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NICOLAS SARKOZY A-T-IL PERDU LA RECETTE DE LA TRANSGRESSION CONSTRUCTIVE ?

2603_58109804354_4619293_n-2Entretien Yves Roucaute, sur Atlantico. 17 juin.

PANNE DANS LES SONDAGES, SIFFLETS ET PROPOS CHOC : NICOLAS SARKOZY A-T-IL PERDU LA RECETTE DE LA TRANSGRESSION CONSTRUCTIVE ?

 

Atlantico : Depuis quelques temps, on l’a vu lors du débat sur les menus sans porc dans les cantines et aujourd’hui sur le droit du sol, il tente de « transgresser » comme il le faisait en 2007 mais avec moins de succès. Pourquoi ?

Yves Roucaute : Transgresse-t-il ? Si cela signifie qu’il veut dépasser les barrières actuelles alors ce serait une bonne nouvelle. Car l’ordre actuel doit être en grande partie balayé à moins d’imaginer que l’on va soigner les 12 plaies de la France en les recouvrant d’un pudique mouchoir à la façon du Tartuffe de Molière. Car c’est malheureusement ce que l’on propose à la France depuis des années. Il nous faudrait un dirigeant qui aime assez la France pour avoir le courage de lui proposer des réformes de fond, au lieu de ces pleutres qui naviguent en gestionnaires, avec pour horizon leur carrière.

En attendant, nous sommes dans le simulacre.

Les journalistes se précipitent sur des phrases, des réflexions en cours, des oppositions de personnes qui, parfois, sont de circonstance. Certes, je ne leur reproche pas. Un quotidien doit être alimenté quotidiennement, un hebdomadaire hebdomadairement et nul n’est jamais parvenu à vendre papier et audience sur les trains qui arrivent à l’heure. Mais, il faut néanmoins rappeler que l’agenda politique n’est pas destiné à nourrir l’agenda médiatique.

Les adversaires politiques de Nicolas Sarkozy contribuent eux aussi à ce simulacre. Et il n’est pas possible de le leur reprocher car la politique a ses règles. Ils savent que les élections ne se gagnent pas la veille de la bataille électorale. Or, quel est leur principal ennemi ? Celui qui précisément pourrait faire bouger les lignes, celui qui pourrait attaquer leurs bastions, celui qui pourrait mettre un terme à leur direction idéologique. Aujourd’hui, ils pensent que c’est Nicolas Sarkozy. Alors, Ils tentent de faire courir les rumeurs, de fomenter des dénigrements, de salir l’image de Nicolas Sarkozy, pour empêcher les alliances et pour l’isoler. C’est de bonne guerre.

Ils poussent le simulacre jusqu’à soutenir ses adversaires au sein des Républicains, en particulier Allain Juppé, pourtant détesté par eux hier. Ils pensent que cet énarque, Inspecteur des Finances, qui sera âgé de 72 ans aux présidentielles, serait moins dangereux, s’il était élu pour 5 ans et surtout, ils croient qu’ils en viendront plus facilement à bout. Ils sont prêts, lors des primaires au sein des Républicains, à faire voter pour lui. Il va être facile, me disent-ils, de ressortir sa condamnation à la prison, son inéligibilité, l’affaire de l’appartement HLM occupé par son fils quand tant de pauvres n’y ont pas accès. Ils se souviennent qu’il a reculé lors de la réforme des retraites quand il était premier ministre en 1996, qu’il a augmenté la pression fiscale plus encore que François Mitterrand, allant jusqu’à créer des impôts nouveaux, qu’il a attaqué les médecins, et bien d’autres mesures rappelées qui le couperont de certaines forces sociales. Et ils parient sur ses maladresses, songeant à son erreur incroyable, digne d’un plan en deux fois deux parties d’un bon élève de science po, quand il décida, en 1997, de dissoudre l’assemblée nationale, pourtant de droite au nom d’un « nouvel élan », ce qui ramena la gauche qui n’en demandait pas tant, au gouvernement.

Si nous sortons de ces jeux de dupes, la vérité est que Nicolas Sarkozy n’avance pas de propositions pour les présidentielles de demain, car ce n’est pas le bon moment, et il a raison. Il ouvre les débats en partant de ce que les gens ont dans la tête, tel le droit du sol. Et il a raison.

Pourquoi ne le faudrait-il pas ? Si, aussi loin des échéances, on ne peut aborder les thèmes qui sont dans la tête des concitoyens, quand le peut-on ? Et les protestations entendues, y compris chez les Républicains, me font penser que, malheureusement, bien des politiques devraient faire une autre carrière.

Nicolas Sarkozy est, juste avant l’été, dans une phase de réflexion. Sauf crise majeure, il ne se passera rien avant la fin de l’été dans la campagne. Il a donc intérêt à lancer une réflexion globale.

C’est la bonne méthode. Comme le disaient Aristote et Thomas d’Aquin, un chef politique qui a un peu de sagesse pratique, doit commencer par délibérer. Nous sommes dans ce temps de la délibération. Et, puis ensuite, ce sera le second temps, il va falloir choisir, ce sera le temps du programme, qui sera proposé au pays. Et ensuite, c’est le troisième temps, il faudra agir : mettre en œuvre ce programme.

La vraie question, aujourd’hui, n’est donc pas de savoir s’il a le droit, ou non, de soulever des questions comme celles que vous soulevez, celles du droit du sol, de al place de l’islam, des cantines, car non seulement il en a le droit, mais, puisque ces questions sont dans la tête de nombre de nos concitoyens, il en a le devoir.

Et il est tout simplement déroutant de voir se reproduire, une fois encore, ce qui a conduit l’ensemble des citoyens à se détourner des élites républicaines, cette façon autiste de prendre la réalité en refusant d’aborder ce qui se dit dans tous les cafés.

Quand Nicolas Sarkoy dit que la question du droit du sol mérite d’être posée, qu’il veut consulter les adhérents en organisant un référendum interne au parti avant un an, on peut se dire : pourquoi pas ? Sarkozy ne dit pas qu’il est pour l’abrogation du droit du sol ! Je ne l’ai, en tout cas, jamais entendu dire cela. Et vous savez que, pour ma part, j’y suis opposé. A l’inverse, discuter de cette question n’est pas absurde. Se demander si des mesures pourraient être prises pour contrôler l’immigration, imposer des obligations à ceux qui aspirent à devenir français, donc à entrer dans une communauté de vie, comme cela se voit dans les autres républiques, pourquoi pas ? Je suis, par exemple, favorable à des exigences en matière de langue, d’histoire, de géographie. Est-il acceptable que les résultats scolaires dans certaines écoles, comme cela se voit parfois à Grenoble, soient affrichés en arabe sous prétexte que des citoyens parlent mal le français ? Imagine-ton en Chine, au Japon, en Allemagne cela possible? Il propose d’en débattre pendant un an, ce qui ne coïncide pas avec le temps des médias. Je souhaite pour ma part que l’on débatte de tout, du salut au drapeau dans les écoles à l’augmentation de nos moyens de défense, du port de la blouse dans les classes à la mise en valeur de nos territoires d’Océanie, de la répression contre les incivilités à la libération de nos entreprises, des tromperies de l’assistance aux soutiens de ceux qui souffrent. Oui, il faut parler de ce qui préoccupe les citoyens et il est absurde de le refuser, à moins de vouloir que Marine Le Pen soit élue président de la république, que l’extrême-gauche envahisse les rues et que la France continue à s’affaiblir.

Le vrai problème est que Nicolas Sarkozy a impérativement besoin de construire une vraie pensée propre aux Républicains, qui appuiera une vraie stratégie. L’une découle de l’autre, et de la stratégie découlera ensuite la tactique. La seule question, dans cette phase de délibérations, est donc de savoir si ce parti a les moyens théoriques d’une pensée stratégique et si Nicolas Sarkozy est conscient de l’immense besoin qu’il a pour élaborer cette élaborer de construire les réseaux qui vont plonger au cœur du pays et au centre des savoirs?

