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LE SECRET DU CROISSANT

Extrait (sans les photos) de mon dernier livre « Pourquoi la France survivra, le secret de la potion magique ». »

Chapitre 2 Le croissant

« Le croissant ? Difficile de ne pas commencer par lui pour qui veut approcher le mode de vie à la française et commencer à évoquer son sens caché.N’est-ce pas pourtant une « viennoiserie », avec le pain au chocolat, le pain au raisins, la brioche…? Et dans « viennoiserie », comment ne pas reconnaître le nom de Vienne, la capitale de l’Autriche ?

Alors autrichien finalement, ce fameux croissant ? Et toutes ces autres « viennoiseries », un vol de la France, peut-être ?

Le paradoxe est là : le croissant est bien né à Vienne mais il est pourtant français. Comme toutes les autres viennoiseries. Terriblement français jusque dans cette façon, même quand il prend aux autres, de transformer et recréer.

C’est son cri qui l’indique le mieux, ce léger craquement quand on le saisit, ce son croustillant qui sort de son corps quand on le porte en bouche, avec une fragilité si extrême que des miettes volètent systématiquement sur la table comme pour échapper à un rite programmé. Ce cri confirme ce qui était présumé à la vue de ce fin feuilletage, de sa fine luisance dorée, de ses reflets bruns, presque roux. Il conforte l’odorat charmé par les effluves des délicates arômes de beurre et de pâte feuilletée grillée. Comme si tout convergeait vers ce qui ne peut manquer d’arriver : qu’il fonde dans la bouche laissant aussitôt, avec le plaisir évanescent, le goût du temps perdu et le regret de ce rite du matin qui enchante tous les sens.

Et pourtant, pour ce qui est de sa naissance, le croissant dont tout Français est fier ne doit rien à la France. Bien au contraire. Si le point de vue de la France l’avait emporté, il n’aurait pas même existé. Le croissant est bien d’origine autrichienne, plus exactement de Vienne. Créé en 1683 par les boulangers autrichiens, il tire son origine de la guerre entre, d’un côté, la coalition chrétienne de l’empire des Habsbourg (le « Saint empire romain-germanique »), du Pape, Venise, de la Pologne et de certains princes allemands et, en face, les troupes de l’empire ottoman musulman.

D’un côté, 81 000 soldats chrétiens conduits par Charles V de Lorraine et le roi de Pologne, Jean III Sobleski, de l’autre, 150 000 à 200 000 militaires musulmans du Grand Vizir ottoman Kara Mustafa. Il faut imaginer la terreur des Viennois à l’approche des troupes turques. Ils voient, au loin, des forêts de drapeaux turcs, certaines tribus arborant déjà le drapeau rouge avec le croissant blanc et une étoile, qui deviendra plus tard l’étendard officiel, d’autres, plus nombreux, celui de Kara Mustafa, avec, en son centre, une ellipse verte et trois croissants jaunes. Le croissant étant le symbole de l’Islam. Ils ont peur. Ces troupes ottomanes ont déjà occupé une grande partie de l’Europe de l’Est, de la Serbie à la Hongrie de l’Est, détruit des villages, imposé l’islam, mis en esclavage bien des populations conquises, en particulier en prélèvement leur tribut, des jeunes adultes en âge de combattre, transformés en eunuques.

Et les Viennois se souviennent avec horreur du siège de 1529, organisé par un précédent vizir turc, Soliman le Magnifique, qui avait tué des milliers de Viennois et mis en esclavage en nombre plus grand encore.

En cette année 1683, deux mois durant l’armée turque commence donc le nouveau siège de la ville. Mais, contre toute attente, ce sont les troupes chrétiennes qui l’emportent grâce au roi de Pologne.

Pour célébrer cette victoire, qui allait sonner la reconquête chrétienne de l’Europe centrale, l’empereur Léopold 1er de Habsbourg institue la fête du « saint nom de Marie » et il permet aux boulangers de fabriquer une viennoiserie, en forme de croissant, le « kipferl», symbole du drapeau turc défait… et ingurgité.

Pour certains Autrichiens, qui craignent de froisser les Turcs, la forme serait plutôt due à la lune, qui aurait été dans sa phase de demi-lune, permettant ainsi de voir les 200 000 assaillants musulmans… dont j’ai quand même du mal à imaginer que, sinon, ils étaient silencieux et invisibles à quelques pas des fortifications, et qu’ils l’étaient encore, non seulement quand commence la bataille, ce 12 septembre, à 5 heures du matin mais aussi quand elle fait rage à midi. Quant à célébrer la lune, ces boulangers chrétiens ne m’y semblaient pas très disposés.

