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UNE REVUE SCIENTIFIQUE POUR PENSER LA SÉCURITÉ GLOBALE

Yves ROUCAUTE

(À la suite d’une forte demande, nous avons remis en place cet article paru dans les Cahiers de la sécurité, en octobre-novembre 2010, pp. 7-15)

Les Cahiers de la Sécurité s’inscrivent résolument dans l’évolution scientifique ouverte par la problématique de la « sécurité globale ». 

Adopter un tel point de vue scientifique qui casse les façons positivistes de penser en réintroduisant de l’hybridation et en reconstituant la passerelle entre science et morale qui avait été occultée par la modernité, n’est pas facile. Le risque est grand de préférer fonctionner selon des paradigmes usés et faillis, malgré les impasses gnoséologiques où ils nous conduisent, sous prétexte qu’avec cette notion de « sécurité globale » nous perdrions nos repères. Les théoriciens de la connaissance (« épistémologues », disent les Français) savent les freins mis ainsi à toute « révolution scientifique », pour reprendre une notion utilisée avec succès par Thomas Kuhn. Des repères sur lesquels vivent tant de laboratoires et à partir desquels on a produit tant de textes favorisent la paresse d’esprit, l’incompréhension et heurte des intérêts de corps ou de groupe constitués autour des paradigmes concurrents. Ces résistances à la science sont d’autant plus importantes que nous perdons apparemment plus que ce que nous gagnons. Ainsi, imaginer des atomes-États chargés d’assurer sur leur territoire aux frontières tracées, la sécurité dans la distinction d’un extérieur et d’un intérieur, du public et du privé, avec l’horizon de coopérations internationales intéressées et d’un égoïsme national orienté vers la puissance, est certes confortable. Et il est séduisant de tenter de créer des hypothèses ad hoc pour maintenir la matrice théorique en tentant de l’adapter aux vulnérabilités nées avec la mondialisation et le développement des nouvelles technologies et des sciences de l’infiniment petit, aux nouveaux risques et aux nouvelles menaces.

Si cette façon de résister est en général, pacifique, et, à bien des égards, stimulante, ce n’est pas toujours le cas quand le point de vue idéologique qui se cachait derrière un vocabulaire pseudo-savant se trouve ruiné. Il suffit de voir la façon odieuse dont certaines revues idéologiques comme Politix traitent ceux qui ne partagent pas le point de vue « politiquement correct » du populisme bourdieusien pour s’en assurer. De façon assez classique, quand le seul espoir est de se répéter au lieu de progresser, face à la découverte de phénomènes nouveaux, la police de l’esprit succède à l’esprit policé.

Ce risque scientifique, qui est donc aussi social pour certains laboratoires, comme le montre, en France, le jeu « administratif » de certains groupes, il faut pourtant avoir le courage de le prendre, en ayant parfaitement conscience des insuffisances de notre démarche dans l’élaboration de la matrice disciplinaire, au niveau des généralisations symboliques, des modèles métaphysiques et heuristiques, des valeurs, des méthodes et des réussites exemplaires. Néanmoins, nous ne le prenons pas sans atouts : la matrice disciplinaire est bel et bien constituée, ses succès ne sont pas nuls, des avancées scientifiques ont été faites et une communauté scientifique est née, malgré les hésitations, tâtonnements, erreurs, oppositions, bref tout ce qui est le signe d’une véritable vie scientifique autour du concept de « sécurité globale ».

La raison majeure du choix scientifique de la revue tient au contexte. Comment ne pas mettre la sécurité globale au cœur de nos réflexions tout simplement pour penser ? Le « contexte conceptuel », aurait dit Imre Lakatos, contraint les esprits ouverts à ce choix scientifique 1. Développement des nouvelles technologies et des sciences liées à l’informatique et à l’infiniment petit, chute du mur de Berlin et mondialisation apparaissent en effet comme les éléments nodaux d’une transformation profonde de la conception que nous pouvions avoir des espaces politiques et de la sécurité des espaces de vie. Les conséquences les plus visibles de ces trois phénomènes sont la libération des marchés, l’ouverture des systèmes politiques et le développement des sociétés de communication transnationales qui propulsent le flux des échanges de biens, de personnes et de signes et le surgissement de nouvelles puissances, telles la Chine, l’Inde, le Brésil ou l’Indonésie.

Ainsi s’est engagée une dynamique dont les conséquences les plus importantes sont une nouvelle conception des modes de pensée et de vie, nouvelle conception qui touche la vision de l’espace et du temps, qui bouleverse les manières d’être, des formes d’organisation du travail aux systèmes de valeurs en passant par le rôle dévolu au politique, c’est-à-dire aussi à l’Etat, et cela jusque dans ses fonctions dites « régaliennes ». Et, enfin, qui nous contraint à replacer au cœur des sciences le souci de l’humain.

Il n’est pas anodin que dans ce nouveau monde ait surgi le concept central de « sécurité globale » 2, qui définit des problématiques qui n’auraient pu avoir de sens naguère, quand la modernité imposait ses règles. Souveraineté des États, conceptions classiques d’un extérieur opposé à l’intérieur, notions de frontière, séparations fonctionnelles entre sécurité et défense, opposition ou ignorance mutuelle du privé et du public, études « disciplinaires », recherche de tours de contrôle centrales…. Dans ce nouveau monde, l’État devient poreux face aux vulnérabilités, aux risques et aux menaces. Ou, pour être plus précis : la sécurité et le droit à la recherche du bonheur des individus, droit naturel, et la vie des nations, doivent être repensés face aux vulnérabilités des infrastructures et des interdépendances infrastructurelles, à la multipolarisation des risques et à la transnationalisation des menaces.

C’est dire à quel point penser la nouvelle donne n’est pas facile. Car la Déclaration des Chefs d’État et de gouvernement sur la sécurité de l’Alliance du 4 avril 2009, l’indique clairement: penser la sécurité, introduire la dimension de la mondialisation et repenser conceptuellement la stratégie, sont un même objectif. Des réflexions actuelles sur le « concept stratégique » à l’OTAN, aux interrogations européennes sur une vraie politique de l’Union après la disparition des trois piliers les scientifiques doivent sortir des impasses où les conduiraient le maintien de paradigmes venus d’un autre temps et qui ont montré leur inaptitude à saisir la nouvelle donne.

C’est pourquoi notre revue est très ouverte aux programmes de recherche qui posent au départ les questions en termes de sécurité globale. Et elle est très rétive à installer l’illusion d’un continuum avec les paradigmes qui le refusent. A cet égard, certains attribuent l’origine de ce concept de sécurité globale aux travaux de Kenneth Waltz et de Barry Buzan 3, et à ceux de la commission Palme, en 1982, qui évoquent la « sécurité commune » et la prise en compte de l’interdépendance croissante. Il est aussi possible de s’intéresser aux travaux de la commission Ramphal sur la « gouvernance sécuritaire mondiale », en 1992, indéniablement annonciateurs de cette piste.

Néanmoins, cela est tout à la fois vrai et faux. Des intuitions ou des recommandations ne constituent pas un vrai programme de recherche. La « sécurité commune » n’est pas la « sécurité globale », à moins de voir déjà chez Antoine-Henri de Jomini, par ses travaux sur l’élément diplomatique, ou chez Clausewitz, par ses réflexions sur la dimension politique, voire chez tous ceux qui prennent en compte comme éléments de la puissance, l’économie, la démographie, l’état d’esprit même d’un pays, l’annonce d’un programme de sécurité globale. Ce faisant, on passerait à côté de l’essentiel.

Disons clairement que notre revue prend le parti scientifique de refuser tout positivisme en réintégrant la dimension humaine et le point de vue de l’humaine humanité au cœur de la science et en s’installant, par ce point de vue haut, dans un univers dont les trois concepts clefs sont ceux de sécurité globale, de sécurité humaine et de développement durable. Et, ainsi, de contribuer aux avancées des programmes de recherches qui mettent la sécurité globale non seulement dans leur réflexion mais au centre, quand bien même les énoncés de ces recherches ne sont pas systématiquement organisés et fermés sous l’opération de déduction.

Ces programmes de recherche paraissent avoir une première caractéristique : une remise en cause d’une vision classique, d’origine réaliste quand bien même elle fut ensuite « améliorée » par des hypothèses ad hoc, qui fut longtemps hégémonique, qui produit encore bien des recherches et dont le paradigme conduisait à une distinction entre « intérieur » et « extérieur », « sécurité » et « défense », « public » et « privé », « intérêt » et « moralité » … avec ses corollaires connus. Ces « améliorations » ressemblaient un peu à celles qui avaient permis, en astronomie, le maintien du paradigme géocentrique d’Hipparque et de Ptolémée, contre l’héliocentrisme de Galilée. Elles entraient difficilement dans le paradigme. Penser ainsi la sécurité est à l’évidence inefficace pour cerner le terrorisme ou mettre à nu les réseaux du crime et ne justifie aucune intervention humanitaire face aux risques et aux catastrophes de tout ordre. Ces hypothèses ad hoc permettent certes parfois de réintroduire avec quelques avantages quelques forces transnationales et la question de la puissance économique, mais le schéma reste à nos yeux impuissant quand l’on postule l’acteur État, sujet, centre et tour de contrôle, conformément au modèle né de Thomas Hobbes, pour sa théorie de l’état de nature, Jean Bodin, pour sa théorie de la souveraineté, et Nicolas Machiavel, pour ses jeux politiques dégagés de la moralité, selon la « virtù » et la « Fortuna ». Et si le paradigme de Hans Morgenthau, et, plus encore, celui de Raymond Aron, permet de saisir l’intérêt de prendre en compte l’économie et la mondialisation, il n’est pas anodin de constater que ce dernier ne le fit que tardivement et ne put changer radicalement son paradigme 4.

La revue se pose également dans une critique du courant transnationaliste qui s’imposa scientifiquement quelques années sur les faiblesses manifestes du courant réaliste en revalorisant les forces transnationales, réintroduisait une dimension de porosité dans les systèmes politiques. Il permettait ainsi de donner du sens à l’analyse des acteurs non étatiques. Mais il remettait en même temps si radicalement en cause le schéma de ses concurrents réalistes que l’acteur État se voyait réduit à être un acteur « comme les autres », voire moins important, ce qui conduisit à des impasses auxquelles les inventeurs du paradigme eux-mêmes furent sensibles au point d’en venir à un schéma néoréaliste qui tenta de sauver à nouveau l’hypothèse de l’État.

Avant même l’explosion théorique corrélée aux nouvelles technologies la question de la sécurité avait en tout état de cause pris un tournant qui ouvrait le chemin à des réflexions sur la nouvelle donne. Le modèle néoréaliste, en partie construit par les auteurs qui avaient vendu le modèle transnationaliste, aussi ouvert aux défis modernes que pouvait l’être Barry Buzan 5, lança des pistes qui commençaient à répondre aux bouleversements en cours en réintroduisant les dimensions transnationales. Les travaux de l’Économie Politique Internationale, qu’ils conservent à l’État un rôle central, comme chez Robert Gilpin 6, ou qu’ils insistent sur la diffusion du pouvoir et le rôle des structures économiques et financières en démontrant la difficulté de l’État à assurer la sécurité, la justice, la richesse et la liberté comme chez Susan Strange 7, imposent l’idée que la sécurité ne peut être pensée dans la seule distinction militaire et police tandis qu’était réintroduite de plein droit la dimension économique, culturelle et environnementale.

Mais la nouvelle donne conduisait à aller plus loin en énonçant une problématique novatrice avec ses valeurs, ses concepts propres et ses moyens d’investigation 8. Cela nécessitait aussi, à la façon dont l’indique le Livre blanc sur la Sécurité et la Défense, et, plus encore, le rapport remis par Alain Bauer au Président de la République française, Déceler-Étudier-Former : une voie nouvelle pour la recherche stratégique, de sortir d’une vision trop disciplinaire de la sécurité. Cela nécessitait enfin de concevoir la sécurité non pas à l’aune d’un territoire mais de ceux qui l’habitent et la nécessaire solidarité consubstantielle avec leurs frères en humanité des autres nations pour répondre efficacement et scientifiquement, en termes de résilience, aux risques et aux menaces ; ni la vague terroriste, ni le nuage de Tchernobyl, ni la pandémie du Sida, ne s’arrêtent aux postes douaniers.

