des modes de pensée et de vie, nouvelle conception qui touche la vision de l’espace et du temps, les sentiments (en particulier le sentiment d’humanité), les manières d’être, des formes d’organisation du travail aux systèmes de valeurs en passant par le rôle dévolu au politique, c’est-à-dire aussi à l’Etat, et cela jusque dans ses fonctions dites « régaliennes ». 

Il n’est pas anodin que dans ce nouveau monde ait surgi le concept central de « sécurité globale », qui définit des problématiques qui n’auraient pu avoir de sens naguère, quand la modernité imposait ses règles. Souveraineté des Etats, conceptions classiques d’un extérieur opposé à l’intérieur, notions de frontière, séparations fonctionnelles entre sécurité et défense, opposition ou ignorance mutuelle du privé et du public, études “disciplinaires”, recherche de tours de contrôle centrales…. Dans ce nouveau monde, l’Etat devient poreux face aux vulnérabilités, aux risques et aux menaces. 

Ou, pour être plus précis : la sécurité des individus, premier de leur droit naturel, doit être repensée face aux vulnérabilités des infrastructures et des interdépendances infrastructurelles, à la multipolarisation des risques et à la transnationalisation des menaces.

Vulnérabilité, risques, menaces : définir et penser

Une vulnérabilité ne peut être exprimée que sur une réalisation particulière d’un système. Le terme de vulnérabilité désigne l’existence d’une possibilité de modification du comportement du système qui pourrait être utilisée de façon indésirable. On notera que l’existence d’une telle vulnérabilité ne résulte pas d’une erreur de conception ou de mise en œuvre, mais peut être nécessaire au fonctionnement du système.

Les risques se distinguent des menaces par leur aspect contingent, accidentel et non volontaire, que l’origine soit humaine ou non humaine. Une menace reflète l’existence d’un phénomène, d’une organisation ou d’un individu qui peut utiliser une vulnérabilité pour influencer le comportement du système afin d’aller vers un objectif différent de celui qui était initialement prévu. La notion de risque n’est valide que lorsqu’elle est associée à un bien au sens large du terme, qu’il s’agisse d’un bien matériel, d’un bien moral (telle que la réputation), ou d’un service. En outre, un risque particulier concerne un événement et est généralement considéré comme étant la combinaison d’une possibilité d’occurrence[13] et d’une quantification de l’impact sur le bien considéré. 

Les domaines de la sécurité globale : ceux des menaces

Ces trois concepts centraux étant définis, les programmes de recherche qui concernent la sécurité globale visent des domaines, qui se caractérisent par des entités (« explananda »), des séries récurrentes en général, sur lesquelles les hypothèses émises peuvent être vérifiées. Ces « domaines », circonscrits par la vulnérabilité, le risque et la menace, ainsi que par leur dynamique, sont étudiés dans les « dossiers » de la revue ainsi que dans l’Institut National des Hautes Etudes de Sécurité et de Justice dont dépend la revue et dans les laboratoires affiliés à la revue.

Nous commencerons par définir les domaines qui sont cernés par le concept de « menace », c’est-à-dire par les processus provoqués par volonté humaine.  

La sécurité d’une nation, d’un groupement social ou d’un individu, peut être la cible d’attaques dans le cadre de conflits de haute intensité, par des Etats malveillants, fragiles ou faillis. Ces attaques peuvent prendre des formes classiques d’agression. Elles peuvent aussi prendre des firmes tout à fait nouvelles en plaçant au cœur de leur dispositif d’agression les réseaux numériques eux-mêmes, par la destruction des infrastructures ou la prise de contrôle physique de ces réseaux, comme la destruction de groupements ou d’entreprises qui sont au cœur de la sécurité du pays, comme l’élimination ou le contrôle de cadres, ingénieurs, techniciens, savants qui sont au cœur de la sécurité et du contrôle des réseaux numériques.

A cette menace classique « revisitée » par la notion de sécurité globale, s’ajoutent les menaces dues aux guerres asymétriques, qui ne se limitent pas à l’islamisme radical. Elles peuvent être couplées avec des conflits de haute intensité. Le terrorisme est en lui-même un objet hybride à faces multiples qui ne peut être étudié que de façon hybride et pluridisciplinaire. En relation avec les réseaux numériques, ces menaces peuvent être rendues particulièrement létales par l’attaque contre des infrastructures vitales et les responsables de ces infrastructures. Elles s’apparentent de plus en plus souvent, aussi bien par ses moyens que par ses fins, aux menaces du crime organisé. Et elles ont la caractéristique de pouvoir frapper des cibles multiples, dans des lieux différents dans des temps courts, à l’intérieur d’un espace étatisé ou à partir de l’extérieur. Elles ajoutent à l’incertitude une dimension transnationale et multipolaire de l’imprévisible qui contraint à poser conceptuellement la nécessité de penser non seulement la protection et la prévision mais aussi les conditions de la meilleure résilience. Si le terrorisme, en raison de sa dimension transdisciplinaire est souvent présent dans les dossiers, un grand numéro spécifique de la revue sera néanmoins consacré à cette question prochainement.

La sécurité globale, c’est donc aussi la prise en compte de la menace du crime organisé de façon novatrice. Certes, les réseaux du crime ne datent pas d’aujourd’hui, mais, comme l’a démontré le numéro de la revue consacré aux réseaux criminels, la mondialisation économique et juridique change la donne qualitativement et pas seulement en extension[14]. A cet égard, les réseaux numériques sont des espaces virtuels où les réseaux criminels peuvent s’organiser et se développer, de la vente de médicaments frelatés aux réseaux pédophiles. Stupéfiants, armes, traite des êtres humains, flux migratoires, piraterie, il est peu d’activités criminelles qui menacent la sécurité sur le globe et ne trouvent leur prolongement, voire parfois leur départ, dans les réseaux numériques, et bien souvent, au-delà des frontières des espaces où ils s’exercent. C’est le sens des numéros sur les réseaux du crime, le fléau de la drogue ou sur la traite des êtres humains desquels nous avons extrait quelques textes ici.

La sécurité globale, c’est encore la prise en compte des menaces liées au “soft power”. L’imaginaire est au cœur de la sécurité et de l’insécurité. Il s’agit, via des associations, des partis, des groupements politiques divers, via des medias dont internet, de miner l’autorité, la légalité et la légitimité d’un Etat, d’un gouvernement et de la culture d’une nation. Ces menaces visent d’abord à déstabiliser l’autorité dans les zones d’influence, en particulier par l’usage de réseaux de désinformation et de mobilisation. Il s’agit aussi de déstabiliser les politiques publiques en attaquant leur soutien, en particulier le soutien à la politique de sécurité globale. Il s’agit enfin de l’espionnage des centres de recherche, publics et privés, des entreprises et des administrations de l’Etat. Notre revue n’a pas pour rien mis la question de l’imaginaire au cœur de sa réflexion dans tous ses numéros.

La sécurité globale, c’est encore la prise en compte de menaces « cyber » proprement dites qui déterminent de nouveaux territoires en transformant, sans les annuler, les espaces de vie ; d’où ces extraits du numéro sur les « nouveaux territoires de la sécurité » qui permettent de démonter scientifiquement l’illusion de croire que la naissance d’espaces virtuels conduit à abolir l’espace de vie local et la territorialisation humaine. Téléphonie mobile, constellations de satellites de géo-navigation), réseaux sans fils (Bluetooth, WiFi, WiMax), Internet, systèmes d’information, routeurs, ordinateurs, téléphones, décodeurs de télévision, assistants numériques, systèmes d’exploitation, applications informatiques, toutes ces entités pénètrent l’ensemble de la vie de nos Cités. Peu d’activités échappent aux réseaux numériques et aucune activité vitale.  Menaces individuelles, destruction d’un système, menaces de groupements (groupes, Etats), l’espionnage industriel, destruction de biens matériels ou immatériels, les cyberattaques contre les infrastructures, vitales ou non vitales, peuvent prendre des formes diverses, des virus, chevaux de Troie, phishing, hacking, prises de contrôle. Et se coupler avec des attaques destructrices des centres décisionnels. Ces cyberattaques peuvent s’opérer contre des individus, des cadres, des entreprises ou le pays tout entier. Ainsi, des cyberattaques d’envergure nationale ont, par exemple, frappé l’Estonie en 2007 et les armées françaises en 2008. Elles touchent chaque jour des entreprises dans le monde entier. Les plus importantes font l’objet d’un traitement médiatique à l’instar de l’attaque subie par le service Twitter et Google début août 2009, mais la plupart demeurent dans l’ombre au point d’être perçues comme une menace banalisée. Les cyberattaques gagnent constamment en complexité et en intensité. Exécutées à des fins lucratives ou pour des raisons politiques, elles sont devenues des armes redoutables et redoutées à l’origine d’un véritable marché dans lequel assaillants et assaillis dépensent des sommes considérables pour atteindre leurs objectifs face aux vulnérabilités, des failles de sécurité aux défauts de conception ou de configuration. On comprend que notre revue revienne régulièrement sur cette question.

Les domaines de la sécurité globale : ceux des risques

La prise en compte de la sécurité globale c’est aussi celle des risques. Et, c’est pourquoi la revue que je dirige, les « Cahiers de la sécurité », les prennent au sérieux dans le cadre de sa problématique de de sécurité globale comme l’Union européenne doit les prendre au sérieux. 

Ces risques sont d’abord ceux qui sont directement liés à la mondialisation. Le développement des sciences et des techniques, soulage les souffrances et a conduit des pays à sortir de la misère, tels la Chine ou l’Inde, mais ils signalent aussi des dangers jusque là inconnus. Les erreurs humaines, dans tous les secteurs de la vie, du nucléaire au médical, des transports à la gestion de l’eau, peuvent avoir des conséquences funestes. L’accroissement des échanges de biens sur internet, la prolifération des flux financiers, l’invention d’outils financiers liés aux nouvelles technologies, conduit à des risques de toute nature, dangereux localement régionalement, nationalement ou internationalement, comme le montre l’actuelle crise financière. Faute de contrôle, en l’absence d’éthique suffisante ou tout simplement par accident, l’insécurité grandit.

La sécurité globale c’est aussi la prise en compte des risques sanitaires et alimentaires, ainsi que des risques transport. Les risques de pandémie, les questions sanitaires liées aux catastrophes naturelles ou aux conflits, les effets même de l’irresponsabilité, via des ventes de produits alimentaires de toute nature, y compris de médicaments, par Internet, augmentent avec la mondialisation. De même les transports des marchandises, via le ciel, la mer ou la terre, sont, d’un côté, devenus plus sûrs, de l’autre plus sensibles aussi aux défaillances humaines et aux vulnérabilités structurelles des réseaux numériques.

La sécurité globale c’est encore la prise en compte des risques environnementaux et technologiques. Catastrophes naturelles, industrielles, évolutions démographiques, flux, émissions toxiques… Un numéro des « Cahiers » a été consacré à cette question et les éléments de la sécurité globale trouvent tous leur corrélation dans la sécurisation des réseaux numériques, cause parfois d’insécurité environnementale et technologique, toujours au cœur de la gestion de crise.

La dynamique létale des risques et des menaces

Mais les recherches entreprises dans le cadre des « Cahiers » le démontrent : s’il faut les distinguer conceptuellement risques et menaces, il apparaît qu’ils peuvent entrer dans une dynamique létale qui doit être appréhendée scientifiquement. 

Un groupe terroriste peut tenter de déclencher une crise sanitaire par des armes biologiques, par exemple bactériologiques ou virologiques. De telles opérations pourraient être organisées via Internet. En tout état de cause, tout usage des armes de destruction massive, biologiques, chimiques ou nucléaires, pourrait ainsi déclencher une dynamique de risques de tout ordre, naturels et humains, et aurait un effet destructif sur la population. Les réseaux numériques, cible potentielle des attaques sur les infrastructures vitales, sont au cœur des réponses pour prévenir et gérer. 

Les nouveaux acteurs de la sécurité globale

Face à ces risques et à ces menaces, dans ce contexte de nouvelle vulnérabilité, la revue a montré d’ores et déjà que les programmes de recherche qui prennent au sérieux la sécurité globale posent l’existence de nouveaux acteurs.

Certes, les acteurs classiques de la sécurité restent incontournables, élus d’abord, acteurs de l’armée, de la gendarmerie, de la police, voire de la justice ensuite. Les acteurs de l’insécurité que l’on peut déduire des « menaces » sont aussi des objets d’étude classiques : groupements politiques divers, des Etats voyous ou groupes terroristes, sectes ou mafias, individus malveillants ou entreprises d’espionnage et de renseignements. Mais la conception de la sécurité globale rénove les études sur ces acteurs en les considérant sous leur forme rhizomatique dans leur connexion systémique aux réseaux de la mondialisation. Et elle conduit à prendre en compte, dans la même perspective, d’autres acteurs de la sécurité et de l’insécurité.

Le premier acteur « recréée » est le monde associatif. Eglises, associations de consommateurs, de défense de l’environnement, ONG, syndicats… ces univers jouent un rôle majeur. Dans la nouvelle conception scientifique, ils sont conçus non plus comme des êtres autonomes mais comme des domaines et des éléments du contexte des crises, de la gestion de crise, de la sortie de crise et acteur de la résilience (qu’ils y participent ou la freinent), acteurs des espaces locaux ET virtuels, qu’ils soient officiellement de type local ou transnational. Par leur présence, en particulier via les réseaux numériques, l’étude de leur jeu est étudiée également pour saisir la sécurité via le soft power, par les phénomènes spirituels qu’ils induisent et les processus de mobilisation et de démobilisation qu’ils peuvent produire.

Le second acteur récréé ce sont les entreprises, privées et publiques. La multiplication des entreprises de sécurité est un premier objet spécifique des études scientifiques de sécurité globale car elle est le symptôme de la nécessité de l’externalisations des actions sécuritaires non seulement pour les entreprises mais aussi pour la puissance publique. Elle révèle la nature de la nouvelle donne pour les Etats, le renouveau de la conception de la souveraineté, le développement des formes de sécurité hybrides et l’évolution de certains structures politiques elles-mêmes hybrides, telles l’Union européenne. S’agissant des autres entreprises, parfois des mêmes, si elles peuvent être des acteurs de l’insécurité quand ce sont des entreprises liées au renseignement industriel ou politique, elles sont plus souvent victimes et jouent un grand rôle dans les réflexions de sécurisation des entreprises en raison de leur activité propre ou des attaques dont elles sont l’objet (par exemple l’affaire Valéo, en 2005). Nombre d’entreprises ont ainsi, par leurs activités et leur développement, engagé une réflexion et des moyens pour la sécurité de leurs activités, de la protection de leur personnel, de leurs recherches, de leurs brevets jusqu’à celles des réseaux numériques. De son côté, l’Etat est intéressée, pour sa puissance et pour assurer son rôle, par la sécurisation des entreprises publiques, mais aussi privées, et cela en particulier quand ces entreprises sont en relation avec des infrastructures vitales. Ainsi se noue des possibilités d’étude des jeux d’intérêts, parfois divergents, afin de penser non seulement les politiques privées de sécurité mais aussi les politiques publiques, leur degré d’efficacité et de cohérence. 

La nouvelle conception scientifique de la sécurité conduit à aider les recherches de ces acteurs particuliers de la sécurité globale : les centres de recherche, publics et privés. 

Ces acteurs produisent des concepts et des méthodes, ils peuvent produire des brevets, premier moteur de développement et d’emplois et ils sont la source du développement et des modifications des réseaux numériques qu’ils ont historiquement créés. Ils sont ainsi au centre de la guerre commerciale, politique, technologique et militaire. Leur travail, de la modélisation aux échanges, de la construction des banques de données aux débats entre laboratoires, passe aujourd’hui de plus en plus par les réseaux numériques, qu’ils ont créé, et qui deviennent ainsi une des clefs de leur développement. C’est bien le sens de la présence grandissante des centres de recherche dans les collaborations et à la direction de la revue.

La sécurité globale à l’heure de la mondialisation, c’est encore le monde de la médiation, en particulier de la communication. Outre l’usage que les menaces font peser par ce biais sur la nation, l’esprit de la population est une des clefs de la sécurité globale, comme naguère elle l’était de la sécurité. Alerte, manipulation, information, désinformation, rôle de certaines officines, mobilisation, démobilisation : les moyens classiques nés de la galaxie Gutenberg tout comme les réseaux numériques de la révolution technologique agissent sur l’état d’esprit du pays. Messageries, blogs, sites conviviaux, journaux en ligne, télévisions en ligne, téléphones cellulaires jouent un rôle majeur lors des crises, de leur prévention à leur gestion.  Les scientifiques voient surgir une « opinion » publique locale régionale, nationale voire aussi mondiale, qui intervient directement ou indirectement via les élus aussi bien quand il s’agit d’une entreprise que lorsqu’il s’agit d’une affaire d’Etat.

Enfin, la problématique de la sécurité globale exige de prendre en compte des acteurs internationaux et régionaux « revisités » à l’aune de la conjugaison de la sécurité globale avec la sécurité humaine et le développement durable et de leur mise en réseaux dans le cadre de la globalisation, tels l’ONU, l’OTAN, l’Union européenne, l’ALENA…. ainsi que ces associations comme l’Organisation Internationale de Normalisation ou de la Commission Electronique Internationale. A cet égard, la revue consacrera un de ses prochains numéros à cet aspect du problème.

Penser la sécurité globale impose des méthodes de recherche

Cette problématique de la sécurité globale impose enfin non seulement des concepts et des acteurs mais des méthodes de recherche. Il n’y a pas de résilience possible dans connaissance du prévisible et mise en œuvre préalable des conditions pour recevoir et gérer l’imprévisible. Cela nécessite de poser l’hybridation des savoirs et l’interdisciplinarité comme pierre de touche du savoir. 

Il suffit pour s’en convaincre de penser à l’ensemble des acteurs concerné par une crise sanitaire. Outre la diversité des acteurs de santé (médecins généralistes, hospitaliers, pharmaciens, biologistes, infirmières…), s’ajoutent les services de l’Etat (préfecture, affaires sanitaires…), y compris militaires (service de santé des armées) et, au-delà, une noria d’intervenants, psychologues, sociologues, juristes, politistes, spécialistes des transports de voyageurs, enseignants, journalistes…. Un phénomène apparemment limité (la crise sanitaire) devient un enjeu global appelant une réponse globale. 

La méthode s’impose donc permettre cette hybridation des savoirs, que nul ne peut détenir seul et qu’aucune discipline ne peut gérer seule, afin de poser les conditions de possibilité pour analyser les infrastructures, déceler les vulnérabilités (en particulier, par prospection intrusive), prévenir, modéliser des systèmes réactifs et construire des processus de résilience. 

Cela explique pourquoi, face à la multipolarisation des risques et à la transnationalisation des menaces, la revue fait appels à des savoirs venus d’horizons différents, qui mêlent public et privé et ce qui relevait autrefois de la sécurité intérieure et de la défense. Et elle est ouverte résolument vers les laboratoires internationaux qui travaillent eux aussi dans cette problématique de sécurité globale.

Ainsi, l’Union européenne doit-elle avoir la claire volonté de constituer une communauté scientifique qui soit une « société ouverte », selon le beau mot venu de Bergson et repris par Karl Popper.

L’Union européenne et sa sécurité

L’Union européenne est prise dans les processus corrélatifs de nouveaux risques et de nouvelles menaces qui contraignent à intégrer de façon transversale et pluridisciplinaire ce qui relevait autrefois de « domaines distincts », de la défense nationale à la sécurité des entreprises. 

Il lui revient de construire des schémas pertinents autour de ce concept clef de « sécurité globale », en lui associant le souci du « développement durable » et de la « sécurité humaine », cela dans un partenariat civil-militaire, privé et public, tout en tenant compte des exigences des engagements internationaux et des demandes des différents échelons locaux, régionaux et nationaux ainsi que d’une opinion publique européenne de plus en plus acteur de la sécurité. 

Ainsi, peut naître une politique communautaire qui s’oriente vers des processus communs souples, plutôt que rigides, permettant de faire face aux risques et aux menaces identifiées comme à celles qui sont encore inconnues, associant secteurs public et privé, afin de garantir dans l’espace européen « réel » et « virtuel » des mesures de prévention, de détection, d’action en cas d’urgence et de récupération, afin de parvenir à un niveau de sécurité et de résilience approprié et de garantir la continuité des services tout en veillant sur la protection des droits et de la vie privée des citoyens de l’U.E., comme le montre l’analyse et l’évolution de la protection et de la résilience des infrastructures critiques

Cette stratégie souple, et la méthode qui lui est associée, est-elle apte à répondre aux enjeux de concurrence, de souveraineté économique, des activités illégales et dangereuses, de sécurité civile et de défense, de résilience, de sûreté du système productif, de sécurité sanitaire, alimentaire et environnementale ? Cette façon hybride et pragmatique d’avancer ne conduit-elle pas parfois à des difficultés et des tensions qui modifient la façon d’envisager la PESC, la coopération policière et judiciaire en matière pénale ainsi que leur conjonction, piliers longtemps conçus dans une autonomie relative? Difficultés et tensions qui malmènent, d’une part, l’urgence à laquelle chaque partenaire est tenu de répondre et, d’autre part, la cohérence recherchée et nécessaire au niveau de l’Union ? 

Voilà l’enjeu de ces sessions. 

Il s’agira donc, dans la première session de la table, pour le panel de faire d’abord le bilan d’une évolution, tant sur le contenu que sur la méthode de cette stratégie souple.

La seconde partie de cette session permettra de s’interroger sur certaines résistance dues aux cloisonnements entre « domaines » et « fonctions », et aux incompréhension et lourdeurs de certaines politiques domestiques en matière de sécurité et de résilience pour cerner des politique publique qui peuvent servir de modèle afin de renforcer la capacité européenne en termes de réactions, et de penser aux différents lieux pour échanger informations et bonnes pratiques politiques pour définir des priorités communes sur la sécurité et la résilience et l’analyse de sa corrélation, au niveau supra,  avec l’ensemble des engagements internationaux de l’Union, les recommandations de l’OCDE, les résolutions l’ONU, les principes affirmés au G8 et les activités de l’OTAN. 

Durant la troisième session, le panel tentera de cerner le niveau de préparation et de réaction en Europe et, de façon prospective, de penser les évolutions possibles de la politique européenne dans les prochaines décennies. Il s’agira en particulier de cerner l’évolution de cette forme hybride de politique commune qui se construit car si la politique de sécurité globale au niveau communautaire semble devoir délaisser la stratégie de cadre contraignant afin de prendre en considération la réalité politique des Étatsdans l’approche  des instruments politiques, juridiques et économiques, à côté des instruments militaires traditionnels, les nouveaux risques et les nouvelles menaces n’appellent-ils pas toutefois une évolution ? Non seulement pour tenir compte de la nécessité d’une responsabilisation opérationnelle largement décentralisée dans le secteur privé mais aussi pour tenter de trouver les moyens de compenser l’inégalité d’expérience dans l’Union, le manque d’expérience cumulée face aux vulnérabilités, le manque de moyens, la nécessaire construction de passerelles pour accélérer le partage d’informations et assurer la coopération, la gestion de crise et la sécurité du citoyen face au surgissement de nouveaux risques et de nouvelles menaces.


[1] Déclaration des Chefs d’Etat et de gouvernement sur la sécurité de l’Alliancehttp://www.nato.int/cps/fr/natolive/news_52838.htm

[2] Kenneth Waltz, Theory of International Politics, Reading, Addison Wesley, 1991, Barry Buzan, People, States and Fear – An Agenda for International Security Studies in the Post-Cold War Era, Hemel Hempstead, Harvester-Wheatheaf, 2ème éd, 1991, 393 p.  Du même auteur, voir également : New Patterns of Global Security in the 21th Century, in International Affairs, 1991, 67 n°3,

[3] Voir pour cette évolution, Jean-Jacques Roche, Théories des Relations Internationales, Paris, Montchrestien, collection « Clefs », 4ème édition, 2001, Chapitre 1. Voir également : Charles-Philippe David, La Guerre et la paix – Approches Contemporaines de la Sécurité et de la Stratégie, Paris, Presses de Sciences Po, collection « Références inédites », 2000, Chapitre 1. 

[4] Yves Roucaute, Vers la Paix des Civilisations, chap..XVI, Paris, ed. Alban, 2008.

[5] Raymond Aron, 50 ans de réflexion politique, Paris, Julliard, 1983.

[6] Yves Roucaute. « Le transnationalisme comme programme de transition en épistémologie des Relations Internationales », in « Le Trimestre du monde », 3ème trimestre, Paris, 1991. 

[7] Buzan, B., « New Patterns of Global Security in the 21th century », in « International Affairs », 1991, 67-3

[8] Robert Gilpin, The Political Economy of International Relations, Princeton, Princeton University Press, 1987

[9] Susan Strange, « The Retreat of the State, The diffusion of Power in the World Economy », Cambridge, Cabridge University Press, 1996

[10] Yves Roucaute, « Mondialisation et sécurité nationale », Ecole militaire, Paris, 10 octobre 2009.

[11] Roucaute, Yves, “A scientific magazine thinking on the issue of global security”, in Cahiers de la sécurité, december 2009, Paris, p.5-11.

[12] Imre Lakatos, Criticism and the Growth of Knowledge, New York: Cambridge University Press, 1970,

[13] Nous parlerons ici de possibilité d’occurrence plutôt que de probabilité, car la notion mathématique de probabilité, stricto sensu, présuppose certaines propriétés qui ne peuvent être garanties pour tous les risques pris en compte ici. Si la notion de probabilité reste nécessaire pour certaines analyses formelles, elle n’est pas nécessaire dans cet exposé.

