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France McDo ou France foie gras ?

Voilà pourquoi les racines identitaires du pays sont beaucoup plus solides qu’on ne le croit

Entretien sur la prétendue « américanisation » de la France, site atlantico: Cliquer ici

Atlantico : Jérôme Fourquet vient de publier une note pour la Fondation Jean Jaurès sur la génération qui s’est convertie au McDo. Il y raconte comment la chaîne de Fast food américaine est devenue un lieu familier pour de nombreux jeunes. Vous avez écrit un livre plus d’humour détaillant du matin au soir le mode de vie à la française, « Pourquoi la France survivra. Le secret de la potion magique ». Faut-il voir dans cette habitude du McDo les preuves d’une américanisation établie de la société ? 

Yves Roucaute : Cette idée d’une « américanisation » de la société via la consommation chez McDo a quelque chose de drôle, typique des vielles idées courtes des idéologues et je me demande si elle n’est pas une tentative, un peu faible, de répondre à ceux qui vendent de l’apocalypse au nom d’un prétendu « grand remplacement ».  Dans les deux cas, on confond crise politique, celle des autorités parfois incapables de répondre par l’épée aux violations des règles communes, et crise d’identité. On oublie la puissance de résilience de l’imaginaire français donnée par le mode de vie à la française, cette fameuse potion magique dont je montre la formidable séduction et le secret.

Quand j’étais jeune, les extrêmes dénonçaient déjà l’américanisation en montrant du doigt par exemple jeans, tennis, tee-shirts, musique… Dans « Pourquoi la France survivra. Le secret de la potion magique » je m’amuse de cela en racontant l’histoire de ces trois inventions typiquement françaises. Car, un alter ego gauchiste d’une fondation Jean Jaurès américaine, dirait que nous avons francisé les États-Unis (rires). Ainsi, pour faire court, « Jeans » est contraction de « Jean’s« , qui signifie « of Jean« , autrement dit « de Jean« . Cela désigne la toile « de Jean« , « de Saint Jean » du Gard, ville des Cévennes, où était installée, au XVIIIème siècle, l’industrie textile de cette toile. La production transitait par Nîmes et, un siècle plus tard, en 1831, une entreprise de Manchester la vend aux États-Unis. Cette toile étant bleue, elle est appelée « blue », venant de saint Jean, elle devient le « Blue Jeans ». Et comme elle a été amenée par la famille André de Nîmes, elle sera encore dite « denim« , c’est-à-dire « de Nîmes ». Loeb Strauss, devenu Levi Strauss, qui habite à New York, découvre cette toile et constate sa solidité. À la suite de la ruée vers l’or, il déménage en Californie et reproduit les pantalons de Saint-Jean destinés aux mineurs. Il crée Levi Strauss & Co. En 1872, pour éviter l’accusation de contrefaçon, il ajoute des rivets aux poches. Et, quelques dizaines d’années plus tard, la toile bleue de Saint-Jean paraît venir des États-Unis, comme «blue Jeans ».

S’agissant des tennis, même terrible francisation (rires). Le jeu de tennis a été créé en France, à partir du jeu de paume. Le mot « tenes » est un terme venu du provençal qui était adressé quand on lançait la balle. En 1515, le duc d’Orléans introduit ce sport en Angleterre, où l’aristocratie parle français et où il était détenu. « Tenes » devient « Tennis » via l’accent anglais et les chaussures avec.

Quant au fameux « T-shirt » ou « Tee-shirt ». Lors de la première guerre mondiale, les soldats Français portaient des « tricots de corps », inventés au siècle précédent, et en donnaient aux Américains. Ils avaient la particularité de s’enfiler par la tête, d’où le « T » prononcé par les américains qui ont réduit le mot, l’associant au « shirt ». Et, lors de la seconde guerre mondiale, durant l’hiver 1944, les Américains sont à nouveau enthousiasmés par ce shirt « T » et ils vont le produire en masse, en 1950.

