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ITW. Yves Roucaute : “Que ce soit face à Trump, au wokisme, à l’IA ou à l’écologisme, nous avons besoin d’une révolution spirituelle”

ITW du 8 mars 2026. Présentation Atlantico

 Donald Trump, Ukraine, écologisme, wokisme, islamisme, antisémitisme, antichristianisme, intelligence artificielle, mal-être de la jeunesse… avec son livre « Aujourd’hui le bonheur », le philosophe Yves Roucaute apporte des réponses à toutes ces questions, et à bien d’autres. Présenté habilement comme les carnets de voyage d’un vagabond qui parcourt l’histoire de l’humanité en quête de miel et de bonheur, ce récit expose une vision du monde révolutionnaire.

Apparemment son vagabond va de gare en gare depuis l’état de nature, par l’Orient Express, l’Occident Express, le Mondial Express puis un petit tortillard jusqu’à son but, la Vallée de Miel. Mais, en vérité, en chemin il détruit en les disséquant, les idéologies obscurantistes, écologisme, wokisme, communisme, islamisme… il coupe au scalpel toutes les idolâtries, Planète, État, Marché, Pouvoir, Science… Et les 4 clefs du bonheur qu’il découvre sont quatre armes pour libérer la Cité de ceux qui vendent peurs et culpabilité, en profitant des 4 malheurs qui nous assaillent, ceux dus à la nature, aux autres humains, à soi-même et à l’illusion que l’humanité serait coupable par nature. À la fin, le philosophe prouve que toute l’histoire de l’humanité a été la lutte de la nature libre et créatrice humaine proclamée par la Bible contre la pensée magico-religieuses qui l’enferme. Et les quatre clefs sont un appel à la révolution spirituelle pour construire une Cité qui permet l’exercice de la formule du bonheur pour tous, « Créez ! ». Une philosophie de la révolution qui est aussi, c’est le paradoxe, une philosophie de la restauration, celle de la spiritualité. Avec plein de secrets, que nous tenterons de percer avec le dernier entretien.

Atlantico : Êtes-vous un partisan de Donald Trump qui associe libération de l’innovation et puissance cynique comme on le voit par son attitude envers l’Ukraine et sa politique douanière ?

Yves Roucaute : En écrivant ce livre, je ne me suis à aucun moment demandé si cela allait plaire à la droite, à la gauche ou au centre, au gouvernement américain, chinois ou zimbabwéen. Face au défi trumpiste et contre ceux qui sabotent les fondements spirituels de l’Europe au nom de la planète, du wokisme ou de l’intelligence artificielle, mon livre appelle à une révolution pour assurer innovation, puissance et recherche du bonheur individuel. L’urgence pour les Européens n’est pas climatique mais de lire mon livre (rires)car ce qui devrait d’abord les inquiéter, c’est de constater que l’Union européenne est incapable de répondre au protectionnisme offensif américain et à l’offensive plus subtile des Chinois. Au lieu de participer à la révolution des Temps contemporains que mon livre célèbre et dont il donne les clefs, elle sort de l’histoire. Car ce livre prouve que toute l’histoire de l’humanité a été la lutte de la nature libre et créatrice humaine, révélée par la Bible et prouvée par la raison, contre la pensée magico-religieuses qui l’enferme. Aujourd’hui, après 2,8 millions d’années de pensée magico-religieuse, cette période s’achève. Or, au lieu de suivre l’histoire et de libérer la créativité, l’Europe de Bruxelles est emportée dans la décadence et la haine de soi par des élites qui ont refusé la référence aux racines judéo-chrétiennes de l’Europe mais qui ont intégré dans leurs logiciels les idéologies, comme le wokisme ou l’anticapitalisme, et les idolâtries comme celle de la planète ou de l’État que je coupe au scalpel. Croyez-vous que ce soit un hasard si l’Union européenne est passée en troisième position en termes de PIB, très loin derrière les États -Unis, avec 18500 milliards de dollars environ contre près de 30 000 milliards ? Si l’Allemagne est en récession pour la deuxième année et si la France piétine, disparue des dix premières places en intelligence artificielle, robotique, nanotechnologies, biotechnologies… mais première en taxes, règlementations et dettes écologistes ?

Faudrait-il critiquer Elon Musk et Donald Trump qui cherchent la puissance et pour cela qui veulent libérer la créativité, source de l’innovation ? Au lieu de persévérer sur le chemin de la décadence, l’union européenne ne devrait-elle pas songer à s’attaquer à son tour aux bureaucraties et au maquis des normes et des taxes, à cesser de dilapider l’argent public via bonus écologistes et financement d’associations obscurantistes, à soutenir les industries extractives et transformatrices, à libérer la recherche de ses carcans idéologiques et réglementaires et finalement, à suivre la voie tracée par mon vagabond ?

Maos comment croire que cette Europe gouvernée par des idéologues et des bureaucrates va retrouver le chemin de l’histoire alors que sa plus belle avancée en matière d’intelligence artificielle est d’avoir produit cinq grandes régulations pour la limiter ? (rires)…Et pourtant, il le faudrait, car la politique de Donald Trump a hélas ! un autre versant.

Atlantico : Quel est-il ?

Il faut saisir que le parti républicain américain est divisé et que Donald Trump n’est pas un hériter de Ronald Reagan qui associait les valeurs universelles judéo-chrétiennes à la puissance américaine. Donald Trump l’a d’ailleurs critiqué. Lui est l’héritier du président américain Andrew Jackson, qui lança la conquête de l’Ouest, qui supprima la banque centrale, qui réduisit le poids de Washington et qui fut à l’origine du slogan « America first ».Il veut la puissance et l’hégémonie des États-Unis sans se préoccuper des régimes, à l’exception notable de la défense d’Israël.

Ainsi, il voit que l’innovation est la source de la puissance mais, en renouant avec les idolâtries de la Puissance et du Marché, il est pris dans une contradiction flagrante : il freine la créativité et il va ainsi contre le sens de l’histoire. Cela par trois effets pervers : une inflation dans certains secteurs qui va diminuer les ressources disponibles pour l’innovation, une moindre profitabilité des entreprises innovantes par les mesures de rétorsion des partenaires économiques aux mesures douanières et surtout, le plus grave du point de vue de l’histoire, un frein mis à la vraie mondialisation, celle des savoirs et des innovations.

Car c’est par cette mondialisation que s’engage une dynamique qui conduit chacun à aimer son prochain. Or, à la place, s’ouvre la voie du ressentiment, de la méfiance voire des pulsions de haine. Cela au lieu d’éclairer l’humanité par ce flambeau de la statue de la liberté et de nourrir la petite lumière qui est à nos pieds.

Atlantico : Et qu’en est-il de la paix en Ukraine ?

Le livre donne clairement la solution à cette guerre et à toutes les autres. Le vagabond découvre par l’Orient Express quand arrive à la station Sumer la naissance de la guerre mais aussi du colonialisme, de l’esclavagisme, de l’impérialisme et du totalitarisme. Et il constate que ce phénomène est universel dès les âges des Métaux. Il comprend la falsification del’histoire faite par les wokistes et les néo-marxistes qui attribuent tout cela au capitalisme et à l’Occident chrétien qui n’existent pas encore. Plus tard, il découvre que la particularité de l’Occident n’est pas d’avoir pratiqué l’esclavage mais d’avoir proclamé et imposé son abolition.

Mais si le nombre de guerres a considérablement diminué, elles persistent dans quelques zones. C’est à la station Jérusalem que le vagabond découvre l’antidote à la guerre et c’est lorsqu’il rencontre, place de la Sorbonne Thomas d’Aquin qu’il saisit pourquoi cet antidote a tant de mal à être accepté.

Thomas d’Aquin critique en effet les « paix mauvaises » fondées sur les rapports de forces et les relations d’intérêts car ce qu’un rapport de forces ou un intérêt fait, il peut le défaire. C’est de cela qu’ont peur les Ukrainiens, et je les comprends. Car dans cette Europe des charniers, aucun traité n’y fut jamais respecté quand il put ne pas l’être.

Armer l’Ukraine, je saisis donc l’urgence et si le parapluie américain ne s’y étend pas. Et tant mieux si l’Europe parvient à construire une défense digne de ce nom. Mais la paix restera éphémère. Depuis 11000 ans, l’histoire montre que celui qui prépare la guerre ne l’évite pas. Celui qui veut la paix prépare la vraie paix.

Il existe deux conditions indispensables à la vraie paix. D’abord le droit des nations à disposer d’elles-mêmes comme l’avait dit le Pape Jean-Paul II et Ronald Reagan. Ainsi le vagabond distingue droit des États et droit des nations car s’il fallait respecter le Droit international qui est l’expression de la force des États, alors l’Inde serait encore anglaise, le Sénégal français et l’URSS dont rêve Vladimir Poutine encore debout. Le droit international ne mérite d’être respecté que s’il respecte celui des nations. Et s’il ne le respecte pas, alors ne vous étonnez pas si les nations opprimées entrent en guerre ou si ceux qui ont des velléités hégémoniques profitent de l’oppression pour tenter d’agrandir leur empire. Cela vaut aussi pour Kiev.

La seconde condition est le respect des droits individuels qui convergent vers le droit de rechercher son bonheur, ce que le vagabond découvre à au Café des libéraux de Londres. Cela vaut encore pour Kiev.

Et je vous laisse découvrir dans le livre la seconde clef du bonheur, celle qui est l’antidote àtous les malheurs dus aux humains.

Atlantico : À l’inverse, avec la première clef qui dit de dominer la nature, vous rejoignez Trump et vous vous opposez aux partisans du « Pacte Vert », pourquoi ?

Je n’ai pas attendu l’élection de Donald Trump pour défendre une vraie écologie contre l’écologisme des idolâtres de la planète, ennemi du capitalisme et des démocraties libérales. Je l’avais fait dans L’Obscurantisme Vert mais il est vrai que n’étant pas américain certains ont passé leur tour (rires).