[14] Voir le dossier « Les organisations criminelles », in les « Cahiers de la Sécurité », N°7, Janvier-mars 2009

YVES ROUCAUTE : REGLER LA DETTE ET LA CRISE ?PERSONNE NE REDRESSERA LA FRANCE SANS UNE RUPTURE FRANCHE AVEC L’IDÉOLOGIE SUICIDAIRE DES ÉCOLOGISTES

Entretien : Atlantico. 1 juin 2025

Avec la proposition de loi Duplomb, la relance du chantier de l’ A69 et la suppression des ZFE, Marine Tondelier, la secrétaire nationale des Écologistes, estime que « nous vivons la pire semaine pour l’écologie depuis longtemps ». Selon le philosophe Yves Roucaute, auteur de « Aujourd’hui le bonheur » et de’ l’ « Obscurantisme vert » , Marine Tondelier « mène en réalité même un combat contre la raison scientifique et contre les Français ». Cliquer ici pour obtenir « Aujourd’hui le bonheur »

Atlantico : Marine Tondelier a affirmé ce samedi que nous « vivions la pire semaine pour l’écologie depuis longtemps » tout en accusant la loi Duplomb (visant à alléger les contraintes du monde agricole) d’être un projet « d’empoisonnement de la société » et une « croisade folle anti écologie » sans pour autant apporter le moindre argument scientifique concret à l’appui de ses propos. L’écologie est-elle devenue une sorte de culte neo-païen ?

Yves Roucaute : Marine Tondelier dénonce une croisade d’on ne sait quelle ligue anti écologie mais elle mène en réalité elle-même un combat contre la raison scientifique et contre les Français. Aucune étude retenue par le Parlement français, aucune référence mise en avant par les institutions européennes, aucun discours scientifique ne la convainquent de nuancer un peu le tableau apocalyptique qu’elle dresse de la situation sanitaire et environnementale en France.

Elle pointe sans ironie aucune les alliés français de Donald Trump que seraient les partis du bloc central en oubliant du reste que ses alliés Insoumis ont aussi soutenu l’abrogation des ZFE.

Face à une telle rage idéologique, seuls la lucidité et le courage peuvent nous sauver de ce que j’ai appelé ailleurs le F.F.F.E., « Faire la France plus Faible Encore ». Là où Marine Tondelier voit une semaine noire, je vois un timide espoir. Car ces dernières années, c’était l’idéologie écologiste anti capitaliste qui menait sans retenue le bal des élites sur une musique aux accents de marche funèbre de la France. Et cela bien au-delà de la gauche. Et cela bien au-delà de la question de l’environnement. D’où l’errance terrible de ceux qui, à droite ou au centre, aveugles sur ce qui se joue, ignorant les vraies sciences, ne comprenant pas les racines de cette idéologie, en dénoncent certains effets qui heurtent le bon sens, comme l’endettement et la violence écologiste, ou leur conscience, comme l’antisémitisme ou le transgenrisme, tout en la nourrissant inconsciemment. Or, une idéologie est un système ordonné de notions, de préjugés, de valeurs et, surtout, de représentations qui formatent l’imaginaire, comme des lunettes qui déforment la réalité. Et il faut constater que l’idéologie écologiste-wokiste, que l’on peut aussi appeler postmoderne, est devenue hégémonique. Née, dans les années 70, en France, portée par les postmodernes Michel Foucault, Gilles Deleuze, Jacques Derrida, Pierre Bourdieu et bien d’autres, marginale lors de son apparition en France, elle a trouvé un plus grand succès sur les campus américains sous la forme de la « french philosophy » où elle permettait de justifier les luttes des militants écologistes anticapitalistes, LGTB, pro-immigration, wokistes, des minorités… nourrissant les peurs, comme celle de la planète qui brûle, et la culpabilité, comme celle de la responsabilité de l’occident capitaliste et chrétien dans l’esclavagisme et le colonialisme. Puis, elle nous est revenue en France, puissante et bientôt hégémonique, comblant dans l’imaginaire de la gauche française, la débâcle des idéologies traditionnelles socialistes et communistes et dans celui de la droite et du centre, l’écroulement de la démocratie chrétienne et le vide culturel habituel de la droite depuis des lustres.

Ainsi, on peut critiquer la rouge écologiste (encore elle) Marine Tondelier qui défilait le 1er mai à Dunkerque pour soutenir des salariés d’ArcelorMittal alors que son idéologie est responsable des normes et des charges qui ont conduit la production d’acier brut à chuter en Europe, passant de 200 millions de tonnes en 1970 à 129 millions en 2024 et, en France, de 20 millions de tonnes à 10,7 millions, laissant la part belle à la Chine et à l’Inde. 

Mais LFI, les Verts, les communistes et les socialistes ne sont pas les seuls fossoyeurs de la France. Ils ne sont pas les seuls responsables de ce que la part mondiale des automobiles européennes soit passée de 35% à 20% et celle des constructeurs français de 12% environ à 1,5 %. Qui a imposé cette interdiction de ventes de voitures thermiques en 2035 que ni les USA, ni la Chine n’ont évidemment eu la sottise de programmer ? Qui a laissé faire à coups d’obligations et d’inquisitions la désindustrialisation massive et l’affaissement des exportations agricoles passées du 2ème au 7ème rang mondial tuant tant d’agriculteurs ? Qui a été incapable de mettre en œuvre le ruissellement des richesses vers les défis contemporains, préférant financer à perte des éoliennes au socle de béton plutôt que de favoriser les innovations au point de se trouver hors des douze premières places mondiales en biotechnologies, nanotechnologies, intelligence artificielle et, d’avoir chuté du 5ème rang mondial en PIB nominal au 7ème rang ? Et si l’idéologie n’aveuglait pas l’ensemble des élites comment ignoreraient-elles que le laxisme envers l’immigration et l’abandon d’une ferme politique d’assimilation, conséquences de cette idéologie écologiste-wokiste, conduit aux délits, aux crimes et aux incivilités qui nous coutent si chers et qui sont autant de richesses détournées de l’innovation ? …

Atlantico : Selon vous, s’attaquer à l’idéologie devenue celle des élites françaises et européennes permettrait de retrouver le chemin de la puissance comme celui de la fin de l’endettement. Nos maux sont-ils vraiment uniquement dus à cette nouvelle trahison des clercs ?

Yves Roucaute : Contrer l’idéologie de ceux qui voudraient déconstruire tout ce qui a fait notre grandeur comme notre prospérité est la condition essentielle de notre survie en effet, celle de la révolution des Temps contemporains que j’appelle de mes vœux avec mon dernier livre « Aujourd’hui le bonheur », une révolution qui est en marche dans les pays qui veulent continuer à participer à l’Histoire, des États-Unis à la Chine. 

Alors que la dette de la France atteint 3400 milliards en 2025, soit 114,7% du PIB, n’est-il pas curieux que pour la réduire rapidement de plusieurs dizaines de milliards et accélérer la croissance, nul ne songe à changer de cap ? Faudrait-il ne pas toucher à ces engagements climatiques qui nécessitent d’investir environ 100 milliards par an d’ici 2030 par crainte d’épuisement énergétique de la planète, exigeant l’amélioration énergétique des bâtiments, des transports prétendument « durables », des industries qu’il faudrait décarboner pour ne pas faire brûler la planète, d’entreprises agricoles qui devraient retrouver les modes de production de l’Antiquité sous prétexte que ce qui est chimique est pas nature mauvais ou suspect, d’énergies qui seraient renouvelables…

Prenons la fameuse question des énergies dites durables et renouvelables que non seulement des élites politiques et médiatiques nous vendent mais aussi nombre d’entreprises, plus ou moins cyniques, qui ont vu dans cette fantasmagorie un bon levier pour faire du profit, ne serait-ce qu’en profitant des aides de l’État, c’est-à-dire en siphonnant les richesses de la nation via les impôts. Si l’idéologie n’aveuglait pas, le bon sens permettrait de saisir que si le soleil ou le vent sont durables, ce n’est le cas ni des éoliennes ni des panneaux solaires qui durent moins que les moulins à vent de naguère lorsqu’elles échappent à la rouille, aux avaries et aux intempéries, environ 20 ans. Soit beaucoup moins durables que les centrales nucléaires qui durent de 30 à plus de 60 ans avec des extensions planifiées et moins que les gisements pétroliers, qui, pour les gisements conventionnels durent plus de 50 ans au moins, et pour les supergéants plus de 60 ans. Quant à les dire renouvelables, les générations futures désidéologisées riront de cette affabulation. Car si le vent ou le soleil persistent à produire leurs effets sans intervention humaine, comme le savaient jadis les constructeurs de girouettes et de moulins à vent, difficile de trouver une éolienne ou un panneau solaire qui se reproduit, même en les imaginant transgenres. (rires) Et avec un tel sophisme, puisque les atomes ne cessent d’exister, voilà les centrales nucléaires renouvelables et même ce que l’on appelle « pétrole », ces cocktails composés d’atomes de carbone et d’hydrogène, notamment via les carburants synthétiques. 

Une chose est certaine : ils sont si peu rentables qu’ils ne peuvent être installés sans aides de l’État et ils le sont bien moins que les autres manières de récupérer l’énergie sur terre.

Faudrait-il donc éviter de baisser l’endettement en sacralisant ces malus fiscaux dissimulés sous le nom de « bonus écologiques », ces normes environnementales qui empêchent développement industriel et recherches, ces obligations ridicules et couteuses comme celle, pour certains propriétaires, d’équiper les toits de leurs bâtiments de panneaux solaires ou de les végétaliser ?

Et que dire de cette si les élites, renouant avec l’esprit de liberté, décidaient de dissoudre ces comités d’experts qui coutent si chers et parasitent le pays, de cette Agence de la Transition écologique au Conseil économique, social et environnemental, du Conseil national de la Transition écologique à l’Autorité environnementale, dont le nom d’ « autorité » dit à lui seul toute l’imposture, jusqu’au Ministère de la transition écologique et de la Cohésion des territoires, incapable d’organiser un aménagement du territoire, tous ces organismes qui permettent les belles carrières des militants rouges et verts et la diffusion de l’ignorance ?

Comment ne pas s’amuser de voire la majeure partie des élus de droite et du centre se plaindre de l’influence de L.F.I. et des Verts, tout en envoyant le développement de la France sur les lignes des trains fantômes de leur « transition écologique », ersatz de la « transition socialiste » d’hier, nourrissant par leurs discours les croyances qui fomentent avec l’endettement, la haine de l’histoire de France, du capitalisme et de la démocratie libérale.

L’urgence n’est pas climatique, elle est de cesser de faire risette avec les idéologues qui, à la manière de la « sobriété énergétique » d’Elisabeth Borne signale l’ivresse idéologique bien au-delà de la gauche. Il est temps de briser les freins à la croissance, donc aux emplois et aux salaires, donc aux richesses qui permettent plus de bien-être et de recettes fiscales, au lieu d’ériger la boursouflure étatique en vertu. Et pour cela l’urgence est de former une élite politique à l’écoute du bon sens populaire et des vrais scientifiques, déterminée à imposer la libération de la créativité afin de reprendre le chemin du progrès, de la croissance et de la puissance…

Atlantico : Comment expliquer que les partis du centre ou de droite peinent à se dégager de l’intimidation idéologique que parviennent à imposer les partis ou militants de gauche ? Faut-il se résigner à l’idée qu’il n’y aurait que des personnalités à la Trump ou la Orban pour éliminer l’idéologie ?

Yves Roucaute. Le phénomène n’est pas nouveau car depuis trop longtemps droite et centre, craignant les foudres des idéologues, ont pris la mauvaise habitude de vivre dans la culpabilité et de ne pas réaliser la politique pour laquelle ils avaient été élus. Je note au passage, quand bien même cela me sera reproché par ceux qui ont une courte vue, que l’histoire de France retiendra néanmoins que l’on doit à François Bayrou non seulement d’avoir refusé tout ostracisme mais de nous avoir évité le pire, une sanction financière internationale et le chaos. Or, je tiens pour vrai que rien n’est pire qu’une guerre civile. Mais l’urgence de la situation appelle d’agir avec détermination pour sortir de la crise de légitimité actuelle et régler l’accumulation des problèmes vitaux non résolus. Et c’est cela qui, veut le désordre politique actuel, n’est pas possible.

À cet égard, la Trumpophobie est aussi déplacée que l’Obamania d’hier qui cherchait également à justifier les lignes de fuite face à la réalité. Est-il dont interdit de rappeler que Barack Obama n’avait rien à voir avec la gauche socialiste française, au point de refuser de recevoir ses leaders et de condamner leur idéologie socialiste ? Quant à Donald Trump, il est le Président élu des États-Unis, pas celui de la France, il veut la puissance de sa nation, pas celle de la France mais, sans porter de jugements sur ses actions, je crains que la trumpophobie ne soit seulement le cache-sexe certaines élites qui craignent que la politique domestique américaine qui affronte avec courage l’idéologie écologiste et wokiste ne donne quelques idées ici. Et je suis certain que beaucoup de Français pensent en leur for intérieur qu’ils aimeraient avoir un dirigeant politique aussi déterminé à défendre la France qu’il l’est à défendre les États-Unis ou que l’est Viktor Orban à défendre la Hongrie. Car c’est bien de courage et d’audace que nous manquons en France.

Mais, je le répète, la France a ses propres problèmes et, comme le disait justement Aristote contre Platon, un bon gouvernement agit à partir de ce qui est dans sa propre Cité, et non à partir d’un modèle idéal ou propre à ce qui se passe ailleurs. Et s’agissant de la recherche de puissance, il est clair que l’allié américain est aussi un redoutable concurrent, et que choisir le camp de la France est donc aussi choisir de l’affronter quand il le faut. Mais pour l’affronter il faut une volonté éclairée par les vraies lumières, celles qui mettent l’humanité au centre et non la planète, et qui s’appuie sur les sciences, et une nouvelle élite politique pour accompagner la révolution nécessaire.

Atlantico : Former aux sciences les cadres politiques serait donc un moyen pour balayer l’idéologie comme d’ailleurs vous l’écriviez dans L’Obscurantisme vert ?

Yves Roucaute. Oui, comme je l’ai démontré dans l’Obscurantisme vert sans jamais avoir été contesté et comme je le rappelle dans Aujourd’hui le bonheur, cette idéologie s’oppose totalement aux sciences. Mais il y a en France un problème de formation des élites politiques. Sortir des facultés de droit, de science politique, d’économie, de gestion et de lettres, toutes fortement idéologisées, rend inapte à affronter la nouvelle donne, cette mondialisation des savoirs qui conduit notamment à l’explosion des technologies et de l’intelligence artificielle, transformant le rapport à la nature, aux autres nations et à soi-même.

Les États-Unis n’ont pas ce problème car le pragmatisme est dans culture américaine et c’est un formidable antidote à toute idéologie. Même durant la période Biden, malgré l’administration idéologisée de Washington, les élites célébraient majoritairement le nucléaire et le charbon, les gaz de schiste et le pétrole, l’intelligence artificielle et les nouvelles technologies. Quelle différence avec la France !

Former les élites politiques aux sciences, voilà l’urgence. Cela permettrait d’engager avec succès la bataille idéologique.

Scientifiquement armés, ils pourraient ainsi défaire les discours idéologiques culpabilisants sur la planète et l’anxiété qui en découle, en défendant la scientificité des sociétés de géographie et de géologie qui constatent qu’entre 13°5 et 15° environ, les températures d’aujourd’hui n’ont rien de dramatique. Car depuis 4,5 milliards d’années hors glaciations, la plupart du temps, il a fait plus chaud, à la manière de l’époque des dinosaures qui vivaient avec 29° en moyenne, à celle de nos ancêtres de l’Éémien qui vivaient avec 4 à 9°C de plus qu’aujourd’hui, sans évoquer 2 milliards d’années où il a fait plus de 85°. Contre les idéologues vendeurs de culpabilité, se mettant du côté des sciences, ils défendraient les historiens non marxistes du Moyen-Âge, pour rappeler qu’il y faisait sensiblement plus chaud qu’aujourd’hui, sans capitalisme et sans révolution industrielle, tandis qu’il y avait deux colonies de Vikings au Groenland, qui signifie « terre verte », et que l’on cultivait des vignes dans le nord de l’Europe. Ils défendraient aussi les historiens qui étudient la sécheresse soudaine qui a exterminé en quelques mois tant de populations il ya 4200 ans, et aussi ceux qui étudient au néolithique ce Sahara qui, de vert, est devenu un désert, et aussi ces historiens et géographes qui étudient ce déluge violent et soudain dû au réchauffement du début de l’holocène. Au passage, ils pourraient rappeler, cette montée des glaciers en pleine révolution industrielle avant 1850, sinon les températures de 1947 sensiblement supérieure à aujourd’hui.

Ils pourraient encore ridiculiser ceux qui prétendent que l’énergie viendrait à s’épuiser en défendant la physique et les 1200 scientifiques et Prix Nobel de physique qui ont pétitionné pour rappeler pensent qu’il n’y a aucune urgence climatique ni crise énergétique à l’horizon de la croissance. Cela car l’énergieest inépuisable comme le sait tout étudiant qui a entendu parler, fut-ce vaguement, des particules élémentaires, de l’industrie nucléaire ou des nanotechnologies. Et ils pourraient même prouver que non seulement la planète n’est pas une Cosette mais qu’elle est une caverne d’ Alibaba comme le montrent l’explosion des biotechnologies et l’exploitation de l’hydrogène, élément le plus présent dans l’univers,75%, excusez du peu !

Et contre la peur vendue avec la transition écologique, ils pourraient soutenir la médecine pour rappeler que ce CO2, qui représente 0,0415% dans l’atmosphère respiré aujourd’hui, soit 415 ppm, n’est pas dangereux pour la santé et qu’il ne le serait pas plus s’il montait à 450 ppm et même au-delà puisque depuis 541 millions d’années, hors glaciations, la moyenne a souvent été de 3000 à7000 ppm, soit près de 8 à 17 fois plus qu’aujourd’hui, ce que nos ancêtres ont souvent connu. 

En chemin, ayant suivi les cours de chimie, ils pourraient prouver que le principal gaz à effet de serre n’est pas le CO2 contrairement à ce que prétendent les idéologues, mais la vapeur d’eau, entre 75% et 90%. Ce qui conduit d’ailleurs à ce paradoxe qui fera rire aux éclats nos descendants, que remplacer les énergies fossiles par l’hydrogène comme le proclament certains écologistes experts en économie environnementale et enastrologie, ne réduit pas les gaz à effet de serre puisque cette molécule produit de la valeur d’eau, donc des gaz à effet de serre.

Ils pourraient enfin démontrer aux écologistes qui ont raté les cours sur la biologie végétale, que vouloir traquer le « carboné » par des forêts et la végétalisation comme ils prétendent le faire dans les villes qu’ils gouvernent et quadrillent de leur docte ignorance, est d’une rare bêtise. Car la photosynthèse est une valse à deux temps. Si, dans un premier temps, les arbres absorbent le CO2, ensuite ils meurent et ils relâchent alors dans l’atmosphère à peu près la quantité de CO2 absorbée. Résultat : le bilan carbone des forêts est neutre. C’est pourquoi l’Amazonie n’est pas le poumon de la Terre tandis qu’Anne Hidalgo et ses amis obscurantistes,  auraient dû suivre quelques cours de science. Et la même science, la biologie, prouve que ce sont les cyanobactéries de la mer qui, depuis plus de 3 milliards d’années, permettent l’atmosphère respirable et non les forêts. Ces cyanobactéries dont le préfixe « cyano » signifie bleu sombre en grec et non vert. C’est pourquoi, il faut se réjouir que la Terre, cette caverne d’Ali Baba, ne soit pas verte, mais bleue, comme l’équipe de France. (rires)

Oui, former des élites nouvelles aux sciences et les entrainer derrière un dirigeant déterminé à aller vers une France libre et puissante, voilà la clef indispensable pour détruire l’idéologie.

Atlantico : Mais n’y a-t-il pas des instituts scientifiques, comme le G.I.E.C. qui s’opposent à ce retour de la puissance ?

Yves Roucaute. Il faut précisément former des élites aux sciences et à leurs méthodes pour qu’elles saisissent que le GIEC et ceux qui prétendent qu’il existerait un prétendu «consensus scientifique » autour de l’écologisme ne répond à aucun critère scientifique. Pas plus qu’il n’en existait après-guerre autour de ceux qui terrorisaient sociologues, historiens et physiciens au nom de la prétendue science de l’histoire marxiste et du matérialisme, jusqu’à nier toute scientificité à la biologie ou à l’informatique sous prétexte qu’elles n’étaient pas conformes à la dialectique matérialiste.

D’abord, ses 34 membres sont tous nommés par des chefs de gouvernement, dont ils sont souvent des parents ou des partisans. Or, dans aucun institut scientifique digne de ce nom cela ne serait possible.

D’autre part, 90% sont issus de l’« économie environnementale », du droit de l’environnement, de la sociologie… et les voilà qui discourent sur la nature et la climatologie. Or, aucune université au monde n’admet que la climatologie soit une science. Et aucun discours sur la nature ne peut être tenu par des gens qui, pour la plupart ignorent la physique. Car la science de la nature s’appelle « physique », du grec ancien « phusiké » qui signifie « science de la nature » et non « climatologie ».

Enfin, aucune théorie scientifique digne de ce nom ne peut maintenir ses hypothèses si celles-ci sont falsifiée par les faits. Certes, la plupart des hypothèses du G.I.E.C. évoquent une échéance catastrophique pour 2100, ce qui a l’avantage d’être invérifiable avant cette date. Néanmoins, une poignée d’entre elles sont vérifiables. Or, force est de constater que celles-ci sont alors toutes fausses. Car où est l’augmentation des eaux qui, de rapport en rapport, devait submerger les îles Marshall avant 2020 ? Le seul rapport de 2007 prévoyait pour 2020, l’hypothèse d’un réchauffement jamais vu depuis650 000 ans ! Et on est prié de ne pas rire quand ce rapport, avec chiffres graphes et statistiques à l’appui, prévoyait que d’ici 2020, entre 75 millions et 250 millions de personnes seraient menacées de mourir de faim ou de soif, que l’Asie, Chine en tête, aurait une montée de la mortalité et de la morbidité…et j’en passe. C’est le contraire qui s’est produit. Mais cela n’a pas empêché l’écologisme de se développer comme, malgré la réalité du goulag, le communisme après-guerre.

Cette idéologisation des esprits, en grande partie due au recyclage des marxistes d’hier, explique ces projections anxiogènes des instituts amis du G.I.E.C. qui promirent, il y a 3 ans, l’entrée dans une ère de sècheresses jamais vues avec des nappes phréatiques à sec. Depuis les nappes débordent et l’on a vu des pluies jusque dans le Sahara et d’innombrables inondations partout. Cela n’empêche pas certains expertsen climatologie de nier les faits.

C’est sans doute pour s’éviter les déboires de la confrontation au réel que certains instituts idéologiques de sciences humaines ont inventé l’hypothèse infalsifiable. Ce qui, au passage, est totalement contraire à l’esprit des sciences mais l’esprit de la planète mériterait bien cette messe. Il fait chaud, il fait froid, il pleut, il ne pleut pas : capitalisme et croissance sont coupables pour cause de « dérèglement climatique ». Des affabulations apparemment sans risque, puisque cela marche à tous les coups. Une prétendue « preuve » suffisante qui permet de tendre la sébile aux argentés apeurés.

Remarquez, même face à ce simulacre, un esprit qui serait habité sinon par l’esprit des sciences, au moins par le bon sens, pourrait révéler le pot aux roses. Il pourrait poser cette question pour vérifier la validité de cette hypothèse écologiste : s’il y a dérèglement, quel est donc ce règlement ? 

Il est, paraît-il, connu des seuls prophètes écolo-wokistes rouges et verts qui le gardent jalousement pour eux. Ce qu’Aristophane, se moquant jadis à Athènes des démagogues qui vendaient pareils pour obtenir des voix, appelait « attrape-gogo ».

Oui, il est temps d’engager la guerre idéologique. Et pour la diriger de trouver une personnalité qui prenne la puissance de la France et la libération des énergies créatrices au sérieux. Mais est-ce possible ?

Atlantico : Vous êtes favorable au progrès ?

Yves Roucaute. Oui, il faut cesser de concéder le mot « p r o g r è s » à l’extrême-gauche qui le détourne de son sens, alors que ce concept a été inventé par l’humaniste chrétien Rabelais, qui mettait la conjugaison des sciences et de la croissance, mais sans idolâtrie, au diapason de l’épanouissement individuel. Ce qui, après la seconde guerre mondiale, fut la position des libéraux, des chrétiens démocrates, de la gauche socialiste et, surtout, de Charles de Gaulle qui en fut un fervent partisan via la modernisation économique et technologique, de l’industrie aéronautique et spatiale au programme nucléaire. Il n’est pas anodin que ce fut ce même Charles de Gaulle, chef du gouvernement provisoire de 1944 à 1946, qui ait donné le droit de vote aux femmes, et non le Front populaire de 1936. C’est lui encore qui lança alors la sécurité sociale rassemblant autour de ce projet droite, centre et gauche, lui encore qui rétablit la démocratie libérale pluraliste et respectueuse des droits individuels en France… Appeler aujourd’hui « progressistes » des gens qui nient physique, géographie, histoire, archéologie, biologie… pour vendre leur « transition écologiste » contre le capitalisme, la course à la croissance et la libération de la créativité, est incohérent…

Atlantico : Vous êtes pessimiste ?

Yves Roucaute. À court terme, vu le désordre français, vue l’hégémonie de cette idéologie, je reste circonspect. Mais à long terme, mon optimisme est nourri par cette loi : l’idéologie est un pot de terre qui finit toujours par se fracasser contre le pot de fer de la vérité. Les sondages publiés par « Le Figaro » montrent un rejet grandissant de cette idéologie par les Français qui en constatent ses effets néfastes sur leur sécurité, leur bien-être, leur mode de vie, leurs valeurs, la puissance de la France. Souvenez-vous : l’idéologie marxiste qui avait gangréné bien des esprits dans l’après-guerre a fini par sombrer quand, au lieu de la crise générale du capitalisme annoncée, c’est la crise générale du modèle communiste qui est arrivée. De même, il me semble observer le début de la crise générale du modèle wokiste-écologiste. 