Nous abordons ici le problème fondamental de la droite. Car, on l’a vu avec la période Chirac, ce qui règne est la confusion théorique. Et son corollaire, le mépris des intellectuels et l’incapacité à former de vrais cadres, sortes d’intellectuels organiques au sein du parti. Or, lorsque la confusion théorique règne, alors la tactique devient centrale avec l’absence de pensée, donc de stratégie.

Jacques Chirac faisait de bons coups tactiques, mais aussi de mauvais, c’était devenu une personnalité sympathique mais avait-il une vision ? François Mitterrand avançait à vue. D’où ce sentiment que la France, depuis Georges Pompidou, n’a pas beaucoup avancé. Songez à un de Gaulle ou à un Churchill, à un Ronald Reagan ou à une Angela Merkel, ils ont tous un point commun : une vraie charpente théorique, à partir de laquelle ils ont développé une vraie stratégie. Qu’aurait été Charles de Gaulle sans l’influence des Thomas d’Aquin, via les thomistes ? D’où lui vient son respect pour l’intelligence et la force de ses réseaux ? Certes, ils ont aussi été de bons tacticiens, car tous les hommes politiques jouent des effets d’annonce, de placement par rapport aux autres, et Nicolas Sarkozy, comme Juppé ou Hollande, ont besoin de se placer sur le marché par rapport à leurs rivaux. Mais la tactique des grands hommes est déterminée par leur stratégie et celle-ci, par leur pensée, non le contraire. Ce n’est pas un hasard si la plupart des dirigeants politiques de la IVème République sont tombés dans l’oubli. Et la France souffre du fait que, depuis Pompidou, nous n’avons plus eu de grande pensée stratégique.

Pour en revenir à Nicolas Sarkozy, il ne fera des grandes choses que s’il a une grande pensée, et cela ne se construit pas en trois mois sur quelques coups. Et sans être entouré. C’est ce qu’il semble avoir compris, ce dont les prétendues « transgressions » sont le signe peut-être. L’avenir en tout cas nous le dira. Être un homme de coups ou un stratège, voilà le défi. Celui de l’histoire aussi.

Atlantico : Les transgressions actuelles de Sarkozy font du bruit dans l’arène médiatique, mais finalement ne tombent-elles pas à plat car elles manquent de fond ?

Yves Roucaute : Si la transgression est de parler de ce que les gens ont dans la tête, alors, comme je vous l’ai indiqué, tant mieux. Laissons aux salons, leurs cris d’orfraie. ll me semble, surtout, que ce n’est pas le bon moment pour lui de développer une stratégie alternative. Aujourd’hui, c’est le moment de penser la stratégie qui sera mise en œuvre, d’en discuter, d’en débattre, avant de la formaliser. Si nous étions dans la formulation immédiate d’une pensée stratégique, cela serait une erreur.

Je crois qu’il faut le dire avec force : la droite n’est pas prête, aujourd’hui, à formuler un projet alternatif construit, pensé et structuré. Comparez avec ce qui se fait actuellement aux Etats-Unis dans la campagne présidentielle avec ce bouillonnement des idées, aussi bien chez les démocrates que chez les républicains. Ou ce qui se fait autour d’Angela Merkel. Il faut construire ce projet sur toutes les questions, y compris économiques, sociales, culturelles, industrielles, d’éducation etc. Sur tous ces sujets, la droite n’est absolument pas au point.

Laissons de côté le bruit médiatique, quand, précisément, c’est du bruit.

Très concrètement, la force de Nicolas Sarkozy réside dans sa volonté, c’est un volontariste. Personne ne peut lui retirer cette vraie qualité en politique, car le politique, à la différence du gestionnaire, c’est d’abord un être de volonté. Après le temps de la délibération et du choix, vient celui de l’action. Sans action, pas de vraie politique. Et nous souffrons d’aoivr une classe politique de gestionnaires.

Cela est d’autant plus vrai quand il s’agit de faire bouger les lignes, car on a alors besoin de chef politique qui ont du courage et non qui savent faire un plan en deux fois deux parties. Il y a d’autres périodes où l’on a besoin d’hommes qui stabilisent et reconstruisent, comme ce fut le cas après la seconde guerre mondiale. Mais il est d’autres époques où les pays sont englués dans le conservatisme, dans la gestionnite aïgue, dans la crise morale, économique et sociale. Alors, c’est l’occasion donnée par l’histoire à ceux qui ont un tempérament volontariste. Aujourd’hui tout le monde a conscience que François Hollande n’est pas à la hauteur, à l’inverse de Sarkozy lors de la crise de 2008, où la France était à la tête des solutions à la crise financière. Depuis qu’il est parti, le pays n’est plus à sa place.

Au-delà de sa volonté, l’autre avantage de Sarkozy est qu’il a conscience de la place de la France dans le monde. Il veut sa grandeur. C’est donc une visée, mais pas encore une vision, stratégique.

Ce qui manque à Nicolas Sarkozy aujourd’hui est la stratégie nécessaire pour la France. D’où la phase de délibération qu’il ouvre sur tous les thèmes qui concernent l’avenir et la puissance de la France.

Je constate qu’il est pris dans des tirs croisés.

D’abord, de ceux qui ne veulent surtout pas que l’on discute de stratégie, donc de fond au cœur même du parti Les Républicains. Car ces démagogues s’apprêtent déjà à tous les compromis pour obtenir le pouvoir. Ils démontrent ainsi qu’ils ont bien l’intention de faire passer leur intérêt avant celui du pays.

Ensuite, il y a le système qui veut le forcer à prendre position, dès qu’il dit une phrase, ou qui tente d’interpréter tout signe pour le contrer.

Néanmoins, Nicolas Sarkozy a raison de continuer à réfléchir, de mener le débat à l’intérieur des Républicains.

Mon conseil serait qu’il l’élargisse au-delà du parti. Il faudrait, à la façon des campagnes du parti républicain américain, que le projet qui en sortira soit celui d’une bonne partie du pays. Plein de gens, même en-dehors du parti, ont des choses à dire. Il doit écouter le « bon sens », le « sens commun » disait qu’il a plus souvent raison que en le croient ceux que Pascal appelait ironiquement les « demi-habiles ».

Si ce temps de la délibération est bien mené, une stratégie en sortira, au-delà des coups médiatiques. Et le projet s’imposera à toux ceux qui prétendront le porter. Certes, en France, le jeu de la gouvernance politique est souvent de ne pas tenir les engagements de campagne. Mais cela tient aussi au fait que les hommes politiques soient souvent de purs gestionnaires, puisque la haute administration a corrompu le personnel politique, et que les projets soient plus l’œuvre des états-majors que de la population. En ouvrant le parti, Nicolas Sarkozy, qui lui- même n’est pas issu de la bureaucratie française, peut limiter cette pratique.

Le paradoxe d’ailleurs est que, pendant longtemps, le sentiment dominant a été que Sarkozy n’écoutait pas toujours le monde ordinaire et qu’il travaillait trop seul pour assurer une grande stratégie pour la France, or, quand il affirme que pendant un an il mènera cette grande délibération au sujet du droit du sol, je me dis qu’il se donne un an d’écoute, et c’est mieux que de vouloir agir tout de suite, dans la précipitation. Peut-être un nouveau Nicolas Sarkozy est-il en train de naître, avec des défauts certes, qui n’en a pas, mais plus assagi, qui se donne le temps de la réflexion. Si cela se confirmait, il ajouterait à sa volonté et à son courage, que nul ne peut songer à nier, une certaine recherche de la sagesse pratique qui lui permettrait d’engager le pays sur le chemin de la renaissance. C’est en tout cas mon sentiment ou, peut-être, mon illusion.

 

Le gaullisme est le vrai visage de la République

Contribution dans « le Monde » du 27 mai.