oilà quelques-uns des nombreux exemples de cette fécondation des nations par le mode de vie à la française. Sans même évoquer les droits de l’Homme ou le respect de la dignité de la femme depuis l’amour courtois et bien d’autres valeurs que nous transportons dans nos bagages par notre vie quotidienne sans même le savoir. Certains évoquent avec des trémolos ubuesques le jambon beurre, le croissant, le bistro qui seraient des espèces en voie de disparition. Mais le mot même de « bistro » vient du russe, et signifie « vite ». Il fut imposé par les soldats russes qui occupaient Paris en 1814 et qui voulaient boire rapidement. Le croissant ? Comme les autres viennoiseries, il vient de Vienne. Créé en 1683 par les boulangers autrichiens après la victoire de la coalition chrétienne contre les troupes de l’empire ottoman musulman qui menaçaient d’écraser la ville et de mettre en esclavage les survivants. C’est pourquoi je dis dans mon livre que les Français bon enfants bouffent de l’étendard turc le matin sans le savoir.

Oui, des gens vont au Mc Do, et alors ? S’américanisent-ils à cause de la sauce du Big Mac qui transformerait leur cerveau ? Gutenberg, né à Mayence, a inventé l’imprimerie, dit-on qu’en lisant des livres on se germanise ? L’écossais Lindsay a inventé l’ampoule avant Thomas Edison, est-ce qu’on s’ « écossise » en s’éclairant  ?  L’Anglais Edward Jenner a inventé le premier vaccin en 1796, ceux qui se font vacciner contre le Covid-19 s’ « anglicisent »-ils etPasteur était-il un agent de la perfide Albion ? Tout cela est absurde.

Il y aurait 1500 McDo en France et ce serait monstrueux nous dit-on. Diantre ! Nos joyeux compères de la gauche archaïque oublient qu’il y a 175 000 restaurants et une quarantaine de milliers de cafés et que la plupart des repas, pour près de 68 millions de français, se prennent à leur domiciel et dans les cantines où le cheeseburger n’est pas le plat quotidien, sinon peut-être chez certains sociologues qui n’ont pas trop l’habitude des enquêtes de terrain.

Et j’ajoute que ce qui est fourni dans les McDo n’est pas vraiment américain. Un « big mac » est composé de viande hachée, spécialité cosaque ou française depuis des siècles, de laitue, dont l’origine est kurde, de cornichon au vinaigre, qui vient d’Inde, d’oignons, qui viennent d’Égypte, de pain au sésame, d’origine turque… Quant à la sauce « Thousand Island dressing », dite « sauce américaine », elle a été inventée par des descendants de Français immigrés dans la région de Mille Îles, peut-être par Sophia LaLonde : ils ont pris pour base la fameuse recette purement frenchie de la mayonnaise et y ont ajouté du paprika, venu de Hongrie, la moutarde, venue des Grecs ou Romains… et j’en passe. Et le tout est accompagné de frites, appelées « french fries »… sans qu’un sociologue ne s’amuse à calculer le nombre de frites servies par jour pour dénoncer la francisation de la société américaine. Ce qui serait d’ailleurs assez drôle car si le « Big Mac » est international, la frite est belge. La « belgisation » de la France elle-même va-t-elle conduire à une offensive par les Ardennes ?

La seule question sérieuse est de savoir si les Français perdent leur identité en allant au McDo ou s’ils adoptent simplement une pratique qui leur permet de mieux vivre au moindre cout. Je penche pour la seconde hypothèse qui a le mérite d’être simple. Et j’ai la preuve que ceux qui y vont ne s’américanisent pas : en sortant du McDo, ils ne parlent pas mieux l’anglais sinon cela se saurait et les thèses de doctorat qui m’ont été données à lire et juger auraient, parfois, été de meilleure qualité. (rires)

 À l’évidence, à la différence d’Obélix, nos idéologues ne sont pas tombés dans la potion magique étant enfant, seulement dans la potion idéologique de l’extrême-gauche, celle qui voit de l’américanisation partout, copine de la méchante mondialisation et qui est passablement périmée. Ils ignorent tout de la culture française, celle d’une nation vieille de 1500 ans, de sa formidable résilience par sa capacité à être elle-même un élément de la mondialisation, avec ses formidables entreprises, de Danone à son influence culturelle, de son empire de 12 millions de KM2 de surface économique exclusive, le second du monde, à son « soft power » qui émane de son mode de vie. Un mode de vie qui lui permet d’ingurgiter tout ce qui est pour se renforcer, comme les boulangers français le firent en prenant le mou croissant viennois pour le transformer en un délicieux mets croustillant.