Le coup de balai a commencé aux États-Unis, et, avec retard, comme d’habitude, il commence à avoir un écho ici. Que 81% des Français se disent persuadés que les grands chantiers d’aménagement de territoires sont « utiles pour les citoyens et l’économie de notre pays » alors qu’ils sont dénoncés avec violence par les rouges-verts, le montre.

Certes, il reste encore beaucoup de chemin pour ranger au grenier, auprès de la « transition socialiste », cette « transition écologique » qui voudrait une rupture avec le capitalisme et l’histoire de ce pays. Mais j’ai confiance, le sens de l’histoire n’est ni celui du retour à l’idolâtrie de la planète, ni celui de l’enfermement de la liberté créatrice. La seule question est de savoir si la France a encore un rôle dans l’histoire du monde ou si elle deviendra un satellite des nations qui libèrent la créativité et créent les conditions pour favoriser la construction de cette Vallée de Miel que je décris dans « Aujourd’hui le bonheur » et que j’offre pour nourrir l’imaginaire d’espérance et interdire ainsi le retour de l’idéologie.

Yves Roucaute a publié « Aujourd’hui le bonheur. A la découverte du sens de la vie » et « L’Obscurantisme vert » aux éditions du Cerf. Cliquer ici pour obtenir « Aujourd’hui le bonheur » et ici pour « L’Obscurantisme vert ».

Entretien au Point : YVES ROUCAUTE : « J’AI TROUVÉ LA FORMULE DU BONHEUR : CRÉEZ ! »

ENTRETIEN dans Le Point (8 février 2025). 

Yves Roucaute a plongé dans l’histoire des civilisations et des spiritualités et affirme avoir trouvé la clé du bonheur. Il nous la confie. (Pour obtenir le livre et offrir le bonheur cliquer ici: Aujourd’hui, le bonheur)

Propos recueillis par Jérôme Cordelier.

« Créez, aimez-vous et soyez fier de vos créations car il n’y a pas de sotte création » explique Yves Roucaute. (La création d’Adam, Michel Angelo, Pixabay, Joeblack564).

Yves Roucaute n’est pas du genre gourou ou auteur d’ouvrages de développement personnel. C’est même un homme très sérieux : professeur des universités, agrégé de philosophie et de science politique, auteur de nombreux livres. Son dernier opus, publié aux éditions du Cerf*, risque d’en décontenancer quelques-uns. Tant mieux !

Au terme d’une longue étude des histoires des civilisations, des spiritualités et des humanités, le septuagénaire livre un récit initiatique qui prétend, finalement, avoir trouvé le secret du bonheur, rien que ça. Vous voulez en savoir plus ? Suivez le guide 

Le Point : Qu’est-ce qui vous a poussé à écrire ce livre à la forme de récit initiatique ?

Yves Roucaute : Ce livre, que j’ai mis trois ans et demi à écrire, répond à une question personnelle qui est aussi celle de chaque être humain : comment trouver le bonheur ? Car jusqu’ici, Voltaire avait raison, « nous cherchons tous le bonheur, mais sans savoir où, comme des ivrognes qui cherchent leur maison, sachant confusément qu’ils en ont une ». Oui, que de confusions entre bonheur, plaisir, joie, contemplation, béatitude, félicité, nirvana… Et comment affronter ces prophètes de malheur qui profitent chaque jour des malheurs subis par l’humanité pour vendre de la culpabilité à gogo et des remèdes pires que les maux ?

Yves Roucaute, Professeur des universités, agrégé de philosophie et de science politique. ©YvesRoucaute

Car quatre types de malheurs nous assaillent. Ceux dus à la nature, entre séismes et glaciations, éruptions volcaniques et réchauffements, virus et maladies génétiques… Ceux dus aux humains, qui, jugeant peut-être que cela ne suffit pas, ajoutent crimes, guerres, tyrannies, totalitarismes… Ceux dus à soi, de la condamnation du corps à la haine du « moi ». Et, fondement de tous, ceux dus à la croyance que la nature même de l’humanité serait coupable et damnée.

Pour dissiper ces brumes en moi, je me suis retiré du monde et j’ai écrit ce livre destiné à tous comme le carnet de voyage d’un vagabond, en quête de bonheur et du sens de sa vie, rencontré près de la fontaine Bethesda de Central Park, à New York, appuyé sur sa canne. À la manière d’un Sherlock Holmes, parlant comme vous et moi, il va de gare en gare, suivant l’évolution réelle de l’humanité, celle des sciences et des techniques, du développement économique et de l’art, de la métaphysique aussi, interrogeant sages, théologiens, philosophes, savants. À l’arrivée, et sans l’ivresse [rires], j’ai trouvé la maison avec la formule du bonheur, ici et maintenant, et pour tous : créez !

Ce faisant, j’ai aussi récolté en chemin les quatre clés indispensables pour faire reculer les malheurs, les quatre piliers de la vision du monde portée par la révolution des temps contemporains, qui, en rupture avec 2,8 millions d’années de pensée magique, met la créativité au cœur de la Cité. Ce qui permet de répondre à nombre de défis, comme celui lancé par le protectionnisme offensif de Donald Trump à une Europe qui préfère la course aux normes, aux interdits, aux taxes, au lieu de renouer avec la course à la créativité qui fit sa grandeur, de l’intelligence artificielle aux biotechnologies. Ce livre est tout à la fois un conte initiatique, la saga spirituelle de l’humanité en quête de bonheur et une recherche du sens de sa vie.

Vous avez vraiment trouvé la formule du bonheur ?

Oui, et j’espère que chacun en sera convaincu en suivant ce vagabond. Dans le livre, quand je le rencontre à New York, je suis en train de lire Voltaire, qui m’ennuie. Ce vagabond s’assoit à mes côtés, avec sa canne et sa besace, et il me propose du miel de la « Vallée de Miel ». Perplexe, je lui demande s’il s’agit bien de cette vallée du bonheur recherchée par l’humanité depuis des millénaires. « Oui », dit-il. Il me parle un peu, puis, me voyant intrigué, il me laisse ses carnets de voyage, que rapporte ce livre.

Tout commence à la station « état de nature », qui n’a rien à voir avec la fable de certains philosophes car il s’agit de la condition de l’humanité nomade d’avant les sédentarisations, il y a 11 700 ans. Dans cette gare, symboliquement située sur le site des fouilles archéologiques des gorges d’Odulvaï, en Tanzanie, il découvre la première clé du bonheur. Là, il prend l’Orient-Express, passant par les stations Sumer, hindouisme, bouddhisme, confucianisme, taoïsme, shintoïsme et Jérusalem, où il découvre la seconde clé. Prenant alors l’Occident-Express, il rencontre notamment Pythagore, Socrate, les sophistes, le formidable Aristote mais aussi l’incohérent Épicure, qui condamne patriotisme, luxe, jouissance sexuelle, mariage, vivant d’eau et de pain d’orge.

Il continue jusqu’à Paris, conversant notamment avec saint Augustin, Averroès, Thomas d’Aquin, Guillaume d’Occam, avant de déjeuner dans le Marais à la Taverne des Humanistes avec Montaigne, où il découvre la troisième clé. Il saute alors dans le Mondial-Express jusqu’à Londres, où il fait la fête au Café des Libéraux puis au Café Saint James des utilitaristes, avant de revenir à Paris, au milieu des manifestations violentes, se réfugiant au Café de la République, où il comprend pourquoi Victor Hugo a raison en disant que si Gavroche est tombé à terre, c’est la faute à Voltaire, le nez dans le ruisseau, c’est la faute à Rousseau.

Il repart vers l’Allemagne, rencontrant entre autres Kant, qui refuse le miel, Hegel, Nietzsche, qui lui donne le sens du miel, puis Bergson, avec lequel il dîne dans le restaurant où allait Goethe, avant de cheminer jusqu’à Buchenwald, où il découvre la quatrième clé du bonheur. Et c’est cette clé qui lui permet de pressentir la formule du bonheur. Car il découvre que ce qui distingue la nature humaine des autres vivants n’est pas l’intelligence, d’être Homo sapiens, car les mammifères en ont aussi, mais sa triple créativité, envers la nature qu’il transforme, envers les autres humains en créant des civilisations, envers son corps qu’il améliore jusqu’à traquer les maladies génétiques. L’homme est Homo creator.

Plus tard, arrivé aux sources de la Vallée de Miel, tout s’éclaire, il comprend que si sa nature est d’être créatrice, le bonheur ne peut être que dans la plénitude de la réalisation de soi, de sa nature, ce qui lui permet de communier avec l’énergie créatrice du monde. Il comprendra que son bonheur ici et maintenant tient en un mot simple : « créez ! »

« Créez, aimez-vous et soyez fier de vos créations, car il n’y a pas de sotte création, seulement de sottes gens. »

Les quatre clés du bonheur, quelles sont-elles ?

Le vagabond trouve la première dans l’état de nature. Face au malheur naturel, il faut dominer la nature et assujettir ce qui s’y trouve autant que possible. Mais il est insatisfait car avec les richesses, cette domination produit des rapports sociaux de domination, de la jalousie, des guerres. La deuxième clé, face au malheur dû aux humains, il la découvre par l’Orient-Express à Jérusalem : aime ton prochain comme toi-même. Seule condition pour éviter des paix que Thomas d’Aquin appelle « mauvaises », fondées sur des calculs d’intérêts qui ne durent que le temps de l’intérêt. Mais cet amour apparaît comme une loi extérieure au « moi » qui doit obéir sous peine d’être coupable, le regard tourné vers le salut.

Insatisfait, contre le malheur dû à la dévalorisation de son corps animé, il trouve la troisième clé à Paris, qui le conduit à s’aimer soi-même. Mais insatisfait, car le « moi » est aussi traversé de pulsions morbides, il trouve la quatrième clé à Buchenwald, contre Nietzsche et John Locke, songeant à Josette Roucaute qui a réussi à fuir la marche de la Mort à la sortie du camp, à Raoul Roucaute noyé dans les rires par les SS de Mauthausen, pleurant sur les enfants juifs de Buchenwald. Il saisit que la volonté peut être mauvaise, que la joie et le plaisir peuvent se trouver dans la destruction. Il découvre que la liberté doit être orientée par le « je » pour diriger l’énergie du corps vers la création et que ces quatre clés sont ses armes spirituelles pour s’orienter dans la vie.

Et comment se servir de ces clés ?

Le vagabond le découvre dès son arrivée dans la Vallée de Miel. Il voit une petite fille qui construit un château de sable. C’est la couverture du livre. Il se rend compte qu’elle a les quatre clés du bonheur et il se demande pourquoi, en grandissant, la créativité de cette petite fille est si souvent freinée ou détruite dans les vallées de larmes, pourquoi les bambins si contents d’entrer à l’école finissent par rêver d’en sortir. Il constate, lors de sa rencontre avec Albert, c’est-à-dire Einstein, qu’orientée par la première clé, la Vallée de Miel a bâti une école de la créativité et proclame avec humour : « Créateurs de tous les pays, unissez-vous ! » Une façon de se moquer de Karl Marx et de ceux qui croient que la richesse des nations vient du travail, voire de l’exploitation humaine. Et il découvre la volonté d’abolir le travail, ce qu’Aristote lui avait prédit en imaginant des robots car il savait que machines, animaux ou outils sont interchangeables dans le processus de production et que l’usage de l’humain conduit à l’aliénation et à la peine.

Et cela non pour faire des paresseux, mais, dans le refus de la confusion du travail et de l’activité, elle aussi signalée par Aristote, pour permettre à chacun de développer son activité proprement humaine, créatrice. Et il constate que plus la créativité s’exerce, plus les innovations se multiplient, plus s’accroit la richesse des nations, plus recule le malheur dû à la nature. Et le vagabond voit sous un arc de triomphe brûler la flamme de la créatrice et du créateur inconnus, tandis qu’au bout de l’avenue des Champs de l’humanité, il trouve un jardin consacré aux femmes prix Nobel. Sur l’exercice des trois autres clés, je ne peux m’étendre, mais toutes démontrent, comme la première, que la Vallée de Miel n’est pas une utopie, mais ce monde humanisé qui se construit sous nos yeux, avec, grâce aux clés, un recul des malheurs pour exercer la formule du bonheur.

Ne craignez-vous pas que l’on dise qu’il est un peu prétentieux d’affirmer que vous avez trouvé la clé du bonheur ?

J’ai beaucoup d’humilité par rapport à cette découverte. D’ailleurs, à chaque rencontre, le vagabond récolte dans la poche de devant de sa besace ce qu’il doit aux penseurs rencontrés. Et cette formule « créez ! » tient à notre nature créatrice, celle que nous avons reçue à la naissance, je n’y suis donc pour rien. Mais faudrait-il donc, parce que je suis Français, simuler n’être pas heureux d’une découverte qui a brûlé nombre de mes nuits et m’a fait vivre en quasi-reclus plus de trois ans ? La France est un pays curieux où ceux qui réussissent à créer sont souvent suspects.

Jadis, après une conférence que j’avais faite sur Max Planck, qui m’a tant influencé, lors d’un dîner, mon hôte charmant m’a demandé comment s’était passée ma seconde agrégation, et quel effet cela faisait d’être professeur des universités à 33 ans. J’avais à peine commencé à répondre sur la difficulté de l’épreuve en 24 heures, que je fus interrompu par un voisin qui me fit comprendre sans ambages qu’il fallait être prétentieux pour oser parler de ses succès. Je lui répondis avec humour, citant Montaigne comme dans ce livre, que, de toutes les maladies, « la plus sauvage, c’est (de) mépriser notre être » et que c’est « une perfection absolue et pour ainsi dire divine que de savoir jouir loyalement de son être ». C’est le mal français auquel mon livre apporte l’antidote : créez, aimez-vous et soyez fier de vos créations, car il n’y a pas de sotte création, seulement de sottes gens. Le conducteur aux gants blancs dit au vagabond qu’il n’a pas à s’inquiéter de n’avoir pas de titre de transport car chacun a droit gratuitement à ce voyage vers la Vallée de Miel et chacun peut voyager à sa façon pour donner du sens à sa vie.

« La créativité met en phase notre “je” transcendantal, avec l’énergie créatrice du monde, une énergie qui nous appelle à réaliser notre nature pour porter l’espérance de l’immortalité des bonheurs rencontrés et la charité. »

Quel est le message final de votre livre ?

Libérer la nature créatrice humaine. Si le vagabond est seul dans ce train à un seul wagon, c’est que le bonheur n’est pas une affaire d’État, il n’est pas « commun », comme le prétendait Saint-Just en justifiant la Terreur et comme le proclament encore les Maîtres de Vérité. Thomas Jefferson l’a bien vu en inscrivant dans la Déclaration d’indépendance américaine de 1776 que les humains sont « dotés par le Créateur de certains droits inaliénables ; parmi ces droits se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur ». Non pas le droit au bonheur que l’on pourrait réclamer à l’État, mais le droit individuel de le rechercher. Ce que le personnage de Peggy Guggenheim dit de façon claire en dévoilant la vérité de l’art et en saluant l’art contemporain : que chacun fasse de sa vie une œuvre d’art. Et cela se peut.

Il est autant de façon d’être heureux qu’il y a de façons d’exister, du savant à l’entrepreneur, de l’artiste au bricoleur, de la mère qui enfante à celui qui va porter le seau d’eau aux Cosette du monde. Et pour ceux qui iront jusqu’à la source avec le vagabond, entrant dans la dimension métaphysique de ce livre [rires], ils découvriront que la créativité met en phase notre « je » transcendantal, avec l’énergie créatrice du monde, dont je démontre l’existence, une énergie qui nous appelle à réaliser notre nature pour porter l’espérance de l’immortalité des bonheurs rencontrés et la charité envers nos frères en humanité. Mais je serais heureux si le lecteur s’amuse simplement de tous les secrets de ce livre, celui du miel, de la canne, des prénoms, des hommes en blanc, de l’Apocalypse… Et, s’il s’en tient à la trilogie découverte, celle du « je suis, j’existe, je crée » pour qu’il soit, à son tour, un défenseur de la créativité et un passeur de « l’aimer ».

* « Aujourd’hui le bonheur », d’Yves Roucaute, éditions du Cerf, 397 pages, 21,90 euros.YVES ROUCAUTE : « J’AI TROUVÉ LA FORMULE DU BONHEUR : CRÉEZ ! »

A scientific Review reflecting on global security 

Cahiers de la sécurité, Special issue, 2010.

Our choice of articles from last year’s « Cahiers de la Sécurité – Security Notebooks » shows that our Review continues to address the scientific developments made to cope with the problems of « global security ». Furthermore, the Review is open to all scientific researchers interested in developing this programme of research, subject to standard university article selection criteria. 

Our choice of paradigms demonstrates the distance covered and progress made in the areas concerned: an article on the theory of global security; on prison, which is classically considered as coming under the umbrella of « security »; the intelligence services, usually and traditionally included in studies concerning international and strategic relations; and sport, normally considered incongruous to the field of political science. 

It must be said that it is not always easy to adopt a scientific standpoint which goes against positivist thinking. For example, by reintroducing a form of hybridization or re-establishing the link between science and morals, which was pushed aside by modernism. There is still a great risk of continuing to use outdated and bankrupt paradigms and theories, even given the gnoseological impasses they have created. This is because of the fear that with a new notion of « global security » we will lose our reference points and bearings. A notion successfully expounded by Thomas Kuhn was that theoreticians of knowledge, or, as the French would say « epistemologists », are fully aware of the brakes put on any such « scientific revolution ». The benchmarks used by so many laboratories as the bases for their work and a considerable number of papers and texts which have been produced, are, in fact conducive to intellectual laziness and a lack of understanding. Moreover, they have a tendency to create friction and resistance from other interested parties and groups with different and rival paradigms. This resistance to scientific advancement is such that we seem to be losing more than we gain. For example, it is easy to imagine that a country with nuclear weapons is in a relatively comfortable position to defend its borders. It can easily make the distinction between internal and external, public and private security. Furthermore, its position facilitates international cooperation and tends to favour national egoism, power and force.

It is interesting to try and create ad hoc hypotheses to maintain the theoretical matrix. This can be done by trying to adapt it to the vulnerabilities brought about by globalisation, the development of new technologies, particularly nanotechnology, new risks and new threats. 

Even though it might have social consequences for some laboratories, in science it is important to have the courage to take this type of risk. In doing so, however, it is essential that we are fully aware of the insufficiencies of our approach in the elaboration of the disciplinary matrix, in terms of symbolic generalisations, metaphysical and heuristic models, values, methods and exemplary successes. Nevertheless, there are a certain number of elements in our favour: we have already put in place the disciplinary matrix and had a number of successes; scientific advances have been made; a new scientific community has been created, even given the hesitations and processes of trial and error involved, let alone the opposition it generated. All the components of a veritable science of «global security» are now in place. 

The review›s choice of scientific subjects was based on their specific contexts. How is it possible not to put global security at the heart of any reflection and simply think about it? Imre Lakatos would have said that the «conceptual context» constrains the open minded to make such a scientific choice. The development of information technology, computer science and nanotechnology, the fall of the Berlin wall and globalization, all seem to be nodal elements in a profound transformation of our conception of political space and the security of living space. These three phenomena have a number of visible consequences: the free-market system; the opening-up of political systems; the development of transnational communication companies which drive the exchanges in goods, people and signs; and the sudden emergence of new powers like China, India, Brazil and Indonesia.

This created a new dynamic, which in turn has itself created a number of important consequences. For example, developing a new conception of the way we think and live, or the way we look at space and time. But they could also drastically change many other things: the way we exist; our system of values; the way we organize work and labor; and even the roll of politics, meaning also the roll of the State, including even the State›s «regalian» functions. Lastly, and perhaps most importantly, we are forced to place human concerns at the heart of science. 

It is not anodyne that in this new world the concept of « global security » has taken a central role. It defines a set of problems and issues which did not formerly exist, when modernism imposed its own rules and regulations. They include, but are not limited to: State sovereignty; the classic conceptions of the external as opposed to internal, exterior and interior; the functional separation of security and defence; the mutual opposition or ignorance of the private and public sectors; « disciplinary » studies; looking for central control systems… In this new world the State becomes porous and fragile when faced with its vulnerabilities, risks and threats. Or, to be more precise: security, the natural rights of individuals to seek happiness, and the life of a nation, must be rethought to take into consideration the vulnerability and interdependence of the infrastructures, and the multipolarity of risks and the transnational nature of threats. 

This shows just how difficult it is to take a new approach to reflection, serious thought and consideration. The “Déclaration des Chefs d’Etat et de gouvernement sur la sécurité de l’Alliance – Heads of State and Governments Declaration on Alliance Security » of 4 April 2009, clearly indicates that rethinking security, introducing the dimension of globalization and conceptually rethinking strategy, are in fact the same objective. From the present reflections on NATO’s « strategic concept » to the questions raised throughout Europe concerning a real EU policy after the three pillars embodied in the Treaty of Maastricht were abandoned, all require that scientists react. But they must at all costs avoid the impasse created by old paradigms incapable of adapting to the new context and situation. 

This is why our Review is very open to research programmes which ask upfront questions in terms of global security. Furthermore, we stubbornly refuse to install the illusion of a continuum of paradigms and theories which refute the concept. Certain quarters attribute the origin of the concept of global security to the works of Kenneth Waltz and Barry Buzan, and the Palme commission in 1982, which evoked “common security” and taking into consideration a growing interdependence. It is also worth looking at the work of the Ramphal commission in 1992 on «global security governance», which was undoubtedly a precursor in this field. 

Nonetheless, all of the above is true, and also false at the same time. Intuition or recommendations do not constitute a real research programme. « Common security » is not « global security ». Unless, however, if you look at the work of Antoine-Henri de Jomini on the diplomatic element of the concept. Or even the reflections of Karl von Clausewitz on its political dimensions. In fact it is worth looking at the works of anyone who has considered as elements of power, the economy, demography, the state of mind, even of a country, or the announcement of a global security programme. Doing this though would completely miss the essential elements of the concept. 

It must be made clear that our Review takes the scientific stance of refusing positivism. We prefer to reintegrate a humane dimension and a humane humanity point of view at the heart of science. By taking this moral stance, we have created a universe where the three key concepts 

are global security, human security and sustainable development. In doing this we contribute to the progress of research programmes which place global security at the very center of their reflection. It must be said, however, that the terms of such programmes are not always well organized and their conclusions not clearly stated. 

Such research programmes do, however, have a prime characteristic. They question the classic, originally realistic, vision of things. Even though this vision has been « improved » somewhat by ad hoc hypotheses, it remained for a long time relatively hegemonic. It continued to produce research whose paradigm made the distinction between « internal » and « external », « interior » and « exterior », « security » and « defense », « public » and « private », « self-interest » and « morality »… with the corollaries we already know. These « improvements » resembled, to some extent, those in astronomy which permitted the geocentric theory of Hipparchus and Ptolomy to be preferred and maintained over the heliocentric theory of Galileo. They were, however, difficult to actually include in the theory or paradigm. To consider security in this manner is obviously inefficient for combating terrorism or breaking up organized crime networks. Furthermore, it does not justify any humanitarian intervention whatsoever to help cope with the risks, dangers and catastrophes involved. These ad hoc hypotheses sometimes permit the reintroduction of transnational and economic forces with a few advantages. But the schema remains weak for a State, subject or control center, in conformity with Thomas Hobbes’ model for the state of nature, or Jean Bodin’s theory of sovereignty, or that of Nicolas Machiavel for political games without morality, but with « virtù » and « Fortuna ». If Hans Morgenthau›s paradigm, or even that of Raymond Aron, explains the interest in taking into consideration the economy and globalization, it is worth noting that the latter comes too late to radically change the theory. 

The Review also looks critically at the transnationalist movement which dominated scientifically the weak realist movement for a number of years. It upgraded the transnational forces and reintroduced a dimension of porosity and insecurity into the political system. This gave sense and direction to any analysis of the non state actors. At the same time, however, it raised sufficient doubts about the plans of the competitor realists that the State, as a participant, saw itself reduced to the role of an « actor just like any other », or even less important. This led to such an impasse that the inventors of the theory were themselves forced to appreciate the situation and change to a neorealist scheme to once again try and save the State’s hypothesis. 

Even before the theoretical explosion correlated with the arrival of new technologies, security was already a pertinent and timely topic which opened the way to serious thought on the new situation. The neorealist model had, in part, been created by the authors of the transnationalist model. Like Barry Buzan, it was capable of facing up to modern challenges. It included a number of theories which started to provide answers to the ongoing changes by reintroducing new transnational features. The International Political Economy, where the State plays a central role, is prevalent in the work of Robert Gilpin, for example. On the other hand, Susan Strange demonstrates that power should be diffused, insisting on the roles of economic and financial structures, and the difficulty of the State to ensure security and justice and protect wealth and liberty. It also believes that security can no longer be considered just in terms of the military and police, and that it is legitimate to also take into consideration its economic, cultural and environmental dimensions. 

But the new situation required even further changes, expressing a new set of problems and issues, new values and concepts and investigative resources. Moreover, it became necessary to get away from the too disciplinarian vision of security. It needed to be considered not in terms a specific territory, but in terms of its population and inhabitants, and their solidarity with other citizens in other nations. This was essential if we were to respond scientifically and efficiently in terms of resilience, risks, menaces and threats. For example, terrorism, AIDS and the Chernobyl radiation cloud did not stop at border customs controls. 

These concepts are at the heart of our Review, and they must be at the center of any research programme which looks at global security. Nevertheless, the concepts of vulnerability, risk, menace and threat still need to be defined clearly. 