2603_58109804354_4619293_n-2Le gaullisme est le vrai visage de la République

par

Yves Roucaute

Philosophe, écrivain, professeur des universités, agrégé de science politique et de philosophie, auteur de « Eloge du mode de vie à la Française » et «Les origines chrétiennes de la démocratie libérale en Europe » (Contemporary Bookstore)

Nicolas Sarkozy peut-il appeler son parti « Les Républicains », et mérite-t-il ce nom lui-même ? Etrange débat. Si l’ancien président n’est pas républicain, qui peut l’être ? Et pourquoi l’Union républicaine de Gambetta, le Mouvement républicain populaire de Georges Bidault, le Parti républicain de Valéry Giscard d’Estaing, voire le François Mitterrand de 1965 « candidat des républicains », ne déclenchèrent-ils pas ces cris d’orfraie ? Las, au lieu d’une discussion rationnelle et apaisée, sophismes et procès en diabolisation produisent un bruit de crécelle.
Retour au sens des mots, donc, et au cas Nicolas Sarkozy.
Est républicain celui qui défend les valeurs de la Res publica. Il est plusieurs sortes de nations, donc plusieurs façons d’être républicain. En France, depuis Clovis, fut inventée la nation civique, fondée sur des valeurs universelles, contre la conception de la nation ethnique, fondée sur le sang. Par l’interdiction du mariage entre Francs s’engagea un processus de mixité ethnique et d’unification par l’éthique, qui aboutit avec les républiques successives. Ce qui autorisa la Convention, en 1792, à déclarer citoyens d’honneur Georges Washington, Anacharsis Cloots ou Thomas Paine, pour avoir « préparé les voies de la liberté ». Ce qui permet à tous ceux qui partagent les valeurs de ce sol qui les vit naître, et à tous ceux qui fuient la tyrannie, d’être des citoyens, sans considération d’origine.
L’assimilation des valeurs communes n’est donc pas un choix mais une obligation. Elle interdit le communautarisme. Elle condamne le nationalisme tout autant, en opposant à son ethnisme destructeur de l’unité française, le patriotisme d’une nation aux racines multiples.
Critiquer Nicolas Sarkozy ? Pourquoi pas. Défauts, maladresses, erreurs ? Certes. Mal entouré parfois, trahi même ? La politique est un art, non une science, disait Aristote, et le propre des humains est d’être faillibles dans un monde contingent. Reste l’essentiel. Nicolas Sarkozy est le rempart républicain contre le F.N. dont la nature nationaliste et socialiste apparaît chaque jour plus évidente. Surtout, par lui, pour la première fois dans l’histoire de France, un fils d’immigré put parvenir à la Présidence de la République. Fils de Hongrois devenu fils de France, fils de France devenu chef d’Etat, il incarne l’esprit républicain de la nation civique.
Reste ce nom « Les républicains ». Captation d’héritage ? Quel parti pourrait pourtant mieux défendre les valeurs universelles françaises d’origine judéo-chrétiennes et ce mode de vie poli par elles?
La gauche ne le peut. Nous devons aux Jacobins, à leur anticléricalisme, relativisme et nationalisme, cette impossibilité. Leur tentative de hold-up sur le mot « républicain » signale seulement un simulacre. Leur refus de poser la prééminence des droits de l’Homme, sans doute préparée par ce mois d’août 1789 qui crut utile de mêler droits de l’homme et du citoyen, suffit à les disqualifier, sinon les massacres de prêtres, d‘intellectuels, de femmes et d’enfants. Tout juste peuvent-ils être démocrates, sanctifiant le pouvoir (« cratos ») du peuple (« demos ») à travers le culte rousseauiste de la souveraineté populaire. Leur rencontre avec l’esprit révolutionnaire de la lutte des classes qui déclara bourgeoise toute pensée humaniste et patriotique, a clos la mascarade. En 1981 encore, le député André Laignel ne fut pas démenti d’avoir répliqué à un député de droite qui protestait contre une mesure politique au nom des droits de l’Homme: « il a juridiquement tort, car il est politiquement minoritaire ». Entre ces jacobins et les réformistes, véritables républicains, la tension dit la confusion.
Pour les gaullistes, chrétiens-démocrates, libéraux, radicaux, croyants ou non croyants, l’héritage des valeurs universelles va de soi. Ils savent les droits de l’Homme enfantés par la tradition judéo-chrétienne à partir de cette croyance en un Dieu, créateur d’humains libres et égaux. Et non par les Rousseau, Helvetius, Diderot, d’Holbach et autres Condillac qui étaient relativistes et n’y croyaient pas.
Par sa référence à la spiritualité judéo-chrétienne, Nicolas Sarkozy ne viole donc pas l’esprit républicain, il l’assume. Du partage du pain et du vin à la construction de cette nation civique cette spiritualité a certes dû suivre un long chemin avant d’imposer ses valeurs dans les consciences. Déjà au Moyen-Âge, au nom du droit de propriété du corps, l’esclavage qui existait partout ailleurs depuis le néolithique, est prohibé dans l’hexagone. Le respect des femmes, perceptible dans l’amour courtois, est imposé par l’Eglise. Et la solidarité aux nécessiteux par les impôts, origine de notre système social. La laïcité naît qui consiste à rendre à César ce qui appartient à César et à Dieu ce qui appartient à Dieu, et qui s’épanouira dans cette façon d’être ensemble où chacun vit sa foi, ou sans elle, dans les limites du respect de la dignité d’autrui. Et la fraternité elle-même apparut dans le triptyque républicain en 1848 grâce aux prêtres qui célébrèrent le Christ-fraternité et bénirent les arbres de la liberté.
Et ce nouveau parti n’a pas plus de difficultés à hériter de ce droit de résistance et d’intervention humanitaire, venu de saint Augustin. Quand les socialistes refusaient l’intervention pour sauver la république espagnole écrasée par Franco, Charles de Gaulle la demandait. Quand la chambre des députés, élue en 1936, vota les pleins pouvoirs à Pétain, il prit les armes. Quand la IVème République fut incapable de constituer une Cour garante des droits contre la majorité, Charles de Gaulle créa le Conseil constitutionnel..
Cette force morale est la vraie clef de la puissance des républiques, elle explique l’interdiction exigée par Nicolas Sarkozy de la burqa et du niqab.
Face aux corporatismes et à une concurrence internationale exacerbée, dont celle de nos alliés, face aux demandes d’intervenions multiples, pas toujours fondées en raison, Nicolas Sarkozy devra à présent prouver sa capacité à proposer une véritable stratégie de redressement républicain. Pour cela, comme le disait le général de Gaulle, il devra « viser haut et se tenir droit ». Et s’il ne le fait pas, qui le fera ?
En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/…/le-gaullisme-est-le-vrai-visage-de-…

Entretien sur l’islam et la convention des Républicains

kaboul, nov 2001, arrivée de Roucaute avec l'Alliance du Nord

Atlantico:

La première convention des Républicains, le parti successeur de l’UMP, se tiendra le 11 juin prochain avec pour thème l’islam. Première dissension dans la nouvelle formation, NKM pense que c’est une mauvaise idée. Pour elle « on a trop tendance à ramener notre identité à la question religieuse ». Cependant l’islam est aujourd’hui une question qui touche aussi à la politique. NKM ne commet-elle pas ici une erreur intellectuelle en affirmant qu’il s’agit seulement ici de religion ? N’est-il pas important d’aborder cette thématique aussi sur un volet politique ?

Yves Roucaute:

Nathalie Kosciusko-Morizet craint sans doute que ce débat alimente des comportements indignes. Et elle a raison de vouloir éviter les dérives qui conduiraient à mettre à l’index une partie de la population, les musulmans. Mais il ne faut pas occulter le débat, ni, encore moins, accepter les cris d’orfraie d’une gauche incapable de penser la laïcité.