Quand on cherche la puissance de la France, et c’est mon cas, le juste milieu, aurait dit Aristote, est de prendre ce qui permet la résilience et la puissance de la France et de laisser ce qui l’affaiblit. Or, du bœuf entre deux pains n’affaiblit pas la France. Je ne crains pas les McDo qui permettent de se nourrir rapidement et à bon prix, de se rencontrer et de s’amuser, au contraire. Économie d’argent, de temps, plaisir, convivialité, que les fastfoods soient mexicains ou français, voilà dont on peut se moquer comme d’une guigne.

Le fast food n’est pas opposé au mode de vie à la française, pas même à la santé, même si nos « french fries » ont largement contribué à l’obésité générale américaine, à condition, comme toute chose, de ne pas en abuser. Pascal, pour une vie équilibrée disait, « un peu, pas trop de vin », il faudrait dire « un peu, pas trop, de fast food ».Et « Honni soit qui mal y pense »de cette mondialisation où nous excellons  quand nous libérons les énergies françaises, comme dit la devise du plus important ordre de la chevalerie anglaise, devise française, évidemment.

Atlantico : Outre McDonald’s, d’autres habitudes culturelles des Français témoigneraient-elles d’une même évolution de certaines mœurs françaises ? 

Yves ROUCAUTE: Oui, l’évolution due à la mondialisation est évidente. Et dans la mesure où la première puissance mondiale est les États-Unis d’Amérique, il est clair que les bouleversements qui s’y font, en particulier par l’explosion des nouvelles technologies,  ont des effets du côté français de l’Atlantique. De l’internet au smartphone, des réseaux sociaux aux musiques, tout est en train d’être transformé dans notre vie quotidienne.

Mais, à nouveau, il s’agit moins d’une « américanisation » que d’une révolution globale dont j’ai parlé dans un autre livre, « Le Bel Avenir de l’Humanité. La révolution des Temps contemporains », liée à la conjonction de l’intelligence artificielle, des biotechs, des nanotechs, de l’informatique, de la robotique, de l’art, des réseaux, des modes de gouvernance, de ce que l’on appelait le « travail ». Un raz de marée est en train de submerger l’humanité qui n’a rien à voir avec ce que certains appellent le « réchauffement climatique ». (rires)Et si ce raz de marée a eu, au départ, pour fer de lance les laboratoires des États-Unis, la Chine y a aujourd’hui une part de plus en plus grande, et tous les pays sont entrainés dans cette danse de la créativité, la France aussi.  

Clairement, ne pas évoluer, refuser l’influence de cette mondialisation c’est devenir une nation de troisième ordre.

La question n’est donc pas de savoir comment empêcher la vague d’arriver,  mais de savoir comment la France peut sortir encore plus forte de ces influences.

De fait, les mœurs françaises évoluent donc sous cette formidable pression. Et cela produit des effets dans les habitudes de la vie quotidienne. Songez aux monstrueuses banques de données accessibles par internet, aux nouveaux modes de communication numériques et horizontaux, aux réseaux sociaux, à la mise en cause de la souveraineté monétaire avec les crypto-monnaies, aux mobilisations, et, même, parfois pour le pire, aux rumeurs et à une certaine guillotine numérique. Car toute avancée a évidemment ses inconvénients, comme la hache qui sert à couper du bois depuis la fin du paléolithique mais qui a aussi permis aux Hutus de massacrer un million de Tutsis.

Mais les Français s’enrichissent de  ces influences, et ils font évoluer les mœurs des autres nations. En jouant le jeu de la créativité au lieu du refus des avancées scientifiques et de la mondialisation, ils peuvent transformer toutes les avancées dans le sens qui est le leur pour continuer à indiquer le bon chemin et séduire le monde entier.

Car, oui, ils disposent d’une potion magique qui séduit le monde entier, c’est leur mode de vie sucré, généreux et ouvert qui enfante ce goût de la liberté, de l’égalité des droits et de la fraternité universelle. Et dans la marmite de ce mode de vie, il y a un ingrédient secret, venu du fond des âges.