Vulnerability cannot be explained without going into detail about a particular part of a system. Furthermore, the term vulnerability itself means the existence of a possible change in the system which could be used to undesirable ends. It does not necessarily emanate from a design or operational error, but from a necessary part of the way the system works. 

Risks can be distinguished from threats by their contingent aspects: accidental and unintentional, whether of human origin or not. A threat reflects the presence of a phenomenon, organization, or individual. Such an element can exploit a particular vulnerability to influence the behavior or functioning of a system for its own purposes, thereby altering the system’s original objectives.

The notion of risk is only valid if it relates to a particular thing, in the largest sense of the word. It could be something material or something spiritual rather than physical, like a reputation, or a service. A particular risk concerns a particular event. It is generally considered as a combination of the possibility of something happening and the quantification of its impact on the subject in question. 

Once these three central concepts have been defined, the research programmes concerned with global security can concentrate on those fields which have particular characteristics, or « explananda », or generally recurrent series, which enable a hypothesis to be verified. These « domains or fields », defined as vulnerability, risk and menace or threat, are also limited and defined by their particular dynamic forces. They are studied in the « dossiers, papers and articles » published in the Review, as well by the Institut National des Hautes Etudes de Sécurité et de Justice – the National Institute of Advanced Studies in Security and Justice, of which the Review is part, as well the Review’s affiliated laboratories. 

We can start by defining those domains of fields concerning the concept of the « menace or threat », being those processes provoked by human desire. 

The security of a nation, a social group or an individual, can be the target for attacks by malevolent, fragile or bankrupt states during a high intensity conflict. Such attacks can take the classic forms of aggression. But such aggression can also take new forms, for example by attacking digital communications networks, destroying their infrastructures or physically taking control of them. In the same way, they can attack and destroy groups or companies involved at the very heart of a country›s security. They can also take control of management structures and even managers, engineers, technicians and specialists working in the security and control areas of digital IT networks. 

Other threats must be added to this classic example, which has been « revisited » by the notion of global security. For example, the threat of asymmetric wars, not simply limited to radical Islam. Unfortunately, they can also be coupled with high intensity conflicts. Terrorism itself is a hybrid phenomenon with multiple facets, which can only be studied in a hybrid and multidisciplinary manner. These types of threats can be particularly devastating and lethal if they combine to attack communications networks, their vital infrastructures and operating staff and management. They are often associated with organized crime, both in terms of resources and objectives. Furthermore, such attacks can hit multiple targets at the same time, in different locations, in very short time horizons. They can originate from and be based inside the targeted country, or be somewhere else completely. By this they add an unpredictable, transnational and multipolar dimension to the incertitude of their actions. This forces the target to conceptualize not just in terms of protection and anticipation but also in terms of the best forms of resilience. Terrorism has a trans-disciplinary dimension. This is why it is often the subject of the articles and papers published in the Review. We have decided, therefore, to publish a special comprehensive and in-depth article on Terrorism in the near future. 

Global security must, therefore, take into account the menace of new forms of organized crime. Obviously, organized crime is not something new. But, as shown in the special edition of the Review on the subject, the global economy and the globalization of international law has changed the situation qualitatively, and not just quantitatively. Digital information networks and the Internet are virtual spaces where criminals can become organized and develop their activities, from selling adulterated medicines to setting up pedophile networks. Drugs, arms, human trafficking, immigration, piracy, there are very few global security threatening criminal activities which have not developed and expanded on the Internet and in digital information networks. Some of them were even created specifically for this medium. Furthermore, they are often based in different countries and time zones from their targeted activity. We have covered these developments in our articles on organized crime, the illegal drugs trade and human trafficking, and have quoted various extracts from these articles in this paper. 

Global security must, therefore, take into account the menaces from « soft power ». Imagination is at the heart of both security and insecurity. This is where a country’s government, authority, legitimacy, law and culture are undermined by sundry political associations, parties and groups by using the media and the Internet. Such threats initially try to destabilize state authority in zones of influence. Often, they use the Internet to network disinformation and mobilization. Government or state policies can be targeted by attacking their support bases, for example the support for global security policies. In essence, both public and private research centers, companies and State authorities and administrations can be subject to espionage. This is why our Review has put the question of imagination at the center of its reflection on this subject. 

Global security also means real « cyber » threats which can define new territories by transforming living areas without destroying anything. We have included some extracts from the issue « New territories for security » where they demonstrate scientifically that believing that new virtual spaces will eventually lead to the abolition of local living areas and human territorialization is purely an illusion. Mobile phones, global navigation satellite systems, wireless networks (Bluetooth, WiFi, WiMax), Internet, IT systems, routers, computers, land-line telephones, TV decoders, Personal Digital Assistants, operating systems, computer programs, and digital social networks are all services used in daily life in our towns and cities. In fact, nowadays very few activities can escape or avoid using such networks, particularly vital and essential services. Individual threats, destroying a system, group threats (groups, states, countries), industrial espionage, destruction of material or immaterial goods, cyber-attacks against basic infrastructure whether vital or not, can take various forms, such as a virus, Trojan horses, phishing, hacking, botnets. They can also be coupled with destructive attacks on decision making centers. Cyber-attacks can be made against individuals, management, companies or even whole countries. For example, country wide or national cyber-attacks were made against Estonia in 2007, and the French army in 2008. Companies are attacked every day around the world. Large attacks are often covered in the media: for example, the attacks on Twitter and Google at the beginning of August 2009. Most attacks, however, are never reported in the media, to the extent that such threats are now considered banal. The actual cyber-attacks, however, are constantly increasing in complexity and intensity. They are normally carried out for financial gain or for political reasons. Having become formidable and much feared weapons, a market has been created where attackers, and those in fear of being attacked, are prepared to invest and spend considerable amounts of money to achieve their objectives. The particular targets involved are computer system vulnerabilities, faults in computer security systems and faults in design and configuration. It is understandable, therefore, that our Review regularly revisits this highly sensitive subject. 

Taking into consideration global security also means appreciating the risks involved. Once again, the « Cahiers de la sécurité – Security Notebooks » takes this subject very seriously in its treatment of the issues involved in global security. 

These risks are, in the first place, those directly linked to globalization. Scientific and technological development have reduced and relieved suffering and permitted countries to also reduce misery and poverty, such as China and India. But such developments also bring dangers which, for the time being are unknown. Human error can have disastrous consequences in all walks of life: whether in the nuclear industry, in medicine, in transport or water management. The increase in the purchase and sale of goods over the internet, the proliferation of financial transactions, the invention of financial tools linked to new technologies, all bring their element of risk, which may be dangerous locally, regionally, nationally or internationally. A good example is the present global financial crisis. Insecurity is increasing, whether due to a lack of controls, a lack of ethics or simply by accident. 

Global security also means taking into consideration health, food and transport risks. In general, risks increase with globalization. Whether the risks of a pandemic disease, health problems linked to natural catastrophes or armed conflict, the effects of irresponsibility concerning the sales of all sorts of food products over the Internet, and similarly, even the sale of medicines. Even the transport of goods by air, sea or land, which have to some extent become safer, run the risk of human error and the structural vulnerabilities of the Internet, digital information networks and computer systems. 

Global security must also take into account environmental and technological risks. Natural and industrial catastrophes, demographic evolution and population flows, toxic emissions… The Review published a special edition covering these topics. Certain elements of global security find a correlation in the security of digital networks. They are often the source or cause of environmental and technological insecurity, but are always at the center of crisis management. 

The Review made a corporate survey which showed that if a conceptual distinction needs to be made between risk and threat, it could lead to a lethal dynamic. Which is worrying from a scientific stand point! A terrorist group could try and bring about a health crisis by using biological weapons, such as bacteriological or virological weapons. This type of operation could easily be organized via the Internet. Any use of weapons of mass destruction, whether biological, chemical or nuclear, could generate all sorts of risks, both natural and human, and have a devastating effect on the population. Digital networks are at the heart of any risk prevention or management activities, but as vital elements of the infrastructure, they are also potential targets. 

The Review has shown that even faced with these risks, menaces and threats and in this context of new vulnerabilities, research programmes exist which take global security seriously and prove the existence of new actors. 

It is certainly the case that the classic institutions involved in security still remain influential: elected politicians, the army, the Gendarmerie in France, the police and the judiciary. The generators and perpetrators of insecurity arising from these « menaces and threats » are also, in turn, the subject of classic analyses and studies: different political groups, dangerous states and countries, terrorist groups, sects, the Mafia, malevolent individuals or companies involved in espionage or intelligence services. But the conception of global security renews the studies of these actors and analyses the rhizomatic structure of their relationships and systemic connections with the global network. At the same time, and in the same perspective, other actors of security and insecurity are also analyzed. 

The first actor to be « recreated » is the world of associations and organizations. Churches, consumer organizations, environmental organizations, NGOs, trade unions… all play a major role. In the new scientific conception of things, they are no longer considered as separate entities but as domains and elements capable of working together in a crisis context. For example, they may be involved in crisis or post crisis management, or organizing forms of resilience, both for and against, or involved in local AND virtual spaces and activities, whether in an official, local or transnational capacity. Their presence, particularly via Internet networks, and activities can be studied to see how they approach security using « soft power ». On the one hand are the spiritual phenomena they induce, and on the other the motivation or demotivation they might encourage. 

The second recreated actor is the corporate sector, both private and public. The increase in the number of security companies is a major specific subject in scientific studies of global security. It is a sign and symptom of the business and the public sectors› decision, and need, to externalize their security requirements. Furthermore, it is particularly revealing about the new situation and conditions experienced by countries and states: the new conception of sovereignty, the development of hybrid forms of security, the evolution of certain hybrid political structures, such as the European Union. Other companies, however, can be actors of insecurity. They are often linked to industrial or political intelligence and are themselves victims. This provides them with a major role in the reflection and consideration of corporate security, either due to their specific activities, or the attacks they have sustained themselves; for example, the Valéo affair in 2005. Because of their particular business sector and development, many companies have purposefully reconsidered their approach and the resources they allocate to the security of their activities. This might also include the security of their personnel, their research activities, patents and intellectual property and even their computer and Internet systems. The State is also interested in providing security to both the public and private sectors to protect its authority and activities. This is particularly the case when private companies are involved with vital services and infrastructures. Such a situation provides an interesting opportunity to study the convergent and conflicting interests involved. Private and public security policies can be analyzed to demonstrate their efficiency and coherence. It is not surprising, therefore, that various editions of the Review have invited both public and private sector researchers to try and define public policy. 

The new scientific conception of security has helped and boosted researchers involved with global security in both public and private research centers. These actors can provide both new concepts and new methods. They can also produce patents and intellectual property, which are motors for development and job creation. Historically they created the Internet, computer systems and digital information networks, which they continue to modify and develop. Unfortunately, this puts them at the center of commercial and technological competition and warfare, and makes them a focal point for political and military conflict. Their work consists of devising and using abstract, mathematical or physical models, creating databases, exchanging information and debating with other laboratories or research centers. The Internet, computer systems and digital information networks form an integral part of their activity. Not only did they create them, but they, in turn have now become key elements in the progress and development of science. This is why research centers and laboratories play an ever-increasing role in the Review’s collaborative activities and management. 

Global security and globalization require strengths in mediation and communications. Given the pressures such menaces and threats apply to a nation, the spirit and mood of the population is key to coping with global security, as it was previously with other forms of security. Alerts, manipulation, information, disinformation, the roles of certain institutions, motivation, demotivation: the classic resources and methods born from Gutenberg›s genius, as well at digital information networks born from the technological revolution, all have an effect on a country’s spirit and mood. E-mails, blogs, social networks, on-line diaries, TV online, cell phones: they all play a major role during a crisis, from prevention to management. Furthermore, scientists now witness the sudden appearance of a public « opinion », which can be local, regional, national and even global. It can intervene directly or indirectly via elected representatives, and can concern subjects as diverse as a company or an affair of state. 

The issues raised by global security require that « revisited » international and regional actors are taken into account. Global security must also be combined with human security and sustainable development. Everything must then be networked on a global basis. Examples of the use of this strategy are the UN, NATO, the European Union, the North American Free Trade Agreement… as well as organizations such as the International Organization for Standardization and the International Electrotechnical Commission. The Review will cover this problem in a future edition. 

These issues raised by global security require and impose not only new and revisited concepts and actors but also new methods of research. There can be no resilience without foresight and the prior application of the necessary resources to manage the unforeseeable or unpredictable. This requires using the hybridization of skills and interdisciplinarity as the keystone for future knowledge. 

To be convinced, one has only to think of all the different actors concerned and involved in a health scare or crisis. As well as the different health specialists such as general practitioners, hospital doctors, pharmacists, biologists and nurses… we can add the state services such as the health and social care services, and, in France, the Prefectures… Then there would be the military, including the military health service, and a plethora of specialists either directly or indirectly involved, such as psychologists, sociologists, lawyers, political scientists and politicians, transport and travel specialists, teachers and journalists… From this we can see that a health scare, what we thought was a limited phenomenon, can in fact take on a global aspect and require a global response. 

The methodology dictates, therefore, that a hybridization of skills takes place and is used. No one can carry this out alone and no discipline can manage it all on its own. Once achieved, the conditions can then be created to analyze infrastructures, find vulnerabilities, particularly by intrusive prospection, take preventive action, make reactive system models and create processes to develop resilience. 

The objective is to create a scientific community which is an « open society », as succinctly expressed by Bergson and then used later by Karl Popper. A humane society open to humanity, with its own ethical and scientific demands and requirements, with a touch of spirituality Remember the hatred which manifested itself during the 20th century, emanating from certain states supposedly considered as the most «progressive» on the planet, such as Germany, Austria, Italy and Japan. Then there was the toll of positivism and productivism based on the present sacrifices, it ruined humanity’s future. These events remind us of Francois Rabelais› phrase from his book Pantagruel: that « science without a conscience is the ruin of the soul ». 

Global security is an empty dream if it does not have a number of important caveats, such as, important social development in poor suburbs, and compassion for all democratic countries. It must also take into account sustainable development through a transnational vision. But most importantly it must provide security for humanity through the universal perspective of a humane society with humanity at the center of scientific progress and development. 

©YvesRoucaute 

Full University Professor, Paris X, Director of Cahiers de la sécurité 

Le Mode de Vie à la Française, 2024, est publié

Le Mode de vie à la Française est publié en couleurs, disponible en français et en anglais sur Amazon et Contemporary Bookstore. Pour le e-pub, 21 €, cliquer ici : Le Mode de Vie à la Française, version numérique.

La « French Way of Life » existe, le philosophe Yves Roucaute l’a rencontrée et il s’en amuse. Une enquête à la Sherlock Holmes pleine d’humour et de saveurs, pleine d’ironie aussi. Une enquête qui commence par raconter la journée type du Français par le sens caché du petit déjeuner sucré, de ce croissant croustillant, qui célèbre innocemment la victoire contre les Turcs, de la madeleine et saint Jean de Compostelle, de la tartine beurrée et de la confiture… avant de poursuivre pour expliquer le sens des déjeuners, de l’apéritif, des dîners, des soupers… une quotidienneté marquée par l’influence d’une culture judéo-chrétienne et laïque venue du Moyen-Âge et de la Renaissance.

Il nous promène ensuite vers les arts français de la table : comment mettre la table, pourquoi le couteau à droite tourné vers l’assiette, pourquoi la fourchette, dans quel ordre poser les verres, pourquoi le vin et le pain, pourquoi la nappe, quels vins choisir ? Il ne se contente pas de décrire mais il donne le sens de tout ce qui paraît anodin et qui est pourtant chargé d’histoire. Il met à nu le style français qui étonne souvent, ainsi ces chapitres sur les règles de politesse françaises quand on est invité, sur le langage secret des fleurs… Nous pénétrons dans l’univers de la mode, depuis l’invention de la mode depuis le jeans et le t-shirt jusqu’à la haute couture et nous continuons par le statut de la femme, avec l’invention de la galanterie et l’influence jusqu’à nos jours de l’amour courtois, la sexualité française et l’amour, qui différencie érotisme et pornographie et révèle le sens de  » faire l’amour ».

Le philosophe nous conduit ensuite à la découverte de cet empire de 11 millions de km2 qui diffuse ce mode de vie, présent sur les 5 continents, de Tahiti aux îles Kerguelen, de la Corse à la Guyane, né de la concurrence sur les mers avec les Espagnols, les Portugais, les Anglais les Néerlandais.  Il nous raconte en chemin la véritable motivation de ces conquérants des mers, le panache et la curiosité plus que l’appât du gain. Puis, il nous prend par la main pour nous révéler l’influence sur la construction exceptionnelle de la nation française, l’histoire de France, depuis les Gaulois jusqu’à Clovis et Charlemagne qui l’ont constituée comme première nation civique du monde, fondée sur l’assimilation des valeurs. Une balade qui se poursuit entre Marianne et son coq, terrible et vaniteux, entre les incessantes querelles de clocher et le goût de la justice sociale et de l’égalité, jusqu’à la Terreur et Bonaparte, mais aussi jusqu’aux soldats de la liberté et Charles de Gaulle. Une histoire qui démêle la passion des droits de l’Homme et de la liberté aux tentations colonialistes et à l’esclavagisme et qui révèle la faiblesse de la France d’aujourd’hui, qui, comme toute nation fondée sur son modèle, sur l’assimilation des valeurs, est menacée de mort quand le communautarisme et les forces antirépublicaines dissolvent les liens éthiques sans que Marianne n’use de son glaive pour els protéger.

Une formidable promenade où, après avoir pisté la séduction culturelle de ce pays malgré ses crises et ses ambiguïtés, nous est révélé le secret de la potion magique française.

Jean de Jalcreste.

Fascisme

Fascisme et nazisme, ces idéologies dites d’extrême-droite alors qu’elles sont nées de l’extrême-gauche révolutionnaire

Depuis 1945, le fascisme serait d’extrême droite et très éloigné de la gauche et de l’extrême gauche.

Curieusement, depuis 1945, il paraît que le fascisme serait d’extrême-droite. Autant dire, à des lieues de la gauche, à l’opposé de l’extrême-gauche et, finalement, pas loin de la droite. Certes, le lapin « fasciste » sorti du chapeau de la gauche n’est pas toujours le même, du « fasciste » Charles de Gaulle au « fasciste » Ronald Reagan, mais la gauche, c’est certain, trône sur le mont Vertu quand il s’agit de faire obstacle au « fascisme ». Oui, avec elle, « le fascisme ne passera pas ! », et elle le prouve ! Elle est enfin unie avec l’extrême-gauche de Jean-Luc Mélenchon qui légitime avec tant d’ardeur antifasciste le viol du droit et les violences physiques contre les agriculteurs, les industriels, les gendarmes…qui insulte et diffame ses adversaires… qui menace le pays de désobéissance civique si le résultat des élections ne lui convient pas… qui célèbre la haine sociale, antilibérale, anticapitaliste, antidémocratique et antisémite. Formidable spectacle où les socialistes qui ont « effacé » les Léon Blum et Michel Rocard, sont rejoints dans la lutte « antifasciste » par les Emmanuel Macron et Gabriel Attal qui ont, par un savant calcul technocratique astral, découvert la vertu de soutenir des « antifascistes » qui jugent que violer, éventrer des femmes enceintes, découper des bébés étaient des « détails », puisqu’ils ne sont que juifs. Ah ! la vertu…

Mais, au fait, le fascisme, c’est quoi exactement ? Et, pendant que j’y suis, qu’est donc cette extrême-gauche de l’ex-trotskiste Jean-Luc Mélenchon ?

.Fascisme ? Une idéologie de l’extrême-gauche socialiste

Hélas ! pour le mythe, avant la seconde guerre mondiale, nul n’ignorait que ni le mot « fascisme », ni l’idéologie, ni le mouvement ne sont d’extrême-droite mais bel et bien des produits de l’extrême-gauche socialiste. Oui, une invention du leader de l’extrême-gauche du Parti Socialiste Italien, Benito Mussolini qui fit rapidement des émules.

Ainsi, prenez la France. Le parti hitlérien, Parti Populaire Français, est créé le 28 juin 1936 par un… communiste. Pas n’importe lequel : le N°2 du Parti communiste, le plus populaire de tous : Jacques Doriot, député-maire de saint Denis. 400 000 membres. Il est d’ailleurs concurrencé par le Rassemblement National Populaire, créé par Marcel Déat, député… socialiste « S.F.I.O. », puis du « Parti socialiste de France-union Jean Jaurès » puis dirigeant de l’ « Union Socialiste républicaine », jusqu’en 1940, qui est aussi ministre de l’air du gouvernement radical socialiste Sarrault, et, après avoir été battu aux législatives, il soutient la chambre du Front Populaire qui votera les pleins pouvoirs au maréchal Pétain… tandis qu’un homme de droite, proche de la droite monarchiste, un certain Charles de Gaulle, leader des antifascistes, appelle à la résistance.

Partout, la même origine : des groupuscules fascistes aux États-Unis, au Parti des Croix fléchées hongrois qui prit le virage fasciste, en 1937, pour « libérer les travailleurs hongrois des griffes du capitalisme féodal et de la juiverie », jusqu’en Angleterre où le parti fasciste, l’Independent Labour Party, est construit par sir Oswald Mosley, leader de l’extrême-gauche du parti travailliste.

Je sais qu’il est de bon ton d’« oublier » qu’Adolf Hitler est le coleader du Parti ouvrier allemand d’extrême-gauche avec Anton Drexler, parti qui se réclame ouvertement du « bolchévisme », le courant du communiste russe Lénine. Et, attention au mécréant qui se souviendrait qu’il a fondé ensuite le Parti allemand des travailleurs nationaux et socialistes » dont la philosophie est résumée par Goebbels, dans Revolution der Deutschen : « Quel est le but du socialisme allemand ? Il veut que dans l’avenir de l’Allemagne il n’y ait plus un seul prolétaire. Quel est le but du nationalisme allemand ? Il vaut que dans l’avenir, l’Allemagne ne soit plus le prolétaire de l’univers. Le national-socialisme n’est pas autre chose que la synthèse des deux ».Un parti dont le drapeau est rouge avec le svastika, pour dire la radicalité d’une révolution qui veut construire l’homme nouveau de l’Ordre socialiste nouveau… D’ailleurs, il faut dire « nazi » pas « national-socialiste » quand on a bien appris sa leçon.

Ainsi, pas un n’est né à l’extrême-droite, qui existe aussi pourtant dans tous ces pays. Puissante d’ailleurs, comme en France, depuis la révolution française. Mais, après-guerre, elle est « effacée » de la mémoire politiquement correcte cette extrême-droite monarchiste, conservatrice, partisane du retour à l’ancien régime, contre-révolutionnaire. Adieu l’extrême-droite réelle, bonjour l’extrême-droite fasciste fantasmée.

Ce qui permet l’autre déni du réel : né à l’extrême-gauche, le fascisme y est resté. Un cousinage dont, après-guerre, incapable de nettoyer devant sa porte, la gauche socialiste française a cru pouvoir se débarrasser en trafiquant l’histoire… non sans retour du refoulé comme on le voit de nos jours…

2. Benito Mussolini : l’origine des tensions socialistes entre fascistes, sociaux-démocrates et communistes…

Au commencement donc… est l’inventeur du fascisme, Benito Mussolini. Qu’il soit d’extrême-droite aurait d’ailleurs fait rire aux larmes l’agent Emery, qui l’arrête, en août 1902, à Lausanne, et qui, en le fouillant, trouve sur lui une médaille à l’effigie de… Karl Marx. Jeune, après ses premières violences révolutionnaires, il avait dû fuir l’Italie pour la Suisse où il découvre celle qui sera sa conseillère, Angelica Balabanova, amie de Lénine ; Lénine la cite d’ailleurs le 15 juillet 1912 comme celle qui conduit la révolution en Italie.Son accord avec les léninistes est alors complet.

Dans la grande tradition des révolutionnaires, il écrit un pamphlet athée, Christ et Citoyen, et il collabore aux journaux révolutionnaires Il Proletario et Il Lavoratoro. Amnistié en 1904, il revient en Italie, fait son service militaire et devient enseignant. Mais, il est licencié pour ses appels à la violence révolutionnaire contre les « exploiteurs » et lui-même est emprisonné à deux reprises pour avoir frappé à coups de gourdin, son arme favorite, des « bourgeois ». Devenu populaire par la véhémence de ses discours et sa justification de la violence révolutionnaire, il est nommé rédacteur en chef du journal socialiste, l’Avvenire dei Lavoratori où il théorise l’idée que l’Italie est une « nation prolétaire » opposée aux nations « ploutocratiques ». Toujours conseillé par Angelica Balabanova, il obtient un immense succès au congrès de 1912 du Parti socialiste où il parvient à faire exclure le chef des réformistes, Leonida Bissolati. Devenu directeur du journal officiel du parti socialiste, L’Avanti, devant un congrès socialiste enthousiaste, en 1914, Gaetano Salvemini l’appelle « notre guide », notre « Duce ».

La grande famille des socialistes est encore réunie, à l’exception des réformistes, disciples d’Eduart Bernstein, qui ont rejeté l’idée de révolution et qui aiment la démocratie libérale et l’humanisme. Oui, ils sont là, tous les autres, tous révolutionnaires, tous marxistes : les sociaux-démocrates, disciples de Karl Kautsky, les futurs communistes, disciples de Lénine et Trotski, les futurs fascistes qui ont mis la question nationale au cœur de la révolution.

Mais, avec la guerre de 14-18, patatras ! la gauche révolutionnaire explose. Les socialistes qui étaient pacifistes tournent majoritairement casaque. Seule une minorité refuse, les « communistes », avec Lénine, Trotski et Staline. Tout va alors très vite. Après avoir dénoncé la guerre, Mussolini suit finalement le mouvement général en octobre 1914. Le parti socialiste italien, resté pacifiste, le licencie. En réaction, il fonde Populo d’Italia, qui, vu sa popularité, a immédiatement trois fois plus de lecteurs. Il est exclu. Il répond : « En m’excluant, vous ne m’interdirez pas la foi socialiste, ni le combat pour la révolution. Je suis et resterai socialiste ».