Dès la première station appelée « état de nature » le vagabond découvre la clef pour affronter les malheurs dus à la nature et ceux qui en vivent. Il y rencontre Mary Leakey, qui, avec son mari, à découvert et étudié le site d’Odulvaï, en Tanzanie, où se trouvent les restes de nos ancêtres australopithèques d’il y a 1,8 millions d’années. Mary démontre que pour survivre nos ancêtres, en plus d’être charognards et un tantinet cannibales, devaient piller, pêcher, chasser, créer des outils et des habitats bien artificiels. Certes, ils croyaient aussi aux esprits de la nature, et ils exigeaient des sacrifices pour se faire pardonner de devoir ainsi survivre en pillant la nature, mais à la différence de nos écologistes punitifs, plus primitfs qu’on ne le croit, poussés par l’instinct de survie, ils continuaient à tenter de dominer leur environnement avec leur faibles moyens et à fuir évidemment les lieux précaires investis en raison des variations climatiques, des danger et de l’appauvrissement de leur environnement.

Le vagabond découvre alors que la clef de leur survie, s’énonce simplement : dominez la nature et assujettissez ce qui s’y trouve. Et quand il arrivera plus tard à la station Jérusalem par l’Orient Express, il apprendra que c’est aussi ce que dit Dieu aux humains dans la Bible.

Et il découvre que « Courage fuyons ! » et non pas « sauvons la planète ! » fut le mot d’ordre de nos ancêtres à la fin de la dernière glaciation, il y a 11700 ans. Après 2,8 millions d’années de vie nomade du genre Homo, et 300 000 ans pour notre espèce, on les comprend : entre glaciations et réchauffements, tsunamis et séismes, éruptions volcaniques et cyclones, virus et attaques animales, quand arrivent ce moment des premières sédentarisations, 21des 22 espèces du genre Homo avaient été exterminées et il ne restait que 500 000 survivants avec une espérance de vie de 18 ans environ.

Et je prouve dans le livre que la course à la domination de la nature, qui est aussi celle de la croissance, cela marche : les humains sont 8 milliards, l’espérance de vie augmente, 73,3ans en 2024, le P.I.B. mondial aussi, de 45 milliards de dollars en 1400, à 100 000 milliards en2024 tandis que le niveau de vie s’élève et que la famine a quasiment disparu hors zones de guerre.

Atlantico : Niez-vous que cette domination produise des problèmes environnementaux ?

Dans ce livre je traque toutes les idolâtries, y compris celle de la Science. Dès qu’il fait le bilan de ce qu’il a appris à la sortie de l’état de nature, le vagabond saisit que cette clef ne suffit pas au bonheur, car l’augmentation des richesses avec les sédentarisations conduit à la jalousie, aux guerres, à l’impérialisme, à l’esclavagisme, à des destructions massives bref, à agir selon les pulsions les plus morbides.

D’autre part, en raison des tâtonnements de l’humanité qui n’a évidemment pas d’omniscience, il voit bien que ces avancées de l’humanité ne vont pas sans erreurs et dérapages, que la science se trompe. Mais aussi que la force de l’humanité est d’avancer dans la connaissance par essais et erreurs. Ce qui le rassure car il constate alors qu’il n’est donc pas condamné à revenir en arrière, aux peurs et terreurs d’hier.

D’un côté, il va donc aller à la recherche de cette dynamique du savoir, de cette création incessante des moyens de dominer la nature, de mieux en mieux avec le souci de l’humanité. D’un autre côté, il va chercher une seconde clef pour affronter le malheur dû à autrui, des crimes aux guerres, ce qu’il trouvera à Jérusalem, à la fin de son voyage par l’Occident Express et ce dont nous avons un peu parlé.

Atlantico : Contre Marx, vous vous annoncez l’abolition du travail, n’est-ce pas aussi unerupture avec le libéralisme et faites-vous l’éloge de la paresse ?

Non. Mais pas l’éloge du travail non plus. Je développe une nouvelle vision du monde qui se nourrit du libéralisme classique pour aller au-delà. Le vagabond rencontre le libéralisme quand il arrive au Café des Libéraux à Londres. Ce café à trois étages. Au premier, rencontrant John Locke, il découvre les droits individuels inaliénables, dont celui de rechercher son bonheur. Au second, avec Clementine, fictivement l’épouse de Churchill, il découvre la démocratie libérale avec son État variable chargé de protéger ces droits, comme cette liberté de vivre en sécurité avec son corps. Au troisième, avec Adam Smith, il découvre le libéralisme économique, avec sa croyance que le travail est source de la richesse, cause de bienfaits mais aussi incapacité à assurer le bonheur des Cosette et Gavroche par le seul jeu des libertés.

Il rencontre plus tard Marx, dans le train vers Berlin, et il comprend l’errance de ce philosophe qui, comme tous les théoriciens socialistes est certes sensible à la souffrance ouvrière mais qui ne comprend rien à l’origine de la production de la richesse. Car il croit que c’est le travail qui la produit et il se persuade, prophétisant la crise générale du capitalisme, que c’est l’exploitation de la force de travail ouvrière qui serait la cause des richesses. D’où sa théorie de l’appauvrissement des ouvriers, de la révolution violente et de la dictature d’un parti qui s’autodésigne comme parti de la classe ouvrière.

Mais, à la différence du capitalisme, son échafaudage s’effondre : non seulement l’ouvrier peut être remplacé par la robotique et l’intelligence artificielle mais plus il l’est, plus il y a de valeur ajoutée et de profits. C’est l’innovation, comme le pensait Schumpeter, qui est la source des richesses, pas le travail.

Et je démontre, notamment avec la robotique associée à l’intelligence artificielle que l’un des plus importants signes de la révolution des Temps contemporains, de sa radicalité inouïe, est l’abolition du travail. Une excellente nouvelle. Adieu les prophètes de malheur qui, depuis des millénaires, prétendaient l’humanité condamnée au travail. 

La croyance que sans le travail nous serions condamnés à la paresse et les sociétés à stagner, vient de la confusion entre les deux mots « activité » et « travail ». C’est lors de la rencontre avec Aristote que le vagabond voit la différence. Et pour cause : celui-ci, en aristocrate, célébrait l’activité humaine libre mais non le travail. Premier théoricien de l’économie, il avait découvert que machines, animaux ou outils sont interchangeables dans le processus de production et que l’usage de l’humain conduit à l’aliénation de l’intellect. Il avait imaginé des robots qui libèreraient des activités serviles pour permettre à chacun de se réaliser comme être actif. C’est d’ailleurs cela l’origine du mot « robot », inventé en 1920, par le romancier Karel Čapek, à partir du mot « robota » signifiant « travail » en tchèque : le robot est cet outil sur lequel on transfère l’ex-travail humain. Un transfert qui libère l’activité proprement humaine de l’activité servile.

Il ne faut donc pas craindre la paresse qui intervient comme l’ennui, lorsque l’on ne se sent pas concerné par une activité. Du bricoleur du dimanche au sportif qui veut gagner une compétition, du savant au journaliste qui veut terminer son article, de l’élève qui peut se réaliser à l’école au lieu d’en être dégouté à l’artiste, force est de constater que lorsque l’être humain peut réaliser sa créativité, il n’est pas paresseux mais joyeux et actif. Et je démontre dans ce livre que la libération du travail servile est la condition pour exercer la formule du bonheur pour toute l’humanité, pour créer sa vie comme une œuvre d’art.

Atlantico : Ne faut-il pas craindre l’intelligence artificielle qui ouvre les portes du savoiraux crimes et au terrorisme ?

Comment ne pas s’amuser, comme le fait mon personnage, devant ces prophètes de malheur qui dénoncent cette intelligence artificielle et qui permettrait, nous dit-on, de créer des armes, y compris nucléaires. Diantre ! Mais puisque le massacre de 800 000 Tutsis au Rwanda en quelques semaines, d’avril à juillet 1994, a été produit à coups de machettes, faudrait-il interdire les machettes ? Et les terroristes produisant des armes chimiques, faudrait-il interdire l’enseignement de la chimie ?

À cet égard, je n’évoquerai pas certains experts qui, sans bien entendu me citer, n’ont pas hésité à piller mon livre de 2018, Le Bel Avenir de l’Humanité, réponse de fond à Yuval Noah Harari sur cette question, ce qui avait conduit les éditions Calmann-Lévy à relancer la collection L’esprit libre de Raymond Aron. Où il y a de la gêne, il n’y a pas de plaisir (rires).

États-Unis et Chine se sont lancés dans cette course. Ils ont raison, car ce n’est de ne pas libérer l’intelligence artificielle dont nous souffrons mais de ne pas la libérer assez. Nous en avons besoin pour exercer au mieux les quatre clefs face aux quatre malheurs qui nous assaillent : face la nature pour mieux la dominer, face à autrui pour créer une dynamique de paix entre les civilisations, face à soi-même pour s’aimer mieux comme être créatif, face à l’illusion d’une nature coupable pour développer une dynamique de créativité qui conduira l’humanité vers l’amour d’elle-même et de l’énergie créatrice du monde. 

Atlantico : Ne faut-il pas craindre qu’une super intelligence artificielle finisse par dépasser voire remplacer l’humanité ?

Que de fantasmes développés par les prophètes de malheur et les transhumanistes. Certes, la plus simple des machines à calculer calcule mieux et plus vite que nous, comme le montre l’application «calculette » de notre smartphone. Mais elle ne nous est pas supérieure, pas plus que le marteau par lequel j’enfonce le clou n’est supérieur à la main qui le tient, ni ne menace de me remplacer. (rires)

C’est en rencontrant Albert Einstein dans la Vallée de Miel, le vagabond découvre les mots « intelligence » et « mémoire » n’ont pas le même sens pour les ordinateurs et l’humanité. Pour aller vite, la mémoire humaine est dynamique, liée à un inconscient, invisible et irrationnel, qui oublie et interprète. Or, aucune machine logique ne peut reproduire par des bits ou des qubits l’inconscient, ni ce qui ne peut être illogique et arbitraire. Et le mot «intelligence » est un autre abus de langage. Concernant la machine, ce mot désigne, au mieux, cinq activités mathématisables du cerveau, et toutes limitées par le cerveau du programmateur. Les activités du cerveau humain sont incommensurablement plus nombreuses. Par exemple, nous utilisons l’intuition, nos sens, nos émotions, nos sentiments… Nous pouvons mentir, simuler, dissimuler, ruser, être de mauvaise foi, être incohérent et même débrancher le circuit électrique. Surtout, nous pouvons être créatif tandis qu’une machine logique développe un programme créé par un être créatif, l’humain…

Et laissons l’histoire de Mère-Grand revisitée par nos prophètes qui irait bouffer le Petit Chaperon rouge humain. Fantasme popularisé par Ray Kurzweil, qui n’hésitait pas, en 2012, à prédire la Super Intelligence dans les quinze ans, et par Nick Bostrom persuadé que l’on parviendrait à scanner les morceaux de tissu d’un cerveau d’invertébré et à reconstruire en trois dimensions un réseau neuronal.