S’agissant des concepts qui sont au cœur de la revue car ils sont au centre des programmes de recherche qui prennent pour objet la sécurité globale, ceux de vulnérabilité, de risque et de menace doivent être définis.

Une vulnérabilité ne peut être exprimée que sur une réalisation particulière d’un système.

Le terme de vulnérabilité désigne l’existence d’une possibilité de modification du comportement du système qui pourrait être utilisée de façon indésirable. On notera que l’existence d’une telle vulnérabilité ne résulte pas d’une erreur de conception ou de mise en œuvre, mais peut être nécessaire au fonctionnement du système.

Les risques se distinguent des menaces par leur aspect contingent, accidentel et non volontaire, que l’origine soit humaine ou non humaine. Une menace reflète l’existence d’un phénomène, d’une organisation ou d’un individu qui peut utiliser une vulnérabilité pour influencer le comportement du système afin d’aller vers un objectif différent de celui qui était initialement prévu. La notion de risque n’est valide que lorsqu’elle est associée à un bien au sens large du terme, qu’il s’agisse d’un bien matériel, d’un bien moral (telle que la réputation), ou d’un service. En outre, un risque particulier concerne un événement et est généralement considéré comme étant la combinaison d’une possibilité d’occurrence 9 et d’une quantification de l’impact sur le bien considéré.

Ces trois concepts centraux étant définis, les programmes de recherche qui concernent la sécurité globale visent des domaines, qui se caractérisent par des entités (« explananda»), des séries récurrentes en général, sur lesquelles les hypothèses émises peuvent être vérifiées. Ces « domaines », circonscrits par la vulnérabilité, le risque et la menace, ainsi que par leur dynamique, sont étudiés dans les « dossiers » de la revue ainsi que dans l’Institut National des Hautes Études de Sécurité et de Justice dont dépend la revue et dans les laboratoires affiliés à la revue.

Nous commencerons par définir les domaines qui sont cernés par le concept de « menace », c’est-à-dire par les processus provoqués par volonté humaine.

La sécurité d’une nation, d’un groupement social ou d’un individu, peut être la cible d’attaques dans le cadre de conflits de haute intensité, par des États malveillants, fragiles ou faillis. Ces attaques peuvent prendre des formes classiques d’agression. Elles peuvent aussi prendre des formes tout à fait nouvelles en plaçant au cœur de leur dispositif d’agression les réseaux numériques eux-mêmes, par la destruction des infrastructures ou la prise de contrôle physique de ces réseaux, comme la destruction de groupements ou d’entreprises qui sont au cœur de la sécurité du pays, comme l’élimination ou le contrôle de cadres, ingénieurs, techniciens, savants qui sont au cœur de la sécurité et du contrôle des réseaux numériques.

A cette menace classique « revisitée » par la notion de sécurité globale, s’ajoutent les menaces dues aux guerres asymétriques, qui ne se limitent pas à l’islamisme radical. Elles peuvent être couplées avec des conflits de haute intensité. Le terrorisme est en lui-même un objet hybride à faces multiples qui ne peut être étudié que de façon hybride et pluridisciplinaire.

En relation avec les réseaux numériques, ces menaces peuvent être rendues particulièrement létales par l’attaque contre des infrastructures vitales et les responsables de ces infrastructures.

Elles s’apparentent de plus en plus souvent, aussi bien par leurs moyens que par leurs fins, aux menaces du crime organisé. Et elles ont la caractéristique de pouvoir frapper des cibles multiples, dans des lieux différents dans des temps courts, à l’intérieur d’un espace étatisé ou à partir de l’extérieur. Elles ajoutent à l’incertitude une dimension transnationale et multipolaire de l’imprévisible qui contraint à poser conceptuellement la nécessité de penser non seulement la protection et la prévision mais aussi les conditions de la meilleure résilience. Si le terrorisme, en raison de sa dimension transdisciplinaire est souvent présent dans les dossiers, un grand numéro spécifique de la revue sera néanmoins consacré à cette question prochainement.

La sécurité globale, c’est donc aussi la prise en compte de la menace du crime organisé de façon novatrice. Certes, les réseaux du crime ne datent pas d’aujourd’hui, mais, comme l’a démontré le numéro de la revue consacré aux réseaux criminels, la mondialisation économique et juridique change la donne qualitativement et pas seulement en extension 10. A cet égard, les réseaux numériques sont des espaces virtuels où les réseaux criminels peuvent s’organiser et se développer, de la vente de médicaments frelatés aux réseaux pédophiles.

Stupéfiants, armes, traite des êtres humains, flux migratoires, piraterie, il est peu d’activités criminelles qui menacent la sécurité sur le globe et ne trouvent leur prolongement, voire parfois leur départ, dans les réseaux numériques, et bien souvent, au-delà des frontières des espaces où ils s’exercent. C’est le sens des numéros sur les réseaux du crime, le fléau de la drogue ou sur la traite des êtres humains desquels nous avons extrait quelques textes ici.

La sécurité globale, c’est encore la prise en compte des menaces liées au « soft power ».

L’imaginaire est au cœur de la sécurité et de l’insécurité. Il s’agit, via des associations, des partis, des groupements politiques divers, via des medias dont internet, de miner l’autorité, la légalité et la légitimité d’un État, d’un gouvernement et de la culture d’une nation. Ces menaces visent d’abord à déstabiliser l’autorité dans les zones d’influence, en particulier par l’usage de réseaux de désinformation et de mobilisation. Il s’agit aussi de déstabiliser les politiques publiques en attaquant leur soutien, en particulier le soutien à la politique de sécurité globale. Il s’agit enfin de l’espionnage des centres de recherche, publics et privés, des entreprises et des administrations de l’État. Notre revue n’a pas pour rien mis la question de l’imaginaire au cœur de sa réflexion dans tous ses numéros.

La sécurité globale, c’est encore la prise en compte de menaces « cyber » proprement dites qui déterminent de nouveaux territoires en transformant, sans les annuler, les espaces de vie ; d’où ces extraits du numéro sur les « nouveaux territoires de la sécurité » qui permettent de démonter scientifiquement l’illusion de croire que la naissance d’espaces virtuels conduit à abolir l’espace de vie local et la territorialisation humaine. Téléphonie mobile, constellations de satellites de géo-navigation), réseaux sans fils (Bluetooth, WiFi, WiMax), Internet, systèmes d’information, routeurs, ordinateurs, téléphones, décodeurs de télévision, assistants numériques, systèmes d’exploitation, applications informatiques, toutes ces entités pénètrent l’ensemble de la vie de nos Cités. Peu d’activités échappent aux réseaux numériques et aucune activité vitale. Menaces individuelles, destruction d’un système, menaces de groupements (groupes, États), l’espionnage industriel, destruction de biens matériels ou immatériels, les cyber-attaques contre les infrastructures, vitales ou non vitales, peuvent prendre des formes diverses, des virus, chevaux de Troie, phishing, hacking, prises de contrôle. Et se coupler avec des attaques destructrices des centres décisionnels. Ces cyberattaques peuvent s’opérer contre des individus, des cadres, des entreprises ou le pays tout entier. Ainsi, des cyberattaques d’envergure nationale ont, par exemple, frappé l’Estonie en 2007 et les armées françaises en 2008. Elles touchent chaque jour des entreprises dans le monde entier. Les plus importantes font l’objet d’un traitement médiatique à l’instar de l’attaque subie par le service Twitter et Google début août 2009, mais la plupart demeurent dans l’ombre au point d’être perçues comme une menace banalisée. Les cyberattaques gagnent constamment en complexité et en intensité. Exécutées à des fins lucratives ou pour des raisons politiques, elles sont devenues des armes redoutables et redoutées à l’origine d’un véritable marché dans lequel assaillants et assaillis dépensent des sommes considérables pour atteindre leurs objectifs face aux vulnérabilités, des failles de sécurité aux défauts de conception ou de configuration. On comprend que notre revue revienne régulièrement sur cette question.

La prise en compte de la sécurité globale c’est aussi celle des risques. Et, à nouveau, les Cahiers de la sécurité les prennent au sérieux dans le cadre de leur problématique de sécurité globale.

Ces risques sont d’abord ceux qui sont directement liés à la mondialisation. Le développement des sciences et des techniques, soulage les souffrances et a conduit des pays à sortir de la misère, tels la Chine ou l’Inde, mais ils signalent aussi des dangers jusque-là inconnus.

Les erreurs humaines, dans tous les secteurs de la vie, du nucléaire au médical, des transports à la gestion de l’eau, peuvent avoir des conséquences funestes. L’accroissement des échanges de biens sur internet, la prolifération des flux financiers, l’invention d’outils financiers liés aux nouvelles technologies, conduit à des risques de toute nature, dangereux localement régionalement, nationalement ou internationalement, comme le montre l’actuelle crise financière.

Faute de contrôle, en l’absence d’éthique suffisante ou tout simplement par accident, l’insécurité grandit.

La sécurité globale c’est aussi la prise en compte des risques sanitaires et alimentaires, ainsi que des risques transport. Les risques de pandémie, les questions sanitaires liées aux catastrophes naturelles ou aux conflits, les effets même de l’irresponsabilité, via des ventes de produits alimentaires de toute nature, y compris de médicaments, par Internet, augmentent avec la mondialisation. De même les transports des marchandises, via le ciel, la mer ou la terre, sont, d’un côté, devenus plus sûrs, de l’autre plus sensibles aussi aux défaillances humaines et aux vulnérabilités structurelles des réseaux numériques.

La sécurité globale c’est encore la prise en compte des risques environnementaux et technologiques. Catastrophes naturelles, industrielles, évolutions démographiques, flux, émissions toxiques… Un numéro des Cahiers a été consacré à cette question et les éléments de la sécurité globale trouvent tous leur corrélation dans la sécurisation des réseaux numériques, cause parfois d’insécurité environnementale et technologique, toujours au cœur de la gestion de crise.

Mais les recherches entreprises dans le cadre des Cahiers le démontrent : s’il faut distinguer conceptuellement risques et menaces, il apparaît qu’ils peuvent entrer dans une dynamique létale qui doit être appréhendée scientifiquement. Un groupe terroriste peut tenter de déclencher une crise sanitaire par des armes biologiques, par exemple bactériologiques ou virologiques. De telles opérations pourraient être organisées via Internet. En tout état de cause, tout usage des armes de destruction massive, biologiques, chimiques ou nucléaires, pourrait ainsi déclencher une dynamique de risques de tout ordre, naturels et humains, et aurait un effet destructif sur la population. Les réseaux numériques, cible potentielle des attaques sur les infrastructures vitales, sont au cœur des réponses pour prévenir et gérer.

Face à ces risques et à ces menaces, dans ce contexte de nouvelle vulnérabilité, la revue a montré d’ores et déjà que les programmes de recherche qui prennent au sérieux la sécurité globale posent l’existence de nouveaux acteurs.

Certes, les acteurs classiques de la sécurité restent incontournables, élus d’abord, acteurs de l’armée, de la gendarmerie, de la police, voire de la justice ensuite. Les acteurs de l’insécurité que l’on peut déduire des « menaces » sont aussi des objets d’étude classiques : groupements politiques divers, des États voyous ou groupes terroristes, sectes ou mafias, individus malveillants ou entreprises d’espionnage et de renseignements. Mais la conception de la sécurité globale rénove les études sur ces acteurs en les considérant sous leur forme rhizomique dans leur connexion systémique aux réseaux de la mondialisation. Et elle conduit à prendre en compte, dans la même perspective, d’autres acteurs de la sécurité et de l’insécurité.