Cet ingrédient permet de rappeler à tous que l’important est de jouir de la vie autant que possible, ici et maintenant et non de la sacrifier au travail, aux honneurs ou à l’argent. Une façon de perpétuer le souvenir biblique que l’humanité c’est « éminemment bon » en elle-même, qu’elle mérite d’être aimée, de vivre joyeusement sa vie ou bien si l’on préfère, ce secret est l’ingrédient qui nous fait rire, du rire de Rabelais, qui nous rappelle que tout doit être orienté vers l’épanouissement des individus et l’universel aimer. Voilà la grande leçon française qui transforme les nouvelles technologies en plaçant l’humanité au centre comme elle avait transformé le croissant viennois : Comme disent les Autrichiens, « vivre comme Dieu en France » : dans la morosité vendue par ceux que mon ami Umberto Eco appelait les apocalyptiques, il est temps de rappeler aux Français qu’ils n’ont rien à craindre de la mondialisation, des évolutions. Leur mode de vie généreux et sucré est insubmersible et donne une lumière à l’humanité, des droits de l’homme au petit déjeuner. Oui, ils n’ont rien à craindre, sinon que le ciel rempli artificiellement de culpabilité et de médiocrité ne leur tombe sur la tête.

Atlantico : Qu’est ce qui constitue aujourd’hui dans les pratiques le cœur de cette identité française « immuable » ?

Yves ROUCAUTE Ce qui est immuable, c’est cette potion magique qui lui a permis de survivre à 1500 d’histoire, ce socle de mœurs et de valeurs assimilé par les citoyens qui a fait la France depuis Clovis même si, depuis, évidemment, comme je le démontre dans le livre dont vous parliez, avec les Républiques, ce socle a été amendé. 

Une potion qui se prend dans la vie quotidienne, du petit déjeuner au coucher, où la France célèbre le plaisir de sa vie sucrée, dans l’incompréhension de nombre de nos voisins qui ne saisissent pas toujours pourquoi nous ne commençons pas par un petit déjeuner copieux, plein de vitamines. Tout au long de la journée, jusqu’au repas du soir où se partagent le pain et le vin, la France ingurgite une nourriture spirituelle sans égale dans le monde.

Une potion que nous ingurgitons par le style de vie à la française à nul autre pareil. Ainsi, dans les arts de la table, devenus patrimoine de l’humanité, mettre verres, fourchettes, couteaux, nappe même n’est pas anodin depuis le Moyen-Âge et la Renaissance. Oui, tout fait sens.

Et que dire de cette culture de la « légèreté » qui piège les étrangers qui en ignorent le sens caché ? Celle de la mode, du parfum, du maquillage, de la bijouterie ? Ces règles de l’« étiquette », inventées à la Cour de Versailles et, plus que tout peut-être, cet art millénaire célébré depuis l’invention française de l’amour courtois et de la galanterie,  où les femmes ne sont « ni putes, ni soumises » mais ont le droit de revendiquer leur désir, sur cette terre où l’on joue de la séduction avec fantaisie, où s’impose l’égale dignité des femmes et des hommes, .terre des amours chantés par les bardes gaulois puis les trouvères et troubadours, terre des fêtes populaires et des danses de Cours où se mêlent les voix de Joséphine Baker et Georges Brassens pour que s’étreignent librement les amoureux qui « se bécotent sur les bancs publics« .  Oui, un ministère de la Promotion de la Vertu et la Répression du vice, à la mode talibane ? Il n’a aucune chance dans ce pays. Et le voile intégral des femmes n’est pas pour demain. N’en déplaise aux vendeurs d’apocalypse : la potion magique a prévu l’antidote.

Ce qui est « immuable » encore et surtout ? Ce sont les ingrédients de la potion magique qui produisent un étonnant « patriotisme à la française » dû à la formation de la France elle-même, dont le chant révolutionnaire, la Marseillaise, et les symboles, Marianne ou le coq gaulois, donnent le ton. C’est la faute au roi franc Clovis qui construisit la France. Il voulait l’unité pour assurer sa puissance. Or, face à la diversité des populations, au risque de révolte et de dissolution il se posa la question qui sera, plus tard, celle du Général de Gaulle : « Comment voulez-vous gouverner un pays où il existe 246 variétés de fromages » ? 