Le déchirement de la famille va s’accentuer après la victoire des bolchéviks en Russie, lors de révolution d’octobre 1917. Ils signent, en effet, une paix unilatérale avec l’Allemagne en pleine guerre mondiale et ils exigent que tous les révolutionnaires rompent avec les partis réformistes et sociaux-démocrates, jugés traîtres à la révolution puisqu’ils participent aux gouvernements d’« union sacrée » avec la droite, et qu’ils créent des partis inféodés à l’Internationale communiste, donc à Moscou.

Benito Mussolini prend alors son indépendance. Contre les socialistes, il maintient l’idée de révolution violente, contre les communistes, il refuse l’inféodation à Moscou. Et il crée, le 23 mars 1919, les Faisceaux italiens de combat, ce qui va donner le nom « fascisme ». Son programme ? La révolution socialiste, avec la lutte de libération nationale contre le capitalisme international, la terre aux paysans, la dissolution des sociétés anonymes, l’impôt sur le capital, le contrôle du monde de la finance, la nationalisation des industries de guerre, la journée de 8 heures… en attendant la révolution totale par l’État fasciste. Et il lance de grands mouvements sociaux insurrectionnels contre les grands propriétaires agricoles, liés à l’extrême-droite, et dans les usines de Turin. Résultat : le parti fasciste a bientôt 310 000 adhérents. Il a agrégé la majorité des cadres socialistes et syndicalistes ouvriers et agricoles. 

3.Le fascisme face aux cousins staliniens et à la stratégie trotskiste dont a hérité Jean-Luc Mélenchon…

Sous l’influence de Lénine et de Trotski, l’ancêtre et le maître en stratégie de Jean-Luc Mélenchon, les communistes, à la sortie de la guerre, lancent l’offensive insurrectionnelle dans toute l’Europe. Car, partisan de la révolution mondiale et permanente, la stratégie de Trotski est simple : entrer dans les partis socialistes, puis, en prendre le contrôle, puis, lancer une campagne idéologique de déstabilisation et des mouvements violents qui contraignent l’État « bourgeois » à réprimer. Ce qui ruine les fondements idéologiques des démocraties bourgeoises et permet d’engager une « dialectique » action-répression qui nourrit le chaos social et politique dont il est persuadé, comme L.F.I. aujourd’hui qu’elle va permettre la prise de pouvoir.

Ensuite, par cette violence, le parti pourrait alors organiser sa dictature au nom du prolétariat pour détruire l’État bourgeois, éliminer physiquement la droite conservatrice, les libéraux et les cousins niais sociaux-démocrates et « nettoyer » les cerveaux des valeurs bourgeoises et chrétiennes. Il est, en effet, le véritable inventeur de la terrible armée rouge qui ratissait dans les villes et son train était appelé, non sans raisons, le « train de la mort » dans les villages. D’où, cette propagande haineuse suivie des mouvements insurrectionnels sanglants pour prendre le pouvoir à Berlin, Vienne, Budapest… Jean-Luc Mélenchon connaît ses classiques…

L’opposition du fascisme est immédiate : Benito Mussolini a interprété ces insurrections comme les actes d’une minorité d’intellectuels de gauche inféodée à Moscou et coupée des classes populaires. Comme les sociaux-démocrates, il se range alors du côté de la répression anti-communiste.

Et le changement de cap dans le monde communiste va lui permettre, paradoxalement, de réussir, lui, la révolution. En effet, après la mort de Lénine, vu l’échec des insurrections européennes, Staline abandonne l’idée de révolution mondiale et il chasse Léon Trotski du gouvernement communiste, avant de le faire assassiner. Il proclame que le premier souci des « vrais » révolutionnaires est de défendre la Russie, patrie de la révolution socialiste. Les sociaux-démocrates seraient des traîtres, les fascistes des agents de la bourgeoisie, des contre-révolutionnaires d’« extrême-droite » qui voudraient le retour de l’ancien régime.

Oui, une aubaine pour Mussolini. Il renvoie l’accusation de trahison avec bien plus de succès : les communistes seraient prêts à sacrifier la révolution et la classe ouvrière italienne à l’intérêt de Moscou.La révolution communiste cacherait le nationalisme-socialiste grand-russe auquel les Italiens n’ont aucune raison de se plier.

Ainsi, ce qui sépare les fascistes des communistes n’est pas l’objectif révolutionnaire, ni les moyens violents utilisés, mais l’inféodation à Moscou.

À cet égard, l’« oubli » par nos « intellectuels de gauche » de ce qui s’est passé le 16 mai 1925, à Rome, est assez amusant. Voilà pourtant une rencontre historique dans ce Parlement où cohabitent les seuls députés communistes et fascistes. Car les communistes, qui avaient d’abord quitté le Parlement avec le groupe des députés réunis sur l’Aventin pour protester contre l’assassinat du socialiste réformiste Giacomo Matteotti, décident finalement, à la demande de Staline, de revenir siéger avec les cousins fascistes ; assassiné un socialiste n’est pas si grave pour un communiste comme le montre l’histoire des pays communistes… D’où ce débat ravissant entre le leader communiste Antonio Gramsci et le leader fasciste Benito Mussolini.

Gramsci commence par reprocher aux fascistes de n’être plus de vrais révolutionnaires. Mussolini lui répond : nous faisons la « substitution d’une classe à une autre, comme cela s’est produit en Russie, comme cela se produit normalement dans toutes les révolutions, et c’est ce que nous ferons encore méthodiquement… » Le leader communiste réplique « n’est une révolution que celle qui s’appuie sur une classe nouvelle. Le fascisme ne s’appuie sur aucune classe qui n’ait déjà été au pouvoir... » Une allusion à la bourgeoisie qui soutiendrait le fascisme tandis que les communistes seraient le parti de la classe ouvrière, ce qui fait rire Mussolini : « la plus grande partie des capitalistes sont contre nous, si je vous cite des grands capitalistes qui sont contre nous, qui sont dans l’opposition, les Motta, les Conti…(…) La grande banque n’est pas fasciste, vous le savez !  ». Gramsci demande pourquoi alors « depuis plusieurs mois les carabiniers arrêtent nos camarades… ». Mussolini ironise : « Nous faisons ce que vous faites en Russie… » où les communistes massacrent non seulement la droite et les libéraux mais les sociaux-démocrates comme Giacomo Matteotti.

4. L’extrême-gauche mussolinienne au pouvoir…

Tandis que les communistes attaquent physiquement les militaires et les industriels, s’emparent des bourses du travail, arrachent les crucifix, agressent les curés jusque dans leur domicile… et agressent les sociaux-démocrates et les réformistes, en août 1921, le parti socialiste italien, conduit par Ivanoe Bonomi, signe un « pacte de paix » avec les cousins fascistes, pacte adoubé par le Président du conseil, le socialiste Giovanni Giolitti.

Mais l’union de la gauche socialiste et fasciste ne dure pas. Fort de sa nouvelle respectabilité, Mussolini rompt le pacte en décembre 1921. Et, en 1922, après une marche sur Rome, il est nommé Président du Conseil. Les sociaux-démocrates, avec leur leader, Gabriello Carnezzza, entrent dans son gouvernement.

Et les fascistes engagent leurs premières mesures socialistes. Sur le modèle soviétique, l’Union des syndicats fascistes, dont la direction est donnée au syndicaliste révolutionnaire Edmondo Rossoni, devient le syndicat unique, seul habilité à embaucher et à fixer les conditions du travail, tandis que, par la Charte du Travail, le patronat est encadré par le parti. Un ministère des corporations contrôle toute la vie économique et le chef de chaque corporation est désigné par le ministre. La surveillance complète des territoires est organisée par des préfets et des Conseils communaux qui ne sont plus élus mais nommés par le gouvernement. Entre la surtaxe des « riches », les allocations familiales à la charge de l’employeur, la semaine de 40h, l’assurance contre les maladies, les premières colonies de vacances, les autoroutes, l’assèchement des marais… la popularité des fascistes grandit. Et le 6 avril 1924, malgré les mises en garde du Pape, ils ont 4,5 millions de voix, soit 65% des suffrages. Ce qui ne peut s’expliquer par les seules violences comme le note Matteotti avant son assassinat.

« Tout dans l’État, rien contre l’État, rien en dehors de l’État » : voilà alors la ligne politique de Benito Mussolini. Avec le parti unique, le contrôle de la société civile et de la famille, le culte du chef, l’ouvriérisme, la destruction de l’appareil administratif et policier, et, peu à peu la mise en cause du libre-échange, du protectionnisme, la mainmise sur les trois quarts de l’économie…et, finalement, l’antisémitisme, cerise rouge sur le gâteau révolutionnaire du totalitarisme.

Et où est l’extrême-droite monarchiste italienne ? Liquidée, sommée de se terrer ou entrée en résistance comme les Brigades de la flamme verte et le Fronte militare clandestino. Une résistance où elle retrouve les libéraux, les démocrates-chrétiens, les réformistes et, en 1941, les communistes, après la rupture du Pacte germano-soviétique passé en 1939 entre le fasciste Hitler et le communiste Staline, qui avait pour objectif de permettre l’accroissement de leur influence respective et de leurs territoires contre les démocraties libérales honnies.

5. Adolf Hitler : un révolutionnaire socialiste face aux cousins sociaux-démocrates, communistes et trotskistes

Adolf Hitler ? Il poussa la révolution socialiste au bout. Orphelin à 14 ans, il quitte le lycée sans le baccalauréat et tente, en vain, d’entrer à l’Académie des Beaux-Arts de Vienne où, un jour maçon, un autre dessinateur ambulant, il entre en contact avec les révolutionnaires socialistes qui pullulent dans les brasseries. Il y acquiert la détestation du capitalisme et de l’extrême-droite, liée aux Habsbourg. À la déclaration de guerre, en 1914, bien qu’il suive le virage belliciste des sociaux-démocrates allemands, il est réformé pour des problèmes pulmonaires. Parvenu néanmoins à devenir agent de liaison, il défend dans l’armée l’idée qu’il faut « anéantir » les « politiques », les « journalistes », les « bavards », les Habsbourg. Croix de fer, après avoir été blessé puis avoir survécu au gaz moutarde, il apprend à l’hôpital de Pasewalk que l’armistice a été signé : une trahison des politiques de l’extrême-droite qui gouverne autour de Guillaume II, avec le dernier chancelier allemand, Max de Bade.

L’occasion de devenir un leader socialiste lui est donnée par la république de Weimar, née à la chute de Guillaume II et dirigée par le social-démocrate Friedrich Ebert. Car, en janvier 1919, les communistes sont lancés depuis Moscou par Lénine et Trotski pour attaquer cette démocratie libérale « bourgeoise » et y imposer leur ordre. Hitler soutient Ebert et il devient responsable de la propagande du gouvernement bavarois. Comme l’écrira Goebbels dans Die Zweite Revolution : « Nous ne combattons pas le marxisme parce qu’il est un mouvement ouvrier, mais parce qu’il en est la défiguration », ajoutant : « Les seuls vrais socialistes de l’Allemagne, de toute l’Europe même, c’est nous ! ». Après la victoire de la république, en 1920, il devient coleader du Parti Ouvrier Allemand du socialiste Anton Drexler, parti qu’il dote ce parti d’un programme en 25 points, avec un versant nationaliste, dont le refus du Traité de Versailles, et un versant socialiste : un État intégral et égalisateur, par « l’étatisation de toutes les entreprises déjà groupées en trusts », « l’expropriation du sol sans indemnités » des grands propriétaires terriens, « l’expropriation des grands magasins », le refus des intérêts des placements financiers, la confiscation de tous les bénéfices de guerre, le nettoyage de l’armée… Puis, jugeant qu’il faut uen organisation plus centralisée sur le modèle communiste hérité d’Auguste Blanqui, il crée, sous sa seule direction le « Parti Allemand des Travailleurs nationaux et socialistes », le NSDAP. Il décide que le drapeau de ce parti sera rouge et qu’un svastika remplacera la faucille et le marteau, symbole d’une révolution socialiste qui ira jusqu’au bout pour construire l’Ordre Nouveau de l’Homme nouveau.

Admirateur de Mussolini, il soutient les grèves sociales et les émeutes. Il organise la « résistance passive » ouvrière à l’occupation de la Ruhr par les troupes belges et françaises. En 1923, il croit possible de prendre d’assaut la république de Weimar sur le modèle de la révolution bolchévique de 1917. Mais l’extrême-droite qui est derrière le gouverneur de Bavière, Gustav von Kahr, le met en échec, avec l’appui du centre chrétien et des sociaux-démocrates.

Arrêté et emprisonné, sa popularité monte. En mai 1924, son parti obtient près de 2 millions de voix et son livre, Mein Kampf est un succès de librairie. Reprenant les thèses des révolutionnaires français, il y défend l’inégalité des races contre l’égalité des droits, l’antisémitisme révolutionnaire contre les juifs responsables du capitalisme, l’État socialiste protecteur du peuple contre ses ennemis bourgeois.

Le programme du parti ? Nationaliste, évidemment, mais socialiste tout autant : nationalisation des grands domaines, expropriation sans indemnités des anciennes familles nobles, nationalisation des grands moyens de production et d’échange, en particulier de l’industrie lourde, contrôle de la propriété privée par la « synchronisation » des intérêts privés et publics décidée par l’État. Actions ? Il soutient la grève des métallurgistes en 1930, il déclenche la grève dans les transports en 1932… Résultats : son parti s’accroît, avec 400 000 membres et, aux présidentielles de 1932, il obtient 11,3 millions de voix, dépassé par le maréchal von Hindenburg, tandis que l’extrême-droite, avec son candidat, Theodor Duesterberg, qui sera plus tard interné dans le camp d’extermination de Dachau, obtient 6,8% des suffrages. En novembre 1932, il a 33% des voix et, le 28 janvier 1933, il est élu chancelier par la majorité du Parlement. Après l’incendie du Reichstag, le 27 février, et une dissolution, il obtient 43,9% des voix et est réélu chancelier par 441 voix contre 92.

Ferait-il alors une politique d’extrême-droite, néolibérale même ? Quand ça ? Si, à l’image des Thyssen et des Krupp, liés à l’industrie d’armement, certains espèrent des commandes, les entrepreneurs, y compris cela, préfèrent les partis d’extrême-droite et du centre. Ainsi, dès 1934, autour du vice-chancelier von Papen, ces milieux organisent la déstabilisation. En réaction, Hitler tue la plupart des collaborateurs de von Papen et du général von Schleicher, homme des industriels de la chimie, et les généraux liés à l’extrême-droite. Et, en septembre 1935, au congrès de Nuremberg, il dénonce « les éléments d’une stupide bourgeoisie réactionnaire qui n’apprendra jamais rien ».

Pour mâter l’ennemi bourgeois, les descentes du parti dans les entreprises se multiplient, des mouvements sociaux « spontanés » sont organisés contre les chefs d’entreprise, les « bourgeois » et leurs enfants sont attaqués jusque dans leurs domiciles. Les nationalisations se multiplient et la planification, sur le modèle communiste soviétique est décidée : c’est le « Plan de 4 ans » de Goering. À partir de 1935, toutes les entreprises sont placées sous la surveillance d’une section locale du Parti national-socialiste. Les livres de compte doivent être ouverts de façon permanente pour permettre le contrôle. Les entrepreneurs doivent fournir les preuves de leur action en faveur du Plan. Les S.S. sont, de droit, membres des conseils d’administration et ils peuvent les contrôler. Ils contraignent les ouvriers et les chefs d’entreprise à s’asseoir à la même table, c’est la « stratégie cantine ». L’héritage lui-même est sous contrôle par le droit de préemption de l’État. Libéral, vraiment ?

En digne héritier des socialistes révolutionnaires français, Adolf Hitler pousse l’antisémitisme révolutionnaire jusqu’au bout. Car la Shoah n’est pas un accident, ni même un acte irrationnel comme le prétendront les « intellectuels de gauche » d’après-guerre, pressés de cacher leur responsabilité dans l’abjection. Elle est la conséquence du socialisme révolutionnaire qui a lié le monde capitaliste au judaïsme, et qui a prétendu qu’il fallait détruire l’un et l’autre pour construire l’Homme Nouveau de l’Ordre Nouveau socialiste. Porteurs d’une culture plusieurs fois millénaire et d’un Livre qui dit de s’aimer les uns les autres, les juifs doivent disparaître. Et l’intellectuel révolutionnaire juif, à l’image de Marx ou de Trotski, qui, en vérité, était d’origine juive et s’appelait Bronstein, doivent vivre dans la haine de soi. 

6.Les vrais antifascistes et la falsification d’après-guerre 

Camp antifasciste, camp de gauche et d’extrême-gauche ? Diantre, mais quel est le chef incontesté de la lutte antifasciste dans le monde ? Un libéral, un partisan du capitalisme, un chrétien protestant, un opposant résolu aux socialistes : Winston Churchill. Avec lui, Franklin Roosevelt, un libéral social, un démocrate, un protestant, qui détestait les socialistes et défendait le capitalisme. Avec lui encore, un Charles de Gaulle, un conservateur de droite, un partisan du capitalisme, un catholique, un opposant au socialisme. Ce sont eux qui donnent les clefs de la victoire, y compris à Staline en lui offrant des armes quand celui-ci rompit son pacte avec ses cousins révolutionnaires nazis. Oui, même face à Hitler, je vois dans la résistance l’extrême-droite du général Beck et du comte von Stauffenberg, qui ont payé de leur vie leur tentative de liquider Hitler, je vois les catholiques, comme ceux de la « Rose blanche », je vois des protestants, comme ceux qui suivent Dietrich Bonhoeffer, je vois les libéraux et les chrétiens démocrates, des socialistes réformistes fidèles à leur humanisme. Mais, avant 1941, aucun dirigeant d’extrême-gauche, tous collaborateurs ou exterminateurs.

Loin de moi de nier le courage des communistes entrés dans la résistance après l’attaque de l’URSS par l’Allemagne en 1941, mais le rôle de l’URSS de Staline dans la victoire ne peut conduire à oublier ni son copinage avec le national-socialisme, célébré par le pacte entre Staline et Hitler du 23 août 1939, ni son cousinage avec le fascisme, ni son antisémitisme. Ni à oublier l’envoi d’un message de félicitations du parti communiste, écrit par Maurice Thorez depuis Moscou à Hitler, quand ses troupes défilèrent sur les Champs Élysées, ni cette demande du communiste Jacques Duclos d’autoriser la publication de l’Humanité…Antifascistes, certes, parfois, mais potes à l’occasion.

Et où était cette extrême-gauche trotskiste dont Mélenchon est l’héritier, ? La plupart, comme ceux du Parti communiste internationaliste, appellent alors « terrorisme » les actes de résistance, suivant la dénomination des nazis et, à part une poignée qui s’engagera en décembre 1943, ces donneurs de leçons n’entrent pas dans la résistance. Et, aujourd’hui, pas un mot pour Ilan Halimi, pas un mot sur la jeune juive violée à Courbevoie, pas de mots pour dénoncer le massacre par le Hamas. Et, comme hier les fascistes diffusaient en France les images des bombardements alliés sur Hambourg ou Tokyo pour culpabiliser le camp de la liberté, eux, au nom de la population souffrante de Gaza, indéniablement meurtrie, ils prétendent qu’il faut arrêter la traque des tortionnaires islamistes, pourtant déterminés à continuer à violer, égorger, découper, à détruire les juifs et le monde. 

Non au fascisme, disent-ils ? Oui, j’y souscris. Donc, non, à l’extrême-gauche révolutionnaire. Dans ce marécage du « Front populaire », faudrait-il sauver les grenouilles socialistes ? Mais qui peut raisonnablement espérer qu’ils résisteront demain à une violente tempête alors qu’ils ont plié l’échine dans la brise très légère soufflée par un trotskiste qui a pu mesurer leur courage, sinon l’honneur qui les habite ? Curieux calcul.

Oui, pas une voix pour la gauche révolutionnaire, qu’elle s’habille de rouge ou de vert ce qui donne un curieux brun, ni pour ceux qui ne voit dans l’antisémitisme affiché jusqu’à l’abject qu’un « détail » dont il serait possible de s’accommoder. Et que m’importe les cris d’orfraie des « intellectuels de gauche » qui ont toujours préféré les sinistres Trotski, Castro ou Jean-Paul Sartre, aux amis de Winston Churchill, Ronald Reagan ou Raymond Aron, dont je suis. Que m’importe ces pétitions d’artistes qui hier chantaient pour Pétain ou jouaient des pièces antisémites : à Guitry et Arletty, je préfère Gabin et Romain Gary. Que m’importe ces sportifs qui dénoncent le racisme à condition qu’il soit exclusivement celui des blancs et qui prétendent défendre la France en fermant les yeux sur l’antisémitisme et en piétinant les valeurs de cette belle nation civique qui fut le navire amiral de cette Europe chrétienne qui a imposé l’abolition universelle de l’esclavage pratiqué par toutes les civilisations du monde, y compris les empires africains et le monde arabo-musulman où il ne reste aucun descendant des 7 millions d’esclaves.

Oui, Comme hier, alors que s’avance une période de chaos, toutes les composantes du camp de la liberté, des libéraux aux gaullistes en passant par les démocrates-chrétiens, peuvent diverger en leur âme et conscience sur ceux qu’il faut soutenir, mais non sur l’ennemi principal : les gauches révolutionnaires et leurs alliés daltoniens. Résister, il le faut et on le doit. Ce n’est pas seulement une question de bon sens mais de moralité, sinon de survie.

Par Yves Roucaute

Auteur de L’obscurantisme Vert, la véritable histoire de la condition humaine.

Épisode 8: Célébrer en écologiste le mode de vie à la françaiseÉpisode 8:

29 février 2024, sur : atlantico

Conclusion : Célébrer en écologiste le mode de vie à la française

Et je ne connais pas de mode de vie plus écologiste que celui du mode de vie à la française sur lequel j’ai écrit naguère un livre. Un mode de vie qui est lié à une révolution éthique sans commune mesure dans le monde : la création d’une nation civique.

Oui, je ne connais aucune nation dans le monde qui n’offre à ses enfants venus de tant de coins du monde, le sein de Marianne avec tant de générosité. Une nation qui a hélas ! oublié son corollaire : la défense sans faiblir de ses valeurs, car Marianne doit être armée de son glaive.

Oui, je sais pourquoi les wokistes et les Karim Benzema refusent de chanter la Marseillaise.

Car la France a fait une autre révolution inouïe.

Depuis Clovis, qui a interdit le mariage entre Francs, la nation française est construite autour de valeurs et non du sang. C’est une nation civique et non ethnique.

Cette assimilation des valeurs, c’est sa force, quand la nation partage les mêmes valeurs.

 C’est sa faiblesse, comme actuellement en période de décadence, quand le lien du citoyen avec les valeurs est aboli. Car alors plus rien ne tient lieu de ciment social.

On évoque le droit du sol, et on a raison. Mais les mots ont un sens : c’est du droit, donc des règles. Qu’une armée, une troupe, une bande, une cohorte de clandestins passe illégalement et clandestinement sur le sol et dise, puisque nous sommes là, on y reste ? Ce n’est pas du droit, seulement l’absence de droit, seulement la force qui veut s’imposer comme droit contre le droit.

Le droit du sol s’exprime par des règles, et, parmi ces règles, il y a en effet la possibilité d’être Français si l’on n’est pas né de parents français. Mais avec des conditions juridiques que la France généreuse doit rappeler sous peine de n’être plus la France. Et qui se résume à cette phrase : en France, vit en Français.

Donc partage et assimile ses valeurs, accepte ses mœurs et adapte les tiennes qui sont acceptables, d’où que tu viennes, si elles ne violent pas ces valeurs. Et Dieu sait combien la France est tolérante. Sinon va vivre ailleurs si d’autres valeurs te plaisent.

Oui, les Karim Benzema et ses congénères non intégrés dans la nation française mais ayant cyniquement profité de ses bienfaits, détestent cette idée de nation civique, cette idée « qu’un sang impur abreuve les sillons », quand la patrie est menacée

 Oui, formidable strophe de la Marseillaise que la jeunesse devrait chanter à tue-tête dans les écoles si celles-ci étaient à la hauteur des attentes civiques.

Car ce « sang impur » est celui des Français, celui qu’ils proclament fièrement avoir dans leurs veines contre ces forces tyranniques qui prétendent depuis 1789 avoir, elles, un sang pur, noble, aristocratique et qui reprochaient aux républicains, d’être une armée de gueux, de Cosette et de Gavroche, de sang impur.

La Marseillaise c’est la réponse républicaine et patriotique de la nation civique qui proclame depuis la bataille de Valmy que cela vaut la peine de vivre et de mourir pour la France de sang impur, la France des valeurs universelles et du mode de vie à la française. La réponse patriotique qui proclame que la pureté se trouve dans les valeurs et non dans le sang. Et qui combat ceux qui croient qu’ils sont d’une communauté pure parce qu’ils sont islamistes ou nationalistes.

Certes, depuis la révolution française, ces valeurs et ces mœurs ont évolué. Sous l’influence du christianisme et des Lumières, elles sont devenues celles de la liberté avec ses droits individuels, celle de l’égalité des droits, de la femme et de l’homme, et de la fraternité, comme idéal qui conduit à accepter le socle de mœurs communes et à propager le progrès et en faire profiter les plus démunis pour soulager la souffrance.

Alors oui, quelle force quand ces valeurs sont assimilées. Quand cette nation n’accorde un droit à la différence que dans le respect des lois et des mœurs du pays.