Pour qu’une telle Super Intelligence existe, il faudrait imaginer qu’elle puisse connaître les milliards d’évènements de l’univers, du bruissement d’aile de papillon aux milliards de neurones de chaque individu. Or, quel que soit son niveau de connaissance, une telle machine devrait passer 10-43 seconde au moins pour passer en revue le réel, mesure de l’unité de temps la plus courte possible. Durant ce court laps de temps, des milliards d’évènements se seront produits. La machine devrait donc recommencer ses calculs avant d’agir et ainsi de suite tous les 10-43 secondes. Elle serait incapable d’action.

Et je prouve contre les matérialistes que les idées ne sont pas produites par les axones, ces parties longues des neurones qu’ils imaginent comme de minuscules parties de matière que l’on pourrait reproduire par des microprocesseurs. Ils ignorent tout de la physique des particules, de ce qu’est l’énergie, de l’interaction électromagnétique, l’interaction faible et l’interaction forte. Bref, je prouve qu’un ordinateur ni ne peut agir, ni penser par lui-même. Il est agi et son prétendu « apprentissage profond » a la profondeur du programmateur.

À l’inverse, quelle supériorité de l’être humain ! Si, pour agir, notre « je » devait passer en revue toutes les données de sa mémoire, et tous les dangers possibles, de la voiture qui pourrait l’écraser à la tuile qui pourrait tomber, il ne pourrait pas sortir de chez lui. Mais le «je » délibère, choisit, agit, délaissant la part de ses souvenirs inutiles, décidant parfois même l’improbable, l’illogique, parce que cela l’amuse, parce qu’il y voit le chemin de sa propre créativité ou parce qu’impossible n’est pas français comme dit l’adage populaire. (rires)

Atlantico : Dernière question sur votre philosophie morale quel est le critère de lamoralité ?

Pour aller vite, il est donné par la formule du bonheur : créez ! Le vagabond découvre ainsi à Buchenwald que la joie et le plaisir peuvent être éprouvés par les tortionnaires et que l’énergie n’est pas nécessairement créatrice contrairement à ce que pensait Nietzsche. Il découvre aussi dans le train contre Kant, un aigri de la vie (rires), que la morale n’est pas dans le respect d’une loi abstraite ou d’un commandement, mais dans l’action qui vise l’amour de l’humanité, ce qui autorise le mensonge, comme le firent ceux qui, telle ma grand-mère, mentirent aux soldats allemands pour préserver la vie des enfants juifs et des résistants. Car l’amour de l’humanité est la vraie loi, celle qui se passe de loi. Or, puisque les êtres humains ont une nature créatrice, agir pour détruire des humains, voilà le mal en soi. Et même dans les guerres justes, que je théorise dans ce livre suivant d’ailleurs grandement Thomas d’Aquin, ce ne sont pas les êtres humains qui sont affrontés mais leurs pulsions destructrices, leurs pulsions morbides, et tout est fait pour les sauver, leur tendre la main, pardonner, donner. La mort parfois portée par nécessité pour survivre, avec en vue l’humanité, conduisant à une extrême tristesse. À l’inverse, et je ne développe pas plus, chacun pourra en voir le développement dans mon livre, créer revient toujours, au fond, à un acte de grande moralité, à se tourner de l’amour de soi vers l’amour d’autrui, à ouvrir le chemin du bonheur qui nous met en harmonie avec l’énergie créatrice du monde. Cela est vrai même dans les actes apparemment les plus humbles, comme celui de Jean Valjean qui a rencontré un prêtre qui lui a pardonné et qui a créé par son acte d’amour un jean Valjean nouveau, un être qui à son tour devient un passeur de l’aimer et qui crée alors en aidant Cosette à porter son seau, un autre être qui hier misérable va devenir un être tourné vers l’amour. Voilà le bien, voilà la dynamique divine de bonheur qui révèle celle de l’amour, voilà la Vallée de Miel.

(Entretien suivant et dernier entretien, sur les secrets du livre qui renvoient à une lecture métaphysique et ésotérique chrétienne).

ITW. YVES ROUCAUTE : « AVEC LA DÉCOUVERTE DE LA FORMULE DU BONHEUR, JE REMETS LA SPIRITUALITÉ LÀ OÙ ELLE DOIT ÊTRE, AU CENTRE DE NOS VIES, COMME L’ÉGLISE AU CENTRE DU VILLAGE »

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Entretien par le Cerf sur « Aujourd’hui le bonheur, à la découverte du sens de la vie »

Question n°1

Vous évoquez dans le chapitre sur la deuxième clef du bonheur « le chemin du progrès des spiritualités ». Peut-on dire que l’idée sous-jacente à votre grande saga est, qu’à l’instar des sciences et techniques, la sphère des idées et de la philosophie est elle aussi portée par une logique de progrès à travers les siècles ?

Oui, mais cette saga est aussi celle des sciences et des techniques, du développement économique et de l’art, de la métaphysique et de bien plus encore. Brûlant mes jours et bien des nuits, j’ai passé trois ans et demi à écrire ce livre pour raconter cette saga qui met la spiritualité, à sa place, au milieu du village (rires). Le bonheur fut mon fil d’or, car jusqu’ici, Voltaire semblait avoir eu raison : « nous cherchons tous le bonheur, mais sans savoir où, comme des ivrognes qui cherchent leur maison, sachant confusément qu’ils en ont une. » Et, j’ai débarrassé l’humanité de l’ivresse et trouvé la maison avec la formule du bonheur, ici et maintenant, et pour toute l’humanité. En même temps, j’ai découvert le sens de la vie. Pour diffuser largement ce joyeux message, ce livre se présente comme le carnet de voyage d’un vagabond en quête du bonheur rencontré près d’une fontaine de Central Park, à New York, appuyé sur sa canne, gourmand de miel, qui parle comme vous et moi. À la manière d’un Sherlock Holmes suivant l’évolution réelle de l’humanité, il va de gare en gare où il interroge sages, théologiens, philosophes, savants, mettant dans la poche de devant de sa besace les progrès spirituels et, dans la poche arrière, les poisons. Il part ainsi de l’état de nature de nos ancêtres nomades puis prend successivement l’Orient express, l’Occident express, le Mondial Express pour arriver à son objectif, la Vallée de Miel. Il recueille en chemin les quatre clefs du bonheur, ces antidotes aux quatre malheurs qui interdisent le bonheur et qui transforment les vies en vallées de larmes : ceux dus à la nature, aux autres humains, à soi-même, et, plus fondamentalement, ceux dus à la croyance distillée par les prophètes de malheur que l’humanité serait coupable et condamnée. Créez ! voilà la formule simple qu’il découvre à la source de la Vallée de Miel, voilà qui répond à la réalisation de la nature humaine en chacun car ce qui sépare l’humain de l’animal n’est pas l’intelligence, bien des animaux en ont, mais la créativité. Créativité dans la nature que nous transformons, envers autrui par les civilisations, envers notre corps, jusqu’à traquer les maladies génétiques. 

Vous avez raison, cette révélation du progrès spirituel de l’humanité apparaît à la fin de la seconde partie du voyage, avec la découverte de la seconde clef. À ce moment, le vagabond a depuis longtemps quitté la station « état de nature », en Tanzanie, où Mary lui avait fait découvrir la première spiritualité de l’humanité, l’animisme, la première forme de créativité, celle des outils et des habitats nomades, et la première clef du bonheur, celle qui dit qu’il faut dominer la nature autant que possible. Parti avec l’Orient Express, dès son arrivée à la station Sumer, il découvre la réalité de ce progrès spirituel qui sera confirmé aux stations Hindouisme, Bouddhisme, Confucius, Taoïsme, Shintoïsme puis à Jérusalem. Il constate que les sédentarisations et l’explosion des savoirs sont les effets d’une révolution spirituelle inouïe qui a brisé l’animisme. Après 2,8 millions d’années, si l’on se réfère à l’apparition du genre Homo, ou après 300 000 ans si l’on s’en tient à l’apparition de notre espèce, toutes les autres ayant été exterminées sur cette planète, l’humain a enfin pris conscience de son existence. Oui, il ne se conçoit plus comme un élément parmi d’autres au milieu des minéraux, des végétaux et des animaux gouvernés par des esprits de la nature. Hélas ! entre sacrifices humains, invention du totalitarisme, guerres coloniales et toute puissance des Maîtres de Vérité, le voyageur constate aussi que Sumer qui invente pourtant l’écriture croit l’humanité condamnée au malheur par les dieux. Quittant l’Égypte et Sumer, il découvre à la station « hindouisme » un nouveau progrès qui emporte l’Inde avec la reconnaissance du « moi » et de l’énergie qui régit le monde, et cette célébration du dieu Rama Lakshmi, symbole de l’amour universel pour les humains. Mais, il met dans la poche arrière de sa besace que cette spiritualité réduit les malheurs à des illusions et qu’au lieu du bonheur, elle propose le salut à coups de réincarnations dont le succès serait la dissolution du « moi » coupable dans la marmite cosmique. Poursuivant sa route vers l’Est, à la station « bouddhisme », enfanté par l’hindouisme, il voit enfin reconnaître la réalité du malheur du « moi » tandis que naît la bienveillance, la compassion, la joie de vivre avec autrui, hélas ! il constate aussi la même condamnation du « moi » qui serait responsable de son malheur, dû à son karma, à son passé, et qui devrait même considérer son malheur comme une chance pour trouver le salut par dissolution du « je » et du « moi » via un prétendu « éveil », dans la loi cosmique, ce qui serait non pas le bonheur mais le nirvana. Arrivant à la station « taoïsme », nouveau progrès :  tout être humain devient une parcelle de l’énergie divine du monde qu’il faut aimer, en ayant le souci de son corps et des conditions effectives de la paix. Hélas ! au lieu de chercher le bonheur pour le corps animé, ici et maintenant, cette spiritualité interdit à l’humain de connaître le monde et de le transformer, et, finalement le moi reste coupable et il doit être dissout. Et si le confucianisme enseigne qu’« il est bon d’habiter là où règne le sens de l’humanité », s’il appelle à connaître le monde et à résister aux faiseurs de crimes et de guerres, au lieu du bonheur du « moi », il exige la soumission du moi, l’obéissance aux autorités légitimes. Oui, le shintoïsme exige plus encore, avec le respect exquis de chacun à chaque moment de l’existence, mais finalement le « moi » doit se conformer strictement à la loi et aux mœurs, par une violence sur soi. C’est finalement en revenant vers l’Ouest, à Jérusalem, la station la plus développée de l’Orient Express, qu’il découvre la seconde clef du bonheur, qui l’éblouit et donne son sens à la première clef : transformer et assujettir la nature, développer les savoirs et les techniques, oui, il le faut pour affronter le malheur dû à la nature, mais contre le malheur dû à autrui, contre le crime, l’asservissement, le totalitarisme et les guerres de conquête, cela ne suffit pas : il faut aimer son prochain comme soi-même. Et le vagabond est alors ébloui par cette évidence : toutes ces spiritualités rencontrées sont comme les couleurs issues d’une même lumière blanche, et qui tendent imparfaitement mais de mieux en mieux vers l’amour dont le judaïsme dévoile la loi.