Je crois que la question de l’islam de France doit être débattue parce qu’être un dirigeant politique qui vise la victoire dans une démocratie consiste à partir de ce qui est dans la tête des concitoyens. On ne peut agir efficacement en politique en faisant l’économie d’une analyse de l’imaginaire. Et on ne peut arriver à la victoire sans engager la bataille des idées. Or, l’islam est très présent dans l’imaginaire social. Il faut donc partir de cela, de cet imaginaire, et laisser les socialistes à leur dénégation du réel. C’est une erreur courante parmi le personnel politique français qui est issu de l’administration de croire que l’on gagne à coups de chiffres, de rigueur économique, de beaux projets bien équilibrés, bardés de mots savants que le monde ordinaire ne comprend pas. François Mitterrand n’a pas gagné contre Valéry Giscard d’Estaing parce qu’il avait un projet bien ficelé mais parce que la droite avait perdu la bataille idéologique. Et quand les islamistes, les fascistes, les communistes gagnent des batailles électorales, la rigueur de leur projet économique ne joue évidemment aucun rôle. Pas plus que dans leurs succès aux élections actuelles, la rigueur des propositions du F.N..

C’est une donnée majeure que la droite doit intégrer. Je reviens des Etats-Unis et je suis frappé par le fait que là-bas la bataille des présidentielles se déroule au niveau des idées. Il y a des bataillons d’intellectuels appelés par l’un et l’autre camp pour s’exprimer sur toutes les questions qui agitent la société américaine. Les journalistes y jouent leur rôle d’intercesseur au lieu de croire qu’ils peuvent remplacer hommes politiques et experts.

Par quoi est agitée la société française ? Par la question, notamment, de l’islam et de sa place. On ne peut donc pas faire l’économie d’un débat, même s’il peut être souhaitable qu’il se déroule à huis-clos pour éviter les jeux de certains pyromanes qui visent à attiser le feu pour crier « au feu ! ».

D’ailleurs, je rappelle que la sagesse politique rejoint le calcul électoral car les musulmans sont très nombreux à voter en France. Même si, en l’absence de données statistiques sottement interdites il est difficile de connaître leur nombre, il paraît raisonnable de penser qu’il y a environ 4 à 5 millions de citoyens d’origine musulmane et environ 2 millions qui pratiquent au moins occasionnellement. Cela représente beaucoup d’électeurs. Surtout quand o songe au résultat serré des dernières présidentielles où les musulmans ont voté à 7% pour Nicolas Sarkozy contre 57% pour François Hollande au premier tour et 14% contre 86% au second tour. Il aurait suffit que leurs votes différent un peu pour emporter l’élection. Et mon sentiment profond est qu’ils devaient plus facilement voter à droite qu’à gauche.

Certes, la question de l’islam est difficile à appréhender, car l’islam développe une pensée juridico-religieuse, et pas seulement religieuse contrairement à ce que croient certains. Il ne faut pas oublier que le Coran comme les Hadiths instituent des règles de droit, dont se déduisent ce qui est juste et ce qui ne l’est pas, ce qui est interdit et ne l’est pas. Pour bien comprendre l’importance de cette position, il faut voir que, à l’inverse, les chrétiens ne déduisent pas les règles de droit des Evangiles ou de l’Ancien testament, mais ils les recherchent. C’est une posture très différente, c’est pour ça que le monde musulman, à l’instar du monde juif, a produit de très grands juristes tandis que le monde chrétien a plutôt eu tendance à produire des philosophes et des facultés où l’on débattait, dés le Moyen-Âge de tout à partir de méthodes de discussion ouvertes et contradictoires. L’islam a produit une très forte intelligence analytique.

Cela peut sembler sans importance mais c’est central pour notre république. Il faut en parler car certains imams prétendent déduire des textes un certain nombre de règles qui peuvent se trouver en opposition avec le mode de vie à la française et ses valeurs universelles. On a eu naguère ce problème avec le voile intégral. On a ce problème avec le statut des jeunes filles qui selon certaines interprétations devraient être interdites d’aller à l’école, même coranique. À l’inverse, d’autres interprétations inspirées des mêmes textes s’inscrivent parfaitement dans le cadre de notre mode de vie.

Pour éviter les dérives d’un côté et produire un discours qui nous assure une victoire culturelle parmi nos concitoyens, musulmans compris, il y a trois conditions.

D’abord, que de vrais intellectuels participent à ce débat. Si c’est pour avoir des hommes politiques qui veulent se donner bonne conscience à côté de quelques intellectuels de salon attirés par les sunlights et qui servent la soupe, seront produites des inepties et la démagogie va gangréner la pensée. A partir du moment où on écoute les intellectuels qui connaissent la matière, religieux et non religieux, pas nécessairement de gauche, je crois qu’on peut arriver à des propositions justes qui entraineront l’adhésion.

Ensuite, il faut marteler l’idée que les musulmans ne sont pas l’ennemi. Personnellement, je passe pour un philosophe chrétien, or je dois ma vie à des musulmans. J’étais au Tadjikistan, après la mort du commandant Massoud, invité par l’Alliance du Nord pour aller fêter la victoire en Afghanistan avec Alain Madelin. Et notre hélicoptère criblé de balles a failli s’écraser sur l’Indou Kush à plus de 7 000 mètres de haut, et il a fallu retourner au Tadjikistan, avant un deuxième essai réussi le lendemain. J’ai alors prié en chrétien, auprès de mes amis musulmans qui priaient en musulman. Et j’ai pleuré avec eux la mort des deux pilotes qui nous avaient sauvé la vie et qui sont morts le lendemain au même endroit. Et j’ai remercié ceux qui m’ont permis d’arriver vivant au centre de Kaboul, malgré les combats, alors que les armées alliées n’étaient pas encore arrivées. Ce que je veux expliquer en racontant cela, c’est qu’il faut dire aux gens des choses aussi simples que l’islam n’est pas l’ennemi, que les musulmans ne sont pas des ennemis, que ce sont nos frères en humanité. Il faut également dire que nous ne gagnerons pas contre le terrorisme sans eux. Car il ne suffit pas de dire que les musulmans sont les premières victimes. Et il ne suffit pas de neutraliser militairement un terroriste si le prix est que dix se lèvent alors. Ce sont les musulmans démocrates qui vont nous permettre de gagner la bataille culturelle dans le monde musulman. C’est dans les consciences musulmanes que nous gagnerons la guerre.

La troisième condition est de ne pas se tromper d’objectif. La discussion n’est pas d’ordre théologique. Elle doit porter sur ce que signifie un islam de France. Je suis d’accord avec Nicolas Sarkozy que c’est bien seulement ainsi qu’il faut poser la question. Car il faut noter, pour éviter toute illusion, que l’islam n’est pas unifié. En un mot, il n’y a pas une unique façon de vivre l’islam, bien qu’il existe un seul Coran et des Hadiths. Dès la mort de Mahomet, on a une déchirure du monde musulman, en particulier après l’élection du 4ème calife, entre sunnites et chiites. Il y a également des différences entre les sunnites, il y a des différences entre chiites. Il faut arrêter de parler de l’islam comme les terroristes en parlent. Ils font comme si l’islam était uni, et ils font rêver les ignorants d’un « grand califat » qui n’a aucune existence possible aujourd’hui. C’est pourquoi les islamistes radicaux tuent les musulmans qui ne se soumettent pas à leur idéologie et qui, par leur façons différentes de vivre l’islam dans les différents pays sont la preuve de leur échec. C’est pourquoi, ils terrorisent et portent la mort au lieu de la vie, la haine au lieu de l’amour. Comme tous les idéologues, ils veulent détruire le réel. En vérité, il y a une façon de vivre l’islam au Maroc, qui n’est pas celle de l’Arabie saoudite, de la Turquie ou de l’’Indonésie. De la même façon, il y a une façon de vivre l’hindouisme en France, le bouddhisme, le christianisme.

 

Une fois qu’on a pris en compte ces trois points préalables, on peut discuter raisonnablement. On peut alors se demander ce que signifie être chrétien, musulman, juif, bouddhiste, athée en France. Cela ne signifie pas la même chose que dans un autre pays, car chaque pays a ses propres caractéristiques, de la même façon, comme le remarquait jadis Aristote, chaque Cité a sa propre Constitution liée à ses valeurs, son mode de vie et la recherche de sa puissance.