Ainsi naît en forme de croissant commémoratif de cette spectaculaire bataille gagnée, des pâtisseries formées à partir d’une pâte briochée.

Et la France dans tout cela ? S’il n’y avait eu qu’elle, il n’y aurait pas eu de croissant. Cyniquement, comme à son habitude, le roi de France, louis XIV, avait non seulement averti le Grand Vizir de sa neutralité mais aussi… de sa bienveillance… Comme ses prédécesseurs depuis François 1er, ce Bourbon rêvait, en vérité, d’une victoire des Ottomans pour éliminer ses concurrents germaniques et austro-hongrois afin de renforcer la puissance de la Frances en Europe et dans les colonies. Avant d’être catholique, la France était cynique.

Non seulement la naissance du croissant ne doit rien à la France mais sa venue à Paris doit encore et toujours à l’Autriche ;Il est amené à la Cour de Versailles par la reine Marie-Antoinette, en 1770. Une reine donnée à la France par l’Autriche pour sceller la paix… et à laquelle, les Français qui ne sont pas toujours très reconnaissants, ont …coupé la tête en 1793. Et pourtant, ce croissant devient au siècle suivant français. Car les Français regardèrent avec pitié cette pâtisserie molle des Viennois, aux couleurs eu réjouissantes, sans effluves qui font saliver d’avance, un peu fade, qui se mastique sans bruit, qui semble même devoir s’accompagner de fromage, de sucre, de vanille ou de confiture pour exister. Ils le prirent en main et décidèrent de le transformer avec cet objectif : il devait se suffire à lui-même et pousser son cri, donc être croustillant.

Ce fut une révolution : ils le fabriquèrent avec de la levure, du lait, du sucre, de la farine, du sel, de l’eau tiède… par un tour de main, pour transformer ce qui devenait une pâte feuilletée par une cinquantaine d’opérations, jusqu’au dorage avec un jaune d’œuf délayé pour ce léger brillant doré. Un savoir artistique transmis de bouche à oreille de boulanger français.

Et bientôt les milliers de boulangeries artisanales français offrirent une floraison de croissants aux goûts si différents que devient vrai cet adage : dis-nous comment est ton croissant, je te dirais qui est ton boulanger.

Le croissant doit être digne de l’oreille. Il signale une œuvre, celle d’un artiste, d’un boulanger, profession hautement respectée. Dans la main déjà, en le prenant, son cri doit s’entendre, un craquement léger, un « croustillement » plutôt, car le mot doit ici être inventé pour désigner ce qui n’est pas craquement mais pétillement.

Malheur au croissant mou ! Il est jugé indigne d’être entendu, donc indigne d’être ingurgité. Malheur donc au responsable d’une telle offense ! Le boulanger pourrait plier bagages, le restaurant perdre ses étoiles, l’hôtelier ses clients. Ce qui, de Saint-Denis de la Réunion à Rennes, de Lille à Fort-de-France, arrive rarement : chacun le sait, le Français ne plaisante pas avec le traitement du croissant.

Résultat, difficile de reconnaître dans le croissant viennois l’ancêtre de leur gâterie. Ainsi, tous les matins, de façon plus jubilatoire que les Autrichiens eux-mêmes, le Français qui a oublié l’origine de sa viennoiserie et coupé la tête de la pauvre Marie-Antoinette, bouffe le drapeau ottoman avec une gourmandise devenue toute laïque et bon enfant. Une sorte de cannibalisme symbolique salué par un feu d’artifice : le « craquement » du croissant croustillant. »

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LE SECRET DE LA MADELEINE

Extrait de mon livre « Pourquoi la France survivra. Le secret de la potion magique » (Contemporary Bookstore ).

« 3. Le secret de la madeleine

La madeleine du « petit déj » dit la même spiritualité cachée que tout ce qui se joue à table autour des viennoiseries.

Pour les uns, ce gâteau viendrait de Commercy, ville de Lorraine. Il aurait été fabriqué, en 1755, par Madeleine Paulmier qui travaillait au service de la marquise Perrotin de Beaumont, la nuit où elle dormait au château. Elle l’aurait offerte le lendemain au duc polonais Stanislas Leszczynski pour lui plaire.