Sa réponse ? Il interdit les mariages entre les Francs et lui-même se marie avec Clothilde, nièce de Gondebaud, roi des Burgondes. Gallo-romains, Francs, Burgondes, Basques, Catalans…. C’est le grand mélange. Ainsi naît une nation de « sang mêlé » aurait dit le personnage Harry Potter.

Mais si le sang n’unifie plus, par quoi le remplacer ? Il invente la potion magique : l’unité par l’assimilation de mœurs et de valeurs. Il mixte dans sa marmite valeurs chrétiennes, traditions franques, mœurs gallo-romaines. Un antidote radical aux communautarismes. Où vous l’ingurgitez, et vous voilà Français, ou vous trépassez dit en substance ce roi qui n’était pas, il faut le dire, un grand humaniste.

Mais jusqu’où doit aller l’assimilation ? Conduira-t-elle à supprimer tout particularisme local, à tenir l’individu pour négligeable ? C’est le troisième geste de Clovis : en dehors du socle à assimiler, chacun peut conserver ses coutumes, sa langue régionale et son fromage.

Ainsi fut fabriqué le mode de vie à la française. Une main de fer : chacun doit assimiler ce socle. Une main de velours : chacun qu peut ajouter les ingrédients de son choix à la potion, s’il ne la dénature pas.

Ainsi naît la première « nation civique » du monde. L’unité contre le communautarisme. Le patriotisme contre le nationalisme.

Certes, depuis Clovis, ce socle de la potion magique fut transformé. Charlemagne (742-814) ajouta la culture dans la marmite, Philippe le bel, des ingrédients étatistes. La République conjugua les deux figures chrétiennes de Marie et Anne en une « Marianne » laïque, symbole de ce mode de vie, avec son sein découvert qui rappelle qu’une nation civique nourrit tous les citoyens, indépendamment de leur origine ou de leurs croyances. Mais armée, d’une épée ou d’une lance, ou portant le drapeau tricolore Marianne veille sur l’assimilation, n’hésitant pas à frapper.

Ainsi, en 1940, Philippe Pétain tenta de profiter de la faiblesse de la République pour créer un simulacre de nation ethnique sur le modèle allemand. Suivant Hitler, il enleva leur nationalité aux enfants juifs nés sur le sol français dont les parents n’étaient pas de « sang français » et il laissa massacrer les Tirailleurs sénégalais, qui avaient donné leur vie pour la France en 14-18, trop musulmans et trop africains à son goût. Il condamna même à mort Charles de Gaulle. Mais Philippe Pétain sous-estimait la puissance de la potion magique. La France refusa massivement les exterminations des juifs et la résistance devint populaire. Finalement, le coq de Marianne, Charles de Gaulle, l’emporta et la nation civique française avec lui.

Alors, oui, j’en passe de ces ingrédients de la potion magique qui suivent presque logiquement cette histoire, ce style et cette quotidienneté, de cette façon de traverser hors des passages cloutés à cette méfiance quasi libertaire envers tous les pouvoirs, de cette passion pour la culture française et la revendication de son « exception » à sa puissance militaire, troisième du monde, présente sur tous les océans et les continents, avec 12 millions de km2 de surface économique exclusive.  Quand on la croit « foutue » elle se relève toujours. Et on aurait tort de croire qu’une Marianne affaiblie, qui oublie de protéger son socle moral, est condamnée. Son coq ne chante jamais mieux que quand il a les pattes dans la fange.

Oui, je vous réponds franchement : insubmersible, la France donne au monde une leçon de vie qui est celui de l’avenir de l’humanité en rappelant qu’à chaque instant, le plaisir de la vie, la joie et l’amour sont les chemins d’une vie authentique. Et c’est pourquoi la France est le pays le plus visité du monde, et Paris la ville la plus touristique. Et c’est pourquoi un millier de McDo n’en viendront pas à bout.

Atlantico : Qu’en est-il sur le plan politique ? Adoptons-nous des modes politiques étrangères ou cultivons-nous nos spécificités françaises, comme ce que certains appellent le « populisme » à la française ?