Cela nous mène directement à la nécessité de penser la signification de l’assimilation parfois interprétée dans un esprit sectaire et intolérant.

Ce que je souhaiterais, c’est une position intelligente, qui permette de trouver le modus vivendi qui réponde au point de vue den nos valeurs, de notre puissance et de notre mode de vie.

Pour cela il faut se demander ce qui constitue ces valeurs françaises. Traditionnellement, la France, depuis Clovis qui refusa le mariage entre Francs, est constituée par le mélange des populations. En France on a inventé quelque chose de particulier: la nation civique. Depuis, la nation française s’est construite dans sa particularité irréductible. L’assimilation des valeurs universelles, le partage patriotique d’un mode de vie commun et la défense de la puissance de la France, tel est le triptyque de base construit sur les siècles et réaffirmé par le général de Gaulle. C’est simple. Cela explique pourquoi l’Assemblée nationale de la révolution française donna le « titre » de citoyen français à Thomas Paine, Schiller, Bentham, Washington ou Anacharsis Cloots.

Nous n’avons pas de vision ethnique de la nation, mais une notion basée sur l’assimilation, contre le droit à la différence et l’intégration. Cela va à l’encontre de l’idée que la nation française pourrait être un assemblage de communautés, ethniques ou religieuses, à la différence d’une grande république comme les Etats-Unis. Cela va à l’encontre de l’intégration, une posture inventée par la gauche soixante-huitarde qui souhaitait se montrer généreuse. L’intégration signifie qu’il y a, au préalable, deux identités reconnues : un élément à intégrer, et un élément intégrateurs, et qu’on essaye de faire une totalité de ces deux choses en inventant des relations d’interdépendance et de solidarité. Or, à aucun moment dans l’histoire, la France n’a considéré qu’elle devait intégrer un élément autonome en vue de former avec lui une totalité, ce qui reconnaîtrait finalement à reconnaître ses différences.

La France est une association de personnes assimilées autour de valeurs. Si elles acceptent les valeurs de la France, si elles respectent son mode de vie, si elles recherchent la puissance du pays, l’affaire est entendue depuis des siècles. Une personne peut être d’origine algérienne, de religion musulmane, mais la république française ne se modèle et ne se transforme pas selon les arrivants. Il ne sera jamais un Algérien français ou un Musulman français, il sera un Français chargé de mettre son riche passé au service de la France. Au même titre que le français d’origine arménienne dont nombre sacrifièrent leur vie dans la résistance française. D’origine italienne, espagnole, vietnamienne ou sénégalaise qu’importe. Si l’hindouiste ne veut pas ingurgiter du bœuf, c’est son droit. S’il veut imposer sa façon de se nourrir aux autres, il viole le contrat avec la nation civique française.

Car il y a un quasi contrat quand on est en France. Des devoirs pas seulement des droits. Ou on l’accepte ces devoirs et on est membre de la société française, ou bien on les refuse et on ne peut en être membre.

Ce qui détermine le domaine qui est celui de l’assimilation de celui qui n’entre pas dans ce domaine, tient d’abord aux valeurs universelles d’origine judéo-chrétiennes de la France. Et cela permet d’écarter le débat paresseux, souvent soutenu par des politiques venus de l’administration, qui prétend distinguer ce qui est de la vie privée et ce qui est de la vie publique.

Si un individu en France pense qu’il a le droit, sous prétexte de respect de la vie privée, de faire exciser sa fille dans son appartement, la société française le condamnera au nom des valeurs de la nation qui exigent le respect de la dignité des femmes. Ce n’est pas parce qu’on est dans le privé qu’on peut battre sa femme ou interdire à sa fille d’aller à l’école.

La vraie question est celle des valeurs d’assimilation de la France, ce qui est toléré et ce qui ne l’est pas, et c’est là le fond du positionnement juste. La base des valeurs universelles de la France est souvent réduite aux droits de l’Homme, mais c’est erroné car il ne s’agit pas que de droits mais aussi de devoirs. Par exemple le devoir d’élever ses enfants dans la dignité humaine, de leur permettre d’accéder aux libertés fondamentales et aux savoirs. La France est fondée sur ces valeurs d’origine judéo-chrétienne qui font sa culture, et on ne peut les violer.

Ainsi, être musulman de France, c’est comme être juif de France, chrétien de France, bouddhiste de France, cela signifie respecter ces valeurs, et si on ne les respecte, alors la sanction doit tomber pour préserver la nation. C’est cela d’abord l’assimilation.

De même, après les valeurs universelles, c’est le second critère de l’assimilation, il s’agit de respecter le mode de vie. Chacun peut ingurgiter du porc, de la viande, ou non. Ce comportement ne viole en rien la dignité humaine. Donc c’est permis. Mais puisque le mode de vie à la française a des caractéristiques très typiques, comme je l’ai démontré dans « Eloge du mode de vie à la française » (Editions Contemporary Bookstore), il permet notamment d’ingurgiter porc, bœuf et même des escargots, et nul ne peut imposer ses interdits. Comme nul n’est autorisé à bloquer des voies pour prier ou à enfermer les femmes dans un voile intégral comme cela est autorisé dans d’autres pays qui ont d’autres modes de vie.

Enfin, le troisième critère, c’est le patriotisme. Chacun peut aimer son pays d’origine, chacun peut aimer sa spiritualité, quand tout cela ontribue à la splendeur de la France, mais nul citoyen n’est autorisé à préférer son pays d’origine à la France, ni à détester la France sous des prétextes religieux, et, moins encore, à travailler contre elle comme le font les terroristes. Pourquoi est-on le seul pays où les enfants ne saluent pas au moins une fois par an leur drapeau ? Pourquoi ne chante-t-on pas au moins une fois par an la Marseillaise dans les écoles ? L’assimilation, c’est aussi cela. L’islam de France doit être patriotique, tout comme le christianisme de France qui façonna ce pays, le judaïsme de France qui donna tant de ses fils pour notre liberté, le bouddhisme, le confucianisme et l’indouisme de France qui apportent leurs réseaux et leur richesse spirituelle pur bâtir notre puissance.

Je crains qu’au sein des Républicains on ne comprenne pas ces trois points de l’assimilation. Les Républicains n’ont pas à rentrer dans les considérations théologiques mais il faut dire à tous les croyants, de n’importe quelle religion, que les conflits religieux extérieurs à la France (que ce soit entre musulmans et juifs ou entre hindouistes et musulmans) ne sont pas les bienvenus sur le territoire et qu’ils sont les bienvenus dans notre citoyenneté sur des bases claires.

 

 

 

 

 

Atlantico: D’un autre côté, parler d’islam dans le parti peut tout de suite renvoyer à l’épisode de la stratégie de la « droitisation » initiée, notamment, par Patrick Buisson et ayant débouché sur le fameux discours de Grenoble. Cet épisode leur empêche-t-il d’aborder le sujet de l’islam de façon sereine ?

Yves Roucaute : J’espère que non si l’on entend par là une certaine complaisance envers le F.N. qui ne vaut pas mieux que la peur de déplaire à la gauche. C’est pour cela que je souhaite que les Républicains abordent des questions comme celle-ci de façon pacifique, mais, plus encore, de manière constructive. La France a besoin des musulmans dans sa lutte contre le terrorisme, car nous fournissons des bataillons de terroristes au Moyen-Orient, et il faut arrêter ce phénomène. Et l’islamisme radical provoque la nation dans certains quartiers, pas seulement dans las quartiers nord de Marseille et à Lille. Nous devons donc travailler avec nos concitoyens musulmans. On ne peut gagner la guerre politico-militaire contre le terrorisme et l’islamisme radical qui tente de miner le socle culturel de notre nation sans gagner la guerre idéologique. Il faut donc s’appuyer sur les musulmans démocrates pour que les interprétations de l’islam qui vont dans les consciences de France soient conformes à nos valeurs universelles,. Il n’y a aucune contradiction à être à la fois un bon musulman, l’héritier des valeurs universelles de la France, respecter le mode de vie et être patriote. Il suffit de se souvenir que la France Libre du général de Gaulle a gagné aussi grâce aux Français musulmans.