Oui, contre le wokisme et l’obscurantisme vert, le mode de vie à la française existe du matin au soir, du petit déjeuner sucré au partage du pain et du vin, des fêtes de Noël à celle de la Toussaint, du respect de la femme libre à à la laïcité, née de la séparation de ce qui dépend de César et de ce qui dépend de Dieu… le vin, le foie gras, le cochon, les banquets, la chasse, l’individualisme contestataire, la façon de s’aimer et de s’habiller, la libre pensée jusqu’aux caricatures des politiques et des religieux, de mille manières ce pays est français. De mille manières il chante la joie de vivre.

Oui, la France est une terre formidable, de tolérance envers toutes les formes de vie à une condition toutefois : qu’elles ne violent pas son socle de valeurs. Bienvenu à table, tu peux ou non boire du vin et refuser le sandwich au jambon, mais tu ne mets pas les pieds sur la table et tu n’enfermes pas les femmes derrière le carcan du niqab et du sitar.

C’est cela la crise française : celle des valeurs. Celle de Marianne qui donne son sein mais qui a oublié son glaive pour défendre les siens. Celle de son coq querelleur mais qui a oublié d’être courageux et de mener la guerre idéologique pour défendre son monde de vie.

C’est cette crise morale que j’ai pu constater quand j’ai écrit, en 2012, le discours de mon ami Claude Guéant selon lequel toutes les civilisations ne se valent pas et que sont supérieures celles qui, comme la France, défendent les droits individuels, l’égalité des droits et l’égale des femmes et des hommes, oui, supérieures à celles qui les violent, à celle qui pratiquent la mutilation génitale des femmes, leur enfermement.

Et, au lieu de voir le pays rassembler, j’ai vu la gauche démagogique protester, avec, en tête, un député socialiste de la Guadeloupe prétextant sa couleur de peau pour affirmer que tout se vaut, qu’enfermer les femmes lui convient et que s’y opposer est une preuve de racisme en France. Et j’ai vu une droite apeurée, à l’exception de quelques braves, reculer, pour ne pas avoir à affronter une gauche pourtant en pleine déconfiture morale. Et cela, alors que tout un pays était avec elle.

Oui, c’est cela être écologiste : redonner à la maison de France, à son « oïkos », les règles de sa vie, le goût de sa puissance et la fierté de son passé. Et reformer non pas une Garde impériale mais une garde républicaine autour de Marianne.

Ainsi seule la véritable écologie peut montrer le chemin du bel avenir de la France dans le cadre du bel avenir de l’humanité, avec toujours plus de consommation et de meilleure qualité pour les plus déshérités, des technologies qui repoussent certains malheurs et améliorent la vie en libérant les mille et un feux de la créativité, les trains à sustentation magnétique, les voitures volantes de niveau 5, les nanorobots tueurs de cellules cancéreuses, les ciseaux génétiques de ce CRISPR Cas 9 reconstructeur contre les maladies génétiques, la lutte contre le vieillissement, la course à l’intelligence artificielle et à l’espace…

Oui, un avenir formidable qui recadre les actions publiques et libère les énergies des individus et des entreprises, pour faire revenir la France dans le concert des grandes nations, dans l’héritage du général de Gaulle, en faisant rimer croissance de la France et puissance.

Une façon de redonner à la jeunesse ce dont elle a le plus besoin le goût de la vraie spiritualité contre l’idolâtrie archaïque de la planète. 

D’abord, une mission. Le patriotisme de la liberté contre la Vème colonne rouge-verte, comme leurs ancêtres l’avaient épousé contre les forces obscurantistes qui voulaient détruire la puissance de la république française en 1789 et en 1940.

Ensuite, une spiritualité, celle qui termine mon livre. Spiritualité vraie dont elle a besoin sous peine d’être de laisser les idolâtres la nourrir. Celle qui oppose à la haine de soi, l’amour de soi, à la haine de son histoire, l’amour de sa patrie, à la désespérance, l’espérance. En rappelant, comme le révèle la Bible, le sens de la vie. Celle qui met au centre de soi et de la Cité, non pas cet amas de terre planétaire, condamné à au prochain refroidissement et, un jour, à disparaître mais l’humanité elle-même et l’amour qu’on lui doit. Cet alpha et oméga de la vie.

Israel/Gaza: The truce? No. Peace? Yes…It’s just a question of knowing the keys 

By Pr Dr Yves ROUCAUTE

Article published on Atlanlico news webside, November 2, 2023

Peace? Yes. The solution could be easy: Hamas should surrender and release the hostages. But this is obviously not the case. So is the road to peace impossible? I don’t think so. It can and it will. But it cannot be achieved without first making the right diagnosis: this war is neither a war between civilizations, nor a war of conquest between two states, but a war of civilization against the abject. A war that should bring together all civilized beings, whatever their culture, from Paris to Moscow, from Ryad to Berlin, Muslims, Christians, Buddhists, Shinto, atheists… all the colors of civilization.

Step 1: Diagnosis

Yes, abjection is here, and it is the enemy to be destroyed. Babies with their heads cut off, dismembered human bodies, Jews tied up and burned alive, pregnant women stale alive with their fetuses ripped out before their very eyes, children chased into their bedrooms to be shot, loving couples slaughtered in their beds, corpses of old men beaten, young girls raped and then killed… Tormentors exulting with their hands soaked in human blood, and their families congratulating them on the phone, live – the magic of live – on exterminating Jewish humans, drunk with the death drive, drunk with hatred, drunk with evil… And to win peace, we must begin by showing the images of horror, as we showed those of Mauthausen, Auschwitz and Dachau to the Germans and Austrians yesterday, as General Patton did on April 15, 1945, when he demanded that the mayor of Weimar show the inhabitants of his town around Buchenwald. As did Eisenhower, who demanded that every unit not at the front visit a camp. « We’re told that the American soldier doesn’t know what he’s fighting for. Now, at least, he’ll know what he’s fighting against. This is what we’re fighting against. This is the message that the souls of the dead send, so that we don’t confuse justice with vengeance, and bury the horror in a modesty that censors images, or in an unseasonable pride that believes it can conceal Israel’s fragility or the incompetence of an incapable Israeli government.

Yes, peace begins with facts. And the fact that Hamas is not a Palestinian resistance group, but a savage horde that propels abjection, organizing a ruthless totalitarianism against the Palestinians of Gaza. So much for the fantasies of Mélenchon’s Unsubmissive Abjection Party and the despicable Agence France-Presse who refuses to call Hamas a terrorist organization. Hamas is a totalitarian organization that forbids women access to schools and enforces the full veil, that prohibits freedom of the press and the right to demonstrate, that tortures and murders opponents, just as it murdered all the members of the PLO, that plunges its civilian population into misery, seizing international aid for its own benefit, and that engages them in the desolation of war. No, they do not represent the Arab world, nor the 1.4 million inhabitants of Gaza, out of 9.3 million. Supported by only around 29% of Gaza’s population, these butchers are a minority.

And Hamas are not « the » Muslims. There’s nothing Muslim about them. Show me the suras in the Koran that say babies’ heads should be cut off and women raped, rather than « Peace be upon Noah in all the universe », « Peace be upon Abraham », « Peace be upon Moses and Aaron », « Peace be upon Elijah and his followers », peace be upon Christians too? Where would this God of hatred be, rather than this « merciful and loving » God? Of course, it’s always possible to detach the suras from their context, especially the statements attributed to Mohammed when he was at war. Certainly, as a Christian, I find that certain suras are sometimes difficult to reconcile with my vision of God, women and secularism, but none of them justifies the pleasure of killing. From Cairo to Riyadh, everyone in their soul feels that the Hamas militant is not a « barbarian », which meant only « foreigner » to the Greeks, but a savage beast that has lost all humanity, a beast to be eradicated.

Step 2. Just war

The second stage of peace follows on from this. After this observation: the war against abjection is imperative. And since it is a war of civilization, the objective is not the victory of a state but that of civilization, not to win the war but to win the peace, what I have elsewhere called the « peace of humanity ».

Don’t you want to eradicate Hamas the way we eradicated National Socialism in Germany? Then you’ll have war tomorrow, and an even more ruthless war at that. Because what the members of this organization and the Iran that arms them want, they’ll want again tomorrow. Even more deadly, because the means made available to these despicable forces will be even more destructive. Stop pretending to believe in the « evil peace » once denounced by Thomas Aquinas, a peace that lasts only as long as the balance of power. Yes, you can sign the Munich Treaties galore, and send aid in the belief that you’re buying peace: you’re only buying yourself a good soul at a bad price. You don’t make peace with crime, you fight it; you don’t compromise with terrorism, you terrorize it; you don’t negotiate with abjection, you eradicate it. When abjection has invaded the mind to the point of extinguishing all light, to the point of enjoying the act of death, the only solution is to put to death the savage body that carries this desire for death. With sadness, but with determination.

Are you afraid the world will go up in flames if you continue to intervene? First of all, fear your own destruction if, in the face of such infamy, mankind were to show an insignificant weakness, worthy of those illnesses from which decadent nations suffer and which no longer even find in themselves the virtue to defend themselves. If Israel stopped fighting, imagine the cries of victory from the world’s partisans of abjection, imagine the lawless districts of France and Belgium, imagine the insecurity of our liberal democracies, imagine the hope in Yemen of putting an end to Ryad and the Pakistani Islamists of putting an end to the American alliance.

Should we create two states now? Who are we kidding? Would France allow a state to be built on its doorstep, with the aim of exterminating its citizens? Should we also help it, as we did yesterday by allowing the Hamas regime to buy and manufacture weapons, to spread hatred all the way to elementary school, where textbooks present the extermination of the Jews and the destruction of the West as a divine demand, and let it play, for the undistracted part, the protector of the population, with its social aid networks?

You want a truce because you fear for the lives of thousands of civilians in Gaza? I understand your compassion. That’s why, by the way, playing on your honorable sensibilities, Hamas is replaying the propaganda trick of the German Nazis, Japanese fascists and Petainists who showed images of the dead during the bombings of Saint Nazaire, Hamburg and Tokyo. These bastards turn those who made the horror and those who suffered it into opposites, just as yesterday they turned those who put Europe in irons, made the extermination camps, organized the Nanking massacres and those who tried to liberate humanity from ignominy into opposites. But fear the worst if you follow France, which has just voted in favor of the UN motion put forward by Jordan, which killed 10,000 Palestinians in 1971. A motion which even refuses to associate this truce with a condemnation of Hamas. Would France accept that, after 10 Bataclan, murderers reigning on its borders are swooning with ease, ready to reconstitute their forces in the truce, ready to start the massacre again tomorrow, sending their missiles day and night over Paris and Marseille? Like yesterday, when French deputies, having lost all dignity, all sense of honor, all duty to uphold France’s universal values, voted for full powers for Pétain and accepted a truce with abjection? For a few votes, the road to shame. And Germany abstained? Wonderful too: supported by those obscurantist reds and greens who idolize nature and want to save the planet with decrees, rather than save humanity, they reproduce without shame the ideology which holds that a Jew is worth less than an acre of their sacred forest. Yes, I can only see Austria, Croatia, the Czech Republic and Croatia on the road to honor, and I fear this Europe of cowards ready to let go of the morbid impulses that threaten to destroy it.

You want a humanitarian corridor? Good for you. But let’s cut the bullshit: a corridor under control. Under the strict control of the Red Crescent or the Red Cross, because no one is fooled by Hamas’s claim: it’s for its troops that it wants this aid, not for the population it has been plundering and terrorizing for ages. A humanitarian corridor, yes, not a dehumanization corridor.

Finally, do you fear for the lives of the hostages? I do too. These despicable people know the humanity in us. They enjoy our suffering and intend to take advantage of it to drive the camp for the liberation of Gaza from the reign of morbid impulses, to give in. This will allow them to continue tomorrow with other massacres, other kidnappings, other blackmail that will lead them to a new pleasure and us to eternal impotence. The truth is, they didn’t take 239 Israelis hostage, they took humanity with Israel. Only weak nations can give in. Strong nations are forced to set themselves the goal of destroying the savage horde, with as few innocent deaths as possible, and, on the way, to do everything in their power to free the hostages. And those who bet on the weakness of true humanists should remember the likes of Charles de Gaulle, Winston Churchill and Ronald Reagan, who demonstrated that the strength of arms lies in the strength of the soul, and prayed for a loving God to forgive their mistakes and the unwitting destruction of innocent lives.

Step 3: Human peace and reconstruction: the Arab key

After war, peace. And what kind of peace? Because wars can never be won, only peace. And whoever wins without worrying about the aftermath, as the Allies did in 1918 with the iniquitous Treaty of Versailles, humiliating the vanquished without being forgiven for the death they gave, or forgetting the necessary self-recognition that every nation desires, is preparing for the next war. In this way, the pride of victory gives hatred the pretext it needs to feed itself again and again, as we saw in Germany in 1933, where the National Socialists used this pretext to justify their abjection, where the cowards found the excuse for their alliance. And so it is today, too, with this tartuffery that transforms « pretext » into « cause », as if the Treaty of Versailles were the cause of the concentration camp abjection and justified it, as if the misfortune of many Palestinians in Gaza were the « cause » of the horror and justified it.

Yes, two states, that’s the horizon. But this is only possible if the Palestinian state is itself a pacified, demilitarized state, rediscovering in its schools the distinction between the abject and the civilized, preferring cooperation to death. And, in exchange, reconstruction aid will be possible, as it was for post-war Germany. Rebirth instead of humiliation, recognition of Palestinian identity instead of denial. This is what I was hoping for back in January 1993, in Tunis, with the Crises magazine group I had founded, when we took part in meetings between Yasser Arafat and Yael Dayan, who revealed to us – alas! that we were wrong, that the PLO didn’t really want peace, preferring to receive aid subsidies for confrontation.

But this possible state cannot be achieved without the help of our Muslim brothers in humanity. In this war of civilization against abjection, they are the key, hence the importance of sharing the diagnosis with them. I see no other solution. I don’t know what the regime of this Palestinian state would be, because it’s up to the Palestinians to choose, but logic says the objective and its means. Instead of offering hatred, ignorance of the other and submission, the aim is to bring reconstruction, recognition of the Palestinians and freedom.

Yet such a state is only possible, in the first phase, if it is controlled, sponsored, under protectorate – I dare use that word – by countries that also want peace with Israel, such as Egypt, Saudi Arabia, whose dreams of cooperation have been sabotaged by Iran, and other countries that would be donors to the reconstruction, perhaps the pluralist Indonesian republic, home to the world’s largest Muslim population, or the constitutional monarchy of Morocco. Do we believe that the mass of Gaza’s population aspires to anything other than a good life for itself and its children? Do we think that they would still hate Israel if it became the building force of a cooperative state, proud of its culture and respectful of its own diversity? Yes, a sort of international Marshall Plan for the rebirth of Palestinian civilization against abjection. A declared objective of Israel’s moral army, setting the “peace of humanity” as the ultimate goal of this war. A clear signal to the world’s death drives that they can never prevail. Humanity, yes, humanity, first and foremost through a lasting peace, a “peace of humanity”.

Pr. Dr Yves Roucaute, Philosopher, University Professor, PhD in Political Science, PhD in Philosophy, “agrégé” of Philosophy and “agrégé” of Political Science, author of numerous books, including « L’Obscurantisme vert, la véritable histoire de la condition humaine » (« Green Obscurantism, the true story of the human condition »), éditions du Cerf.

« L’obscurantisme vert, la véritable histoire de la condition humaine »

Aux éditions du cerf. Cliquer ici.

Sauver la planète ? Sauver l’humanité, voilà l’urgence pour le philosophe Yves Roucaute !

Aux obscurantistes verts qui font grand commerce de l’idolâtrie, de la culpabilité et de l’apocalypse, il oppose les faits. Et, au tribunal du bon sens et de la lucidité, il convoque ses témoins : l’histoire de la Terre, la grande aventure humaine, les sciences et les technologies.

Avec humour, Yves Roucaute démonte une par une les idées fausses.

Les cyclones, séismes et variations climatiques ? Pires hier qu’aujourd’hui. Peut-on vivre en harmonie avec la nature sans la dominer ? Non. Le CO2 ? Rien de diabolique. L’éolien ? Beaucoup de vent pour rien. Le nucléaire ? Une alternative. Les produits bio ? Tous chimiques. La « Transition écologique » ? Une chimère. Le productivisme ? Une évidence. Et la société de consommation ? Une espérance.

L’écologie ? Yves Roucaute est pour, mais une écologie non punitive, alimentée

par le savoir, tournée vers l’avenir. Réaliste, la vraie écologie rappelle aux nations que puissance rime avec croissance et décroissance avec décadence. Métaphysique, elle appelle à briser les spiritualismes d’occasion. Morale, elle remet l’humain au centre de l’univers.

Voici une ode à la créativité, à la liberté, à la vie apte, enfin, à réenchanter le monde.

Entre Tartufferies et Guerre en Ukraine, l’Europe Face à Son Destin

Entretien du 4 mars 2022. Cliquer ici

Atlantico : Face au conflit russo-ukrainien, l’Europe semble sortir d’une forme de torpeur. Des décisions importantes et nouvelles sont prises par l’Union Européenne et les États membres pour affronter la crise. Peut-on dire que l’Europe vit actuellement un moment historique ou bien sommes-nous victime d’une illusion ?

Yves Roucaute : Il y a beaucoup d’illusions et d’incompréhensions sur la réalité de la situation, avec son lot de Tartufferies et de postures qui révèlent bien des impostures, mais, indéniablement, nous vivons un moment historique dont il est urgent de voir l’ampleur et les faiblesses.

D’abord, comment ne pas remarquer que tous les pays européens, sans exception, partagent la même position face à la Russie et son client la Biélorussie, dont il ne faudrait quand même pas oublier, au passage, comme le notait Charles de Gaulle, qu’ils sont eux aussi européens. Car l’oublier nous conduirait à l’une des plus graves erreurs qui soit : l’oubli de la seule perspective raisonnable, celle de construire demain la paix sur tout le continent. Certains va-t-en-guerre devraient y songer quand bien même ils ignorent tout, sous la douce chaleur des sunlights ou dans leur pub, des dangers d’une montée aux extrêmes.

Oui, premier constat : nous avons affaire à du jamais vu, non seulement depuis 1950, date de déclaration du texte fondateur de l’Union européenne, mais même avant. Même au Moyen-Âge (rires), cette unité politique dans une crise majeure n’existait pas. Un rêve impossible pour le saint-empire romain-Germanique et l’empire carolingien. Et voilà qu’aujourd’hui tous les pays européens se rassemblent.

Songez que même la Confédération suisse, si soucieuse de n’être pas mêlée aux querelles interétatiques européennes et suspecte de préférer l’argent à toute autre considération, a approuvé les sanctions économiques de l’Europe ! Que c’est en Norvège, qui n’est pas même membre de l’Union Européenne, que l’O.T.A.N. va faire un exercice militaire pour montrer sa détermination à protéger les siens. Que la Finlande, qui avait donné le mot de « finlandisation », désignant la neutralité face à l’U.R.S.S. à la suite des accords de 1947, a fait bloc avec l’Europe et a envoyé des armes en Ukraine, tout comme la Suède, qui, naguère, poussait des cris d’orfraie pour toute opération militaire, y compris quand il s’agissait de défendre la liberté. Et que dire de l’Autriche, qui avait refusé d’entrer dans l’OTAN et où, comme en Hongrie, certains partis se faisaient fort d’être les amis de Poutine ? Tous marchent au même pas. Formidable moment.

Quelque chose s’est produit qui a conduit les nations européennes à dépasser leur point de vue particulier pour atteindre le point de vue général. Les nations européennes sont parvenues, au moins le temps d’une crise, non pas à disparaître mais à la conscience d’être européennes. D’être issues d’une même histoire, de participer à une même culture, de porter un même esprit, de devoir se défendre ensemble. Dans la crise actuelle, il n’est pas anodin que même le Royaume-Uni ait réagi au diapason des autres pays européens. Cette crise aux caractéristiques exceptionnelles a révélé aux nations d’Europe leur identité européenne. Le réveil de l’Europe est celui de l’Esprit européen.

La Russie a ainsi, paradoxalement, involontairement plus fait pour l’Europe que des milliers de mesures et de réformes. Je sais que certains mots sont aujourd’hui difficiles à entendre tant l’idolâtrie étatiste de l’État confondue avec la recherche du bien commun, l’idolâtrie nationaliste de la nation confondue avec le patriotisme, et l’idolâtrie du Marché confondue avec la défense de la libre entreprise, sont fortes. Mais cette attaque russe a produit des effets dans les consciences européennes, elle sonne le réveil de l’Europe.

Pourquoi aujourd’hui ? Parce que l’identité commune, des nations, comme des fédérations ou des confédérations, et cela depuis les tribus du néolithique, se fait plus pour affronter la peur, l’insécurité, que pour prospérer. Elle se fait autour des morts, des cimetières et de leurs stèles. D’où, d’ailleurs, ce réflexe habituel de soutenir les chefs d’État et de gouvernement en période de guerre ou de crise grave. En attaquant l’Ukraine, la Russie semble menacer toutes les nations européennes, des États baltes à l’Atlantique. L’agression a ainsi réveillé l’esprit des Européens, et, en tuant des Ukrainiens, elle a soudé les vivants autour des morts. Et elle rend effective l’idée d’Europe.

Plus encore. Cette agression a été une sorte de révélateur de la situation globale des pays européens, trop souvent embourbés dans des querelles de clocher au point de perdre de vue les enjeux du monde. L’Europe a soudain dû accepter d’affronter la réalité : la menace globale qui pèse sur elle. Menacée non seulement par des troupes, mais aussi dans la guerre économique par son absence d’autonomie et de volonté. Elle a découvert qu’elle dépendait des approvisionnements extérieurs comme l’a déjà révélé la crise du Covid-19 et comme le rappelle la crise actuelle des matières premières, du gaz aux céréales. Elle se rend compte qu’elle est proie de la Chine et des États-Unis dans l’explosion des nouvelles technologies et le développement industriel auquel elle participe de moins en moins en raison d’une désindustrialisation globale.

La cause profonde de cette unité, je crois que c’est d’abord l’instinct de survie. Et l’invasion c’est la fuite d’eau qui a permis de voir l’étendue de l’inondation. 

Le second constat, c’est que la rhétorique guerrière utilisée par certains serait plus qu’une erreur : la source d’un engrenage fatal dont le camp de la liberté ne sortirait ni vainqueur, ni grandi.

Vladimir Poutine est un agresseur. Voilà le fait. Mais s’il a pu attaquer l’Ukraine c’est pour trois raisons. D’abord parce qu’il en avait les moyens, ensuite parce qu’il en avait le prétexte, enfin parce qu’il avait aperçu, en face de lui, les marques de la faiblesse occidentale, avec le retrait d’Afghanistan, avec les discours adressés par Joe Biden qui a cru devoir céder aux sirènes de la vice-Présidente et de son courant pacifiste, avec le grand bazar européen où nationalismes et communautarismes détruisaient le socle commun. Un corps politique mou en face de lui ? Des proies à prendre.

Le prétexte qui lui a été offert, c’est le comportement de Kiev et de l’Europe envers certaines parties de l’Ukraine qui sont, à l’évidence, russes et qui ne voulaient pas rester dans l’Ukraine en raison du comportement des autorités ukrainiennes. Car, la Crimée est russe. C’est un fait. Et qu’on ne vienne pas opposer à ce fait le droit international ! Le droit en peut rendre juste une situation qui ne l’est pas. Les habitants de Crimée devraient-ils accepter d’avoir été donnés sans leur consentement à l’Ukraine par l’URSS encore stalinienne de Nikita Khrouchtchev, en 1954 ? Et cela par un décret ! Fallait-il alors aussi qu’Alsaciens et Lorrains acceptent le Traité de Francfort de 1871 qui les donnaient à l’Allemagne sous prétexte que c’était devenu du droit international ? Et les colonies, y compris américaines quand elles étaient sous le joug anglais, devaient-elles accepter de rester dominées ? La Crimée, n’est-elle pas l’enfant du tsar Pierre le Grand, passionnément européen et francophile, qui avait défait les sunnites ?La capitale, Sébastopol, où les Turcs trafiquaient jadis l’esclavage des blancs, n’a-t-elle pas été fondée par la tsarine Catherine II ? Ses 2 millions d’habitants ne vaudraient-ils pas les 2 millions de Macédoine ? Et le Donbass, depuis 1676, s’appelle-t-il « Nouvelle Russie » pour rien ? N’y parle-t-on pas russe ? Ne s’y sent-on pas russe ? Bataille pour le Kosovo, tenailles pour la Crimée ? Fallait-il accepter que Kiev leur impose la langue ukrainienne, ce qui fut un déclencheur du désir d’indépendance ? Fallait-il ignorer les exactions du Régiment Azov, ouvertement pro-nazi, envers les pro-russes ?

Oui, les prétextes étaient bien là. Et nul ne peut espérer aujourd’hui trouver la paix en mettant des populations dans les fers.

Mais cela vaut aussi pour les populations ukrainiennes qui ne veulent pas être russes. Et qui semblent plus nombreuses, notamment à l’Ouest.

Dès lors, la tentation pourrait être de vouloir affronter militairement la Russie pour protéger ces populations.

L’erreur vient de cette illusion que la puissance se mesurerait au PIB. C’est aussi pourquoi la Russie est sous-estimée. Erreur commune dans les pays développés où l’on pense la puissance dans les seuls termes économiques. Lire Carl von Clausewitz, Hans Morgenthau, Raymond Aron ou Charles de Gaulle n’est pas nécessairement un luxe. Ils sont d’ailleurs étudiés dans les écoles militaires russes.

Si la Russie est la onzième puissance pour son PIB, elle est la deuxième puissance militaire après les États-Unis, une puissance nucléaire qui dispose de trois millions de soldats et j’en passe sur ses armements colossaux. Oui, voilà qui compte plus que le PIB dans un conflit militaire, plus même que certaines gesticulations.