Yves ROUCAUTE : Le populisme, à vrai dire je ne sais pas ce que cela veut dire. Je sais ce qu’est le fascisme, le national-socialisme, le communisme, l’islamisme et quelques autres « ismes » plus ou moins définis, je vois bien dans l’histoire des formes de tyrannies sanguinaires qui se sont appuyées sur une grande partie de la population, il suffit de songer à Néron ou Caligula. Mais ce mot de « populisme » est un terme creux qui permet seulement de faire semblant de comprendre des phénomènes sociaux dont on refuse l’analyse, souvent parce qu’elle gêne. Il contient une connotation morale, de condamnation le plus souvent, et il est systématiquement attribué à la dite « extrême-droite ». Il est le corollaire des mots « mouvements sociaux » qui, eux, seraient bons. C’est une distinction qu’adorent les intellectuels néo-marxistes ou disciples de Bourdieu et Foucault pour couvrir ce qu’ils ne sauraient voir, un peu comme dans le Tartuffe de Molière.

Passons. Aujourd’hui, je ne vois rien en France qui ressemble à ce qui se passe en Chine, en Allemagne ou aux États-Unis.  Aux États-Unis, le courant « jacksonien » de Donald Trump n’est en rien celui de Marine Le Pen ou Éric Zemmour auquel on le compare. Ce n’est d’ailleurs pas sans raison qu’il a refusé de les recevoir. Les conflits, notamment avec les hamiltoniens et les wilsoniens du parti démocrate ont des causes qui tiennent à l’histoire américaine et qui n’ont rien à voir avec l’histoire de France.

La spécificité française fut longtemps le rapport gauche-centre-droite, né en septembre 1789 de l’opposition entre ceux qui accordaient un droit de veto au roi et ceux qui refusaient. Ce rapport gauche-droite a évolué en fonction des jeux franco-français.

En tout état de cause, la victoire d’Emmanuel Macron a, une nouvelle fois, redistribué les cartes et contraint a de sérieuses remises en cause mais elle n’a pas détruit les courants. Ce fut celle d’un officier qui a compris que le terrain politique était dénué de forces unifiées. Sur le champ de ruines, le pouvoir était à prendre. Il l’a pris. Saisir l’’occasion est d’ailleurs la marque d’un stratège politique comme le notait Aristote et non celle d’un joueur de loto comme persistent à le croire certains.

Mais la méfiance envers les pouvoirs est bien toujours la même depuis les Gaulois, avec son « dégagisme » très français. Songez que la propre tribu de Vercingétorix avait mis à mort son père, accusé de vouloir devenir une sorte de roi. Gauche démocratique et droite républicaine renaîtront demain. Mais sous une autre forme. Les alliances entre l’extrême-gauche et la gauche réformiste et social-démocrate me paraissent caduques. Et, l’ « union des droites » me paraît un songe creux. Mais, quand bien même le Président Macron serait réélu, l’après Macron est d’ores et déjà ouvert en raison de la faiblesse de son appareil politique. Et c’est encore cela la spécificité française que nous aimons tant en discutant politique et en persiflant dans les dîners : le côté imprévisible. C’est quand même plus drôle qu’une alternative programmée ou qu’un menu de McDo.

LE SECRET DE LA MADELEINE

Extrait de mon livre « Pourquoi la France survivra. Le secret de la potion magique » (Contemporary Bookstore ).

« 3. Le secret de la madeleine

La madeleine du « petit déj » dit la même spiritualité cachée que tout ce qui se joue à table autour des viennoiseries.

Pour les uns, ce gâteau viendrait de Commercy, ville de Lorraine. Il aurait été fabriqué, en 1755, par Madeleine Paulmier qui travaillait au service de la marquise Perrotin de Beaumont, la nuit où elle dormait au château. Elle l’aurait offerte le lendemain au duc polonais Stanislas Leszczynski pour lui plaire.

D’autres attribuent son origine au stationnement en France du même duc Stanislas Leszczynski alors en route avec un groupe de pèlerins pour aller en Espagne, à Saint-Jacques-de-Compostelle. Un pèlerinage jamais effectué en réalité car s’il a participé à un tel groupe c’était uniquement pour se cacher de ses ennemis et parvenir à fuir en France. Suivant cette interprétation, une dénommée Madeleine, lui aurait offert un gâteau en forme de coquille Saint Jacques.