Sans entrer ici dans des débats théologiques, je pense qu’être un bon musulman, c’est défendre l’humanité de l’homme. Ceux qui ne le font pas sont, à mon avis, de mauvais musulmans.

En tout état de cause, en France, il doit y a voir des musulmans, des hindouistes, des bouddhistes et des athées qui respectent les valeurs universelles.

Il faut nous arrêter sur les athées, d’ailleurs à mon avis quelqu’un comme Buisson ne croyait pas en grand-chose. Car les génocides modernes, les fascismes, les communismes, tous ces massacres sont nés dans le giron athée. Ce qui vaut pour les musulmans et les autres, vaut donc aussi pour les athées. Ce n’est pas parce qu’un athée ne croit pas en Dieu, qu’il ne doit pas célébrer les valeurs universelles d’inspiration judéo-chrétienne de la France. Il faut qu’il fête le mode de vie à la française et sa puissance. Et je souhaite avant tout que les Républicains reprennent le flambeau de cette France puissante et généreuse, et disent aux croyants comme aux non-croyants de célébrer les valeurs, le mode de vie et la puissance de la France. Etre fier de son identité, ce n’est pas exclure mais rassembler autour de ces trois pôles.

Atlantico:

Sur le moyen-terme, un thème comme l’islam, encore très sensible, ne risque-t-il pas de favoriser une division des Républicains, très nuisible à l’image du « nouveau » parti ?

Yves Roucaute :

Oui, cela peut clairement être une ligne de fracture chez les Républicains. Mais si les Républicains comprennent ce qu’est la France alors ils renoueront avec quelque chose de très fort: l’esprit de la fête de la Fédération, qui est celui de la France. A partir de ce moment-là, on ne se posera plus la question de savoir si on est chrétien, athée ou musulman, d’origine bretonne ou normande, turque ou arménienne, on se posera la question de l’appartenance à la France pour la rendre plus forte, ce qui nécessite pour chacun d’apporter sa contribution sur le socle commun. Droit à la diversité mais non droit à la différence, tel doit être la loi.

Si le parti part sur un délire théologique, à pinailler sur tel ou tel point du Coran, il n’arrivera à rien, à part à distiller de la haine. Pour arriver à la fraternité, une de nos valeurs clefs, il faut se préoccuper du socle commun. Et la condition de la vraie fraternité, c’est l’assimilation. C’est elle qui guide la laïcité et non l’esprit de la Terreur jacobine. Je souhaiterais que les Républicains soient mis en face de leurs responsabilités. Et pour cela, dire, en paraphrasant le poète Schiller: « Ici est la France, ici il faut danser ».

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Le naufrage et la question de l’immigration

Le naufrage et la question de l’immigration.

Mon entretien pour le site d’information « Atlantico »`.

Atlantico : A la question : « L’Union Européenne doit-elle débloquer des moyens supplémentaires pour accueillir les migrants fuyant des zones de conflit en Afrique et au Proche-Orient ? », près de 60% des Français se prononcent contre (voir ici). Comment expliquer ce décalage entre les bons sentiments véhiculés suite aux naufrages de cette semaine, et l’opinion réelle que l’on constate à travers ces résultats ?

Yves Roucaute : Les Français ont raison. Penser que ces résultats démontreraient une contradiction ou une confusion est erroné, car en réalité les deux sentiments s’inscrivent dans le même sens, le bon sens. J’y vois, d’abord, contrairement à ce qui est véhiculé partout et participe à un environnement pessimiste, la montée en puissance du sentiment d’humanité que j’ai décrit dans La Puissance d’humanité (Contemporary Boosktore). Que les autres humains soient nos frères en humanité est un sentiment qui prend actuellement une ampleur historique. La réaction à de drame démontre une sensibilité grandissante aux malheurs d’autrui.Rappelons-nous qu’à Rome, on faisait tuer des femmes et faisait se battre des gladiateurs au Colisée en dégustant des sucreries au miel, parfois en y emmenant des enfants. Aujourd’hui, qui accepterait de voir des hommes se faire massacrer par des lions ? Il y aurait un haut le cœur général. Nous sommes beaucoup plus attentifs à autrui. Regardons ce qui se passe actuellement en Indonésie ou au Népal : il y a deux siècles, les gens ne s’y seraient pas intéressés ! Ce n’est pas l’apanage des Français d’ailleurs, même si sa grande tradition chrétienne met la charité et la fraternité au cœur de sa vision du monde.
Mais les résultats de ce sondage montrent aussi que les citoyens refusent la démagogie qui consisterait à dire que puisqu’il y a des morts, il faut accueillir tous ces malheureux. C’est le bon sens encore. Ce n’est pas parce que nous souffrons du malheur d’autrui qu’il faut accepter une immigration non-contrôlée sur notre territoire. On pourrait considérer qu’il s’agit d’un calcul cynique selon lequel plusieurs millions d’immigrants auraient un impact sur l’économie et le confort de vie. Mais je le dis clairement : l’effondrement social et économique de notre propre population ne peut être moral. Et plus encore, si l’Europe accepte une foule d’immigrés clandestins, elle amputerait ainsi une partie de l’Afrique de ses capacités de croissance, car ce sont souvent les plus combattifs qui s’en vont et les plus diplômés. Cela revient à piller cette partie de l’Afrique de ses forces vives et, au lieu de contribuer à son essor, à l’enfoncer dans la misère. C’est donc immoral aussi pour l’Afrique qu’il faut aider par la diffusion du savoir et des techniques non par les mauvais calculs de la bonne conscience.

Atlantico :
En quoi le discours sur la perte de solidarité dans nos sociétés, qui peuvent intégrer une intention culpabilisante, cf dans un éditorial de Laurent Joffrin : « Allons-nous continuer à les regarder se noyer sans bouger » (Libération du mercredi 22 avril) a-t-il pu censurer une forme d’honnêteté intellectuelle ?

Yves Roucaute : Depuis le début des années 60, il y a eu une vraie volonté de la part d’une gauche intellectuelle de culpabiliser globalement la droite et ce qu’elle appelle « l’occident », le « capitalisme », le « libéralisme ». Un exemple d’actualité, c’est l’idée que l’esclavagisme serait de la responsabilité de l’Europe. Cette idée implique que l’on doit quelque chose à l’Afrique, elle justifie la haine contre l’Europe et l’exigence d’ouverture des frontières. Autre exemple, le colonialisme européen aurait amené l’appauvrissement et les conflits, et nous voilà coupables.
Dernier exemple utilisé pour refuser l’analyse de la montée du F.N., le fascisme et le nazisme seraient d’extrême-droite, donc la droite doit culpabiliser et la gauche pas du tout.
La culpabilisation est en réalité la grande stratégie de la gauche, celle qui cherche toujours à être dans la grande dénonciation. Cette stratégie est centrale car les mots construisent l’imaginaire qui est le socle à partir duquel les gens agissent.
Le grand prophète de cette stratégie fut Jean-Paul Sartre. notons qu’en Allemagne où il était à l’époque du nazisme, il n’a pas écrit une seule ligne à l’encontre des nazis, puis il n’a pas combattu aux côtés des résistants mais il a pu faire jouer sa pièce « Les Mouches », aux relents antisémites. Par la suite, il est devenu stalinien, puis maoïste. Voilà le modèle de la bonne conscience qui n’a cessé de culpabiliser les forces libres, en fermant les yeux sur les horreurs du XXème siècle.
Laurent Joffrin s’inscrit dans cette stratégie. C’est quelqu’un de parfaitement honnête, il ressent la souffrance d’autrui, et je préfère cela aux cyniques indifférents. Mais son voile idéologique l’aveugle. Comme le pensaient Aristote et Thomas d’Aquin une conscience libre doit s’appuyer sur le savoir et penser les conséquences de ses actes.
Est-ce que les républiques libres sont responsables de l’esclavage ? Voilà l’ignorance. La réponse est claire, c’est non ! Depuis le néolithique, toutes les populations du monde ont eu recours à l’esclavage, y compris les noirs mettant en esclavage des noirs, et ce qui est extraordinaire n’est pas que les Européens aient eu recours à l’esclavage mais qu’ils l’aient aboli. De même, les populations africaines connaissaient-elles la prospérité avant les Européens ? Bien sûr que non. C’était la guerre généralisée et la misère. Les Africains et les Asiatiques colonisaient et, ce qui est extraordinaire, c’est que les Européens aient finalement condamné cette immoralité. Le nazisme est-il né à droite ? Bien sûr que non. Mussolini et tous les dirigeants fascistes venaient du monde socialiste, comme Hitler et Doriot. Et ce qui est extraordinaire c’est que la droite de Churchill, de Gaulle et l’antisocialiste Roosevelt ait abattu le nazisme et non les ancêtres socialistes du député Serge Letchimy, qui exigea naguère de mettre sur le même plan toutes les civilisations, comme certains de ses ancêtres pacifistes ou collaborateurs trouvaient que la civilisation du IIIeme Reich valait finalement autant que celles qui défendent les droits de l’Homme. Et finalement, va-t-on vers moins de souffrance en ouvrant les portes de l’Europe ? La raison dit que non. On aura et l’appauvrissement de l’Europe et une misère plus grande en Afrique.

