Vive l’exception culturelle française !

Vive l’exception culturelle française !

 

Ceux qui comptent ne savent pas toujours ce qui compte. Puissance et défense de la créativité, c’est aussi cela l’esprit de la France. BLOC- NOTES. Valeurs Actuelles.

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Le sens caché du Festival de Cannes

Par Yves Roucaute

 
Se balader au Festival de Cannes permet de songer à la France, à son exception culturelle. « Pour que tout reste comme avant, il faut que tout change », dit Tancredi Falconeri dans le Guépard de Visconti. Propos cyniques d’un ambitieux prêt à tout pour maintenir ses privilèges ? Non. Seulement un double refus. Celui du repli archaïque et celui de la glorification béate de la nouveauté, du “changement, c’est maintenant”.
 
Taxes, impôts, aides, encadrement, économie administrée, l’exception culturelle n’a pas bonne presse dans la mondialisation. La culture française n’aurait pas besoin d’être protégée, dit Mario Vargas Llosa, qui dénonce « chauvins » et « démagogues ». La France concentre- rait scandaleusement les deux tiers des aides au cinéma et à l’audiovisuel de l’Union européenne.
 
« Laissez faire les hommes,laissez passer les marchan-
dises » ? Idée plaisante quand on a la nostalgie des ruines. Celles
du cinéma italien par exemple.
Ah ! la Mostra de Venise, la grande concurrente de Cannes. Mais où sont les films produits par les Italiens ? Qu’est devenueCinecittà, pendant un demi-sicle deuxième studio du monde derrière Hollywood ? Où sont lesRossellini, De Sica, Visconti ?Les Quo Vadis ou les Ben
Hur ? Les westerns-spaghettis même ? Cinecittà s’est éteinte. La fée Fellini est devenue le Donald Duck d’un parc à thèmes. Faute d’aides, de réglementa- tion, de volonté politique.
 
En Europe : 69 % des films ingérés viennent des États-Unis. En Espagne, pas d’équivalent du Festival de Cannes. En Suède ? Depuis bien longtemps, à l’image de Sourires d’une nuit d’été de Bergman, la reconnaissance se trouve à Cannes. Le Festival de Berlin ? Le cinéma d’auteur n’y est pas toujours au rendez-vous. À l’inverse, à Cannes, en 2016, les longs métrages français représentent plus de la moitié de la compétition de la sélection officielle, et 66 % des films en sélection à la Quinzaine des réalisateurs. En 2015, le cinéma français a représenté 106 millions d’entrées à l’international avec 515 films exploités.
Deux fois et demie plus de films aux États-Unis qu’en France ? Vrai. Pour une population cinq fois plus nombreuse. L’Inde ? Le Bollywood indien est subventionné et protectionniste. En Chine aussi.
Évaluer le dispositif de soutien à la production cinématographique ? Le statut des intermittents ? Les obligations d’investissement des diffuseurs ? Les effets d’aubaine pour la médiocrité ? D’accord. Mais n’oublions pas le sens caché de l’exception culturelle.
La culture, cinéma en tête ? C’est un soft power, le sel de la guerre culturelle dans la mondialisation, clé des exportations, des emplois, de la puissance. Benito Mussolini le savait, qui inaugura Cinecittà, en 1937, « la plus puissante des armes ». Les États-Unis et la Chine aussi, qui se battent pour exporter leurs films, cheval de Troie de leurs produits.
Plus encore. Contre acculturation et décultura- tion, indifférenciation et médiocrité, avec son excep- tionnalité la France porte le grand message de la liberté créatrice. Celui de Jean Zay, initiateur du Fes- tival de Cannes, en 1939, et qui, le 20 juin 1944, avant de mourir, cria à ses bourreaux : « Vive la France ! »
 
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