En vérité, hormis la question historique, les interprétations ne divergent pas quant au sens de cette madeleine déposée dans la panière. Si Madeleine Paulmier offrit ce cadeau en forme de coquille saint Jacques, ce ne put être pour imiter un coquillage qui se trouverait à Commercy. Cette ville est très loin de la mer. Il ne s’y trouve ni coquillage, ni port d’aucune sorte, comme d’ailleurs dans toute la Lorraine. Si elle le fit ce ne fut pas sans des raisons autrement plus spirituelles. Elle savait, comme tout un chacun à Commercy, le duc Stanislas Leszczynski très croyant. Elle-même était catholique pratiquante. Car cet ex roi, exilé de la Pologne, beau-père de Louis XV, avait reçu la ville en viager, en 1744 et il affichait sa foi jusque sur son cheval avec l’écusson de sa famille qui portait la croix catholique en son sommet. Or, Saint Jacques était alors souvent représenté par l’église catholique, à cheval, avec une épée, combattant les infidèles, les Maures, à la façon de Stanislas Leszczynski lui-même. La forme de la madeleine était donc une référence claire à la coquille saint Jacques, et, par elle, symboliquement, à saint Jacques.

Dans l’hypothèse où cette madeleine provenait d’une certaine Madeleine, au nom de famille inconnu aujourd’hui, le sens de cette offrande est bien le même. Elle aurait offert un gâteau en forme de coquillage à un pèlerin dont elle ne pouvait ignorer qu’il était un duc de Pologne parti avec son emblème sur les routes vers saint Jacques de Compostelle. Ce cadeau montre qu’elle était catholique et la référence par cette madeleine en forme de coquille à saint Jacques est évidente. Notre madeleine semble donc, à l’origine, tout aussi féroce et chrétienne que le croissant.…

Mais tout se passe comme si, par la cuisine française, un nouveau saint Jacques apparaissait, qui paraît d’ailleurs plus conforme à la tradition du moyen-Âge. Car, la madeleine est un aliment doux et sucré bien incompatible avec l’esprit guerrier dont certains aux XVII et XVIIIème siècles l’ont affublé. Et le Français en ingurgitant la madeleine, dévore d’une façon symbolique, l’aspect guerrier de Saint Jacques lui-même peut-être pour faire ressortir ce qui était le véritable esprit de Saint Jacques, dit Jacques le Majeur dans la Bible. Esprit auxquel, aussi bien Madeleine Paulmier que la Madeleine inconnue du chemin de Compostelle connaissaient évidemment. Non pas celui d’un guerrier tonitruant attaquant ses ennemis à coups d’épée mais d’un croyant pacifique qui prêcha l’amour et mourra par l’épée.

Ce nouvel investissement de sens par les Français explique que le romancier français Marcel Proust, l’un des plus connu, célèbre la madeleine dans son ouvrage monumental À La Recherche du Temps perdu. Il se souvient, après l’avoir trempée et portée aux lèvres, de sa douce enfance, lorsque le matin sa grand-mère la lui faisait goûter. Cela bien que l’on doive à la vérité de dire qu’il n’a jamais trempé qu’une biscotte, il n’est pas anodin qu’il ait jugé utile de la transformer de façon romanesque en madeleine, si française, si poétique, si douce et délicatement sucrée.

Au fond, la madeleine, comme le croissant, transformés par l’art français, diffusent un message universel. Portés aux lèvres, elle reste comme lui attachée à ce moment de douce transition entre lit et terre, entre passé et présent, entre rêve et réalité, quand les souvenirs de la nuit s’estompent peu à peu, quand bien même on essaye de s’y accrocher encore dans ce moment évanescent où elle fond dans la bouche. Elle participe à cette manière toute française de célébrer le jour qui se lève et le plaisir de vivre avant de retrouver la fureur du monde, dans la paix, dans le silence souvent même. « 

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LE CHARME DE LA BRIOCHE

Extrait de mon dernier livre « Pourquoi la France survivra. Le secret de la potion magique ».

« 6. Le charme de la brioche

Dans le mode de vie à la française, parmi les viennoiseries, la brioche, qui ne vient pas non plus de Vienne, a une place si importante que certains rapportent qu’elle a contribué indirectement à la révolution française de 1789. Elle serait même l’une des justifications, peut-être la principale si l’on en croit la légende, pour, en 1793, qu’ait été coupé la tête de la reine Marie-Antoinette d’Autriche, l’épouse de Louis XVI. Cette reine aurait répondu de façon méprisante à des manifestants qui se plaignaient à Paris de ne plus avoir de quoi acheter du pain : « Qu’ils mangent de la brioche !».