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Discours publics / ressentis individuels : la France en …
Dans un sondage réalisé à la suite de la séquence des immigrés clandestins qui tentent de traverser la Méditerranée, une large majorité de Français…
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Curieux : UMP et Hilary Clinton

Curieux

Il paraît que l’UMP même se félicIMG_0780ite de la candidature d’Hilary Clinton…tant et si bien que je me demande où est l’avenir d’un parti qui semble faire naufrage avant même de mettre les voiles… La démagogie au pouvoir avant même de gouverner? Le changement, à l’évidence, si ce n’est pas pour maintenant ce n’est peut-être pas non plus pour demain…
L’UMP va devenir « républicaine » dit-on… cela signifie-t-il que l’on va, une fois encore, être dans l’esbroufe et le simulacre au lieu d’engager la bataille de France pour la gagner? Républicain de peau, démocrate-démago à l’intérieur?
On comprend pourquoi les amis de Chavez ou de Castro n’ont jamais de comptes à rendre… et pourquoi la gauche socialiste n’est jamais mise en demeure de s’expliquer sur ses alliances immorales… Pour cela , il faudrait au moins, en face, des corps un peu charpentés qui jugent à travers des valeurs et non selon les carrières administratives et les dîners mondains… 

Pour ma part, je soutiens le Parti Républicain américain, sans état d’âme, aujourd’hui comme hier.
Ce n’est pas à la mode me dit-on. Certes, je l’entends bien. Mais la mode je l’aime dans l’habit, le parfum, le maquillage, les arts et les lettres même… en politique je lui préfère la vision stratégique, animée par cette valeur que, depuis Aristote et Thomas d’Aquin, on appelle la prudence, qui nécessite l’intelligence de la situation et le courage d’imposer le choix pour le bien commun. Aux effets de manche bien taillés, aux simulacres et aux simulations, aux jeux des côtés Cours de droite et Jardins de gauche, j’oppose les efforts pour armer moralement les esprits de nos valeurs universelles, pour casser la bureaucratie, libérer la créativité, organiser un véritable équilibre et contrôle des pouvoirs, pister les privilèges, repenser l’éducation, assurer la sécurité des biens et des personnes sans violer les libertés, aider nos frères en humanité persécutés dans le monde… Il faudrait une volonté forte moralement armée… Oui, face aux haines qui se développent et qui sont le pendant du laxisme, pour reconstruire cette France forte, qui est aussi celle du coeur, nous avons besoin d’un Abraham Lincoln, créateur du parti républicain face aux démagogues esclavagistes du parti démocrate… et non un bal masqué de saltimbanques qui jouent à la marelle en se persuadant que chaque pas est un saut dans le vide…

Entretien dans Atlantico : Taubira et le logiciel perdu de la gauche

Entretien YR dans Atlantico


Atlantico : Dans une interview accordée à l’Obs Christiane Taubira a estimé que la gauche avait renoncé aux « utopies » au nom du “pragmatisme” et qu’elle avait commis une faute en reprenant les mots de la droite. Qu’est-ce que cette remarque a de révélateur ?


Yves Roucaute : Christiane Taubira est une femme cultivée qui a une vraie intelligence politique. Elle voit, sans voir tout-à-fait, un certain nombre de choses qui se produisent aujourd’hui au sein du PS. Elle a une grande intelligence politique, car elle sait que la bataille politique se fait au niveau des signes. Parmi ces signes, il y a les comportements et les contenus des discours. Elle se rend compte que le gouvernement socialiste est en train de changer de discours et de système de signes. Prenons un exemple : le mot « sans-papiers » dénote des gens qui sont en France en situation d’illégalité, mais il connote autre chose : qu’il leur manque quelque chose. En disant que se sont des sans-papiers je dis que je dois les aider, que c’est une injustice puisqu’ils se trouvent sans quelque chose. Si je dis en revanche qu’ils sont « illégaux », j’indique par là qu’il faut faire respecter le droit. On voit bien ici que derrière la bataille de mots c’est en réalité une bataille d’idées. A chaque fois qu’un dirigeant de droite emploie l’expression « sans-papiers », ou « sans domicile fixe », il est dans le vocabulaire de la gauche radicale et il porte sans le savoir les signes de cette gauche. En réalité cela revient à se tirer une balle dans le pied. Cela signifie que le discours politique est plein de pièges, d’arrière-pensées et d’idéologie. 
Christiane Taubira voit donc que le système de signes socialistes est en train d’évoluer. Et c’est vrai. Elle s’en désespère, et c’est là que l’on constate qu’elle n’a pas la lucidité pour comprendre les raisons de ce processus. 
Aujourd’hui à part la gauche trotskyste, plus personne ne parle de « lutte anticapitaliste ». Globalement l’ensemble du vocabulaire issu de l’extrême gauche du XIXème siècle et du début du XXe siècle est tombé à l’eau. Taubira se rend compte que Manuel Valls et François Hollande sont en train de changer les signes socialistes.


Atlantico : Comment ce glissement s’explique-t-il ?


YR: Tout d’abord, le PS n’a jamais été unifié, ce n’est pas une structure comme l’était le Parti communiste à une époque. Il est traversé par différents courants idéologiques : un courant révolutionnaire, un courant réformiste, un autre social-démocrate
Manuel Valls représente le courant réformiste. Son problème, c’est que tous ces termes de « socialisme », « capitalisme », « lutte des classes » ne sont pas dans le système de signes des réformistes socialistes et ils ne l’ont jamais été. Si on suit Valls jusqu’au bout, le Parti socialiste doit cesser de s’appeler ainsi, et il l’a déjà proposé. Il veut changer profondément le logiciel du Parti socialiste. 
Christiane Taubira n’est pas dupe et le voit, mais ne comprend pas bien pourquoi. Car elle n’a pas pris en compte l’évolution sociale du pays, elle reste sur un logiciel du XIXe siècle. Elle n’a pas saisi que pour que le PS survive il doit changer de manière de penser. L’avenir du PS n’est pas dans le socialisme, car le socialisme c’est le pouvoir ouvrier. Le Parti socialiste français est train de vivre une crise de son discours. Cette crise-là, la sociale démocratie allemande l’a vécue dans les années 50.


Atlantico : Un sondage CSA pour Atlantico montrait que les mots dits « de droite » tendaient à l’emporter dans l’opinion : est-ce toute la société qui se droitise ou est-ce plus compliqué que cela ?