Le premier acteur « recréé » est le monde associatif. Églises, associations de consommateurs, de défense de l’environnement, ONG, syndicats… ces univers jouent un rôle majeur. Dans la nouvelle conception scientifique, ils sont conçus non plus comme des êtres autonomes mais comme des domaines et des éléments du contexte des crises, de la gestion de crise, de la sortie de crise et acteur de la résilience (qu’ils y participent ou la freinent), acteurs des espaces locaux et virtuels, qu’ils soient officiellement de type local ou transnational. Par leur présence, en particulier via les réseaux numériques, leur jeu est étudié également pour saisir la sécurité via le soft power, par les phénomènes spirituels qu’ils induisent et les processus de mobilisation et de démobilisation qu’ils peuvent produire.

Le second acteur recréé, ce sont les entreprises, privées et publiques. La multiplication des entreprises de sécurité est un premier objet spécifique des études scientifiques de sécurité globale car elle est le symptôme de la nécessité de l’externalisation des actions sécuritaires non seulement pour les entreprises mais aussi pour la puissance publique. Elle révèle la nature de la nouvelle donne pour les États, le renouveau de la conception de la souveraineté, le développement des formes de sécurité hybrides et l’évolution de certains structures politiques elles-mêmes hybrides, telles l’Union européenne. S’agissant des autres entreprises, parfois des mêmes, si elles peuvent être des acteurs de l’insécurité quand ce sont des entreprises liées au renseignement industriel ou politique, elles sont plus souvent victimes et jouent un grand rôle dans les réflexions de sécurisation des entreprises en raison de leur activité propre ou des attaques dont elles sont l’objet (par exemple l’affaire Valéo, en 2005). Nombre d’entreprises ont ainsi, par leurs activités et leur développement, engagé une réflexion et des moyens pour la sécurité de leurs activités, la protection de leur personnel, de leurs recherches, de leurs brevets jusqu’à celle des réseaux numériques. De son côté, l’État est intéressé, pour sa puissance et pour assurer son rôle, par la sécurisation des entreprises publiques, mais aussi privées, et cela en particulier quand ces entreprises sont en relation avec des infrastructures vitales. Ainsi se nouent des possibilités d’étude des jeux d’intérêts, parfois divergents, afin de penser non seulement les politiques privées de sécurité mais aussi les politiques publiques, leur degré d’efficacité et de cohérence. A cet égard, il n’est pas anodin que les numéros des Cahiers tentent de cerner les politiques publiques et d’y associer des chercheurs du public et du privé.

Précisément, la nouvelle conception scientifique de la sécurité conduit à aider les recherches de ces acteurs particuliers de la sécurité globale : les centres de recherche, publics et privés.

Ces acteurs produisent des concepts et des méthodes, ils peuvent produire des brevets, premier moteur de développement et d’emplois et ils sont la source du développement et des modifications des réseaux numériques qu’ils ont historiquement créés. Ils sont ainsi au centre de la guerre commerciale, politique, technologique et militaire. Leur travail, de la modélisation aux échanges, de la construction des banques de données aux débats entre laboratoires, passe aujourd’hui de plus en plus par les réseaux numériques, qu’ils ont créés, et qui deviennent ainsi une des clefs de leur développement. C’est bien le sens de la présence grandissante des centres de recherche dans les collaborations et à la direction de la revue.

La sécurité globale à l’heure de la mondialisation, c’est encore le monde de la médiation, en particulier de la communication. Outre l’usage que les menaces font peser par ce biais sur la nation, l’esprit de la population est une des clefs de la sécurité globale, comme naguère elle l’était de la sécurité. Alerte, manipulation, information, désinformation, rôle de certaines officines, mobilisation, démobilisation : les moyens classiques nés de la galaxie Gutenberg tout comme les réseaux numériques de la révolution technologique agissent sur l’état d’esprit du pays. Messageries, blogs, sites conviviaux, journaux en ligne, télévisions en ligne, téléphones cellulaires jouent un rôle majeur lors des crises, de leur prévention à leur gestion.

Les scientifiques voient surgir une « opinion » publique locale régionale, nationale voire mondiale, qui intervient directement ou indirectement via les élus aussi bien quand il s’agit d’une entreprise que lorsqu’il s’agit d’une affaire d’État.

Enfin, la problématique de la sécurité globale exige de prendre en compte des acteurs internationaux et régionaux « revisités » à l’aune de la conjugaison de la sécurité globale avec la sécurité humaine et le développement durable et de leur mise en réseaux dans le cadre de la globalisation, tels l’ONU, l’OTAN, l’Union européenne, l’ALENA…. ainsi que ces associations comme l’Organisation Internationale de Normalisation ou de la Commission Électronique Internationale. A cet égard, la revue consacrera un de ses prochains numéros à cet aspect du problème.

Cette problématique de la sécurité globale impose enfin non seulement des concepts et des acteurs mais des méthodes de recherche. Il n’y a pas de résilience possible sans connaissance du prévisible et mise en œuvre préalable des conditions pour recevoir et gérer l’imprévisible.

Cela nécessite de poser l’hybridation des savoirs et l’interdisciplinarité comme pierre de touche du savoir. 

Il suffit pour s’en convaincre de penser à l’ensemble des acteurs concernés par une crise sanitaire. Outre la diversité des acteurs de santé (médecins généralistes, hospitaliers, pharmaciens, biologistes, infirmières…), s’ajoutent les services de l’État (préfecture, affaires sanitaires…), y compris militaires (service de santé des armées) et, au-delà, une noria d’intervenants, psychologues, sociologues, juristes, politistes, spécialistes des transports de voyageurs, enseignants, journalistes…. Un phénomène apparemment limité (la crise sanitaire) devient un enjeu global appelant une réponse globale.

La méthode s’impose donc : permettre cette hybridation des savoirs, que nul ne peut détenir seul et qu’aucune discipline ne peut gérer seule, afin de poser les conditions de possibilité pour analyser les infrastructures, déceler les vulnérabilités (en particulier, par prospection intrusive), prévenir, modéliser des systèmes réactifs et construire des processus de résilience.

Cela explique pourquoi, face à la multipolarisation des risques et à la transnationalisation des menaces, la revue fait appel à des savoirs venus d’horizons différents, qui mêlent public et privé et ce qui relevait autrefois de la sécurité intérieure et de la défense. Et elle est ouverte résolument aux laboratoires internationaux qui travaillent eux aussi dans cette problématique de sécurité globale.

Avec la claire volonté de constituer une communauté scientifique qui soit une « société ouverte », selon le beau mot venu de Bergson et repris par Karl Popper. Une société ouverte sur l’humanité de l’humain, sur ses exigences éthico-scientifiques, selon le message des grandes spiritualités. Car les déferlements de haine du XXE siècle à partir de certains des États les plus « progressistes » de la planète, comme l’Allemagne, l’Autriche, l’Italie ou le Japon, les errances positivistes et productivistes qui conduisent à envisager le présent humain en s’accommodant du sacrifice et à ruiner son avenir, nous le rappellent : « science sans conscience n’est que ruine de l’âme ». Et la sécurité globale est un songe creux si elle n’est l’expression de la sécurité humaine.

Yves ROUCAUTE

Directeur des. Cahiers de la Sécurité,

Professeur des Facultés, agrégé de science politique, docteur d’Etat, agrégé de philosophie.

Directeur du master de « Management du Risque », Faculté de Droit et des sciences politiques de Paris X-Ouest-Nanterre

Notes

  1. Imre Lakatos, Criticism and the Growth of Knowledge, New York: Cambridge University Press, 1970.
  2. Voir pour cette évolution, Jean-Jacques Roche, Théories des Relations Internationales, Paris, Montchrestien, collection « Clefs », 4e édition, 2001, Chapitre 1. Voir également : Charles-Philippe David, La Guerre et la paix Approches Contemporaines de la Sécurité et de la Stratégie, Paris, Presses de Sciences Po, collection « Références inédites », 2000, Chapitre 1.
  3. Kenneth Waltz, Theory of International Politics, Reading, Addison Wesley, 1991, Barry Buzan, People, States and Fear – An Agenda for International Security Studies in the Post-Cold War Era, Hemel Hempstead, Harvester-Wheatheaf, 2e éd, 1991, 393 p. Du même auteur, voir également : New Patterns of Global Security in the 21th Century, in International Affairs, 1991, 67 n°3.
  4. Ramond Aron, 50 ans de réflexion politique, Paris, Julliard, 1983.
  5. Buzan, B., « New Patterns of Global Security in the 21th century », in « International Affairs », 1991, 67-3.
  6. Gilpin, R., The Political Economy of International Relations, Princeton, Princeton University Press, 1987
  7. Strange S., The Retreat of the State, The diffusion of Power in the World Economy, Cambridge, Cabridge Uni-versity Press, 1996
  8. Yves Roucaute, « Mondialisation et sécurité nationale », communication, École militaire, Paris, 10 octobre 2009.
  9. Nous parlerons ici de possibilité d’occurrence plutôt que de probabilité, car la notion mathématique de probabilité, stricto sensu, présuppose certaines propriétés qui ne peuvent être garanties pour tous les risques pris en compte ici. Si la notion de probabilité reste nécessaire pour certaines analyses formelles, elle n’est pas nécessaire dans cet exposé.
  10. Voir le dossier « Les organisations criminelles », in les Cahiers de la Sécurité, N°7, Janvier-mars 2009

La Gouvernance européenne et le paradigme de la sécurité globale

Conférence. Par le Professeur Dr Yves ROUCAUTE

Chairman, Panel 14. IPSA International Conference, Luxembourg 18-20 mars 2010 

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La conception de la sécurité qui dominait la théorie politique et les analyses de la politique européenne ont été bouleversées, tout comme les perspectives de construction de l’Union européenne qui animaient les initiateurs du Traité sur l’Union européenne de 1992, qui croyaient possible d’élaborer une coopération policière et judiciaire en matière pénale (CPJP) à côté de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) et des communautés européennes. 

Dés 1999 (Traité d’Amsterdam), cette séparation est apparue en grande partie inefficace. L’idée que les 2ème et 3ème Piliers seraient seulement à caractère « intergouvernementaux », et non communautaires, était apparue peu pertinente pour les politiques, d’asile, de contrôle aux frontières, de l’immigration, de la circulation des personnes et une partie de la coopération judiciaire. Les décisions par coopérations entre Etats quand il s’agissait de la sécurité intérieure de l’Union semblaient devoir être associées à un pouvoir communautaire plus fort. Le Traité établissant une Constitution pour l’Europe, signé le 28 octobre 2004 à Rome, parut en partie régler le problème, en proposant d’abandonner cette vision des piliers et en ouvrant la porte à une redéfinition des relations entre ce qui relève de l’intégration et de la coopération. Le traité modificatif, proposé par les chefs d’Etat et de gouvernement lors du Conseil européen de Bruxelles du 21-22 juin 2007, va dans le même sens. 

Néanmoins, la question reste posée. Car s’il est admis que l’ancien second pilier (titre V du Traité sur l’Union Européenne), relève plutôt de l’intégration par le titre IV de la Troisième partie, consacré aux politiques et actions intenses de l’Union qui inclut la coopération policière et la coopération judiciaire en matière civile et pénale, il n’en demeure pas moins que les Etats de l’Union semblent en partie réticents sur les nécessités politiques de la prise en compte d’une véritable politique de sécurité globale, malgré les fortes pressions dues aux nouveaux risques et aux nouvelles menaces, au lieu d’envisager une dynamique d’intégration et de coopération qui  intègre aussi le troisième pilier. 

Aujourd’hui, trois facteurs fondamentaux conduisent à aller plus loin et à repenser un modèle conceptuel de la sécurité issu de la modernité et de son faisceau de dichotomies. 

D’une part, la révolution numérique et des sciences de l’infiniment petit a bouleversé les postulats de la théorie de la souveraineté étatique qui avaient été théorisées par les réalistes, Jean Bodin et Thomas Hobbes en tête. Sont remis en question les espaces aux frontières « cartésiennes » claires et distinctes avec un dedans et un dehors, un intérieur et un extérieur, ce qui relève de l’Etat, de la société civile et de l’individu, tout comme les divisions scientifiques en domaines séparés occupés par des « disciplines » ayant chacune leurs spécialistes (militaires, diplomates, policiers, pompiers, juges, géographes, informaticiens, physiciens, chimistes, économistes, médecins, sociologues…) et l’appréhension des temporalités de vie quotidiennes territorialisées et en partie sécurisées à partir d’un centre. 