À vrai dire, si tel avait été le cas, nul doute qu’en terre de France, une réponse aussi désinvolte eût été grave. Car, le lecteur commence à le comprendre, on ne rigole en France ni avec le croissant, ni avec la madeleine, ni avec aucun des éléments qui composent le petit déjeuner. Et moins encore avec la brioche qui entretient avec le pain un rapport sacré. Mais de là à penser que l’on puisse couper une tête pour cela… Grognon oui, mais coupeur de tête, n’abusons pas.

D’ailleurs, cette reine née en Autriche, propulsée dauphine de France par un mariage forcé avec Louis XVI, en 1770, à 14 ans, devenue reine à 19 ans, n’a jamais prononcé une telle parole. Celle-ci est rapportée par les Confessions de Jean-Jacques Rousseau. Il évoque, en 1765, « une grande princesse » qui se serait moquée d’une population crevant de famine et se plaignant. Sans plus d’indications. Or, en 1765, Marie-Antoinette avait 9 ans …une fillette. Elle vivait en Autriche dans le palais de la Hofburg à Vienne et ne parlait pas un mot de français. Elle n’imaginait pas qu’elle n’aurait aucune jeunesse et devrait quitter ses jouets à 14 ans pour se marier dans un pays inconnu d’elle, la France, rejoignant la couche d’un autre enfant, le futur Louis XVI, contrainte même à un petit déjeuner quotidien peu raisonnable, bien qu’elle eût ramené le croissant mou autrichien à Versailles.

Nul doute d’ailleurs qu’en arrivant à Paris, elle n’ait vu l’importance de la brioche et du pain dans ce mode de vie à la française qu’elle fut contrainte d’adopter. Car entre le pain, dont la mie douce et sucrée ressemble à de la brioche, et la brioche, dont le craquant et la fermeté rappellent le pain blanc, il n’y a pas ce fossé que l’Autriche connaît entre le pain de type germanique et les pâtisseries. En France, ils doivent répondre aux mêmes impératifs, ceux du réveil doux et sucré.Il existe d’ailleurs de nombreux pains briochés, qui tiennent de l’un et de l’autre. Jusqu’aux fameux « mendiants » d’Alsace, ou «Bettelman », dont nous avons déjà parlé, fabriqués à partir de restes de pain rassis et de brioche, agrémenté de cerises ou d’autres fruits du moment. Et dans cet univers de passerelles, se tient aussi le petit pain au beurre dont il est difficile de dire s’il est plutôt un pain, une brioche ou un pain brioché.

Devenue aujourd’hui omniprésente sur la table française, et pas seulement les jours de fête ou le dimanche comme c’était encore le cas au XIXème siècle, la brioche contribue à préserver hors temps et hors sol ce moment du lever. Elle fait saliver petits et grands quand elle apparaît au petit-déjeuner. Farine, sucre, levure, œufs, une pincée de sel en sont la base…

Ensuite, chaque région apporte sa propre marque à cette pâte levée, ici de la vanille, là de la fleur d’oranger. Elle peut être simple comme la petite brioche parisienne surmontée d’une boule, ou longue et joufflue comme la brioche vendéenne avec sa crème fraîche, son rhum et sa vanille. Certains la préfèrent en forme de couronne parfumée à la vanille et au rhum, comme dans le sud de la Loire, d’autres en forme de chapeau creux arrosé de sirop de sucre parsemé de raisins de Corinthe, comme le kouglof en Alsace…

Quelle que soit sa forme, torsadée, tressée, à effeuiller, roulée, ronde… la brioche dit toujours, comme son compère le croissant et les autres viennoiseries, ce pont entre le rêve et la réalité au sortir du lit et ce bonheur d’être ici et maintenant, dans le plaisir de l’instant. Même durant les périodes les plus turbulentes de l’histoire de France, la brioche apporte le plaisir de vivre un doux moment à ceux qui petit-déjeunent en terre de France. »

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