Mais la saga ne peut s’arrêter là. Le vagabond voit que cet amour pour autrui est un commandement. Le « moi » avec ce corps est toujours suspecté de vouloir désobéir, poussé par un potentiel désir coupable. D’où les interdits et les commandements, d’où la confusion du bonheur et du salut qui serait obtenu par respect de la loi divine au lieu de cueillir le jour. Le vagabond poursuit donc son enquête en prenant l’Occident Express. Il y rencontre des penseurs, parmi lesquels, à Athènes, des disciples de Platon, d’Épicure, et d’Aristote qui l’enthousiasme, dans le train, après Rome, il partage le miel avec un certain Augustin puis un disciple d’Ibn Rochd… à Paris, place de la Sorbonne, Thomas l’émerveille…Peu à peu, distinguant le bonheur du plaisir, de la joie, de la béatitude, de la contemplation, de la félicité, et de la sagesse, après avoir franchi le Pont Marie, près de la rue des Jardins saint Paul, lors de son déjeuner à la Taverne des Humanistes avec un disciple de Montaigne, il découvre la troisième clef du bonheur, ce « aime toi » pour cueillir le jour.

Mais, il reste spirituellement insatisfait. Car il voit la misère du monde et s’aimer soi-même mais qu’est ce « moi », comment ignorer les pulsions mauvaises en nous ? Quittant le Café des Modernes Gare du Nord, où il rencontre René, disciple de Descartes, il monte alors dans le Mondial Express jusqu’à Londres. Sans réponse suffisante au Café des Libéraux puis au Club Saint James des utilitaristes, revenant à Paris au milieu des manifestants et des grèves, découvrant au café de la République que si Gavroche est tombé par terre c’est de la faute à Voltaire, le nez dans le ruisseau, c’est la faute à Rousseau, il fuit la spiritualité de la Terreur robespierriste en allant vers l’Est. Dans le train, il a la chance de partager son miel avec les disciples des grands philosophes allemands, certains flamboyants, comme ce disciple d’Hegel ou de Nietzsche, certains incohérents comme ceux de Karl Marx ou de Fichte, mais aucun ne satisfait sa soif. Arrivé à Weimar, dînant avec Bergson dans le restaurant où Goethe amenait ses amis d’un plat que le poète aimait, il va à quelques kilomètres de là, à Buchenwald. Et alors, ému aux larmes, contre Bergson et Nietzsche, il découvre que l’énergie peut être destructrice et que la liberté peut être la voie du mal. Et avec l’essence de la nature humaine, la créativité, la quatrième clef lui apparaît clairement : puisque le bonheur est de se réaliser soi‐même, créer est donc la quatrième clef du bonheur. Contre les forces de destructions, le « je » doit donc orienter l’énergie libre en nous, vers la créativité.

Mais sa quête n’est pas terminée. Elle se poursuit jusqu’au moment où il boit l’eau de la source de la Vallée de Miel, là où tout devient clair. Il découvre que les quatre clefs sont les quatre armes d’une philosophie morale et politique qui appelle à transformer la Cité afin de permettre la meilleure réalisation possible du bonheur pour chacun, de l’école de la créativité à la paix d’humanité. Et qu’elles sont aussi les quatre colonnes spirituelles d’une humanité parvenue à la connaissance de sa destinée et, en même temps, à celle de l’existence de l’énergie créatrice qui mène le monde. Car, sous l’influence de Max Planck, inventeur de la théorie des quantas, il découvre la première preuve de l’existence du « Dieu » d’amour par la créativité. Il découvre aussi qu’elles sont les quatre piliers de son temple intérieur pour être heureux jusque dans les pires malheurs, assuré, paradoxalement, que ce bonheur ici et maintenant, durera éternellement, qu’il l’emportera avec lui au-delà de cette vie. Car, par la créativité, il découvre la première preuve de l’immortalité de l’âme. Et il découvre enfin, c’est son dernier enseignement, que cette trinité du « je suis, j’existe, je crée » est liée à une autre trinité, par un quatrième élément, par ce souffle du « viens » mystérieux qui émerveille soudain sa vie et le rend à jamais confiant. Une saga spirituelle de l’espèce humaine oui, vous avez raison, mais aussi une saga personnelle, un parcours initiatique.

Question n°2

Au fil de ce périple, vous ne craignez pas de bousculer quelques dogmes contemporains concernant l’histoire des idées. Ainsi de l’attachement des philosophes des Lumières aux libertés individuelles, que vous contestez, des fantasmes portés par l’écologie radicale, que vous dénoncez, ou encore de l’apport de la « french theory », à laquelle vous vous opposez. Est-il important, dans notre quête du bonheur, d’avoir cette lucidité absolue sur les impasses de certaines écoles de pensée ? 

Comment faire autrement ? Je suis un philosophe et je vis selon ma vocation, la recherche de la vérité pour éclairer joyeusement autant que possible mon procvhain, sachant que, comme le vagabond sur le chemin de Weimar à Buchenwald, souvent je trébuche. Mais je reste néanmoins persuadé aussi, comme ma cousine qui est parvenue à fuir avec une de ses amies lors de la Marche de la mort organisée par les SS à la sortie du camp, et qui a ensuite aidé les survivants déportés, gardant en mémoire mon oncle Raoul, noyé par les SS de Mauthausen, que je peux et dois aider mon prochain. Ce que j’ai fait à Cuba pour aider prêtres et défenseurs des droits de l’homme, ce qi m’a amené en prison, en Afghanistan pour aider l’ami Massoud et mes frères en humanité musulmans au milieu des tirs talibans, en Allemagne de l’Est lorsque j’étais jeune pour faire passer à l’Ouest des amis de la liberté, au Vietnam pour aider des bonzes qui aiment l’humanité… Je ne crains ni le courroux ni la solitude car je ne suis jamais vraiment seul, vivant le mystère biblique du « viens ! » Et notez, qu’à l’exception d’un seul penseur, Emmanuel Kant, qui est d’ailleurs syumboliquement le seul à refuser le miel, à chaque étape de son voyage, le vagabond montre un grand respect pour toutes les pensées humaines qui l’ont précédé, ce que je dois à l’enseignement d’Aristote qui, avec Max Planck, l’inventeur de la théorie des quantas, qui apparaît dans la Vallée de Miel, est sans doute celui qui m’a le plus influencé. Il récolte ainsi leurs apports dans la poche avant de sa besace. Mais pour défendre la nature créatrice humaine, il ne fallait pas seulement dissiper les brumes mais couper au scalpel les idolâtries dont se servent les prophètes de malheur. 

Ainsi, le vagabond est pour l’écologie positive, celle qui mesure le progrès scientifique à l’aune du souci de l’humanité, comme la lutte contre les pollutions ou pour le contrôle de qualité des aliments, et non à la seule croissance et à l’augmentation de la quantité de biens matériels, même s’ils sont nécessaires pour affronter les malheurs dus à la nature. Mais, dès la station « état de nature », la rencontre avec Mary met à nu l’ignorance de cette écologie punitive des idolâtres de la nature qui jouissent d’interdire et de culpabiliser dans le mépris des vraies sciences de la nature, de la physique d’abord, et dans la négation de l’histoire dramatique du genre Homo. Songez qu’après 8 millions d’années, il restait seulement une espèce sur 21 du genre Homo et 500 000 survivants, il y a 11700 ans, à la fin de la dernière glaciation, les autres ayant été exterminées par les glaciations, les réchauffements, les séismes, les éruptions volcaniques, les tsunamis, les attaques animales, les épidémies virales, et j’en passe des douceurs de Gaïa. Et quand le vagabond sort de cette station état de nature, sur le chemin de Sumer et de l’Égypte, il découvre que cela continue, avec le changement climatique soudain et violent dont les récits de déluges comme la géographie portent témoignage, qui a suivi cette fin de la dernière glaciation, puis avec le réchauffement soudain et violent, il y a 4200 ans, qui a exterminé des populations entières dont celle de l’empire d’Akkad, tandis que se poursuivent les menaces, des séismes  aux éruptions volcaniques. Il saisit qu’il faut aller vers toujours plus de science et de croissance, donc vers toujours plus de liberté créatrice éclairée par le souci de l’humanité. 