D’autre part, le surgissement d’un nouvel ordre international ouvre la voie à des réflexions où l’intérêt et la puissance ne sont plus le droit face aux exigences de l’humanité et a retour de l’éthique et de la morale, tandis que, par les nouvelles menaces et les nouveaux  risques, en particulier sur les infrastructures critiques, sont ruinées les séparation entre défense/sécurité, public/privé et accélérées les constructions de nouveaux espaces hybrides de coopération, à temporalités différenciées. 

Enfin, la mondialisation des échanges de biens, de signes et de personnes n’a pas seulement conduit à mettre en question, au moins en partie, le poids des politiques publiques, elle a dynamisé les deux précédents processus, et poussé, en extension et en intensité, la déconstruction des espaces clos pour leur substituer de nouvelles formes d’organisation du travail et de vie brûlant au passage les formes de séparation vertical/horizontal, producteur/intermédiaire/consommateur, marché/science/morale, revisitant la notion de pouvoir elle-même en réintroduisant une dimension éthique au cœur des échanges.

Ainsi, ce n’est pas seulement la nécessité de repenser la séparation de la coopération policière et judiciaire qui est en jeu. La Déclaration des Chefs d’Etat et de gouvernement sur la sécurité de l’Alliancedu 4 avril 2009[1], l’indique clairement : penser la sécurité, introduire la dimension de la mondialisation et repenser conceptuellement la stratégie, sont un même objectif. Des réflexions actuelles sur le « concept stratégique » à l’OTAN, aux interrogations européennes, les scientifiques doivent sortir des impasses où les conduiraient le maintien de paradigmes venus d’un autre temps et qui ont montré leur inaptitude à saisir la nouvelle donne. 

A cet égard, certains attribuent l’origine de ce concept de sécurité globale aux travaux de Kenneth Waltz et de Barry Buzan[2], et à ceux de la commission Palme, en 1982, qui évoquent la “sécurité commune” et la prise en compte de l’interdépendance croissante. Il est aussi possible de s’intéresser aux travaux de la commission Ramphal sur la “gouvernance sécuritaire mondiale”, en 1992[3], indéniablement annonciateurs de cette piste. 

Néanmoins, des intuitions ou des recommandations ne constituent pas un vrai programme de recherche. 

La « sécurité commune » n’est pas la « sécurité globale », à moins de voir déjà chez Antoine-Henri de Jomini, par ses travaux sur l’élément diplomatique, ou chez Clausewitz, par ses réflexions sur la dimension politique, voire chez tous les réalistes par leur prise en compte comme éléments de la puissance de l’économie, de la démographie, de l’état d’esprit même d’un pays, l’annonce d’un programme de sécurité globale. Ce faisant, on passerait à côté de l’essentiel.

Disons clairement qu’il s’agit de prendre le parti scientifique de s’installer dans un univers dont les trois concepts clefs sont ceux de sécurité globale, de sécurité humaine et de développement durable[4] et de contribuer aux avancées des programme de recherches qui mettent la sécurité globale non seulement dans leur réflexion mais dans son cœur, quand bien même les énoncés de ces recherches ne sont pas systématiquement organisés et fermés sous l’opération de déduction.

Ces programmes de recherche doivent donc avoir une première caractéristique : une remise en cause d’une vision classique, d’origine réaliste, qui fut longtemps hégémonique et qui produit encore bien des recherches, et dont le paradigme conduisait à une distinction entre “intérieur” et “extérieur”, « sécurité » et « défense », avec ses corollaires connus. 

D’ailleurs, ce courant avait lui-même dû introduire des éléments qui entraient difficilement dans son paradigme pour tenter de le sauver. Penser les relations internationales par la puissance, l’étude des jeux de forces interétatiques et l’intérêt est à l’évidence inefficace pour cerner le terrorisme ou mettre à nu les réseaux du crime. Des hypothèses ad hoc permettent certes parfois de réintroduire avec quelques avantages quelques forces transnationales et la question de la puissance économique, mais le schéma reste à nos yeux impuissant quand l’on postule l’acteur Etat, sujet, centre et tour de contrôle, conformément au modèle né de Thomas Hobbes, pour sa théorie de l’état de nature, Jean Bodin, pour sa théorie de la souveraineté, et Nicolas Machiavel, pour ses jeux politiques dégagés de la moralité, selon la “virtù” et la “Fortuna”. Et si le paradigme de Hans Morgenthau, et, plus encore, celui de Raymond Aron, permet de saisir l’intérêt de prendre en compte l’économie et la mondialisation, il n’est pas anodin de constater que ce dernier ne le fit que tardivement et ne put changer radicalement son paradigme[5].

Il s’agit encore de poser une critique du courant transnationaliste qui s’imposa scientifiquement quelques années sur les faiblesses manifestes du courant réaliste en revalorisant les forces transnationales, réintroduisait une dimension de porosité dans les systèmes politiques. Il permettait ainsi de donner du sens à l’analyse des acteurs non étatiques. Mais il remettait en même temps si radicalement en cause le schéma de ses concurrents réalistes que l’acteur Etat se voyait réduit à être un acteur “comme les autres”, voire moins important, ce qui conduisit à des impasses auxquelles les inventeurs du paradigme eux mêmes furent sensibles au point d’en venir à un schéma néoréaliste qui tenta de sauver à nouveau l’hypothèse de l’Etat[6].

Avant même l’explosion théorique corrélée aux nouvelles technologies la question de la sécurité avait en tout état de cause pris un tournant qui ouvrait le chemin à des réflexions sur la nouvelle donne. Le modèle néoréaliste, en partie construit par les auteurs qui avaient vendu le modèle transnationaliste, aussi ouvert aux défis modernes que pouvait l’être Barry Buzan[7], lança des pistes qui commençaient à répondre aux bouleversements en cours en réintroduisant les dimensions transnationales. Les travaux de l’Economie Politique Internationale, qu’ils conservent à l’Etat un rôle central, comme chez Robert Gilpin[8], ou qu’ils insistent sur la diffusion du pouvoir et le rôle des structures économiques et financières en démontrant la difficulté de l’Etat à assurer la sécurité, la justice, la richesse et la liberté comme chez Susan Strange[9], imposent l’idée que la sécurité ne peut être pensée dans la seule distinction militaire et police tandis qu’était réintroduite de plein droit la dimension économique, culturelle et environnementale. 

Mais prendre au sérieux la notion de « sécurité globale » conduit à aller plus loin en énonçant une problématique novatrice avec ses valeurs, ses concepts propres et ses moyens d’investigation[10]

S’agissant des concepts qui sont au cœur de la revue car ils sont au centre des programmes de recherche qui prennent pour objet la sécurité globale, ceux de vulnérabilité, de risque et de menace doivent être définis.

Le concept de sécurité globale est la clef théorique de cette possibilité de penser une réflexion sur les vulnérabilités, les risques et les menaces et il conduit à revisiter la vision de la sécurité et de la défense européenne. Il permet d’appréhender scientifiquement Le Traité de Lisbonne, qui, avec sa clause d’assistance mutuelle et son concept de solidarité, tout comme les réflexions actuelles de l’OTAN sur le nouveau concept stratégique, permettent de dégager l’évolution induite par ces nouveaux risques et ces nouvelles menaces et de projeter ce qui pourrait la politique de sécurité globale de l’Union. à travers le paradigme de la sécurité globale[11],

Le paradigme de la sécurité globale

Adopter un tel point de vue scientifique n’est pas facile, le risque est grand de préférer fonctionner selon des paradigmes usés et faillis, malgré les impasses gnoséologiques où ils nous conduisent, sous prétexte qu’avec cette notion de « sécurité globale » nous perdrions nos repères. Les théoriciens de la connaissance (« épistémologues », disent les Français) savent les freins mis ainsi à toute « révolution scientifique », pour reprendre une notion utilisée par Alexandre Koyré et reprise avec succès par Thomas Kuhn.  Des repères sur lesquels vivent tant de laboratoires et à partir desquels on a produit tant de textes favorisent la paresse d’esprit, l’incompréhension et heurte des intérêts de corps ou de groupe constitués autour des paradigmes concurrents ; de façon assez classique, quand le seul espoir est de se répéter au lieu de progresser, face à la découverte de phénomènes nouveaux, la police de l’esprit succède à l’esprit policé. Ces résistances à la science sont d’autant plus importantes que nous perdons apparemment plus au départ que ce que nous gagnons. 

Ce risque scientifique, qui est donc aussi social pour certains laboratoires, comme le montre en France le jeu « administratif » de certains groupes, nous le prenons, en ayant parfaitement conscience des insuffisances de notre démarche dans l’élaboration de la matrice disciplinaire, au niveau des généralisations symboliques, des modèles métaphysiques et heuristiques, des valeurs, des méthodes et des réussites exemplaires. Néanmoins, nous ne le prenons pas sans atouts : la matrice disciplinaire est bel et bien constituée, nos succès ne sont pas nuls, des avancées scientifiques ont été faites et une communauté scientifique est née, malgré les oppositions, autour du concept de « sécurité globale ».  

La raison majeure du choix scientifique qui est devant nous tient au contexte. 

Comment ne pas mettre la sécurité globale au cœur de nos réflexions tout simplement pour penser ? Le « contexte conceptuel », aurait dit Imre Lakatos, contraint les esprits ouverts à ce choix scientifique[12]. Développement des nouvelles technologies et des sciences liées à l’informatique et à l’infiniment petit, chute du mur de Berlin et mondialisation apparaissent en effet comme les éléments nodaux d’une transformation profonde de la conception que nous pouvions avoir des espaces politiques et de la sécurité des espaces de vie. Les conséquences les plus visibles de ces trois phénomènes sont la libération des marchés, l’ouverture des systèmes politiques et le développement des sociétés de communication transnationales qui propulsent le flux des échanges de biens, de personnes et de signes et le surgissement de nouvelles puissances, telles la Chine, l’Inde, le Brésil ou l’Indonésie. Ainsi s’est engagée une dynamique dont les conséquences les plus importantes sont une nouvelle conception des modes de pensée et de vie, nouvelle conception qui touche la vision de l’espace et du temps, les sentiments (en particulier le sentiment d’humanité), les manières d’être, des formes d’organisation du travail aux systèmes de valeurs en passant par le rôle dévolu au politique, c’est-à-dire aussi à l’Etat, et cela jusque dans ses fonctions dites « régaliennes ». 

Il n’est pas anodin que dans ce nouveau monde ait surgi le concept central de « sécurité globale », qui définit des problématiques qui n’auraient pu avoir de sens naguère, quand la modernité imposait ses règles. Souveraineté des Etats, conceptions classiques d’un extérieur opposé à l’intérieur, notions de frontière, séparations fonctionnelles entre sécurité et défense, opposition ou ignorance mutuelle du privé et du public, études “disciplinaires”, recherche de tours de contrôle centrales…. Dans ce nouveau monde, l’Etat devient poreux face aux vulnérabilités, aux risques et aux menaces. 

Ou, pour être plus précis : la sécurité des individus, premier de leur droit naturel, doit être repensée face aux vulnérabilités des infrastructures et des interdépendances infrastructurelles, à la multipolarisation des risques et à la transnationalisation des menaces.

Vulnérabilité, risques, menaces : définir et penser

Une vulnérabilité ne peut être exprimée que sur une réalisation particulière d’un système. Le terme de vulnérabilité désigne l’existence d’une possibilité de modification du comportement du système qui pourrait être utilisée de façon indésirable. On notera que l’existence d’une telle vulnérabilité ne résulte pas d’une erreur de conception ou de mise en œuvre, mais peut être nécessaire au fonctionnement du système.