La puissance, c’est aussi la force morale. La puissance d’une nation est d’abord dans sa cohésion, comme le prouvèrent les soldats de la révolution française à Valmy et nos voisins suisses qui dissuadent tout agresseur (rire). Or, il serait temps que la vérité prenne le pas sur la propagande. La population russe n’est pas opposée à Vladimir Poutine. Entre nationalisme et fierté retrouvée, croyance aux prétextes donnés et union autour du chef de leur armée, elle le soutient massivement.

La puissance est aussi dans le territoire, et la Russie a la première surface exclusive du monde. Et ses matières premières sont connues de toute l’Europe, Allemagne en premier. J’ajoute qu’entre les sciences et les technologies, la conquête spatiale et l’intelligence artificielle, la Russie n’est pas le dernier de la classe que l’on dit. Et la puissance c’est aussi l’influence, la culture, le « soft power », or la Russie n’en est pas si dénuée que le dit la propagande. Au lieu de la condamner, 5 pays l’ont soutenue à l’ONU, et 35 pays se sont abstenus, et pas des moindres : Chine, Inde, Afrique du Sud, Algérie, Sénégal…

Clairement, la guerre classique interétatique contre la Russie est militairement impossible, diplomatiquement peu soutenable, jouable seulement économiquement, mais dans les limites de ses alliés, dont la Chine qui pèse plus que le Luxembourg.

Mais puisque, d’un autre côté, malgré sa puissance, la Russie ne peut espérer gagner une guerre dans une montée aux extrêmes. La conquête de territoires sous parapluie nucléaire américain, français ou anglais est donc tout aussi impossible. D’autant plus que l’Europe vient de démontrer une cohésion à laquelle il ne croyait pas. Et puisqu’une partie de l’Ukraine même semble préférer le combat à la soumission, la seule solution pour la Russie, afin d’éviter de sombrer économiquement et d’affronter une guérilla soutenue par toute l’Europe, est diplomatique.

Et la diplomatie a des arguments. D’un côté, la Russie ne peut pas complètement reculer au point de perdre la face. De l’autre côté, elle ne peut l’emporter sans de graves problèmes à venir. Et, pour sa part, le gouvernement ukrainien qui représente réellement une partie de la population peut faire des concessions.

Oui des concessions. Cas est-ce « céder » que de permettre aux nations qui le désirent de décider de leur destin ? La grande majorité des Ukrainiens veut le maintien d’une Ukraine libre et indépendante. Cela se doit. Faire des concessions aux régions qui ne le veulent pas, cela se doit aussi.

En tout état de cause : une seule solution, la diplomatie. Un objectif : une vraie paix. Et, peut-être un jour, à l’horizon, une Europe des démocraties qui irait de l’Atlantique à l’Oural. 

Le troisième constat, c’est que nous vivons peut-être une illusion d’union. Car si la Russie a attaqué, c’est d’abord parce que l’Europe a été faible. Vladimir Poutine a vu cette faiblesse morale. Après ce sursaut, ma crainte est de voir l’Europe se rendormir, bercée par les sirènes démagogiques.

Car si l’Europe, c’est un Esprit, cet Esprit ce sont des valeurs et des modes d’être, des territoires spirituels. Or, si cet Esprit était faible c’est que l’Europe a subi de plein fouet les assauts nationalistes et communautaristes et une monstrueuse vague démagogique qui visait à culpabiliser les Européens. Et au lieu de la fierté d’être européen, on a vu se développer la culpabilité et la honte de soi.

Ainsi, au nom de la lutte contre le racisme, l’esclavagisme, le colonialisme, l’impérialisme, la société de consommation, et j’en passe des accusations agitées par une armada de démagogues, le sol spirituel européen a été saboté. Certes, aujourd’hui, ces voies se sont tues ou on ne les entend plus guère mais demain, comme hier, je crains qu’elles ne reprennent leur travail de sape.

Ainsi, par exemple, ces démagogues feignent de croire que l’esclavagisme et le colonialisme seraient nés en Europe. Alors que ces exactions furent une donnée universelle depuis les premières sédentarisations, il y a 12 000 ans environ. Oui, toutes les cités palatiales, tous les État, tous les empires ont pratiqué l’esclavage. Y compris l’esclavage massif des blancs, un esclavage de masse par les européens eux-mêmes, mais aussi par les Turcs, les Arabes et les Berbères, et il ne reste aucun survivant de ces esclaves qui pourrait prétendre devenir un jour président de ces pays. Oui, les empires africains pratiquaient massivement l’esclavage comme tout le monde, bien avant l’arrivée des Européens, tout comme les Chinois ou les populations amérindiennes.

Mais, dites-moi, dans quelle région du monde a-t-on décrété que l’esclavage était une ignominie ? Où a-t-on exigé son abrogation universelle ? En Afrique ? Non. En Asie ? Non ? En Amérique ? Non. En Océanie ? Non. En Europe. L’Europe chrétienne et des Lumières. Nulle part ailleurs. Et si le nord a gagné contre le sud durant la guerre de Sécession américaine, c’est que l’esprit européen l’a emporté contre les traditions antihumanistes millénaires devenues du néolithique qui encombraient l’esprit des colons. Oui, c’est en Europe que sont nés les droits de l’Homme, nulle part ailleurs. C’est l’Europe qui a inventé la paix, la « vraie paix » comme le disait Thomas d’Aquin, celle qui est fondée non pas sur la force mais la reconnaissance et le respect des individus et des nations. C’est là que sont nées les universités autour des cathédrales et la démocratie libérale respectueuse des droits individuels avec ses cours constitutionnelles. Faudrait-il en avoir honte ?

Ce que l’on peut reprocher à l’Europe ?Ne pas avoir toujours été à la hauteur de ses valeurs, à la hauteur d’elle-même. De les avoir violées même, et, ce faisant, de n’avoir pas été assez européenne.

Oui, il y a quelque chose de merveilleux dans cette crise : la découverte qu’être européen n’était pas un crime, ni une tâche morale mais une fierté. D’avoir découvert que la culpabilisation de l’Europe et le wokisme sont les marques de la démagogie appuyée sur l’ignorance.

Mais il s’agit peut-être d’une lumière passagère car j’entends les mêmes démagogues, qui vivent du repli sur soi et du dénigrement de soi, piaffer d’impatience. Y aura-t-il un retour en arrière sous leurs coups ? Je le crains. Une hirondelle ne fait pas le printemps. Espérons seulement que les germes posés dans les consciences par cette crise finiront par imposer la nécessité d’une Europe plurielle mais forte. 

Y a-t-il actuellement des personnalités ou des mouvements en Europe susceptibles de se mettre à la hauteur de la situation et de provoquer un retour européen ?

L’occasion est là, reste à trouver le larron. Profiter de l’occasion, disait Aristote, c’est la marque des grands personnages politiques. Clairement, il n’y aura pas d’Europe forte sans un politique décidé à faire de la politique. Il manque la volonté.

Emmanuel Macron a montré de réelles dispositions, ce qui a été favorisé par sa place de chef de l’État qui a pris la présidence de l’Union. Reste à savoir s’il saura s’élever au niveau des enjeux de l’histoire pour incarner l’esprit de son temps. Cela signifie au moins, parler avec Vladimir Poutine le langage des valeurs européennes et du pragmatisme. Ce qui passe par le respect des nations, celui de la nation ukrainienne qui veut rester ukrainienne et de la nation russe. Avancer sans que nul ne perde la face avec le grand objectif de se retrouver demain à la table européenne. Une belle ambition pour qui voudrait laisser une trace dans l’Histoire et pas seulement dans la petite histoire, l’histoire électorale (rires). Saura-t-il la saisir ? On verra.

Sinon, hélas ! Je ne vois personne d’autre. Le nouveau chancelier allemand a suivi le mouvement de réveil de l’Europe, mais après trop d’hésitations pour que l’on puisse penser qu’il incarne l’avenir de l’Europe de demain. À l’évidence, il a été emporté dans l’inessentiel par la prise en compte des intérêts économiques allemands à courte vue, en particulier le gaz russe. Il semble ignorer l’exigence de répondre d’abord aux obligations morales, source de la puissance quand l’on y réfléchit bien.

Certains évoquent l’ukrainien Volodymyr Zelensky. Il ne peut présenter autre chose qu’un symbole de la résistance. Certes sympathique mais un esprit faible qui n’aurait jamais dû laisser dégénérer la situation. En particulier, il aurait dû pourchasser les groupes néonazis qui ont eu pour seul effet de renforcer le sentiment anti-ukrainien dans le Donbass. Et il aurait dû refuser de tenter d’imposer une autre langue que la leur aux populations de Crimée, de Donetsk et du Donbass. J’imagine ce qu’auraient été les réactions des Français si on les avait contraints à abandonner le français pour parler allemand. Il est largement responsable de la situation. Il a donné à Vladimir  Poutine le prétexte que celui-ci cherchait. Quand on le voit jouer au piano, on ne se dit pas « bien joué l’artiste »…. (rires)

Mais peut-être verrons-nous surgir une ou un dirigeant inattendu d’un autre pays. Car ainsi vont ces occasions historiques qu’elles permettent à des grands dirigeants de pousser la porte pour créer une nouvelle donne. Et la taille d’un pays ne détermine pas son influence, son soft power. On verra. 

Dans quelle mesure le moment actuel est-il décisif pour l’Europe ? Qu’adviendra-t-il si personne ne s’en saisit ?

Nous aurons laissé passer une belle occasion. Au lieu de jeter de l’huile sur le feu avec la Russie, le moment est venu de saisir l’opportunité de faire une Europe forte habitée spirituellement d’une volonté de fer, appuyée sur le respect des nations.

Si nous trouvons la force d’être l’Europe, nous pourrons alors aussi trouver la force d’affronter la Chine et les États-Unis dans la formidable guerre économique et culturelle actuelle qui nous menace encore bien plus de disparition ou de soumission. Il est temps que les bisounours d’Europe et leurs compères chagrins nationalistes comprennent que, dans cette guerre économique, l’Europe n’est pas à sa place. Non pas par manque de moyens mais par manque de volonté. Car la volonté, je le répète, est un élément de la puissance, l’élément central, celui sans lequel aucun autre élément de la puissance ne vaut un kopeck.

Comment accepter que nous soyons autant à la traine dans les biotechnologies, les nanotechnologies, l’intelligence artificielle, la robotique… Que nous soyons aussi dépendants de la Russie ou des approvisionnements asiatiques comme l’a démontrée la crise liée au Covid-19 ? Comment accepter cette désindustrialisation et cette baisse dans la production de brevets ? Et cela alors que nous disposons d’une formidable puissance économique et d’une non moins formidable puissance intellectuelle ?

Il faut changer de cap. Et que nous affrontions cette guerre comme nous le faisons avec la Russie. Comme une meute de loups. En groupe.

Sinon ? Nous serons dévorés par d’autres meutes. Car il y aura toujours un Vladimir Poutine pour sentir le manque de volonté, le défaitisme, la pleutrerie.

Il en va de Vladimir Poutine comme de la Chine ou des États-Unis dans la guerre économique. Si l’Europe ne fait pas front, ce corps mou mais délicieux sera croqué, dégusté, digéré. D’autant qu’elle attire le désir car elle a des richesses immenses. L’Europe c’est un repas de roi pour les prédateurs. À elle, d’en tirer les conséquences.

France McDo ou France foie gras ?

Voilà pourquoi les racines identitaires du pays sont beaucoup plus solides qu’on ne le croit

Entretien sur la prétendue « américanisation » de la France, site atlantico: Cliquer ici

Atlantico : Jérôme Fourquet vient de publier une note pour la Fondation Jean Jaurès sur la génération qui s’est convertie au McDo. Il y raconte comment la chaîne de Fast food américaine est devenue un lieu familier pour de nombreux jeunes. Vous avez écrit un livre plus d’humour détaillant du matin au soir le mode de vie à la française, « Pourquoi la France survivra. Le secret de la potion magique ». Faut-il voir dans cette habitude du McDo les preuves d’une américanisation établie de la société ? 

Yves Roucaute : Cette idée d’une « américanisation » de la société via la consommation chez McDo a quelque chose de drôle, typique des vielles idées courtes des idéologues et je me demande si elle n’est pas une tentative, un peu faible, de répondre à ceux qui vendent de l’apocalypse au nom d’un prétendu « grand remplacement ».  Dans les deux cas, on confond crise politique, celle des autorités parfois incapables de répondre par l’épée aux violations des règles communes, et crise d’identité. On oublie la puissance de résilience de l’imaginaire français donnée par le mode de vie à la française, cette fameuse potion magique dont je montre la formidable séduction et le secret.

Quand j’étais jeune, les extrêmes dénonçaient déjà l’américanisation en montrant du doigt par exemple jeans, tennis, tee-shirts, musique… Dans « Pourquoi la France survivra. Le secret de la potion magique » je m’amuse de cela en racontant l’histoire de ces trois inventions typiquement françaises. Car, un alter ego gauchiste d’une fondation Jean Jaurès américaine, dirait que nous avons francisé les États-Unis (rires). Ainsi, pour faire court, « Jeans » est contraction de « Jean’s« , qui signifie « of Jean« , autrement dit « de Jean« . Cela désigne la toile « de Jean« , « de Saint Jean » du Gard, ville des Cévennes, où était installée, au XVIIIème siècle, l’industrie textile de cette toile. La production transitait par Nîmes et, un siècle plus tard, en 1831, une entreprise de Manchester la vend aux États-Unis. Cette toile étant bleue, elle est appelée « blue », venant de saint Jean, elle devient le « Blue Jeans ». Et comme elle a été amenée par la famille André de Nîmes, elle sera encore dite « denim« , c’est-à-dire « de Nîmes ». Loeb Strauss, devenu Levi Strauss, qui habite à New York, découvre cette toile et constate sa solidité. À la suite de la ruée vers l’or, il déménage en Californie et reproduit les pantalons de Saint-Jean destinés aux mineurs. Il crée Levi Strauss & Co. En 1872, pour éviter l’accusation de contrefaçon, il ajoute des rivets aux poches. Et, quelques dizaines d’années plus tard, la toile bleue de Saint-Jean paraît venir des États-Unis, comme «blue Jeans ».

S’agissant des tennis, même terrible francisation (rires). Le jeu de tennis a été créé en France, à partir du jeu de paume. Le mot « tenes » est un terme venu du provençal qui était adressé quand on lançait la balle. En 1515, le duc d’Orléans introduit ce sport en Angleterre, où l’aristocratie parle français et où il était détenu. « Tenes » devient « Tennis » via l’accent anglais et les chaussures avec.

Quant au fameux « T-shirt » ou « Tee-shirt ». Lors de la première guerre mondiale, les soldats Français portaient des « tricots de corps », inventés au siècle précédent, et en donnaient aux Américains. Ils avaient la particularité de s’enfiler par la tête, d’où le « T » prononcé par les américains qui ont réduit le mot, l’associant au « shirt ». Et, lors de la seconde guerre mondiale, durant l’hiver 1944, les Américains sont à nouveau enthousiasmés par ce shirt « T » et ils vont le produire en masse, en 1950.

oilà quelques-uns des nombreux exemples de cette fécondation des nations par le mode de vie à la française. Sans même évoquer les droits de l’Homme ou le respect de la dignité de la femme depuis l’amour courtois et bien d’autres valeurs que nous transportons dans nos bagages par notre vie quotidienne sans même le savoir. Certains évoquent avec des trémolos ubuesques le jambon beurre, le croissant, le bistro qui seraient des espèces en voie de disparition. Mais le mot même de « bistro » vient du russe, et signifie « vite ». Il fut imposé par les soldats russes qui occupaient Paris en 1814 et qui voulaient boire rapidement. Le croissant ? Comme les autres viennoiseries, il vient de Vienne. Créé en 1683 par les boulangers autrichiens après la victoire de la coalition chrétienne contre les troupes de l’empire ottoman musulman qui menaçaient d’écraser la ville et de mettre en esclavage les survivants. C’est pourquoi je dis dans mon livre que les Français bon enfants bouffent de l’étendard turc le matin sans le savoir.

Oui, des gens vont au Mc Do, et alors ? S’américanisent-ils à cause de la sauce du Big Mac qui transformerait leur cerveau ? Gutenberg, né à Mayence, a inventé l’imprimerie, dit-on qu’en lisant des livres on se germanise ? L’écossais Lindsay a inventé l’ampoule avant Thomas Edison, est-ce qu’on s’ « écossise » en s’éclairant  ?  L’Anglais Edward Jenner a inventé le premier vaccin en 1796, ceux qui se font vacciner contre le Covid-19 s’ « anglicisent »-ils etPasteur était-il un agent de la perfide Albion ? Tout cela est absurde.

Il y aurait 1500 McDo en France et ce serait monstrueux nous dit-on. Diantre ! Nos joyeux compères de la gauche archaïque oublient qu’il y a 175 000 restaurants et une quarantaine de milliers de cafés et que la plupart des repas, pour près de 68 millions de français, se prennent à leur domiciel et dans les cantines où le cheeseburger n’est pas le plat quotidien, sinon peut-être chez certains sociologues qui n’ont pas trop l’habitude des enquêtes de terrain.

Et j’ajoute que ce qui est fourni dans les McDo n’est pas vraiment américain. Un « big mac » est composé de viande hachée, spécialité cosaque ou française depuis des siècles, de laitue, dont l’origine est kurde, de cornichon au vinaigre, qui vient d’Inde, d’oignons, qui viennent d’Égypte, de pain au sésame, d’origine turque… Quant à la sauce « Thousand Island dressing », dite « sauce américaine », elle a été inventée par des descendants de Français immigrés dans la région de Mille Îles, peut-être par Sophia LaLonde : ils ont pris pour base la fameuse recette purement frenchie de la mayonnaise et y ont ajouté du paprika, venu de Hongrie, la moutarde, venue des Grecs ou Romains… et j’en passe. Et le tout est accompagné de frites, appelées « french fries »… sans qu’un sociologue ne s’amuse à calculer le nombre de frites servies par jour pour dénoncer la francisation de la société américaine. Ce qui serait d’ailleurs assez drôle car si le « Big Mac » est international, la frite est belge. La « belgisation » de la France elle-même va-t-elle conduire à une offensive par les Ardennes ?

La seule question sérieuse est de savoir si les Français perdent leur identité en allant au McDo ou s’ils adoptent simplement une pratique qui leur permet de mieux vivre au moindre cout. Je penche pour la seconde hypothèse qui a le mérite d’être simple. Et j’ai la preuve que ceux qui y vont ne s’américanisent pas : en sortant du McDo, ils ne parlent pas mieux l’anglais sinon cela se saurait et les thèses de doctorat qui m’ont été données à lire et juger auraient, parfois, été de meilleure qualité. (rires)

 À l’évidence, à la différence d’Obélix, nos idéologues ne sont pas tombés dans la potion magique étant enfant, seulement dans la potion idéologique de l’extrême-gauche, celle qui voit de l’américanisation partout, copine de la méchante mondialisation et qui est passablement périmée. Ils ignorent tout de la culture française, celle d’une nation vieille de 1500 ans, de sa formidable résilience par sa capacité à être elle-même un élément de la mondialisation, avec ses formidables entreprises, de Danone à son influence culturelle, de son empire de 12 millions de KM2 de surface économique exclusive, le second du monde, à son « soft power » qui émane de son mode de vie. Un mode de vie qui lui permet d’ingurgiter tout ce qui est pour se renforcer, comme les boulangers français le firent en prenant le mou croissant viennois pour le transformer en un délicieux mets croustillant.

Quand on cherche la puissance de la France, et c’est mon cas, le juste milieu, aurait dit Aristote, est de prendre ce qui permet la résilience et la puissance de la France et de laisser ce qui l’affaiblit. Or, du bœuf entre deux pains n’affaiblit pas la France. Je ne crains pas les McDo qui permettent de se nourrir rapidement et à bon prix, de se rencontrer et de s’amuser, au contraire. Économie d’argent, de temps, plaisir, convivialité, que les fastfoods soient mexicains ou français, voilà dont on peut se moquer comme d’une guigne.

Le fast food n’est pas opposé au mode de vie à la française, pas même à la santé, même si nos « french fries » ont largement contribué à l’obésité générale américaine, à condition, comme toute chose, de ne pas en abuser. Pascal, pour une vie équilibrée disait, « un peu, pas trop de vin », il faudrait dire « un peu, pas trop, de fast food ».Et « Honni soit qui mal y pense »de cette mondialisation où nous excellons  quand nous libérons les énergies françaises, comme dit la devise du plus important ordre de la chevalerie anglaise, devise française, évidemment.

Atlantico : Outre McDonald’s, d’autres habitudes culturelles des Français témoigneraient-elles d’une même évolution de certaines mœurs françaises ? 

Yves ROUCAUTE: Oui, l’évolution due à la mondialisation est évidente. Et dans la mesure où la première puissance mondiale est les États-Unis d’Amérique, il est clair que les bouleversements qui s’y font, en particulier par l’explosion des nouvelles technologies,  ont des effets du côté français de l’Atlantique. De l’internet au smartphone, des réseaux sociaux aux musiques, tout est en train d’être transformé dans notre vie quotidienne.

Mais, à nouveau, il s’agit moins d’une « américanisation » que d’une révolution globale dont j’ai parlé dans un autre livre, « Le Bel Avenir de l’Humanité. La révolution des Temps contemporains », liée à la conjonction de l’intelligence artificielle, des biotechs, des nanotechs, de l’informatique, de la robotique, de l’art, des réseaux, des modes de gouvernance, de ce que l’on appelait le « travail ». Un raz de marée est en train de submerger l’humanité qui n’a rien à voir avec ce que certains appellent le « réchauffement climatique ». (rires)Et si ce raz de marée a eu, au départ, pour fer de lance les laboratoires des États-Unis, la Chine y a aujourd’hui une part de plus en plus grande, et tous les pays sont entrainés dans cette danse de la créativité, la France aussi.  

Clairement, ne pas évoluer, refuser l’influence de cette mondialisation c’est devenir une nation de troisième ordre.

La question n’est donc pas de savoir comment empêcher la vague d’arriver,  mais de savoir comment la France peut sortir encore plus forte de ces influences.

De fait, les mœurs françaises évoluent donc sous cette formidable pression. Et cela produit des effets dans les habitudes de la vie quotidienne. Songez aux monstrueuses banques de données accessibles par internet, aux nouveaux modes de communication numériques et horizontaux, aux réseaux sociaux, à la mise en cause de la souveraineté monétaire avec les crypto-monnaies, aux mobilisations, et, même, parfois pour le pire, aux rumeurs et à une certaine guillotine numérique. Car toute avancée a évidemment ses inconvénients, comme la hache qui sert à couper du bois depuis la fin du paléolithique mais qui a aussi permis aux Hutus de massacrer un million de Tutsis.

Mais les Français s’enrichissent de  ces influences, et ils font évoluer les mœurs des autres nations. En jouant le jeu de la créativité au lieu du refus des avancées scientifiques et de la mondialisation, ils peuvent transformer toutes les avancées dans le sens qui est le leur pour continuer à indiquer le bon chemin et séduire le monde entier.

Car, oui, ils disposent d’une potion magique qui séduit le monde entier, c’est leur mode de vie sucré, généreux et ouvert qui enfante ce goût de la liberté, de l’égalité des droits et de la fraternité universelle. Et dans la marmite de ce mode de vie, il y a un ingrédient secret, venu du fond des âges.

Cet ingrédient permet de rappeler à tous que l’important est de jouir de la vie autant que possible, ici et maintenant et non de la sacrifier au travail, aux honneurs ou à l’argent. Une façon de perpétuer le souvenir biblique que l’humanité c’est « éminemment bon » en elle-même, qu’elle mérite d’être aimée, de vivre joyeusement sa vie ou bien si l’on préfère, ce secret est l’ingrédient qui nous fait rire, du rire de Rabelais, qui nous rappelle que tout doit être orienté vers l’épanouissement des individus et l’universel aimer. Voilà la grande leçon française qui transforme les nouvelles technologies en plaçant l’humanité au centre comme elle avait transformé le croissant viennois : Comme disent les Autrichiens, « vivre comme Dieu en France » : dans la morosité vendue par ceux que mon ami Umberto Eco appelait les apocalyptiques, il est temps de rappeler aux Français qu’ils n’ont rien à craindre de la mondialisation, des évolutions. Leur mode de vie généreux et sucré est insubmersible et donne une lumière à l’humanité, des droits de l’homme au petit déjeuner. Oui, ils n’ont rien à craindre, sinon que le ciel rempli artificiellement de culpabilité et de médiocrité ne leur tombe sur la tête.

Atlantico : Qu’est ce qui constitue aujourd’hui dans les pratiques le cœur de cette identité française « immuable » ?

Yves ROUCAUTE Ce qui est immuable, c’est cette potion magique qui lui a permis de survivre à 1500 d’histoire, ce socle de mœurs et de valeurs assimilé par les citoyens qui a fait la France depuis Clovis même si, depuis, évidemment, comme je le démontre dans le livre dont vous parliez, avec les Républiques, ce socle a été amendé. 

Une potion qui se prend dans la vie quotidienne, du petit déjeuner au coucher, où la France célèbre le plaisir de sa vie sucrée, dans l’incompréhension de nombre de nos voisins qui ne saisissent pas toujours pourquoi nous ne commençons pas par un petit déjeuner copieux, plein de vitamines. Tout au long de la journée, jusqu’au repas du soir où se partagent le pain et le vin, la France ingurgite une nourriture spirituelle sans égale dans le monde.

Une potion que nous ingurgitons par le style de vie à la française à nul autre pareil. Ainsi, dans les arts de la table, devenus patrimoine de l’humanité, mettre verres, fourchettes, couteaux, nappe même n’est pas anodin depuis le Moyen-Âge et la Renaissance. Oui, tout fait sens.