Vous évoquez, à l’inverse de cet obscurantisme vert, le mouvement des Lumières si estimable par son désir de défendre la liberté de penser, de libérer la recherche dans les sciences et les techniques et de diffuser les savoirs. Mais le scientisme est une autre idolâtrie. Le vagabond découvre d’ailleurs que leur idéal n’était pas le bonheur pour les Cosette et les Gavroche, mais celui du « monarque éclairé », représenté par la terrible Catherine II de Russie qui les finance et les héberge même parfois, comme Diderot. Ils sont partisans d’un État fort orienté par des experts technocrates qui indiqueraient au législateur les lois nécessaires à la croissance et à la diffusion du savoir à la population. Par la croissance des biens, ils imaginent non pas le bonheur individuel mais « le bonheur général », obtenu par la croissance du savoir et économique. Ils défendent ainsi certains droits individuels qui se réduisent pour eux, en général, à la liberté de pensée et au droit de propriété et nulle part n’apparaît ce droit universel de rechercher son bonheur pour les Cosette et Gavroche qui ne sont pas propriétaires et ne peuvent cultiver leur jardin. On confond souvent droits individuels et droits de l’homme. La différence avec John Locke est frappante : celui-ci cherche la nature de l’homme pour en extirper ses droits individuels, eux partent du propriétaire et de l’homme de Lettres pour exiger le respect de leurs seuls droits. Et le vagabond découvre que le chrétien Victor Hugo a raison, si Gavroche est tombé à terre, c’est la faute à Voltaire, le nez dans le ruisseau, c’est la faute à Rousseau. Et à la fin, il constate que c’est seulement en partant de la nature humaine réelle, que John n’avait qu’entraperçue, avec cette créativité native universelle, que l’on peut accéder à la plus haute moralité et aller vers la Vallée de Miel. Il est d’ailleurs formidable qu’inspiré par la spiritualité judéo-chrétienne, Thomas Jefferson ait écrit dans la Déclaration d’Indépendance américaine, « Nous tenons pour évidentes pour elles-mêmes les vérités suivantes : tous les hommes sont créés égaux ; ils sont doués par le Créateur de certains droits inaliénables ; parmi ces droits se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur. Les gouvernements sont établis parmi les hommes pour garantir ces droits ». Non pas le droit au bonheur, marque d’une pensée tyrannique qui inspirera la Terreur et les Maîtres de Vérité des pays communistes, mais le droit de rechercher son bonheur. Et, comme le révèle le vagabond, cela se peut seulement car nous sommes libres et créateurs, nous sommes « homo creator ».

Quant aux disciples de Foucault, Deleuze et Derrida, revenus en Europe par les États-Unis sous la forme du wokisme notamment, le vagabond les découvre après s’être débarrassé dans la station Weimar, de Martin Heidegger, qui voulait l’envoyer dans la Forêt noire. Par des barricades, ils essayent d’arrêter le tortillard qui va vers la Vallée de Miel en prétendant que « je » et « moi » sont des illusions comme le serait la recherche du bonheur et ils tentent d’effrayer le voyageur avec quatre épouvantails en paille représentant de prétendus cavaliers de l’Apocalypse. Outre leur refus des sciences comme la génétique, la neurologie, la psychiatrie, la physique, mais aussi l’économie et la sociologie, ils nient l’histoire humaine qui a démontré, comme l’avait prouvé Freud, que toute civilisation exige d’opposer des interdits aux pulsions morbides. Je démontre que, de même que Martin Heidegger a soutenu le nazisme pour des raisons qui tiennent à sa métaphysique archaïque, en nostalgique des maîtres de Vérité des Âges des Métaux, ce que beaucoup depuis Hanna Arendt ont ignoré, eux ont été aussi dans la même nostalgie, et c’est pourquoi ils ont été les apôtres de tout ce qui détruisait les avancées de la liberté créatrice et des civilisations, voilant mettre les marges au centre pour faire exploser les démocraties libérales jusqu’à saluer pour certains le terrorisme, la schizophrénie ou la pédophilie. La police de la Valée de Miel dégage la voie tandis que le vent fait s’envoler leurs épouvantails de paille. 

Question n°3

Vous appelez à une « seconde révolution spirituelle de l’humanité », faisant écho à celle que l’homme a connu au néolithique. Quelle est le contenu de cette « seconde révolution » et en quoi peut-elle nous aider dans notre quête du bonheur ? 

Je me méfie de cette inflation du mot « révolution ». Si on la conçoit comme une rupture radicale, au niveau spirituel, la première révolution de l’humanité est celle du néolithique, celle de la sédentarisation, commencée il y a 11700 ans pour l’humanité la plus avancée et qui a mis fin au nomadisme. Depuis, toute l’histoire de l’humanité a été celle de la lutte entre la pensée magico-religieuse et la nature créatrice humaine. Nous découvrons seulement aujourd’hui ce qu’est la nature humaine avec son énergie créatrice. Mais si nous le découvrons c’est que ce moment de rupture où toute la vie humaine sera orientée vers la libération de l’énergie créatrice de chacun, ce que j’appelle La Vallée de Miel, est bien avancé. Je crois que sur ce point Hegel a raison, la vraie philosophie est toujours comme la chouette de Minerve, elle arrive sur le tard. Mon vagabond ne flâne pas par hasard dans le jardin des tuileries reconstruit autour des statues des femmes prix Nobel. Nous commençons à comprendre que la créativité est universelle. C’est cette célébration du « je suis, j’existe, je crée » que rencontre le vagabond à chaque instant, depuis qu’il arrive sur la plage de la Vallée du Miel jusqu’aux sources, en passant par la place de l’étoile où brûlent la flamme de la créatrice et du Créateur Inconnu, dans ce mot d’ordre des Temps contemporains qui ouvre la voie de la paix et de la vraie mondialisation, pied de nez moqueur aux marxistes et à ceux qui con fondent patriotisme et nationalisme: « Créateurs de tous les pays, Unissez-vous ! » C’est cette victoire qui s’annonce lorsqu’il constate la libération de la créativité humaine par l’abolition du travail, car l’activité n’est pas le travail et, contre les idéologies de la culpabilité, il démontre que l’humanité n’est pas condamnée au travail, grâce, notamment, à la robotique et l’intelligence artificielle qu’il célèbre avec une pensée admirative pour Aristote qui l’avait prévue. La Vallée de Miel est l’expression métaphorique de cette seconde révolution spirituelle qui nous débarrassera de toutes les idolâtries, celle de la planète, de l’État, du Marché, des Sciences, et j’en passe car la pensée magico-religieuse qui est en pleine débandade mais qui résiste encore et tente de renaître sans cesse avec ses petits Maîtres de Vérité. 

Question n°4

Au bout du voyage se trouve la conviction que chaque être humain est appelé à « faire de sa vie une œuvre d’art ». Mais pouvons-nous être tous des Léonard de Vinci ou des Peggy Guggenheim ? 

En arrivant sur la plage de la Vallée de Miel, le vagabond découvre une petite fille qui crée un château de sable, c’est la couverture du livre. Ému par elle, il comprend alors que la créativité est universelle et innée. Il se pose alors la question : comment cette créativité native que nous constatons chez tous les enfants, peut-elle être détruite ensuite ? Pourquoi tant de petites filles devenues femmes sont-elles condamnées à ne plus pouvoir créer ? La vérité est que les vallées de larmes détruisent cette nature humaine. 

Après avoir vu en rencontrant Albert, disciple d’Einstein, ce qu’était l’école de la créativité dans la Vallée de Miel, et la mise en œuvre d’une éducation où le plaisir d’apprendre se conjuguait avec le respect de ceux qui savent et l’apprentissage de sa propre créativité, il dépasse les cascades et il comprend avec Peggy, qu’il est permis à chacun d’être un créateur de sa vie. De la mère qui enfante à celui de l’enfant qui donne son dessin aux parents, de l’entrepreneur qui crée son entreprise au savant qui participe à un brevet, de l’agriculteur qui met en valeur son champ au cuisinier qui crée son plat, du bricoleur du dimanche à l’artisan qui fait son ouvrage… il saisit qu’il y a autant de manières d’être heureux que d’individus et que chaque individu peut l’être de plusieurs façons au cours de sa vie, voire au cours d’une même journée par exemple en participant à la création d’un produit le matin, en étant peintre quand on rentre chez soi. 

Et contre les Vallées de larmes qui flattent l’orgueil, la jalousie, la détestation ou la domination d’autrui, ce qui est le mauvais individualisme, notre vagabond prône l’individualisme de la créativité en harmonie avec l’énergie créatrice du monde, un peu comme Aristote vivait en harmonie avec ce qu’il croyait être le Premier Moteur du monde. Il constate qu’il n’y a pas de petits et de grands créateurs, que la créativité ne se quantifie pas, car elle tient à l’espace-temps de notre existence, à notre « je » qui s’incarne dans l’Être. Si la Vallée de Miel salue Marie Curie, ce n’est pas parce que cette savante est supérieure aux autres, mais parce qu’elle est une fleur merveilleuse née sur l’arbre de la créativité qui pousse toujours plus haut grâce à la créativité des autres, portant par sa propre nature, cette créativité plus loin encore. La saga de l’humanité ne révèle pas la construction d’une Tour de Babel qui voudrait, par orgueil, concurrencer je ne sais quel Dieu, mais les rhizomes d’une fraternité universelle qui lie Marie Curie à tous les physiciens et à tous les humains qui ont existé, sans lesquels elle n’aurait pu créer, de celle qui l’a enfantée à ceux qui ont assuré ses soupers, de Newton à ceux qui produisent son électricité. Et si l’art, auquel aucun disciple d’Emmanuel Kant n’a rien compris, poursuit son expansion avec le formidable art contemporain, c’est qu’il n’a jamais eu aucun lien avec le beau ce sentiment social formaté mais seulement avec la créativité du « je ». Ainsi, influencée par son père admirateur d’Eiffel qui préféra mourir dans le Titanic plutôt que de prendre une place à une danseuse de cabaret, après bien des déboires, Peggy, devenue riche, au lieu de vivre en rentière paresseuse comme le font parfois les héritiers, fit de sa vie une œuvre d’art. Elle devient galeriste Peggy et réalise sa nature en mettant son énergie créatrice à faire découvrir Jean Cocteau, Marcel Duchamp, Piet Mondrian, Henry Moore, Max Ernst, Vassily Kandinsky Jackson Pollock et, à la fin de sa vie, l’art africain. Certes, elle a connu des malheurs, mais être créateur de sa vie, que l’on soit cuisinier ou architecte, ne signifie pas éviter les malheurs mais ne pas passer à côté de sa vie, ne pas rater les moments de bonheur qui, parfois dans les pires malheurs, s’offrent à nous. Ainsi, on saisit le sens de sa vie et, si l’on découvre ce qui se joue, ce « viens », on découvre que ce que l’on prenait pour un petit bonheur, ici et maintenant, du bonheur d’avoir rendu heureux un enfant au petit don à un être souffrant, est recueilli en soi pour l’éternité.