Les risques se distinguent des menaces par leur aspect contingent, accidentel et non volontaire, que l’origine soit humaine ou non humaine. Une menace reflète l’existence d’un phénomène, d’une organisation ou d’un individu qui peut utiliser une vulnérabilité pour influencer le comportement du système afin d’aller vers un objectif différent de celui qui était initialement prévu. La notion de risque n’est valide que lorsqu’elle est associée à un bien au sens large du terme, qu’il s’agisse d’un bien matériel, d’un bien moral (telle que la réputation), ou d’un service. En outre, un risque particulier concerne un événement et est généralement considéré comme étant la combinaison d’une possibilité d’occurrence[13] et d’une quantification de l’impact sur le bien considéré. 

Les domaines de la sécurité globale : ceux des menaces

Ces trois concepts centraux étant définis, les programmes de recherche qui concernent la sécurité globale visent des domaines, qui se caractérisent par des entités (« explananda »), des séries récurrentes en général, sur lesquelles les hypothèses émises peuvent être vérifiées. Ces « domaines », circonscrits par la vulnérabilité, le risque et la menace, ainsi que par leur dynamique, sont étudiés dans les « dossiers » de la revue ainsi que dans l’Institut National des Hautes Etudes de Sécurité et de Justice dont dépend la revue et dans les laboratoires affiliés à la revue.

Nous commencerons par définir les domaines qui sont cernés par le concept de « menace », c’est-à-dire par les processus provoqués par volonté humaine.  

La sécurité d’une nation, d’un groupement social ou d’un individu, peut être la cible d’attaques dans le cadre de conflits de haute intensité, par des Etats malveillants, fragiles ou faillis. Ces attaques peuvent prendre des formes classiques d’agression. Elles peuvent aussi prendre des firmes tout à fait nouvelles en plaçant au cœur de leur dispositif d’agression les réseaux numériques eux-mêmes, par la destruction des infrastructures ou la prise de contrôle physique de ces réseaux, comme la destruction de groupements ou d’entreprises qui sont au cœur de la sécurité du pays, comme l’élimination ou le contrôle de cadres, ingénieurs, techniciens, savants qui sont au cœur de la sécurité et du contrôle des réseaux numériques.

A cette menace classique « revisitée » par la notion de sécurité globale, s’ajoutent les menaces dues aux guerres asymétriques, qui ne se limitent pas à l’islamisme radical. Elles peuvent être couplées avec des conflits de haute intensité. Le terrorisme est en lui-même un objet hybride à faces multiples qui ne peut être étudié que de façon hybride et pluridisciplinaire. En relation avec les réseaux numériques, ces menaces peuvent être rendues particulièrement létales par l’attaque contre des infrastructures vitales et les responsables de ces infrastructures. Elles s’apparentent de plus en plus souvent, aussi bien par ses moyens que par ses fins, aux menaces du crime organisé. Et elles ont la caractéristique de pouvoir frapper des cibles multiples, dans des lieux différents dans des temps courts, à l’intérieur d’un espace étatisé ou à partir de l’extérieur. Elles ajoutent à l’incertitude une dimension transnationale et multipolaire de l’imprévisible qui contraint à poser conceptuellement la nécessité de penser non seulement la protection et la prévision mais aussi les conditions de la meilleure résilience. Si le terrorisme, en raison de sa dimension transdisciplinaire est souvent présent dans les dossiers, un grand numéro spécifique de la revue sera néanmoins consacré à cette question prochainement.

La sécurité globale, c’est donc aussi la prise en compte de la menace du crime organisé de façon novatrice. Certes, les réseaux du crime ne datent pas d’aujourd’hui, mais, comme l’a démontré le numéro de la revue consacré aux réseaux criminels, la mondialisation économique et juridique change la donne qualitativement et pas seulement en extension[14]. A cet égard, les réseaux numériques sont des espaces virtuels où les réseaux criminels peuvent s’organiser et se développer, de la vente de médicaments frelatés aux réseaux pédophiles. Stupéfiants, armes, traite des êtres humains, flux migratoires, piraterie, il est peu d’activités criminelles qui menacent la sécurité sur le globe et ne trouvent leur prolongement, voire parfois leur départ, dans les réseaux numériques, et bien souvent, au-delà des frontières des espaces où ils s’exercent. C’est le sens des numéros sur les réseaux du crime, le fléau de la drogue ou sur la traite des êtres humains desquels nous avons extrait quelques textes ici.

La sécurité globale, c’est encore la prise en compte des menaces liées au “soft power”. L’imaginaire est au cœur de la sécurité et de l’insécurité. Il s’agit, via des associations, des partis, des groupements politiques divers, via des medias dont internet, de miner l’autorité, la légalité et la légitimité d’un Etat, d’un gouvernement et de la culture d’une nation. Ces menaces visent d’abord à déstabiliser l’autorité dans les zones d’influence, en particulier par l’usage de réseaux de désinformation et de mobilisation. Il s’agit aussi de déstabiliser les politiques publiques en attaquant leur soutien, en particulier le soutien à la politique de sécurité globale. Il s’agit enfin de l’espionnage des centres de recherche, publics et privés, des entreprises et des administrations de l’Etat. Notre revue n’a pas pour rien mis la question de l’imaginaire au cœur de sa réflexion dans tous ses numéros.

La sécurité globale, c’est encore la prise en compte de menaces « cyber » proprement dites qui déterminent de nouveaux territoires en transformant, sans les annuler, les espaces de vie ; d’où ces extraits du numéro sur les « nouveaux territoires de la sécurité » qui permettent de démonter scientifiquement l’illusion de croire que la naissance d’espaces virtuels conduit à abolir l’espace de vie local et la territorialisation humaine. Téléphonie mobile, constellations de satellites de géo-navigation), réseaux sans fils (Bluetooth, WiFi, WiMax), Internet, systèmes d’information, routeurs, ordinateurs, téléphones, décodeurs de télévision, assistants numériques, systèmes d’exploitation, applications informatiques, toutes ces entités pénètrent l’ensemble de la vie de nos Cités. Peu d’activités échappent aux réseaux numériques et aucune activité vitale.  Menaces individuelles, destruction d’un système, menaces de groupements (groupes, Etats), l’espionnage industriel, destruction de biens matériels ou immatériels, les cyberattaques contre les infrastructures, vitales ou non vitales, peuvent prendre des formes diverses, des virus, chevaux de Troie, phishing, hacking, prises de contrôle. Et se coupler avec des attaques destructrices des centres décisionnels. Ces cyberattaques peuvent s’opérer contre des individus, des cadres, des entreprises ou le pays tout entier. Ainsi, des cyberattaques d’envergure nationale ont, par exemple, frappé l’Estonie en 2007 et les armées françaises en 2008. Elles touchent chaque jour des entreprises dans le monde entier. Les plus importantes font l’objet d’un traitement médiatique à l’instar de l’attaque subie par le service Twitter et Google début août 2009, mais la plupart demeurent dans l’ombre au point d’être perçues comme une menace banalisée. Les cyberattaques gagnent constamment en complexité et en intensité. Exécutées à des fins lucratives ou pour des raisons politiques, elles sont devenues des armes redoutables et redoutées à l’origine d’un véritable marché dans lequel assaillants et assaillis dépensent des sommes considérables pour atteindre leurs objectifs face aux vulnérabilités, des failles de sécurité aux défauts de conception ou de configuration. On comprend que notre revue revienne régulièrement sur cette question.

Les domaines de la sécurité globale : ceux des risques

La prise en compte de la sécurité globale c’est aussi celle des risques. Et, c’est pourquoi la revue que je dirige, les « Cahiers de la sécurité », les prennent au sérieux dans le cadre de sa problématique de de sécurité globale comme l’Union européenne doit les prendre au sérieux. 

Ces risques sont d’abord ceux qui sont directement liés à la mondialisation. Le développement des sciences et des techniques, soulage les souffrances et a conduit des pays à sortir de la misère, tels la Chine ou l’Inde, mais ils signalent aussi des dangers jusque là inconnus. Les erreurs humaines, dans tous les secteurs de la vie, du nucléaire au médical, des transports à la gestion de l’eau, peuvent avoir des conséquences funestes. L’accroissement des échanges de biens sur internet, la prolifération des flux financiers, l’invention d’outils financiers liés aux nouvelles technologies, conduit à des risques de toute nature, dangereux localement régionalement, nationalement ou internationalement, comme le montre l’actuelle crise financière. Faute de contrôle, en l’absence d’éthique suffisante ou tout simplement par accident, l’insécurité grandit.

La sécurité globale c’est aussi la prise en compte des risques sanitaires et alimentaires, ainsi que des risques transport. Les risques de pandémie, les questions sanitaires liées aux catastrophes naturelles ou aux conflits, les effets même de l’irresponsabilité, via des ventes de produits alimentaires de toute nature, y compris de médicaments, par Internet, augmentent avec la mondialisation. De même les transports des marchandises, via le ciel, la mer ou la terre, sont, d’un côté, devenus plus sûrs, de l’autre plus sensibles aussi aux défaillances humaines et aux vulnérabilités structurelles des réseaux numériques.

La sécurité globale c’est encore la prise en compte des risques environnementaux et technologiques. Catastrophes naturelles, industrielles, évolutions démographiques, flux, émissions toxiques… Un numéro des « Cahiers » a été consacré à cette question et les éléments de la sécurité globale trouvent tous leur corrélation dans la sécurisation des réseaux numériques, cause parfois d’insécurité environnementale et technologique, toujours au cœur de la gestion de crise.

La dynamique létale des risques et des menaces

Mais les recherches entreprises dans le cadre des « Cahiers » le démontrent : s’il faut les distinguer conceptuellement risques et menaces, il apparaît qu’ils peuvent entrer dans une dynamique létale qui doit être appréhendée scientifiquement. 

Un groupe terroriste peut tenter de déclencher une crise sanitaire par des armes biologiques, par exemple bactériologiques ou virologiques. De telles opérations pourraient être organisées via Internet. En tout état de cause, tout usage des armes de destruction massive, biologiques, chimiques ou nucléaires, pourrait ainsi déclencher une dynamique de risques de tout ordre, naturels et humains, et aurait un effet destructif sur la population. Les réseaux numériques, cible potentielle des attaques sur les infrastructures vitales, sont au cœur des réponses pour prévenir et gérer. 

Les nouveaux acteurs de la sécurité globale

Face à ces risques et à ces menaces, dans ce contexte de nouvelle vulnérabilité, la revue a montré d’ores et déjà que les programmes de recherche qui prennent au sérieux la sécurité globale posent l’existence de nouveaux acteurs.

Certes, les acteurs classiques de la sécurité restent incontournables, élus d’abord, acteurs de l’armée, de la gendarmerie, de la police, voire de la justice ensuite. Les acteurs de l’insécurité que l’on peut déduire des « menaces » sont aussi des objets d’étude classiques : groupements politiques divers, des Etats voyous ou groupes terroristes, sectes ou mafias, individus malveillants ou entreprises d’espionnage et de renseignements. Mais la conception de la sécurité globale rénove les études sur ces acteurs en les considérant sous leur forme rhizomatique dans leur connexion systémique aux réseaux de la mondialisation. Et elle conduit à prendre en compte, dans la même perspective, d’autres acteurs de la sécurité et de l’insécurité.

Le premier acteur « recréée » est le monde associatif. Eglises, associations de consommateurs, de défense de l’environnement, ONG, syndicats… ces univers jouent un rôle majeur. Dans la nouvelle conception scientifique, ils sont conçus non plus comme des êtres autonomes mais comme des domaines et des éléments du contexte des crises, de la gestion de crise, de la sortie de crise et acteur de la résilience (qu’ils y participent ou la freinent), acteurs des espaces locaux ET virtuels, qu’ils soient officiellement de type local ou transnational. Par leur présence, en particulier via les réseaux numériques, l’étude de leur jeu est étudiée également pour saisir la sécurité via le soft power, par les phénomènes spirituels qu’ils induisent et les processus de mobilisation et de démobilisation qu’ils peuvent produire.