Et que dire de cette culture de la « légèreté » qui piège les étrangers qui en ignorent le sens caché ? Celle de la mode, du parfum, du maquillage, de la bijouterie ? Ces règles de l’« étiquette », inventées à la Cour de Versailles et, plus que tout peut-être, cet art millénaire célébré depuis l’invention française de l’amour courtois et de la galanterie,  où les femmes ne sont « ni putes, ni soumises » mais ont le droit de revendiquer leur désir, sur cette terre où l’on joue de la séduction avec fantaisie, où s’impose l’égale dignité des femmes et des hommes, .terre des amours chantés par les bardes gaulois puis les trouvères et troubadours, terre des fêtes populaires et des danses de Cours où se mêlent les voix de Joséphine Baker et Georges Brassens pour que s’étreignent librement les amoureux qui « se bécotent sur les bancs publics« .  Oui, un ministère de la Promotion de la Vertu et la Répression du vice, à la mode talibane ? Il n’a aucune chance dans ce pays. Et le voile intégral des femmes n’est pas pour demain. N’en déplaise aux vendeurs d’apocalypse : la potion magique a prévu l’antidote.

Ce qui est « immuable » encore et surtout ? Ce sont les ingrédients de la potion magique qui produisent un étonnant « patriotisme à la française » dû à la formation de la France elle-même, dont le chant révolutionnaire, la Marseillaise, et les symboles, Marianne ou le coq gaulois, donnent le ton. C’est la faute au roi franc Clovis qui construisit la France. Il voulait l’unité pour assurer sa puissance. Or, face à la diversité des populations, au risque de révolte et de dissolution il se posa la question qui sera, plus tard, celle du Général de Gaulle : « Comment voulez-vous gouverner un pays où il existe 246 variétés de fromages » ? 

Sa réponse ? Il interdit les mariages entre les Francs et lui-même se marie avec Clothilde, nièce de Gondebaud, roi des Burgondes. Gallo-romains, Francs, Burgondes, Basques, Catalans…. C’est le grand mélange. Ainsi naît une nation de « sang mêlé » aurait dit le personnage Harry Potter.

Mais si le sang n’unifie plus, par quoi le remplacer ? Il invente la potion magique : l’unité par l’assimilation de mœurs et de valeurs. Il mixte dans sa marmite valeurs chrétiennes, traditions franques, mœurs gallo-romaines. Un antidote radical aux communautarismes. Où vous l’ingurgitez, et vous voilà Français, ou vous trépassez dit en substance ce roi qui n’était pas, il faut le dire, un grand humaniste.

Mais jusqu’où doit aller l’assimilation ? Conduira-t-elle à supprimer tout particularisme local, à tenir l’individu pour négligeable ? C’est le troisième geste de Clovis : en dehors du socle à assimiler, chacun peut conserver ses coutumes, sa langue régionale et son fromage.

Ainsi fut fabriqué le mode de vie à la française. Une main de fer : chacun doit assimiler ce socle. Une main de velours : chacun qu peut ajouter les ingrédients de son choix à la potion, s’il ne la dénature pas.

Ainsi naît la première « nation civique » du monde. L’unité contre le communautarisme. Le patriotisme contre le nationalisme.

Certes, depuis Clovis, ce socle de la potion magique fut transformé. Charlemagne (742-814) ajouta la culture dans la marmite, Philippe le bel, des ingrédients étatistes. La République conjugua les deux figures chrétiennes de Marie et Anne en une « Marianne » laïque, symbole de ce mode de vie, avec son sein découvert qui rappelle qu’une nation civique nourrit tous les citoyens, indépendamment de leur origine ou de leurs croyances. Mais armée, d’une épée ou d’une lance, ou portant le drapeau tricolore Marianne veille sur l’assimilation, n’hésitant pas à frapper.

Ainsi, en 1940, Philippe Pétain tenta de profiter de la faiblesse de la République pour créer un simulacre de nation ethnique sur le modèle allemand. Suivant Hitler, il enleva leur nationalité aux enfants juifs nés sur le sol français dont les parents n’étaient pas de « sang français » et il laissa massacrer les Tirailleurs sénégalais, qui avaient donné leur vie pour la France en 14-18, trop musulmans et trop africains à son goût. Il condamna même à mort Charles de Gaulle. Mais Philippe Pétain sous-estimait la puissance de la potion magique. La France refusa massivement les exterminations des juifs et la résistance devint populaire. Finalement, le coq de Marianne, Charles de Gaulle, l’emporta et la nation civique française avec lui.

Alors, oui, j’en passe de ces ingrédients de la potion magique qui suivent presque logiquement cette histoire, ce style et cette quotidienneté, de cette façon de traverser hors des passages cloutés à cette méfiance quasi libertaire envers tous les pouvoirs, de cette passion pour la culture française et la revendication de son « exception » à sa puissance militaire, troisième du monde, présente sur tous les océans et les continents, avec 12 millions de km2 de surface économique exclusive.  Quand on la croit « foutue » elle se relève toujours. Et on aurait tort de croire qu’une Marianne affaiblie, qui oublie de protéger son socle moral, est condamnée. Son coq ne chante jamais mieux que quand il a les pattes dans la fange.

Oui, je vous réponds franchement : insubmersible, la France donne au monde une leçon de vie qui est celui de l’avenir de l’humanité en rappelant qu’à chaque instant, le plaisir de la vie, la joie et l’amour sont les chemins d’une vie authentique. Et c’est pourquoi la France est le pays le plus visité du monde, et Paris la ville la plus touristique. Et c’est pourquoi un millier de McDo n’en viendront pas à bout.

Atlantico : Qu’en est-il sur le plan politique ? Adoptons-nous des modes politiques étrangères ou cultivons-nous nos spécificités françaises, comme ce que certains appellent le « populisme » à la française ?

Yves ROUCAUTE : Le populisme, à vrai dire je ne sais pas ce que cela veut dire. Je sais ce qu’est le fascisme, le national-socialisme, le communisme, l’islamisme et quelques autres « ismes » plus ou moins définis, je vois bien dans l’histoire des formes de tyrannies sanguinaires qui se sont appuyées sur une grande partie de la population, il suffit de songer à Néron ou Caligula. Mais ce mot de « populisme » est un terme creux qui permet seulement de faire semblant de comprendre des phénomènes sociaux dont on refuse l’analyse, souvent parce qu’elle gêne. Il contient une connotation morale, de condamnation le plus souvent, et il est systématiquement attribué à la dite « extrême-droite ». Il est le corollaire des mots « mouvements sociaux » qui, eux, seraient bons. C’est une distinction qu’adorent les intellectuels néo-marxistes ou disciples de Bourdieu et Foucault pour couvrir ce qu’ils ne sauraient voir, un peu comme dans le Tartuffe de Molière.

Passons. Aujourd’hui, je ne vois rien en France qui ressemble à ce qui se passe en Chine, en Allemagne ou aux États-Unis.  Aux États-Unis, le courant « jacksonien » de Donald Trump n’est en rien celui de Marine Le Pen ou Éric Zemmour auquel on le compare. Ce n’est d’ailleurs pas sans raison qu’il a refusé de les recevoir. Les conflits, notamment avec les hamiltoniens et les wilsoniens du parti démocrate ont des causes qui tiennent à l’histoire américaine et qui n’ont rien à voir avec l’histoire de France.

La spécificité française fut longtemps le rapport gauche-centre-droite, né en septembre 1789 de l’opposition entre ceux qui accordaient un droit de veto au roi et ceux qui refusaient. Ce rapport gauche-droite a évolué en fonction des jeux franco-français.

En tout état de cause, la victoire d’Emmanuel Macron a, une nouvelle fois, redistribué les cartes et contraint a de sérieuses remises en cause mais elle n’a pas détruit les courants. Ce fut celle d’un officier qui a compris que le terrain politique était dénué de forces unifiées. Sur le champ de ruines, le pouvoir était à prendre. Il l’a pris. Saisir l’’occasion est d’ailleurs la marque d’un stratège politique comme le notait Aristote et non celle d’un joueur de loto comme persistent à le croire certains.

Mais la méfiance envers les pouvoirs est bien toujours la même depuis les Gaulois, avec son « dégagisme » très français. Songez que la propre tribu de Vercingétorix avait mis à mort son père, accusé de vouloir devenir une sorte de roi. Gauche démocratique et droite républicaine renaîtront demain. Mais sous une autre forme. Les alliances entre l’extrême-gauche et la gauche réformiste et social-démocrate me paraissent caduques. Et, l’ « union des droites » me paraît un songe creux. Mais, quand bien même le Président Macron serait réélu, l’après Macron est d’ores et déjà ouvert en raison de la faiblesse de son appareil politique. Et c’est encore cela la spécificité française que nous aimons tant en discutant politique et en persiflant dans les dîners : le côté imprévisible. C’est quand même plus drôle qu’une alternative programmée ou qu’un menu de McDo.

LE SECRET DU CROISSANT

Extrait (sans les photos) de mon dernier livre « Pourquoi la France survivra, le secret de la potion magique ». »

Chapitre 2 Le croissant

« Le croissant ? Difficile de ne pas commencer par lui pour qui veut approcher le mode de vie à la française et commencer à évoquer son sens caché.N’est-ce pas pourtant une « viennoiserie », avec le pain au chocolat, le pain au raisins, la brioche…? Et dans « viennoiserie », comment ne pas reconnaître le nom de Vienne, la capitale de l’Autriche ?

Alors autrichien finalement, ce fameux croissant ? Et toutes ces autres « viennoiseries », un vol de la France, peut-être ?

Le paradoxe est là : le croissant est bien né à Vienne mais il est pourtant français. Comme toutes les autres viennoiseries. Terriblement français jusque dans cette façon, même quand il prend aux autres, de transformer et recréer.

C’est son cri qui l’indique le mieux, ce léger craquement quand on le saisit, ce son croustillant qui sort de son corps quand on le porte en bouche, avec une fragilité si extrême que des miettes volètent systématiquement sur la table comme pour échapper à un rite programmé. Ce cri confirme ce qui était présumé à la vue de ce fin feuilletage, de sa fine luisance dorée, de ses reflets bruns, presque roux. Il conforte l’odorat charmé par les effluves des délicates arômes de beurre et de pâte feuilletée grillée. Comme si tout convergeait vers ce qui ne peut manquer d’arriver : qu’il fonde dans la bouche laissant aussitôt, avec le plaisir évanescent, le goût du temps perdu et le regret de ce rite du matin qui enchante tous les sens.

Et pourtant, pour ce qui est de sa naissance, le croissant dont tout Français est fier ne doit rien à la France. Bien au contraire. Si le point de vue de la France l’avait emporté, il n’aurait pas même existé. Le croissant est bien d’origine autrichienne, plus exactement de Vienne. Créé en 1683 par les boulangers autrichiens, il tire son origine de la guerre entre, d’un côté, la coalition chrétienne de l’empire des Habsbourg (le « Saint empire romain-germanique »), du Pape, Venise, de la Pologne et de certains princes allemands et, en face, les troupes de l’empire ottoman musulman.

D’un côté, 81 000 soldats chrétiens conduits par Charles V de Lorraine et le roi de Pologne, Jean III Sobleski, de l’autre, 150 000 à 200 000 militaires musulmans du Grand Vizir ottoman Kara Mustafa. Il faut imaginer la terreur des Viennois à l’approche des troupes turques. Ils voient, au loin, des forêts de drapeaux turcs, certaines tribus arborant déjà le drapeau rouge avec le croissant blanc et une étoile, qui deviendra plus tard l’étendard officiel, d’autres, plus nombreux, celui de Kara Mustafa, avec, en son centre, une ellipse verte et trois croissants jaunes. Le croissant étant le symbole de l’Islam. Ils ont peur. Ces troupes ottomanes ont déjà occupé une grande partie de l’Europe de l’Est, de la Serbie à la Hongrie de l’Est, détruit des villages, imposé l’islam, mis en esclavage bien des populations conquises, en particulier en prélèvement leur tribut, des jeunes adultes en âge de combattre, transformés en eunuques.

Et les Viennois se souviennent avec horreur du siège de 1529, organisé par un précédent vizir turc, Soliman le Magnifique, qui avait tué des milliers de Viennois et mis en esclavage en nombre plus grand encore.

En cette année 1683, deux mois durant l’armée turque commence donc le nouveau siège de la ville. Mais, contre toute attente, ce sont les troupes chrétiennes qui l’emportent grâce au roi de Pologne.

Pour célébrer cette victoire, qui allait sonner la reconquête chrétienne de l’Europe centrale, l’empereur Léopold 1er de Habsbourg institue la fête du « saint nom de Marie » et il permet aux boulangers de fabriquer une viennoiserie, en forme de croissant, le « kipferl», symbole du drapeau turc défait… et ingurgité.

Pour certains Autrichiens, qui craignent de froisser les Turcs, la forme serait plutôt due à la lune, qui aurait été dans sa phase de demi-lune, permettant ainsi de voir les 200 000 assaillants musulmans… dont j’ai quand même du mal à imaginer que, sinon, ils étaient silencieux et invisibles à quelques pas des fortifications, et qu’ils l’étaient encore, non seulement quand commence la bataille, ce 12 septembre, à 5 heures du matin mais aussi quand elle fait rage à midi. Quant à célébrer la lune, ces boulangers chrétiens ne m’y semblaient pas très disposés.

Ainsi naît en forme de croissant commémoratif de cette spectaculaire bataille gagnée, des pâtisseries formées à partir d’une pâte briochée.

Et la France dans tout cela ? S’il n’y avait eu qu’elle, il n’y aurait pas eu de croissant. Cyniquement, comme à son habitude, le roi de France, louis XIV, avait non seulement averti le Grand Vizir de sa neutralité mais aussi… de sa bienveillance… Comme ses prédécesseurs depuis François 1er, ce Bourbon rêvait, en vérité, d’une victoire des Ottomans pour éliminer ses concurrents germaniques et austro-hongrois afin de renforcer la puissance de la Frances en Europe et dans les colonies. Avant d’être catholique, la France était cynique.

Non seulement la naissance du croissant ne doit rien à la France mais sa venue à Paris doit encore et toujours à l’Autriche ;Il est amené à la Cour de Versailles par la reine Marie-Antoinette, en 1770. Une reine donnée à la France par l’Autriche pour sceller la paix… et à laquelle, les Français qui ne sont pas toujours très reconnaissants, ont …coupé la tête en 1793. Et pourtant, ce croissant devient au siècle suivant français. Car les Français regardèrent avec pitié cette pâtisserie molle des Viennois, aux couleurs eu réjouissantes, sans effluves qui font saliver d’avance, un peu fade, qui se mastique sans bruit, qui semble même devoir s’accompagner de fromage, de sucre, de vanille ou de confiture pour exister. Ils le prirent en main et décidèrent de le transformer avec cet objectif : il devait se suffire à lui-même et pousser son cri, donc être croustillant.

Ce fut une révolution : ils le fabriquèrent avec de la levure, du lait, du sucre, de la farine, du sel, de l’eau tiède… par un tour de main, pour transformer ce qui devenait une pâte feuilletée par une cinquantaine d’opérations, jusqu’au dorage avec un jaune d’œuf délayé pour ce léger brillant doré. Un savoir artistique transmis de bouche à oreille de boulanger français.

Et bientôt les milliers de boulangeries artisanales français offrirent une floraison de croissants aux goûts si différents que devient vrai cet adage : dis-nous comment est ton croissant, je te dirais qui est ton boulanger.

Le croissant doit être digne de l’oreille. Il signale une œuvre, celle d’un artiste, d’un boulanger, profession hautement respectée. Dans la main déjà, en le prenant, son cri doit s’entendre, un craquement léger, un « croustillement » plutôt, car le mot doit ici être inventé pour désigner ce qui n’est pas craquement mais pétillement.

Malheur au croissant mou ! Il est jugé indigne d’être entendu, donc indigne d’être ingurgité. Malheur donc au responsable d’une telle offense ! Le boulanger pourrait plier bagages, le restaurant perdre ses étoiles, l’hôtelier ses clients. Ce qui, de Saint-Denis de la Réunion à Rennes, de Lille à Fort-de-France, arrive rarement : chacun le sait, le Français ne plaisante pas avec le traitement du croissant.

Résultat, difficile de reconnaître dans le croissant viennois l’ancêtre de leur gâterie. Ainsi, tous les matins, de façon plus jubilatoire que les Autrichiens eux-mêmes, le Français qui a oublié l’origine de sa viennoiserie et coupé la tête de la pauvre Marie-Antoinette, bouffe le drapeau ottoman avec une gourmandise devenue toute laïque et bon enfant. Une sorte de cannibalisme symbolique salué par un feu d’artifice : le « craquement » du croissant croustillant. »

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LE SECRET DE LA MADELEINE

Extrait de mon livre « Pourquoi la France survivra. Le secret de la potion magique » (Contemporary Bookstore ).

« 3. Le secret de la madeleine

La madeleine du « petit déj » dit la même spiritualité cachée que tout ce qui se joue à table autour des viennoiseries.

Pour les uns, ce gâteau viendrait de Commercy, ville de Lorraine. Il aurait été fabriqué, en 1755, par Madeleine Paulmier qui travaillait au service de la marquise Perrotin de Beaumont, la nuit où elle dormait au château. Elle l’aurait offerte le lendemain au duc polonais Stanislas Leszczynski pour lui plaire.

D’autres attribuent son origine au stationnement en France du même duc Stanislas Leszczynski alors en route avec un groupe de pèlerins pour aller en Espagne, à Saint-Jacques-de-Compostelle. Un pèlerinage jamais effectué en réalité car s’il a participé à un tel groupe c’était uniquement pour se cacher de ses ennemis et parvenir à fuir en France. Suivant cette interprétation, une dénommée Madeleine, lui aurait offert un gâteau en forme de coquille Saint Jacques.

En vérité, hormis la question historique, les interprétations ne divergent pas quant au sens de cette madeleine déposée dans la panière. Si Madeleine Paulmier offrit ce cadeau en forme de coquille saint Jacques, ce ne put être pour imiter un coquillage qui se trouverait à Commercy. Cette ville est très loin de la mer. Il ne s’y trouve ni coquillage, ni port d’aucune sorte, comme d’ailleurs dans toute la Lorraine. Si elle le fit ce ne fut pas sans des raisons autrement plus spirituelles. Elle savait, comme tout un chacun à Commercy, le duc Stanislas Leszczynski très croyant. Elle-même était catholique pratiquante. Car cet ex roi, exilé de la Pologne, beau-père de Louis XV, avait reçu la ville en viager, en 1744 et il affichait sa foi jusque sur son cheval avec l’écusson de sa famille qui portait la croix catholique en son sommet. Or, Saint Jacques était alors souvent représenté par l’église catholique, à cheval, avec une épée, combattant les infidèles, les Maures, à la façon de Stanislas Leszczynski lui-même. La forme de la madeleine était donc une référence claire à la coquille saint Jacques, et, par elle, symboliquement, à saint Jacques.

Dans l’hypothèse où cette madeleine provenait d’une certaine Madeleine, au nom de famille inconnu aujourd’hui, le sens de cette offrande est bien le même. Elle aurait offert un gâteau en forme de coquillage à un pèlerin dont elle ne pouvait ignorer qu’il était un duc de Pologne parti avec son emblème sur les routes vers saint Jacques de Compostelle. Ce cadeau montre qu’elle était catholique et la référence par cette madeleine en forme de coquille à saint Jacques est évidente. Notre madeleine semble donc, à l’origine, tout aussi féroce et chrétienne que le croissant.…

Mais tout se passe comme si, par la cuisine française, un nouveau saint Jacques apparaissait, qui paraît d’ailleurs plus conforme à la tradition du moyen-Âge. Car, la madeleine est un aliment doux et sucré bien incompatible avec l’esprit guerrier dont certains aux XVII et XVIIIème siècles l’ont affublé. Et le Français en ingurgitant la madeleine, dévore d’une façon symbolique, l’aspect guerrier de Saint Jacques lui-même peut-être pour faire ressortir ce qui était le véritable esprit de Saint Jacques, dit Jacques le Majeur dans la Bible. Esprit auxquel, aussi bien Madeleine Paulmier que la Madeleine inconnue du chemin de Compostelle connaissaient évidemment. Non pas celui d’un guerrier tonitruant attaquant ses ennemis à coups d’épée mais d’un croyant pacifique qui prêcha l’amour et mourra par l’épée.

Ce nouvel investissement de sens par les Français explique que le romancier français Marcel Proust, l’un des plus connu, célèbre la madeleine dans son ouvrage monumental À La Recherche du Temps perdu. Il se souvient, après l’avoir trempée et portée aux lèvres, de sa douce enfance, lorsque le matin sa grand-mère la lui faisait goûter. Cela bien que l’on doive à la vérité de dire qu’il n’a jamais trempé qu’une biscotte, il n’est pas anodin qu’il ait jugé utile de la transformer de façon romanesque en madeleine, si française, si poétique, si douce et délicatement sucrée.

Au fond, la madeleine, comme le croissant, transformés par l’art français, diffusent un message universel. Portés aux lèvres, elle reste comme lui attachée à ce moment de douce transition entre lit et terre, entre passé et présent, entre rêve et réalité, quand les souvenirs de la nuit s’estompent peu à peu, quand bien même on essaye de s’y accrocher encore dans ce moment évanescent où elle fond dans la bouche. Elle participe à cette manière toute française de célébrer le jour qui se lève et le plaisir de vivre avant de retrouver la fureur du monde, dans la paix, dans le silence souvent même. « 

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LE CHARME DE LA BRIOCHE

Extrait de mon dernier livre « Pourquoi la France survivra. Le secret de la potion magique ».

« 6. Le charme de la brioche

Dans le mode de vie à la française, parmi les viennoiseries, la brioche, qui ne vient pas non plus de Vienne, a une place si importante que certains rapportent qu’elle a contribué indirectement à la révolution française de 1789. Elle serait même l’une des justifications, peut-être la principale si l’on en croit la légende, pour, en 1793, qu’ait été coupé la tête de la reine Marie-Antoinette d’Autriche, l’épouse de Louis XVI. Cette reine aurait répondu de façon méprisante à des manifestants qui se plaignaient à Paris de ne plus avoir de quoi acheter du pain : « Qu’ils mangent de la brioche !».

À vrai dire, si tel avait été le cas, nul doute qu’en terre de France, une réponse aussi désinvolte eût été grave. Car, le lecteur commence à le comprendre, on ne rigole en France ni avec le croissant, ni avec la madeleine, ni avec aucun des éléments qui composent le petit déjeuner. Et moins encore avec la brioche qui entretient avec le pain un rapport sacré. Mais de là à penser que l’on puisse couper une tête pour cela… Grognon oui, mais coupeur de tête, n’abusons pas.

D’ailleurs, cette reine née en Autriche, propulsée dauphine de France par un mariage forcé avec Louis XVI, en 1770, à 14 ans, devenue reine à 19 ans, n’a jamais prononcé une telle parole. Celle-ci est rapportée par les Confessions de Jean-Jacques Rousseau. Il évoque, en 1765, « une grande princesse » qui se serait moquée d’une population crevant de famine et se plaignant. Sans plus d’indications. Or, en 1765, Marie-Antoinette avait 9 ans …une fillette. Elle vivait en Autriche dans le palais de la Hofburg à Vienne et ne parlait pas un mot de français. Elle n’imaginait pas qu’elle n’aurait aucune jeunesse et devrait quitter ses jouets à 14 ans pour se marier dans un pays inconnu d’elle, la France, rejoignant la couche d’un autre enfant, le futur Louis XVI, contrainte même à un petit déjeuner quotidien peu raisonnable, bien qu’elle eût ramené le croissant mou autrichien à Versailles.

Nul doute d’ailleurs qu’en arrivant à Paris, elle n’ait vu l’importance de la brioche et du pain dans ce mode de vie à la française qu’elle fut contrainte d’adopter. Car entre le pain, dont la mie douce et sucrée ressemble à de la brioche, et la brioche, dont le craquant et la fermeté rappellent le pain blanc, il n’y a pas ce fossé que l’Autriche connaît entre le pain de type germanique et les pâtisseries. En France, ils doivent répondre aux mêmes impératifs, ceux du réveil doux et sucré.Il existe d’ailleurs de nombreux pains briochés, qui tiennent de l’un et de l’autre. Jusqu’aux fameux « mendiants » d’Alsace, ou «Bettelman », dont nous avons déjà parlé, fabriqués à partir de restes de pain rassis et de brioche, agrémenté de cerises ou d’autres fruits du moment. Et dans cet univers de passerelles, se tient aussi le petit pain au beurre dont il est difficile de dire s’il est plutôt un pain, une brioche ou un pain brioché.

Devenue aujourd’hui omniprésente sur la table française, et pas seulement les jours de fête ou le dimanche comme c’était encore le cas au XIXème siècle, la brioche contribue à préserver hors temps et hors sol ce moment du lever. Elle fait saliver petits et grands quand elle apparaît au petit-déjeuner. Farine, sucre, levure, œufs, une pincée de sel en sont la base…

Ensuite, chaque région apporte sa propre marque à cette pâte levée, ici de la vanille, là de la fleur d’oranger. Elle peut être simple comme la petite brioche parisienne surmontée d’une boule, ou longue et joufflue comme la brioche vendéenne avec sa crème fraîche, son rhum et sa vanille. Certains la préfèrent en forme de couronne parfumée à la vanille et au rhum, comme dans le sud de la Loire, d’autres en forme de chapeau creux arrosé de sirop de sucre parsemé de raisins de Corinthe, comme le kouglof en Alsace…

Quelle que soit sa forme, torsadée, tressée, à effeuiller, roulée, ronde… la brioche dit toujours, comme son compère le croissant et les autres viennoiseries, ce pont entre le rêve et la réalité au sortir du lit et ce bonheur d’être ici et maintenant, dans le plaisir de l’instant. Même durant les périodes les plus turbulentes de l’histoire de France, la brioche apporte le plaisir de vivre un doux moment à ceux qui petit-déjeunent en terre de France. »

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