Question n°5
Le miel accompagne à chaque étape le narrateur dans son voyage, dont le but final est du reste la « vallée de miel ». En quoi le miel est-il emblématique de notre quête du bonheur ici-bas ? 

Il y a beaucoup de secrets dans ce livre que je laisse au lecteur qui veut s’amuser le soin de trouver, comme le sens de la canne du vagabond, des hommes en blanc, des prénoms, des noms de rues, l’air des clochettes, l’eau de la source, ce « viens ! » … Il n’est pas une page sans un secret caché car je me suis aussi beaucoup amusé à écrire ce livre (rires). Le miel a une place privilégiée, on peut même lire ce livre en suivant la route du miel puisqu’il est à l’origine de la rencontre avec le vagabond et, à chaque étape du voyage, le vagabond en prend jusqu’à découvrir une Vallée qui est la Vallée de Miel. Il n’est pas anodin que le premier miel offert dans la station « état de nature » le soit par Mary, prénom intéressant pour ce premier personnage rencontré. Avec son mari Louis, si l’on en reste au niveau profane qui suffit pour lire ce livre, elle permit des avancées décisives sur l’évolution de la lignée humaine par ses recherches sur le site d’Odulvaï, en Tanzanie. Or, elle offre du miel de jujubier venu des arbres sacrés du Yémen, miel récolté depuis le paléolithique par les animistes mais qui a aussi une forte présence symbolique dans le judaïsme, le christianisme et même l’islam. Chacun en verra peut-être la signification. Et lorsque le vagabond quitte la station « état de nature » pour se diriger vers Sumer, Mary, encore elle, lui offre un pot de miel blanc d’Éthiopie, produit à 2000 mètres d’altitude à partir des fleurs jaunes « adey abeba », qui ressemblent aux marguerites. Or, ces fleurs sont un symbole d’espoir et de renouveau, ce qui n’est pas anodin alors qu’il va rencontrer la révolution néolithique dans la région du Croissant Fertile et qu’il termine sa route dans la Valée de Miel, qui est un appel à la révolution des Temps contemporains. Puis, alors que l’Orient Express traverse l’Égypte, un homme en costume blanc, le blanc est évidemment plus qu’ne couleur, lui donne du miel de fleur de nigelle, miel qui était offert aux dieux dans l’Égypte antique et c’est ce même homme qui l’informe qu’il n’a pas à s’inquiéter d’avoir un titre de transport car le droit de rechercher son bonheur est une grâce accordée à chacun pour lui permettre de donner un sens à sa vie. Bref, a chaque fois, le miel éclaire le voyage de façon, disons, plus ésotérique.  

C’est Nietzsche qui lui donnera la première indication du sens caché du miel en en faisant un symbole de la créativité. C’est ce qu’il appelle sa propre « ligne dorée », se donnant lui-même comme « l’offrande du miel » pour que naisse le prétendu superhomme créateur en chacun. Mais, plus tard, après avoir ingurgité lui-même en gourmand, une grande quantité de miel, arrivé à la Vallée de Miel, le vagabond saisit que cette idée de surhomme est encore une vision de prophète de malheur qui nie l’universalité de la nature humaine créatrice en chacun. Et lorsqu’il boit l’eau de la source, en regardant la vallée, il comprend que lorsque nous vivons selon notre nature, nous sommes nous-mêmes des offrandes de miel aux autres comme les autres sont des offrandes de miel pour nous et que cette Vallée de Miel n’est pas un lieu, mais notre esprit quand il crée. Ainsi le miel lui apparaît comme la grâce déposée en nous par l’amour de nous pour œuvrer naturellement vers l’amour d’autrui. Nous sommes des êtres butinés, créés à l’image de l’énergie créatrice elle‐même, semés pour donner à notre tour ce qui nous a été donné, pour libérer les autres de leurs peurs et de leur culpabilité, pour être des passeurs de miel, des passeurs de l’aimer. Il découvre alors que cette formule universelle, « créez ! »  disperse les brumes des vallées de larmes pour conduire dans la Vallée de miel en donnant le sens de la vie : aime éperdument, aime‐toi et aime les autres, crée ! Et, en humble passeur de l’aimer qui a confiance dans l’énergie créatrice du monde, le miel est un appel pour que chacun diffuse à son tour la joie de vivre à toute l’humanité. Et c’est pourquoi, à New York, quand le vagabond s’éloigne, je constate que son ombre disparait au soleil de midi, comme nos ombres disparaissent quand nous acceptons de vivre selon la grâce donnée à notre nature créatrice.

L’administration Trump, dangereuse foire aux monstres ? Cette cohérence idéologique et stratégique qui échappe, hélas! aux Européens

Entretien paru sur le site Atlantico, le 15 novembre 2024 : cliquer ici.

Altantico : Les nominations de Donald Trump à la tête de son administration ont provoqué beaucoup de réactions scandalisées aux Etats-Unis comme en Europe. Beaucoup décrivent cette administration comme une pétaudière en puissance voire comme une foire aux monstres avec Matt Gaetz, plusieurs fois visé par des enquêtes pénales, à la tête du département de la Justice ; Pete Hegseth, ancien journaliste de Fox News accusé d’être misogyne et ultra conservateur, Robert Kennedy Jr, un antivax notoire aux commandes des agences de santé publique et aujourd’hui Tulsi Gabbard à la tête du Renseignement américain alors qu’elle est accusée d’être ultra pro-russe et qu’elle était sous surveillance du FBI… pour vous qui avez déjà souligné (notamment dans les colonnes d’Atlantico) à quel point Donald Trump faisait montre d’une très grande cohérence idéologique que peu comprennent en Europe, qu’est ce qui échappe à ces commentateurs ?

Yves Roucaute. Ce qui manque souvent, c’est une analyse dépassionnée, froide et lucide du réel. Avant de vous répondre en détail, toutes ces nominations expriment la même détermination d’imposer, au niveau domestique comme au niveau international, la stratégie parfaitement visible et prévisible définie par Donal Trump, qui se trouve elle-même dans la lignée d’Andrew Jackson et de George Washington, pour ne citer que deux des Présidents dont Donal Trump se réclame explicitement et dont il avait mis les portraits dans son, bureau de la Maison Blanche quand il y était. Cette stratégie est identifiée par cette expression qui vient d’Andrew Jakson, en 1828, et qui n’est en rien un truc de marketing : « America First ». Elle a été rappelée avec constance par Trump lui-même depuis 2000 et son livre The America We Deserve

Pour en rester au niveau domestique, « America First », cela veut dire écarter tout ce qui gêne la puissance américaine. En particulier les obstacles dressés contre la croissance non seulement par la bureaucratie, les réglementations, les impôts et la concurrence déloyale étrangère, mais aussi par l’insécurité, car investir est incompatible avec le crime et les délits, et par l’immigration clandestine qui crée des charges économiques et de l’insécurité. En songeant aux accusations de « fascisme », cela permet de percevoir, au passage, l’ignorance où conduit la prévention et l’idéologie : car un fasciste veut toujours plus d’État et de contrôle, ce courant républicain en veut toujours moins. Et c’est pour cela, contrairement à ce qui a été trop souvent dit, il n’est pas seulement le Président préféré des ouvriers et des peu diplômés, mais il est aussi le préféré du grand patronat dont j’ai du mal à croire qu’il soit sous-diplômé (rires). La bourse de New York n’a pas pour rien salué son élection durant plusieurs jours, avec un triple record, celui du S&P 500, de Dow Jones et du Nasdaq. 

Atlantico : Et Matt Gaetz à la justice ? 

Oui, vous évoquiez Matt Gaetz à la justice et les accusations portées contre lui. Je ne sais pas plus que personne ce qu’il en est de celles-ci. Il n’a jamais été condamné et, pour les Américains, c’est un fait important. Sur le fond, Matt Gaetz, est un excellent candidat pour le courant de Trump, non seulement parce qu’il fut un de ses plus fidèles soutiens mais parce que ce représentant de Floride symbolise aux yeux de nombre d’Américains ce pour quoi ils ont voté Donald Trump. C’est un farouche partisan de la baisse des impôts et de l’antiétatisme au point d’avoir été responsable, en octobre 2023, de la destitution de Kevin McCarty, Président, pourtant républicain, de la Chambre des représentants, qu’il jugeait compromis avec l’establishment et le parti démocrate pour avoir voulu un accord afin d’éviter une paralysie budgétaire. Il est opposé aux thèses du réchauffement climatique dont l’humanité serait responsable au point d’être favorable à la disparition de l’Agence de Protection de l’Environnement qui, selon son électorat, coûte cher et freine le libre développement des entreprises. Il est favorable au strict contrôle de l’immigration. Et il s’est rendu célèbre pour avoir imposé une peine obligatoire de 50 ans pour les viols d’enfants, de personnes âgées ou handicapées. Il est enfin l’un des dirigeants d’un groupe d’élus appelé « Freedom Caucus » que certains jugent fasciste et d’extrême-droite, ce qui leur évite de penser la particularité de ce courant libertaire, anti-étatiste, anti-règlementation, qui fait écho à une culture américaine anti-étatique. Si le fascisme c’est être contre l’État, alors probablement, nous voilà sur une autre planète. Il s’était d’ailleurs opposé à Trump lors des primaires de 2016 dans le parti républicain À l’inverse, sur les mœurs, il est très conservateur, par exemple, il est opposé à l’avortement. 