D’autres attribuent son origine au stationnement en France du même duc Stanislas Leszczynski alors en route avec un groupe de pèlerins pour aller en Espagne, à Saint-Jacques-de-Compostelle. Un pèlerinage jamais effectué en réalité car s’il a participé à un tel groupe c’était uniquement pour se cacher de ses ennemis et parvenir à fuir en France. Suivant cette interprétation, une dénommée Madeleine, lui aurait offert un gâteau en forme de coquille Saint Jacques.

En vérité, hormis la question historique, les interprétations ne divergent pas quant au sens de cette madeleine déposée dans la panière. Si Madeleine Paulmier offrit ce cadeau en forme de coquille saint Jacques, ce ne put être pour imiter un coquillage qui se trouverait à Commercy. Cette ville est très loin de la mer. Il ne s’y trouve ni coquillage, ni port d’aucune sorte, comme d’ailleurs dans toute la Lorraine. Si elle le fit ce ne fut pas sans des raisons autrement plus spirituelles. Elle savait, comme tout un chacun à Commercy, le duc Stanislas Leszczynski très croyant. Elle-même était catholique pratiquante. Car cet ex roi, exilé de la Pologne, beau-père de Louis XV, avait reçu la ville en viager, en 1744 et il affichait sa foi jusque sur son cheval avec l’écusson de sa famille qui portait la croix catholique en son sommet. Or, Saint Jacques était alors souvent représenté par l’église catholique, à cheval, avec une épée, combattant les infidèles, les Maures, à la façon de Stanislas Leszczynski lui-même. La forme de la madeleine était donc une référence claire à la coquille saint Jacques, et, par elle, symboliquement, à saint Jacques.

Dans l’hypothèse où cette madeleine provenait d’une certaine Madeleine, au nom de famille inconnu aujourd’hui, le sens de cette offrande est bien le même. Elle aurait offert un gâteau en forme de coquillage à un pèlerin dont elle ne pouvait ignorer qu’il était un duc de Pologne parti avec son emblème sur les routes vers saint Jacques de Compostelle. Ce cadeau montre qu’elle était catholique et la référence par cette madeleine en forme de coquille à saint Jacques est évidente. Notre madeleine semble donc, à l’origine, tout aussi féroce et chrétienne que le croissant.…

Mais tout se passe comme si, par la cuisine française, un nouveau saint Jacques apparaissait, qui paraît d’ailleurs plus conforme à la tradition du moyen-Âge. Car, la madeleine est un aliment doux et sucré bien incompatible avec l’esprit guerrier dont certains aux XVII et XVIIIème siècles l’ont affublé. Et le Français en ingurgitant la madeleine, dévore d’une façon symbolique, l’aspect guerrier de Saint Jacques lui-même peut-être pour faire ressortir ce qui était le véritable esprit de Saint Jacques, dit Jacques le Majeur dans la Bible. Esprit auxquel, aussi bien Madeleine Paulmier que la Madeleine inconnue du chemin de Compostelle connaissaient évidemment. Non pas celui d’un guerrier tonitruant attaquant ses ennemis à coups d’épée mais d’un croyant pacifique qui prêcha l’amour et mourra par l’épée.

Ce nouvel investissement de sens par les Français explique que le romancier français Marcel Proust, l’un des plus connu, célèbre la madeleine dans son ouvrage monumental À La Recherche du Temps perdu. Il se souvient, après l’avoir trempée et portée aux lèvres, de sa douce enfance, lorsque le matin sa grand-mère la lui faisait goûter. Cela bien que l’on doive à la vérité de dire qu’il n’a jamais trempé qu’une biscotte, il n’est pas anodin qu’il ait jugé utile de la transformer de façon romanesque en madeleine, si française, si poétique, si douce et délicatement sucrée.

Au fond, la madeleine, comme le croissant, transformés par l’art français, diffusent un message universel. Portés aux lèvres, elle reste comme lui attachée à ce moment de douce transition entre lit et terre, entre passé et présent, entre rêve et réalité, quand les souvenirs de la nuit s’estompent peu à peu, quand bien même on essaye de s’y accrocher encore dans ce moment évanescent où elle fond dans la bouche. Elle participe à cette manière toute française de célébrer le jour qui se lève et le plaisir de vivre avant de retrouver la fureur du monde, dans la paix, dans le silence souvent même. « 

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LE CHARME DE LA BRIOCHE

Extrait de mon dernier livre « Pourquoi la France survivra. Le secret de la potion magique ».