Le second acteur récréé ce sont les entreprises, privées et publiques. La multiplication des entreprises de sécurité est un premier objet spécifique des études scientifiques de sécurité globale car elle est le symptôme de la nécessité de l’externalisations des actions sécuritaires non seulement pour les entreprises mais aussi pour la puissance publique. Elle révèle la nature de la nouvelle donne pour les Etats, le renouveau de la conception de la souveraineté, le développement des formes de sécurité hybrides et l’évolution de certains structures politiques elles-mêmes hybrides, telles l’Union européenne. S’agissant des autres entreprises, parfois des mêmes, si elles peuvent être des acteurs de l’insécurité quand ce sont des entreprises liées au renseignement industriel ou politique, elles sont plus souvent victimes et jouent un grand rôle dans les réflexions de sécurisation des entreprises en raison de leur activité propre ou des attaques dont elles sont l’objet (par exemple l’affaire Valéo, en 2005). Nombre d’entreprises ont ainsi, par leurs activités et leur développement, engagé une réflexion et des moyens pour la sécurité de leurs activités, de la protection de leur personnel, de leurs recherches, de leurs brevets jusqu’à celles des réseaux numériques. De son côté, l’Etat est intéressée, pour sa puissance et pour assurer son rôle, par la sécurisation des entreprises publiques, mais aussi privées, et cela en particulier quand ces entreprises sont en relation avec des infrastructures vitales. Ainsi se noue des possibilités d’étude des jeux d’intérêts, parfois divergents, afin de penser non seulement les politiques privées de sécurité mais aussi les politiques publiques, leur degré d’efficacité et de cohérence. 

La nouvelle conception scientifique de la sécurité conduit à aider les recherches de ces acteurs particuliers de la sécurité globale : les centres de recherche, publics et privés. 

Ces acteurs produisent des concepts et des méthodes, ils peuvent produire des brevets, premier moteur de développement et d’emplois et ils sont la source du développement et des modifications des réseaux numériques qu’ils ont historiquement créés. Ils sont ainsi au centre de la guerre commerciale, politique, technologique et militaire. Leur travail, de la modélisation aux échanges, de la construction des banques de données aux débats entre laboratoires, passe aujourd’hui de plus en plus par les réseaux numériques, qu’ils ont créé, et qui deviennent ainsi une des clefs de leur développement. C’est bien le sens de la présence grandissante des centres de recherche dans les collaborations et à la direction de la revue.

La sécurité globale à l’heure de la mondialisation, c’est encore le monde de la médiation, en particulier de la communication. Outre l’usage que les menaces font peser par ce biais sur la nation, l’esprit de la population est une des clefs de la sécurité globale, comme naguère elle l’était de la sécurité. Alerte, manipulation, information, désinformation, rôle de certaines officines, mobilisation, démobilisation : les moyens classiques nés de la galaxie Gutenberg tout comme les réseaux numériques de la révolution technologique agissent sur l’état d’esprit du pays. Messageries, blogs, sites conviviaux, journaux en ligne, télévisions en ligne, téléphones cellulaires jouent un rôle majeur lors des crises, de leur prévention à leur gestion.  Les scientifiques voient surgir une « opinion » publique locale régionale, nationale voire aussi mondiale, qui intervient directement ou indirectement via les élus aussi bien quand il s’agit d’une entreprise que lorsqu’il s’agit d’une affaire d’Etat.

Enfin, la problématique de la sécurité globale exige de prendre en compte des acteurs internationaux et régionaux « revisités » à l’aune de la conjugaison de la sécurité globale avec la sécurité humaine et le développement durable et de leur mise en réseaux dans le cadre de la globalisation, tels l’ONU, l’OTAN, l’Union européenne, l’ALENA…. ainsi que ces associations comme l’Organisation Internationale de Normalisation ou de la Commission Electronique Internationale. A cet égard, la revue consacrera un de ses prochains numéros à cet aspect du problème.

Penser la sécurité globale impose des méthodes de recherche

Cette problématique de la sécurité globale impose enfin non seulement des concepts et des acteurs mais des méthodes de recherche. Il n’y a pas de résilience possible dans connaissance du prévisible et mise en œuvre préalable des conditions pour recevoir et gérer l’imprévisible. Cela nécessite de poser l’hybridation des savoirs et l’interdisciplinarité comme pierre de touche du savoir. 

Il suffit pour s’en convaincre de penser à l’ensemble des acteurs concerné par une crise sanitaire. Outre la diversité des acteurs de santé (médecins généralistes, hospitaliers, pharmaciens, biologistes, infirmières…), s’ajoutent les services de l’Etat (préfecture, affaires sanitaires…), y compris militaires (service de santé des armées) et, au-delà, une noria d’intervenants, psychologues, sociologues, juristes, politistes, spécialistes des transports de voyageurs, enseignants, journalistes…. Un phénomène apparemment limité (la crise sanitaire) devient un enjeu global appelant une réponse globale. 

La méthode s’impose donc permettre cette hybridation des savoirs, que nul ne peut détenir seul et qu’aucune discipline ne peut gérer seule, afin de poser les conditions de possibilité pour analyser les infrastructures, déceler les vulnérabilités (en particulier, par prospection intrusive), prévenir, modéliser des systèmes réactifs et construire des processus de résilience. 

Cela explique pourquoi, face à la multipolarisation des risques et à la transnationalisation des menaces, la revue fait appels à des savoirs venus d’horizons différents, qui mêlent public et privé et ce qui relevait autrefois de la sécurité intérieure et de la défense. Et elle est ouverte résolument vers les laboratoires internationaux qui travaillent eux aussi dans cette problématique de sécurité globale.

Ainsi, l’Union européenne doit-elle avoir la claire volonté de constituer une communauté scientifique qui soit une « société ouverte », selon le beau mot venu de Bergson et repris par Karl Popper.

L’Union européenne et sa sécurité

L’Union européenne est prise dans les processus corrélatifs de nouveaux risques et de nouvelles menaces qui contraignent à intégrer de façon transversale et pluridisciplinaire ce qui relevait autrefois de « domaines distincts », de la défense nationale à la sécurité des entreprises. 

Il lui revient de construire des schémas pertinents autour de ce concept clef de « sécurité globale », en lui associant le souci du « développement durable » et de la « sécurité humaine », cela dans un partenariat civil-militaire, privé et public, tout en tenant compte des exigences des engagements internationaux et des demandes des différents échelons locaux, régionaux et nationaux ainsi que d’une opinion publique européenne de plus en plus acteur de la sécurité. 

Ainsi, peut naître une politique communautaire qui s’oriente vers des processus communs souples, plutôt que rigides, permettant de faire face aux risques et aux menaces identifiées comme à celles qui sont encore inconnues, associant secteurs public et privé, afin de garantir dans l’espace européen « réel » et « virtuel » des mesures de prévention, de détection, d’action en cas d’urgence et de récupération, afin de parvenir à un niveau de sécurité et de résilience approprié et de garantir la continuité des services tout en veillant sur la protection des droits et de la vie privée des citoyens de l’U.E., comme le montre l’analyse et l’évolution de la protection et de la résilience des infrastructures critiques

Cette stratégie souple, et la méthode qui lui est associée, est-elle apte à répondre aux enjeux de concurrence, de souveraineté économique, des activités illégales et dangereuses, de sécurité civile et de défense, de résilience, de sûreté du système productif, de sécurité sanitaire, alimentaire et environnementale ? Cette façon hybride et pragmatique d’avancer ne conduit-elle pas parfois à des difficultés et des tensions qui modifient la façon d’envisager la PESC, la coopération policière et judiciaire en matière pénale ainsi que leur conjonction, piliers longtemps conçus dans une autonomie relative? Difficultés et tensions qui malmènent, d’une part, l’urgence à laquelle chaque partenaire est tenu de répondre et, d’autre part, la cohérence recherchée et nécessaire au niveau de l’Union ? 

Voilà l’enjeu de ces sessions. 

Il s’agira donc, dans la première session de la table, pour le panel de faire d’abord le bilan d’une évolution, tant sur le contenu que sur la méthode de cette stratégie souple.

La seconde partie de cette session permettra de s’interroger sur certaines résistance dues aux cloisonnements entre « domaines » et « fonctions », et aux incompréhension et lourdeurs de certaines politiques domestiques en matière de sécurité et de résilience pour cerner des politique publique qui peuvent servir de modèle afin de renforcer la capacité européenne en termes de réactions, et de penser aux différents lieux pour échanger informations et bonnes pratiques politiques pour définir des priorités communes sur la sécurité et la résilience et l’analyse de sa corrélation, au niveau supra,  avec l’ensemble des engagements internationaux de l’Union, les recommandations de l’OCDE, les résolutions l’ONU, les principes affirmés au G8 et les activités de l’OTAN. 

Durant la troisième session, le panel tentera de cerner le niveau de préparation et de réaction en Europe et, de façon prospective, de penser les évolutions possibles de la politique européenne dans les prochaines décennies. Il s’agira en particulier de cerner l’évolution de cette forme hybride de politique commune qui se construit car si la politique de sécurité globale au niveau communautaire semble devoir délaisser la stratégie de cadre contraignant afin de prendre en considération la réalité politique des Étatsdans l’approche  des instruments politiques, juridiques et économiques, à côté des instruments militaires traditionnels, les nouveaux risques et les nouvelles menaces n’appellent-ils pas toutefois une évolution ? Non seulement pour tenir compte de la nécessité d’une responsabilisation opérationnelle largement décentralisée dans le secteur privé mais aussi pour tenter de trouver les moyens de compenser l’inégalité d’expérience dans l’Union, le manque d’expérience cumulée face aux vulnérabilités, le manque de moyens, la nécessaire construction de passerelles pour accélérer le partage d’informations et assurer la coopération, la gestion de crise et la sécurité du citoyen face au surgissement de nouveaux risques et de nouvelles menaces.


[1] Déclaration des Chefs d’Etat et de gouvernement sur la sécurité de l’Alliancehttp://www.nato.int/cps/fr/natolive/news_52838.htm

[2] Kenneth Waltz, Theory of International Politics, Reading, Addison Wesley, 1991, Barry Buzan, People, States and Fear – An Agenda for International Security Studies in the Post-Cold War Era, Hemel Hempstead, Harvester-Wheatheaf, 2ème éd, 1991, 393 p.  Du même auteur, voir également : New Patterns of Global Security in the 21th Century, in International Affairs, 1991, 67 n°3,

[3] Voir pour cette évolution, Jean-Jacques Roche, Théories des Relations Internationales, Paris, Montchrestien, collection « Clefs », 4ème édition, 2001, Chapitre 1. Voir également : Charles-Philippe David, La Guerre et la paix – Approches Contemporaines de la Sécurité et de la Stratégie, Paris, Presses de Sciences Po, collection « Références inédites », 2000, Chapitre 1. 

[4] Yves Roucaute, Vers la Paix des Civilisations, chap..XVI, Paris, ed. Alban, 2008.

[5] Raymond Aron, 50 ans de réflexion politique, Paris, Julliard, 1983.

[6] Yves Roucaute. « Le transnationalisme comme programme de transition en épistémologie des Relations Internationales », in « Le Trimestre du monde », 3ème trimestre, Paris, 1991. 

[7] Buzan, B., « New Patterns of Global Security in the 21th century », in « International Affairs », 1991, 67-3

[8] Robert Gilpin, The Political Economy of International Relations, Princeton, Princeton University Press, 1987

[9] Susan Strange, « The Retreat of the State, The diffusion of Power in the World Economy », Cambridge, Cabridge University Press, 1996

[10] Yves Roucaute, « Mondialisation et sécurité nationale », Ecole militaire, Paris, 10 octobre 2009.

[11] Roucaute, Yves, “A scientific magazine thinking on the issue of global security”, in Cahiers de la sécurité, december 2009, Paris, p.5-11.

[12] Imre Lakatos, Criticism and the Growth of Knowledge, New York: Cambridge University Press, 1970,

[13] Nous parlerons ici de possibilité d’occurrence plutôt que de probabilité, car la notion mathématique de probabilité, stricto sensu, présuppose certaines propriétés qui ne peuvent être garanties pour tous les risques pris en compte ici. Si la notion de probabilité reste nécessaire pour certaines analyses formelles, elle n’est pas nécessaire dans cet exposé.