C’est ce seul point qu’a retenu Harris. J’admets que ce point est important mais il n’était pas une préoccupation essentielle de l’électorat américain, sauf pour 13% environ, et, il ne l’est pas plus aujourd’hui. En étant réaliste, force est même de constater qu’en privilégiant qu’en privilégiant les questions de mœurs, comme l’avortement voire certaines revendications LGBT et en évacuant les autres questions, du pouvoir d’achat à l’inflation, de l’immigration, à la sécurité, qui étaient, à l’inverse au centre de la campagne, Harris a perdu des points. Cela plus encore chez les musulmans et les catholiques, les catholiques latinos en particulier, qui sont traditionnellement l’une des bases du parti démocrate. Ce fut une erreur de sa campagne dont d’ailleurs son échec cuisant en Floride fut l’un des signes avec celui de l’Arizona, qui avait été remporté par Biden en 2020 et  où Trump obtient un victoire nette avec 52,2% des voix contre 46,7% pour Harris, et dans les deux cas, il n’est pas anodin que les femmes aient majoritairement voté Trump comme les hispaniques. 

Tous ceux qui sont susceptibles d’être nommés aujourd’hui sont porteurs d’une même cohérence idéologique : la détermination à affronter l’administration, à dégraisser l’État, à détricoter les mesures coercitives contre l’industrie et l’agriculture prises au nom de la planète ou d’un libre échange non équitable, la guerre économique contre la Chine, la bataille contre l’immigration illégale, le point de vue d’America first dans les relations internationales etc…

Atlantico : Comment alors expliquer la presence de Robert Kennedy Jr ?

En choisissant Robert Kennedy Jr, Donald Trump n’est pas devenu un fou pris par je ne sais quelle pulsion mais parce qu’il est politique et rationnel jusqu’au bout des ongles. Il est évident que ce neveu de John Fitzgerald Kennedy est une prise de maître sur l’échiquier politique, en particulier dans l’électorat indépendant. N’oubliez pas qu’il y a des élections intermédiaires sénatoriales dans deux ans. Et notez qu’il ne le met pas à l’environnement, où les positions de Kennedy ne sont guère compatibles avec celles du courant Trump, mais à la santé. Cela non pour ses positions sur le vaccin mais pour sa détermination à dégraisser cette administration de la santé à laquelle ce Kennedy s’est frontalement opposé, dénonçant la tyrannie bureaucratique sur les individus et les États et l’industrie pharmaceutique à la recherche de gains. 

Sa position sur le Covid n’a pas été partagée par Trump mais elle ne choque pas son courant. Ce qui peut étonner sauf si l’on sait qu’aux États-Unis, la grande majorité des Américains est allergique à l’idée que le centre administratif étatique de Washington puisse imposer une politique générale sur quelque domaine que ce soit, à l’exception de la défense et de la politique internationale. La santé n’échappe pas à ce rejet.. Les États-Unis ne sont pas la France, faut-il le rappeler ? C’est une vision partagée par les deux grands courants du parti républicains, les héritiers de Jackson, mais aussi de Jefferson, ce courant puissant qui avait été incarné dernièrement par Ronald Reagan, les Bush, John McCain ou, aujourd’hui Mitt Romney, John Kasich, Jeb bush, le frère de Gorge W. Bush… C’est aussi une vision partagée par une large frange du parti démocrate, comme on l’a vu lors de l’opposition violente entre le maire démocrate de New York et le gouverneur démocrate en avril 2020, où comme on l’a vu en Californie qui fut l’État où la pandémie a fait le plus de victimes. Ajoutons à cela qu’une grande partie de la population n’apprécie pas la façon dont les entreprises pharmaceutiques font leurs prix et distribuent des produits dont certains leur paraissent inutiles. Le scepticisme, largement partagé, a été alimenté par Donald Trump au nom des plus pauvres. Ainsi, tout en contrôlant ce Kennedy, il le laisse aller dégraisser le mammouth de la santé et mettre en garde cette industrie pharmaceutique, pas néanmoins au point d’empêcher les investissements dans la recherche. L’idée est de parvenir à un deal avec cette industrie.

Atlantico : Vous évoquez Marco Rubio, qui serait peut-être secrétaire d’État, équivalent du ministre des Affaires étrangères, et je vous interrogeais sur Peter Brian Hegseth et Tulsi Gabbard, et les relations avec la Russie. Selon vous les nominations qui concernent les question, internationales révèleraient la même cohérence ? 

YR : Oui. Je sais que certains imaginent que Peter Brian Hegseth ou Tulsi Gabbard, seraient liés aux russes ou seraient des agents russes. Mais qui peut sérieusement croire ces affabulations selon lesquelles les Russes eux-mêmes le diraient ? Quel pays dévoilerait le nom de ses propres agents ? (rires) On ne comprendra rien à la cohérence de la politique internationale de Trump, envers la Russie et l’Ukraine, les pays arabes, la Chine, le Japon, l’Inde, l’Europe, si l’on occulte le fait qu’il est jacksonien, partisan de « America First ». 

Ainsi, tous ceux qui sont nommés par Trump dans ce secteur ont la même caractéristique : ils veulent la puissance américaine. Ce qui signifie qu’ils ne sont pas favorables à des guerres quand ils peuvent les éviter car toute guerre affaiblit le développement américain. 

Mais s’ils critiquent les guerres inutiles, ils ne sont pas pacifistes. Ne vous y trompez pas. Ils sont prêts à faire la guerre si les États-Unis sont menacés ou agressés. Ainsi, ils considèrent que les États-Unis ont un ennemi principal, la Chine, comme l’a expliqué clairement Donald Trump en 2015 dans son livre « Crippled america : How To make America Great Again ». Et il n’a cessé de le répéter. C’est aussi le point de vue de Peter Brian Hegseth, de Tulsi Gabbard, ancienne membre du parti démocrate ou de Mike Waltz, le conseiller à la sécurité nationale de Trump. D’ailleurs, il ne faut pas oublier que Peter Brian Hegseth, si décrié par certains du parti démocrate, a combattu en Irak, qu’il a été volontaire pour aller se battre en Afghanistan, considérant que les États-Unis étaient menacés par le terrorisme islamiste. Et il s’est opposé à toutes les formes de wokisme dans l’armée, puis dans ses émissions télévisées, considérant que cette idéologie affaiblissait la puissance américaine. Vous le voyez, c’est toujours cette même idée simple, mais non simpliste, d’America First.

Atlantico : Cette position c’est du cynisme ?

YR : C’est du pur réalisme en relations internationales où les valeurs ne sont pas au centre, comme la liberté, les droits de l’homme, la situation des femmes, celle des minorités., la démocratie pluraliste…Seule compte la puissance, suivant d’ailleurs, ce qui est drôle, une grande tradition réaliste, longtemps dominante en France, que nous avons oubliée, qui avait été celle de Richelieu, de Bonaparte, de Charles de Gaulle… et qui a été théorisée notamment par Raymond Aron. 

C’est d’ailleurs pourquoi un certain nombre de républicains du courant jeffersonien, attaché aux valeurs humanistes et au droit d’intervention dans le monde au nom des droits de l’homme, ont soutenu Trump avec d’extrêmes réticences ; si certains se sont ralliés à lui, comme Mike Waltz qui était conseiller à la sécurité nationale de Dick Cheney, le vice-Président de George W. Bush, d’autres, comme la néoconservatrice Liz Cheney, fille de Dick Cheney, ont été très réticents et certains l’ont même combattu en s’alliant avec Harris, comme Barbara Bush, la fille de George W. Bush. Il est d’ailleurs caractéristique de la faiblesse politique de Kamela Harris qu’elle n’ait pas tenté d’investir ces divisions du parti adverse.

Pour comprendre comment vont se jouer les parties sur l’échiquier international, souvenez-vous du mouvement America First au début de la seconde guerre mondiale. Dans ses lettres à Churchill, Roosevelt dit son désespoir de ne pas pouvoir envoyer officiellement des armes au royaume uni car le groupe America First tient le Sénat et contraint à la neutralité. Puis, il y a l’attaque par les Japonais des navires américains à Pearl Harbour, en décembre 1941. Et alors, immédiatement, le courant America First appelle à entrer en guerre. Et tous les courants se mettent d’accord pour l’alliance avec Staline afin d’abattre le nazisme. De même, ce courant patriote-America First, a soutenu Ronald Reagan pour abattre l’URSS, en acceptant les alliances, y compris avec les islamistes. Mais, plus tard, ce même courant, après avoir soutenu l’intervention en Afghanistan, s’est opposé au maintien des troupes sur place, considérant que ce n’est pas aux États-Unis de faire le gendarme du monde et d’imposer leurs valeurs à des pays étrangers. Ainsi, Trump a commencé à se désengager, et, pour d’autres raisons, Joe Biden a fini le processus et laissé les Afghans aux Talibans.

Il n’est donc pas besoin d’aller scruter une boule de cristal ou d’imaginer des agents secrets et des espions partout pour penser ce qui va suivre. Tous ceux qui sont nommés par Donald Trump pensent, comme lui, que l’ennemi principal est la Chine. Tous sont donc  prêts à chercher les conditions de la paix avec la Russie pour un double objectif : permettre le retour des États-Unis sur les marchés ukrainiens et russes et décrocher la Russie de la Chine afin de ne pas combattre économiquement et stratégiquement sur trois fronts : la Chine, l’Iran et la Russie. C’est similaire, mais à l’envers, à ce que le jacksonien Richard Nixon avait fait, en 1972, en s’alliant avec la Chine contre l’URSS. Une belle manœuvre d’ailleurs. 