« 6. Le charme de la brioche

Dans le mode de vie à la française, parmi les viennoiseries, la brioche, qui ne vient pas non plus de Vienne, a une place si importante que certains rapportent qu’elle a contribué indirectement à la révolution française de 1789. Elle serait même l’une des justifications, peut-être la principale si l’on en croit la légende, pour, en 1793, qu’ait été coupé la tête de la reine Marie-Antoinette d’Autriche, l’épouse de Louis XVI. Cette reine aurait répondu de façon méprisante à des manifestants qui se plaignaient à Paris de ne plus avoir de quoi acheter du pain : « Qu’ils mangent de la brioche !».

À vrai dire, si tel avait été le cas, nul doute qu’en terre de France, une réponse aussi désinvolte eût été grave. Car, le lecteur commence à le comprendre, on ne rigole en France ni avec le croissant, ni avec la madeleine, ni avec aucun des éléments qui composent le petit déjeuner. Et moins encore avec la brioche qui entretient avec le pain un rapport sacré. Mais de là à penser que l’on puisse couper une tête pour cela… Grognon oui, mais coupeur de tête, n’abusons pas.

D’ailleurs, cette reine née en Autriche, propulsée dauphine de France par un mariage forcé avec Louis XVI, en 1770, à 14 ans, devenue reine à 19 ans, n’a jamais prononcé une telle parole. Celle-ci est rapportée par les Confessions de Jean-Jacques Rousseau. Il évoque, en 1765, « une grande princesse » qui se serait moquée d’une population crevant de famine et se plaignant. Sans plus d’indications. Or, en 1765, Marie-Antoinette avait 9 ans …une fillette. Elle vivait en Autriche dans le palais de la Hofburg à Vienne et ne parlait pas un mot de français. Elle n’imaginait pas qu’elle n’aurait aucune jeunesse et devrait quitter ses jouets à 14 ans pour se marier dans un pays inconnu d’elle, la France, rejoignant la couche d’un autre enfant, le futur Louis XVI, contrainte même à un petit déjeuner quotidien peu raisonnable, bien qu’elle eût ramené le croissant mou autrichien à Versailles.

Nul doute d’ailleurs qu’en arrivant à Paris, elle n’ait vu l’importance de la brioche et du pain dans ce mode de vie à la française qu’elle fut contrainte d’adopter. Car entre le pain, dont la mie douce et sucrée ressemble à de la brioche, et la brioche, dont le craquant et la fermeté rappellent le pain blanc, il n’y a pas ce fossé que l’Autriche connaît entre le pain de type germanique et les pâtisseries. En France, ils doivent répondre aux mêmes impératifs, ceux du réveil doux et sucré.Il existe d’ailleurs de nombreux pains briochés, qui tiennent de l’un et de l’autre. Jusqu’aux fameux « mendiants » d’Alsace, ou «Bettelman », dont nous avons déjà parlé, fabriqués à partir de restes de pain rassis et de brioche, agrémenté de cerises ou d’autres fruits du moment. Et dans cet univers de passerelles, se tient aussi le petit pain au beurre dont il est difficile de dire s’il est plutôt un pain, une brioche ou un pain brioché.

Devenue aujourd’hui omniprésente sur la table française, et pas seulement les jours de fête ou le dimanche comme c’était encore le cas au XIXème siècle, la brioche contribue à préserver hors temps et hors sol ce moment du lever. Elle fait saliver petits et grands quand elle apparaît au petit-déjeuner. Farine, sucre, levure, œufs, une pincée de sel en sont la base…

Ensuite, chaque région apporte sa propre marque à cette pâte levée, ici de la vanille, là de la fleur d’oranger. Elle peut être simple comme la petite brioche parisienne surmontée d’une boule, ou longue et joufflue comme la brioche vendéenne avec sa crème fraîche, son rhum et sa vanille. Certains la préfèrent en forme de couronne parfumée à la vanille et au rhum, comme dans le sud de la Loire, d’autres en forme de chapeau creux arrosé de sirop de sucre parsemé de raisins de Corinthe, comme le kouglof en Alsace…

Quelle que soit sa forme, torsadée, tressée, à effeuiller, roulée, ronde… la brioche dit toujours, comme son compère le croissant et les autres viennoiseries, ce pont entre le rêve et la réalité au sortir du lit et ce bonheur d’être ici et maintenant, dans le plaisir de l’instant. Même durant les périodes les plus turbulentes de l’histoire de France, la brioche apporte le plaisir de vivre un doux moment à ceux qui petit-déjeunent en terre de France. »

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Pourquoi la France survivra (livre imprimé). Le secret de la potion magique