[14] Voir le dossier « Les organisations criminelles », in les « Cahiers de la Sécurité », N°7, Janvier-mars 2009

A scientific Review reflecting on global security 

Cahiers de la sécurité, Special issue, 2010.

Our choice of articles from last year’s « Cahiers de la Sécurité – Security Notebooks » shows that our Review continues to address the scientific developments made to cope with the problems of « global security ». Furthermore, the Review is open to all scientific researchers interested in developing this programme of research, subject to standard university article selection criteria. 

Our choice of paradigms demonstrates the distance covered and progress made in the areas concerned: an article on the theory of global security; on prison, which is classically considered as coming under the umbrella of « security »; the intelligence services, usually and traditionally included in studies concerning international and strategic relations; and sport, normally considered incongruous to the field of political science. 

It must be said that it is not always easy to adopt a scientific standpoint which goes against positivist thinking. For example, by reintroducing a form of hybridization or re-establishing the link between science and morals, which was pushed aside by modernism. There is still a great risk of continuing to use outdated and bankrupt paradigms and theories, even given the gnoseological impasses they have created. This is because of the fear that with a new notion of « global security » we will lose our reference points and bearings. A notion successfully expounded by Thomas Kuhn was that theoreticians of knowledge, or, as the French would say « epistemologists », are fully aware of the brakes put on any such « scientific revolution ». The benchmarks used by so many laboratories as the bases for their work and a considerable number of papers and texts which have been produced, are, in fact conducive to intellectual laziness and a lack of understanding. Moreover, they have a tendency to create friction and resistance from other interested parties and groups with different and rival paradigms. This resistance to scientific advancement is such that we seem to be losing more than we gain. For example, it is easy to imagine that a country with nuclear weapons is in a relatively comfortable position to defend its borders. It can easily make the distinction between internal and external, public and private security. Furthermore, its position facilitates international cooperation and tends to favour national egoism, power and force.

It is interesting to try and create ad hoc hypotheses to maintain the theoretical matrix. This can be done by trying to adapt it to the vulnerabilities brought about by globalisation, the development of new technologies, particularly nanotechnology, new risks and new threats. 

Even though it might have social consequences for some laboratories, in science it is important to have the courage to take this type of risk. In doing so, however, it is essential that we are fully aware of the insufficiencies of our approach in the elaboration of the disciplinary matrix, in terms of symbolic generalisations, metaphysical and heuristic models, values, methods and exemplary successes. Nevertheless, there are a certain number of elements in our favour: we have already put in place the disciplinary matrix and had a number of successes; scientific advances have been made; a new scientific community has been created, even given the hesitations and processes of trial and error involved, let alone the opposition it generated. All the components of a veritable science of «global security» are now in place. 

The review›s choice of scientific subjects was based on their specific contexts. How is it possible not to put global security at the heart of any reflection and simply think about it? Imre Lakatos would have said that the «conceptual context» constrains the open minded to make such a scientific choice. The development of information technology, computer science and nanotechnology, the fall of the Berlin wall and globalization, all seem to be nodal elements in a profound transformation of our conception of political space and the security of living space. These three phenomena have a number of visible consequences: the free-market system; the opening-up of political systems; the development of transnational communication companies which drive the exchanges in goods, people and signs; and the sudden emergence of new powers like China, India, Brazil and Indonesia.

This created a new dynamic, which in turn has itself created a number of important consequences. For example, developing a new conception of the way we think and live, or the way we look at space and time. But they could also drastically change many other things: the way we exist; our system of values; the way we organize work and labor; and even the roll of politics, meaning also the roll of the State, including even the State›s «regalian» functions. Lastly, and perhaps most importantly, we are forced to place human concerns at the heart of science. 

It is not anodyne that in this new world the concept of « global security » has taken a central role. It defines a set of problems and issues which did not formerly exist, when modernism imposed its own rules and regulations. They include, but are not limited to: State sovereignty; the classic conceptions of the external as opposed to internal, exterior and interior; the functional separation of security and defence; the mutual opposition or ignorance of the private and public sectors; « disciplinary » studies; looking for central control systems… In this new world the State becomes porous and fragile when faced with its vulnerabilities, risks and threats. Or, to be more precise: security, the natural rights of individuals to seek happiness, and the life of a nation, must be rethought to take into consideration the vulnerability and interdependence of the infrastructures, and the multipolarity of risks and the transnational nature of threats. 

This shows just how difficult it is to take a new approach to reflection, serious thought and consideration. The “Déclaration des Chefs d’Etat et de gouvernement sur la sécurité de l’Alliance – Heads of State and Governments Declaration on Alliance Security » of 4 April 2009, clearly indicates that rethinking security, introducing the dimension of globalization and conceptually rethinking strategy, are in fact the same objective. From the present reflections on NATO’s « strategic concept » to the questions raised throughout Europe concerning a real EU policy after the three pillars embodied in the Treaty of Maastricht were abandoned, all require that scientists react. But they must at all costs avoid the impasse created by old paradigms incapable of adapting to the new context and situation. 

This is why our Review is very open to research programmes which ask upfront questions in terms of global security. Furthermore, we stubbornly refuse to install the illusion of a continuum of paradigms and theories which refute the concept. Certain quarters attribute the origin of the concept of global security to the works of Kenneth Waltz and Barry Buzan, and the Palme commission in 1982, which evoked “common security” and taking into consideration a growing interdependence. It is also worth looking at the work of the Ramphal commission in 1992 on «global security governance», which was undoubtedly a precursor in this field. 

Nonetheless, all of the above is true, and also false at the same time. Intuition or recommendations do not constitute a real research programme. « Common security » is not « global security ». Unless, however, if you look at the work of Antoine-Henri de Jomini on the diplomatic element of the concept. Or even the reflections of Karl von Clausewitz on its political dimensions. In fact it is worth looking at the works of anyone who has considered as elements of power, the economy, demography, the state of mind, even of a country, or the announcement of a global security programme. Doing this though would completely miss the essential elements of the concept. 

It must be made clear that our Review takes the scientific stance of refusing positivism. We prefer to reintegrate a humane dimension and a humane humanity point of view at the heart of science. By taking this moral stance, we have created a universe where the three key concepts 

are global security, human security and sustainable development. In doing this we contribute to the progress of research programmes which place global security at the very center of their reflection. It must be said, however, that the terms of such programmes are not always well organized and their conclusions not clearly stated. 

Such research programmes do, however, have a prime characteristic. They question the classic, originally realistic, vision of things. Even though this vision has been « improved » somewhat by ad hoc hypotheses, it remained for a long time relatively hegemonic. It continued to produce research whose paradigm made the distinction between « internal » and « external », « interior » and « exterior », « security » and « defense », « public » and « private », « self-interest » and « morality »… with the corollaries we already know. These « improvements » resembled, to some extent, those in astronomy which permitted the geocentric theory of Hipparchus and Ptolomy to be preferred and maintained over the heliocentric theory of Galileo. They were, however, difficult to actually include in the theory or paradigm. To consider security in this manner is obviously inefficient for combating terrorism or breaking up organized crime networks. Furthermore, it does not justify any humanitarian intervention whatsoever to help cope with the risks, dangers and catastrophes involved. These ad hoc hypotheses sometimes permit the reintroduction of transnational and economic forces with a few advantages. But the schema remains weak for a State, subject or control center, in conformity with Thomas Hobbes’ model for the state of nature, or Jean Bodin’s theory of sovereignty, or that of Nicolas Machiavel for political games without morality, but with « virtù » and « Fortuna ». If Hans Morgenthau›s paradigm, or even that of Raymond Aron, explains the interest in taking into consideration the economy and globalization, it is worth noting that the latter comes too late to radically change the theory. 

The Review also looks critically at the transnationalist movement which dominated scientifically the weak realist movement for a number of years. It upgraded the transnational forces and reintroduced a dimension of porosity and insecurity into the political system. This gave sense and direction to any analysis of the non state actors. At the same time, however, it raised sufficient doubts about the plans of the competitor realists that the State, as a participant, saw itself reduced to the role of an « actor just like any other », or even less important. This led to such an impasse that the inventors of the theory were themselves forced to appreciate the situation and change to a neorealist scheme to once again try and save the State’s hypothesis. 

Even before the theoretical explosion correlated with the arrival of new technologies, security was already a pertinent and timely topic which opened the way to serious thought on the new situation. The neorealist model had, in part, been created by the authors of the transnationalist model. Like Barry Buzan, it was capable of facing up to modern challenges. It included a number of theories which started to provide answers to the ongoing changes by reintroducing new transnational features. The International Political Economy, where the State plays a central role, is prevalent in the work of Robert Gilpin, for example. On the other hand, Susan Strange demonstrates that power should be diffused, insisting on the roles of economic and financial structures, and the difficulty of the State to ensure security and justice and protect wealth and liberty. It also believes that security can no longer be considered just in terms of the military and police, and that it is legitimate to also take into consideration its economic, cultural and environmental dimensions. 

But the new situation required even further changes, expressing a new set of problems and issues, new values and concepts and investigative resources. Moreover, it became necessary to get away from the too disciplinarian vision of security. It needed to be considered not in terms a specific territory, but in terms of its population and inhabitants, and their solidarity with other citizens in other nations. This was essential if we were to respond scientifically and efficiently in terms of resilience, risks, menaces and threats. For example, terrorism, AIDS and the Chernobyl radiation cloud did not stop at border customs controls. 

These concepts are at the heart of our Review, and they must be at the center of any research programme which looks at global security. Nevertheless, the concepts of vulnerability, risk, menace and threat still need to be defined clearly. 

Vulnerability cannot be explained without going into detail about a particular part of a system. Furthermore, the term vulnerability itself means the existence of a possible change in the system which could be used to undesirable ends. It does not necessarily emanate from a design or operational error, but from a necessary part of the way the system works. 

Risks can be distinguished from threats by their contingent aspects: accidental and unintentional, whether of human origin or not. A threat reflects the presence of a phenomenon, organization, or individual. Such an element can exploit a particular vulnerability to influence the behavior or functioning of a system for its own purposes, thereby altering the system’s original objectives.

The notion of risk is only valid if it relates to a particular thing, in the largest sense of the word. It could be something material or something spiritual rather than physical, like a reputation, or a service. A particular risk concerns a particular event. It is generally considered as a combination of the possibility of something happening and the quantification of its impact on the subject in question. 

Once these three central concepts have been defined, the research programmes concerned with global security can concentrate on those fields which have particular characteristics, or « explananda », or generally recurrent series, which enable a hypothesis to be verified. These « domains or fields », defined as vulnerability, risk and menace or threat, are also limited and defined by their particular dynamic forces. They are studied in the « dossiers, papers and articles » published in the Review, as well by the Institut National des Hautes Etudes de Sécurité et de Justice – the National Institute of Advanced Studies in Security and Justice, of which the Review is part, as well the Review’s affiliated laboratories. 

We can start by defining those domains of fields concerning the concept of the « menace or threat », being those processes provoked by human desire. 

The security of a nation, a social group or an individual, can be the target for attacks by malevolent, fragile or bankrupt states during a high intensity conflict. Such attacks can take the classic forms of aggression. But such aggression can also take new forms, for example by attacking digital communications networks, destroying their infrastructures or physically taking control of them. In the same way, they can attack and destroy groups or companies involved at the very heart of a country›s security. They can also take control of management structures and even managers, engineers, technicians and specialists working in the security and control areas of digital IT networks. 