À mon humble avis, Donald Trump va donc proposer un deal à la Russie : des territoires et le retour des échanges russo-américains avec la fin de certaines sanctions, mais pas de toutes, contre la paix. Soit Vladimir Poutine accepte, et Donald Trump affaiblit ainsi l’alliance militaire et économique avec la Chine pour désengager, en partie, la Russie de son alliance. Une alliance, rappelons-le, tout aussi marquée par le réalisme car la concurrence entre la chine et la Russie est une réalité historique et l’alliance est une alliance d’intérêts.  Soit il n’accepte pas ou est trop gourmand, et Trump le traitera en ennemi. Il a pour lui un argument, son argument favori : la force. N’oubliez pas que le budget de la défense américaine s’élève environ à 842 milliards de dollars et celui de la Russie a moins de 130 milliards. Il serait possible, sans difficulté, de sécuriser le ciel ukrainien, ce que Joe Biden n’a pas voulu faire. Et ce que Trump peut faire. Et n’oubliez pas qu’en termes économiques, par rapport à la chine, contrairement à ce qu’ont dit nombre de commentateurs, l’avance américaine croît. Sans même évoquer l’avance technologique. Le pari de Donald Trump est que l’intérêt bien compris de la Russie, gouvernée par un Poutine tout aussi réaliste que lui, peut conduire à accepter. 

Atlantico : Et toute la politique internationale suivra la même voie ?

YR. Oui, aussi si simple sans s’embarrasser d’experts en psychologie trumpienne. « America first », cela veut dire reprendre les alliances pour la puissance. En particulier avec le Japon et l’Inde, dont Trump a salué la « free road » qui vise à se libérer de l’encerclement économique chinois, mais aussi avec le monde arabe, en particulier avec son allié privilégié l’Arabie Saoudite, à laquelle les démocrates semblaient ne pas donner la même valeur stratégique. Les réactions positives à son élection dans le monde arabe montrent d’ailleurs que cette pratique claire des relations internationales qui ne se préoccupe pas des affaires intérieures des États, quand elles ne menacent pas les États-Unis, est bien reçue. Chacun y voit la possibilité d’un jeu d’intérêts mutuels.

La seule question ouverte sera de savoir comment régler la question du Hamas et du Hezbollah, détestés par les chancelleries arabes, mais non par les populations, tout en renforçant les liens avec ces chefs de gouvernements. Et cela en sachant que Trump, qui avait accepté la capitale d’Israël soit Jérusalem, est nettement plus pro-israélien que Joe Biden et qu’il a nommé comme ambassadeur l’un de ses plus proches, Mike Huckabee, pur produit de l’Arkansas chrétien, lui-même ayant été pasteur baptiste, farouche partisan d’un État israélien fort pour des raisons géostratégiques et religieuses… mais expliquer cela nous entrainerait trop loin et je ne pense pas que cela intéresserait vos lecteurs…

Atlantico : Elon Musk occupe une place particulière dans ce dispositif – Donald Trump l’a chargé d’une mission d’optimisation des coûts au niveau fédéral : en quoi est-il selon vous bien plus qu’un gadget ou qu’un caprice de milliardaire ?

YR : Sa nomination est le signal clair que l’isolationnisme n’est pas à l’horizon mais que sonne l’heure de la course à la croissance et de la conquête américaine, une sorte de conquête spatiale horizontale(rires). Il s’agit, d’un côté, d’abattre les mammouths étatistes, les règlementations de la dite « transition écologique » et l’idéologie wokiste qui lui est liée, et, de l’autre, de développer le nerf de la puissance aujourd’hui, que sont les nouvelles technologies, la robotique et l’intelligence artificielle. Libérer l’innovation, est le credo de la puissance. Voilà pourquoi Elon Musk, patron de Tesla et de X, l’ancien Twitter, a été nommé à la tête d’un ministère au nom inconnu jusque-là, celui de l’ « efficacité gouvernementale ». Et, on l’oublie trop souvent, avec lui est nommé un autre chef d’entreprise, Vivek Ramaswani. Ce milliardaire est moins connu du grand public et c’est dommage car il est encore plus caractéristique de la politique de Donald Trump et du retour du rêve américain. C’est un fils d’immigrés indiens, d’une famille pauvre, devenu président de sociétés en biotechnologies notamment. Dégraisser l’administration étatique, pour en même temps, un « en même temps » typiquement républicain, réduire l’endettement, les impôts, le chômage et propulser les innovations, c’est cela le sens de ces nominations et c’est cohérent.

Atlantico. Que réserve vraiment à l’Europe cette administration ? Et quelle serait pour la France comme pour Bruxelles le meilleur moyen de maximiser la relation transatlantique, sans renoncer à nos valeurs d’une part mais sans ignorer la réalité des rapports de force d’autre part ?

YR : Clairement, America First peut se décliner en Europe seulement avec des partenaires qui ont un intérêt mutuel avec les États-Unis. Donald Trump constate les rapports de force, il joue avec… ou il ne joue pas. S’agissant de ce que vous appelez « nos valeurs », Donald Trump ne s’en soucie donc pas directement, pas plus qu’il ne se soucie des valeurs de ses autres partenaires dans le monde, à l’exception d’Israël. Cela d’autant qu’il semble penser que les pays de l’Union européenne ne s’en soucient pas plus que lui, comme il l’a rappelé quand il a critiqué la politique migratoire d’Angela Merkel. 

Rappelez-vous qu’il a salué le Brexit et il considère toujours que l’Union européenne a été créée pour concurrencer la puissance économique américaine. Il est confirmé dans sa vision par la politique de l’Union européenne qui impose des interdictions, des taxes, des réglementations, contre les productions américaines au nom de « ressources » de la planète qui seraient en voie d’épuisement et d’un réchauffement de la planète dû aux humains, ce à quoi aucun de ses ministres ni les milieux scientifiques qui l’entourent, venus essentiellement de la physique, de la chimie, des nouvelles technologies, ne croient. Tout laisse donc penser qu’il poursuivra sa politique de méfiance, de défiance même, envers l’Union européenne, comme il l’avait fait par ses taxes sur l’acier et l’aluminium, en 2018, et qu’il étudiera avec soin tous les marchés pour peser l’intérêt américain. Ajoutons à cela qu’il se méfie de ces pays européens qui freinent l’arrivée des produits américains mais laissent passer les intérêts chinois et qui réclament la protection américaine sans toutefois vouloir la payer. Il est clair, à cet égard, que les négociations sur le financement de l’OTAN et l’exigence d’atteindre l’objectif de 2% du PIB pour les dépenses militaires, vont recommencer.

Si les Européens souhaitaient maximiser la relation avec la première puissance économique scientifique et militaire du monde, la raison me semble indiquer qu’il faudrait entrer dans une relation de concurrence positive et non négative dans tous les domaines. Au lieu d’un repli, l’offensive. C’est le langage que le courant de Trump comprend et respecte. Dans un rapport de forces, n’est-il pas logique de créer un rapport des forces ? 

Mais, que penser, depuis les États-Unis de Donald Trump, de l’Union européenne ? C’est un homme d’analyse. Il voit l’accélération du retard de nombre de pays européens qui, au lieu de se lancer dans la course à la croissance, source du financement de l’innovation, préfère la course aux réglementations et aux contrôles, menaçant les industries d’extraction et de transformation européennes, l’agriculture, les nouvelles technologies, l’intelligence artificielle, la recherche scientifique dans la vraie science de la nature, la physique… À vrai dire, que cela continue, ne le dérange pas. Voilà un espace géopolitique potentiellement concurrentiel, qui ne cesse de se tirer des balles dans le pied et qui sera donc demain encore plus consommateur de ses brevets et de ses innovations. Et que dire, plus particulièrement, de la France, qui était le pays des Lumières et de la créativité libérée contre les obscurantismes, et celui de la générosité et des droits de l’homme contre le cynisme de la puissance ? Certes, du point de vue américain, il lui reste de beaux héritages, Donald Trump a d’ailleurs indiqué que c’était un « beau pays »,  et il est clair que l’imagination créatrice, comme le montrent tant de cerveaux qui partent outre atlantique, ne demande qu’à repartir de l’avant. J’ajoute que si Donald Trump ne parle quasiment jamais de la France, il est néanmoins ouvert à toute coopération qui favoriserait les intérêts américains. Mais, il n’ignore pas son maquis de réglementations et de taxes, son impuissance face à la bureaucratie française et européenne, sa persistance à vouloir régler son déficit public, 6,4% du PIB cette année, et sa dette, un ratio d’endettement à 112% du PIB, par toujours plus d’impôts, plus de contrôle, plus de règlements, ni cette idéologie écolo-wokiste française qui creuse le déficit, mine son économie, freine ses recherches, détruit son socle moral… idéologie que Donald Trump combat aux États-Unis.

À l’inverse, ceux qui sont perçus par Donald Trump comme de solides alliés européens avec lesquels il faut maximiser les relations, sont ceux qui permettent d’accroître la puissance américaine et qui trouvent un intérêt mutuel à le faire, notamment, le Royaume Uni, par ailleurs première puissance européenne en matière de biotechnologies, et les Pays Bas…Et le premier partenaire européen des États-Unis, est, logiquement, le Royaume Uni, à la 5ème place suivi par les Pays Bas. Mais preuve de la baisse d’influence de l’Europe pour les États-Unis, le premier ne représente que 3,7% de ses exportations, le second 3,5%, juste avant l’Allemagne. Et La France n’est qu’au 10èmerang, après le Brésil. Tous loin derrière le Canada, le Mexique, la Chine et le Japon. Et le commerce avec l’Asie s’élève d’ores et déjà à 40% environ du commerce extérieur des États-Unis. 

La question donc aujourd’hui est clairement celle de savoir si la France et l’Europe veulent, ou peuvent, sortir par le haut du rapport de forces qui leur sera, sinon, de plus en plus défavorable. Une réflexion sur les moyens de la puissance et une éthique qui renoue avec l’humanisme né en Europe qui avait ensemencé le monde jusqu’à Thomas Jefferson, pour trouver une solution qui devrait se faire sans passions, s’il y en a, avec des femmes et des hommes pour la mettre en œuvre, s’il s’en trouve.