Other threats must be added to this classic example, which has been « revisited » by the notion of global security. For example, the threat of asymmetric wars, not simply limited to radical Islam. Unfortunately, they can also be coupled with high intensity conflicts. Terrorism itself is a hybrid phenomenon with multiple facets, which can only be studied in a hybrid and multidisciplinary manner. These types of threats can be particularly devastating and lethal if they combine to attack communications networks, their vital infrastructures and operating staff and management. They are often associated with organized crime, both in terms of resources and objectives. Furthermore, such attacks can hit multiple targets at the same time, in different locations, in very short time horizons. They can originate from and be based inside the targeted country, or be somewhere else completely. By this they add an unpredictable, transnational and multipolar dimension to the incertitude of their actions. This forces the target to conceptualize not just in terms of protection and anticipation but also in terms of the best forms of resilience. Terrorism has a trans-disciplinary dimension. This is why it is often the subject of the articles and papers published in the Review. We have decided, therefore, to publish a special comprehensive and in-depth article on Terrorism in the near future. 

Global security must, therefore, take into account the menace of new forms of organized crime. Obviously, organized crime is not something new. But, as shown in the special edition of the Review on the subject, the global economy and the globalization of international law has changed the situation qualitatively, and not just quantitatively. Digital information networks and the Internet are virtual spaces where criminals can become organized and develop their activities, from selling adulterated medicines to setting up pedophile networks. Drugs, arms, human trafficking, immigration, piracy, there are very few global security threatening criminal activities which have not developed and expanded on the Internet and in digital information networks. Some of them were even created specifically for this medium. Furthermore, they are often based in different countries and time zones from their targeted activity. We have covered these developments in our articles on organized crime, the illegal drugs trade and human trafficking, and have quoted various extracts from these articles in this paper. 

Global security must, therefore, take into account the menaces from « soft power ». Imagination is at the heart of both security and insecurity. This is where a country’s government, authority, legitimacy, law and culture are undermined by sundry political associations, parties and groups by using the media and the Internet. Such threats initially try to destabilize state authority in zones of influence. Often, they use the Internet to network disinformation and mobilization. Government or state policies can be targeted by attacking their support bases, for example the support for global security policies. In essence, both public and private research centers, companies and State authorities and administrations can be subject to espionage. This is why our Review has put the question of imagination at the center of its reflection on this subject. 

Global security also means real « cyber » threats which can define new territories by transforming living areas without destroying anything. We have included some extracts from the issue « New territories for security » where they demonstrate scientifically that believing that new virtual spaces will eventually lead to the abolition of local living areas and human territorialization is purely an illusion. Mobile phones, global navigation satellite systems, wireless networks (Bluetooth, WiFi, WiMax), Internet, IT systems, routers, computers, land-line telephones, TV decoders, Personal Digital Assistants, operating systems, computer programs, and digital social networks are all services used in daily life in our towns and cities. In fact, nowadays very few activities can escape or avoid using such networks, particularly vital and essential services. Individual threats, destroying a system, group threats (groups, states, countries), industrial espionage, destruction of material or immaterial goods, cyber-attacks against basic infrastructure whether vital or not, can take various forms, such as a virus, Trojan horses, phishing, hacking, botnets. They can also be coupled with destructive attacks on decision making centers. Cyber-attacks can be made against individuals, management, companies or even whole countries. For example, country wide or national cyber-attacks were made against Estonia in 2007, and the French army in 2008. Companies are attacked every day around the world. Large attacks are often covered in the media: for example, the attacks on Twitter and Google at the beginning of August 2009. Most attacks, however, are never reported in the media, to the extent that such threats are now considered banal. The actual cyber-attacks, however, are constantly increasing in complexity and intensity. They are normally carried out for financial gain or for political reasons. Having become formidable and much feared weapons, a market has been created where attackers, and those in fear of being attacked, are prepared to invest and spend considerable amounts of money to achieve their objectives. The particular targets involved are computer system vulnerabilities, faults in computer security systems and faults in design and configuration. It is understandable, therefore, that our Review regularly revisits this highly sensitive subject. 

Taking into consideration global security also means appreciating the risks involved. Once again, the « Cahiers de la sécurité – Security Notebooks » takes this subject very seriously in its treatment of the issues involved in global security. 

These risks are, in the first place, those directly linked to globalization. Scientific and technological development have reduced and relieved suffering and permitted countries to also reduce misery and poverty, such as China and India. But such developments also bring dangers which, for the time being are unknown. Human error can have disastrous consequences in all walks of life: whether in the nuclear industry, in medicine, in transport or water management. The increase in the purchase and sale of goods over the internet, the proliferation of financial transactions, the invention of financial tools linked to new technologies, all bring their element of risk, which may be dangerous locally, regionally, nationally or internationally. A good example is the present global financial crisis. Insecurity is increasing, whether due to a lack of controls, a lack of ethics or simply by accident. 

Global security also means taking into consideration health, food and transport risks. In general, risks increase with globalization. Whether the risks of a pandemic disease, health problems linked to natural catastrophes or armed conflict, the effects of irresponsibility concerning the sales of all sorts of food products over the Internet, and similarly, even the sale of medicines. Even the transport of goods by air, sea or land, which have to some extent become safer, run the risk of human error and the structural vulnerabilities of the Internet, digital information networks and computer systems. 

Global security must also take into account environmental and technological risks. Natural and industrial catastrophes, demographic evolution and population flows, toxic emissions… The Review published a special edition covering these topics. Certain elements of global security find a correlation in the security of digital networks. They are often the source or cause of environmental and technological insecurity, but are always at the center of crisis management. 

The Review made a corporate survey which showed that if a conceptual distinction needs to be made between risk and threat, it could lead to a lethal dynamic. Which is worrying from a scientific stand point! A terrorist group could try and bring about a health crisis by using biological weapons, such as bacteriological or virological weapons. This type of operation could easily be organized via the Internet. Any use of weapons of mass destruction, whether biological, chemical or nuclear, could generate all sorts of risks, both natural and human, and have a devastating effect on the population. Digital networks are at the heart of any risk prevention or management activities, but as vital elements of the infrastructure, they are also potential targets. 

The Review has shown that even faced with these risks, menaces and threats and in this context of new vulnerabilities, research programmes exist which take global security seriously and prove the existence of new actors. 

It is certainly the case that the classic institutions involved in security still remain influential: elected politicians, the army, the Gendarmerie in France, the police and the judiciary. The generators and perpetrators of insecurity arising from these « menaces and threats » are also, in turn, the subject of classic analyses and studies: different political groups, dangerous states and countries, terrorist groups, sects, the Mafia, malevolent individuals or companies involved in espionage or intelligence services. But the conception of global security renews the studies of these actors and analyses the rhizomatic structure of their relationships and systemic connections with the global network. At the same time, and in the same perspective, other actors of security and insecurity are also analyzed. 

The first actor to be « recreated » is the world of associations and organizations. Churches, consumer organizations, environmental organizations, NGOs, trade unions… all play a major role. In the new scientific conception of things, they are no longer considered as separate entities but as domains and elements capable of working together in a crisis context. For example, they may be involved in crisis or post crisis management, or organizing forms of resilience, both for and against, or involved in local AND virtual spaces and activities, whether in an official, local or transnational capacity. Their presence, particularly via Internet networks, and activities can be studied to see how they approach security using « soft power ». On the one hand are the spiritual phenomena they induce, and on the other the motivation or demotivation they might encourage. 

The second recreated actor is the corporate sector, both private and public. The increase in the number of security companies is a major specific subject in scientific studies of global security. It is a sign and symptom of the business and the public sectors› decision, and need, to externalize their security requirements. Furthermore, it is particularly revealing about the new situation and conditions experienced by countries and states: the new conception of sovereignty, the development of hybrid forms of security, the evolution of certain hybrid political structures, such as the European Union. Other companies, however, can be actors of insecurity. They are often linked to industrial or political intelligence and are themselves victims. This provides them with a major role in the reflection and consideration of corporate security, either due to their specific activities, or the attacks they have sustained themselves; for example, the Valéo affair in 2005. Because of their particular business sector and development, many companies have purposefully reconsidered their approach and the resources they allocate to the security of their activities. This might also include the security of their personnel, their research activities, patents and intellectual property and even their computer and Internet systems. The State is also interested in providing security to both the public and private sectors to protect its authority and activities. This is particularly the case when private companies are involved with vital services and infrastructures. Such a situation provides an interesting opportunity to study the convergent and conflicting interests involved. Private and public security policies can be analyzed to demonstrate their efficiency and coherence. It is not surprising, therefore, that various editions of the Review have invited both public and private sector researchers to try and define public policy. 

The new scientific conception of security has helped and boosted researchers involved with global security in both public and private research centers. These actors can provide both new concepts and new methods. They can also produce patents and intellectual property, which are motors for development and job creation. Historically they created the Internet, computer systems and digital information networks, which they continue to modify and develop. Unfortunately, this puts them at the center of commercial and technological competition and warfare, and makes them a focal point for political and military conflict. Their work consists of devising and using abstract, mathematical or physical models, creating databases, exchanging information and debating with other laboratories or research centers. The Internet, computer systems and digital information networks form an integral part of their activity. Not only did they create them, but they, in turn have now become key elements in the progress and development of science. This is why research centers and laboratories play an ever-increasing role in the Review’s collaborative activities and management. 

Global security and globalization require strengths in mediation and communications. Given the pressures such menaces and threats apply to a nation, the spirit and mood of the population is key to coping with global security, as it was previously with other forms of security. Alerts, manipulation, information, disinformation, the roles of certain institutions, motivation, demotivation: the classic resources and methods born from Gutenberg›s genius, as well at digital information networks born from the technological revolution, all have an effect on a country’s spirit and mood. E-mails, blogs, social networks, on-line diaries, TV online, cell phones: they all play a major role during a crisis, from prevention to management. Furthermore, scientists now witness the sudden appearance of a public « opinion », which can be local, regional, national and even global. It can intervene directly or indirectly via elected representatives, and can concern subjects as diverse as a company or an affair of state. 

The issues raised by global security require that « revisited » international and regional actors are taken into account. Global security must also be combined with human security and sustainable development. Everything must then be networked on a global basis. Examples of the use of this strategy are the UN, NATO, the European Union, the North American Free Trade Agreement… as well as organizations such as the International Organization for Standardization and the International Electrotechnical Commission. The Review will cover this problem in a future edition. 

These issues raised by global security require and impose not only new and revisited concepts and actors but also new methods of research. There can be no resilience without foresight and the prior application of the necessary resources to manage the unforeseeable or unpredictable. This requires using the hybridization of skills and interdisciplinarity as the keystone for future knowledge. 

To be convinced, one has only to think of all the different actors concerned and involved in a health scare or crisis. As well as the different health specialists such as general practitioners, hospital doctors, pharmacists, biologists and nurses… we can add the state services such as the health and social care services, and, in France, the Prefectures… Then there would be the military, including the military health service, and a plethora of specialists either directly or indirectly involved, such as psychologists, sociologists, lawyers, political scientists and politicians, transport and travel specialists, teachers and journalists… From this we can see that a health scare, what we thought was a limited phenomenon, can in fact take on a global aspect and require a global response. 

The methodology dictates, therefore, that a hybridization of skills takes place and is used. No one can carry this out alone and no discipline can manage it all on its own. Once achieved, the conditions can then be created to analyze infrastructures, find vulnerabilities, particularly by intrusive prospection, take preventive action, make reactive system models and create processes to develop resilience. 

The objective is to create a scientific community which is an « open society », as succinctly expressed by Bergson and then used later by Karl Popper. A humane society open to humanity, with its own ethical and scientific demands and requirements, with a touch of spirituality Remember the hatred which manifested itself during the 20th century, emanating from certain states supposedly considered as the most «progressive» on the planet, such as Germany, Austria, Italy and Japan. Then there was the toll of positivism and productivism based on the present sacrifices, it ruined humanity’s future. These events remind us of Francois Rabelais› phrase from his book Pantagruel: that « science without a conscience is the ruin of the soul ». 

Global security is an empty dream if it does not have a number of important caveats, such as, important social development in poor suburbs, and compassion for all democratic countries. It must also take into account sustainable development through a transnational vision. But most importantly it must provide security for humanity through the universal perspective of a humane society with humanity at the center of scientific progress and development. 

©YvesRoucaute 

Full University Professor, Paris X, Director of Cahiers de la sécurité