YR: Le PS n’a jamais gagné les élections qu’à droite. Le premier président PS, François Mitterrand, était un réformiste, il ne croyait pas au discours de la gauche dont parle Taubira. Quant à François Hollande, il n’a aucune charpente idéologique, ce n’est pas un homme avec une réelle pensée politique. On est face à deux victoires, qui ne sont pas celles de la gauche du PS. Au fond, la gauche du PS n’a jamais gagné les élections.
Elle a pu gagner électoralement des départements, des circonscriptions mais elle n’a jamais remporté la présidentielle. Manuel Valls est lucide là-dessus, et c’est pour cela qu’il veut mettre le logiciel socialiste en relation avec le réel d’aujourd’hui.


Atlantico: Est-ce qu’en France la bataille idéologique a conduit à ce que les systèmes de signes de la droite soient plus puissants que les anciens systèmes de signes de la gauche ? Au fond, est-ce que le pays bascule à droite dans les esprits ?


YR : Il faut bien comprendre qu’à droite aussi, il y a plusieurs courants et ils n’ont ni le même logiciel ni le même système de signes. Ceux qui gagnent les élections à droite, les gagnent grâce à des systèmes de signes qui sont plutôt « bonapartiste-libéraux ». Le problème de la droite c’est qu’elle ne regarde pas son concurrent, elle n’observe pas sa façon de fonctionner.
C’est une énorme erreur de croire que des termes comme « sécurité », « immigration » sont des termes de droite. La droite défend les droits individuels et notamment ce droit à la sécurité, aujourd’hui elle gagne de ce côté-là. Mais il ne faut pas oublier que pendant la IVe République, c’était la gauche qui gagnait le marché de la sécurité !
La gauche radicale a imposé à la gauche réformiste de ne plus avoir le droit de parler de sécurité, c’est pour cela qu’on a le sentiment que ce sujet est un vocable de droite. En réalité il y a des déplacements de système de signes, c’est ce qui rend les choses complexes.
La grande différence c’est que la droite n’a pas besoin de se nourrir d’utopies. L’utopie est un problème de gauche, et ce sont ces utopies que Christiane Taubira ne veut pas abandonner. 
Si on entend comme être « de droite », le fait de ne plus avoir besoin d’utopies et de grandes idéologies, alors oui, l’opinion publique est à droite.


Atlantico: Cette bataille des mots est-elle totalement perdue par la gauche ?


YR: Oui, elle l’est réellement, car un logiciel doit s’appuyer sur du concret. 
Au début, le logiciel socialiste était fondé sur les ouvriers opprimés qui allaient prendre le pouvoir. Or cette population a baissé de façon quantitative et cette baisse va se poursuivre. 
Ensuite on est passé au pouvoir des travailleurs, qui a remplacé la notion d’ouvrier, sauf que cette notion est trop floue et qu’elle ne fonctionne pas. L’expression « travailleur » a été le cache-sexe d’une évolution sociologique profonde qui détruisait le logiciel socialiste du XIXe siècle.
Aujourd’hui le mot « travailleur » n’est plus utilisable, il ne s’adapte pas à la réalité. Jamais un jeune de 25 ans ne va se reconnaître dans une opposition entre les travailleurs et les non travailleurs, cela n’a plus de sens. Le logiciel socialiste est devenu flou et incohérent avec la vie concrète des populations.
Manuel Valls pense qu’il est temps de devenir pragmatique et il n’a pas d’autre solution face à ce logiciel cassé. Il veut un retour vers le réel sans utopie en essayant de conserver une différence avec la droite.
La grande différence avec la droite c’est que celle-ci n’a pas à devenir pragmatique. La problématique de la droite c’est de maintenir son cap, et d’essayer de construire un discours plus ferme, plus lucide, plus concret et structuré – car c’est ce que souhaite la population. Historiquement c’est cela sa force.
La force du FN, c’est qu’il part de la situation réelle, même si après ses solutions sont mauvaises. 
Le grand problème de Nicolas Sarkozy c’est qu’il n’a pas apporté pour le moment de réponse précise, et Alain Juppé est dans la volonté de contenter tout le monde. Les gens sont à la recherche d’un chef qui leur donne une direction claire sur leurs problèmes. La France est plus lucide qu’elle ne l’a jamais été.

Entretien Yves ROUCAUTE

Entretien dans Atlantico.

Question 1.
La ville de Copenhague a subi hier soir deux attentats perpétrés par un homme dont le modus-operandi et les intentions nous rappellent fortement ceux de Paris, il y a un mois. On peut se poser la question de la capacité de résistance des sociétés européennes face à ce type d’attaques terroristes de plus en plus fréquentes. A partir de combien de répétitions d’attentats, la stabilité politique de nos démocraties pourrait être menacée?

Ce terrible drame de Copenhague s’inscrit dans une stratégie qui vise à déstabiliser les démocraties en Europe. Une stratégie qui n’a pas besoin de centre opérationnel et qui vise à mobiliser le maximum de musulmans autour de l’islamisme et dàdéstabiliser les démocraties libérales en ruinant leurs fondements, voire en créant les conditions d’une guerre civile en Europe au nom de l’Islam assiégé, comme le prône Al-Sourri, qui est un théoricien qui influence l’Etat Islamique en Irak.
Force est de constater la montée du terrorisme islamiste depuis l’attentat de la rue Copernic qui a fait 4 morts juifs en 1980 ou celui de la rue des Rosiers en a fait 6, en 1982, organisé par Abou Nidal, qui était réfugié chez son ami Saddam Hussein. Avec la chute du mur de Berlin, la montée en puissance de cette menace n’a pas cessé dans le monde. Sur notre continent, certains attentats ont été particulièrement meurtriers, comme celui de Madrid, en 2004, qui fit 194 morts, ou celui de Londres en 2005 qui en fit 56 morts, d’autres l’ont été moins, mais, aujourd’hui, les Européens ont compris que cette menace augmentait et qu’ils devraient vivre avec longtemps.
Néanmoins, il ne faut pas oublier que ce ne sont pas les menaces qui causent l’effondrement des Cités mais bien l’incapacité morale de leur résister. La force des républiques libres tient dans la vertu civique des citoyens pensait Montesquieu. Une vertu favorisée ou diminuée par les élites dont le rôle devrait être d’assurer l’unité nationale et de préserver le premier des droits naturels, celui de la sécurité du corps. Sinon, leur légitimité et celle de l’Etat qui devrait seul détenir le monopole de la violence légitime, est remise en cause.
Or, le problème aujourd’hui tient précisément à l’aveuglement de certains dirigeants européens qui nourrissent, sans le savoir, la stratégie islamiste. Faute de saisir les enjeux, ils ne prennent pas les mesures d’urgence nécessaires en Europe. Songez que, sous l’influence des socialistes, des Verts et du centre gauche, le Parlement européen a même refusé la création d’un fichier européen des voyageurs aériens (dit « PNR), pourtant réalisé aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, au Canada et en Australie, qui ne sont pas des dictatures, faut-il le préciser… Même le F.N. qui ne comprend pas plus les jeux et enjeux, embourbé dans sa démagogie coutumière, s’est opposé à cette mesure de bon sens. Une mesure bien insuffisante par ailleurs. Ainsi, au lieu d’une vraie réflexion sur la politique à mener dans ce qui s’apparente à une guerre, on voit se multiplier les postures mondaines et politiciennes, jusqu’à interdire toute réflexion sur un « Patriot Act » à l’européenne.
Vous évoquez d’ailleurs le mode opérationnel des terroristes, mais est-on certain d’en bien comprendre le sens ? Le processus en œuvre est celui de tous les révolutionnaires : « action-répression-mobilisation-action ».
Pour cela, ils choisissent d’abord leurs cibles : caricaturistes de Mahomet et juifs, jugés ennemis de lslam, les uns pour leur action, celle de dessiner, les autres pour leur naissance. Ce choix est tactiquement efficace. Il conduit à élargir leur popularité au-delà des cercles groupusculaires terroristes, vers les fondamentalistes qui partagent leur point de vue : interdiction de la liberté d’expression, extermination des Juifs. Et, plus encore, il permet de neutraliser nombre de musulmans qui, sans approuver l’acte terroriste, ont eu parfois comme réaction de renvoyer criminels et victimes dos à dos en raison des caricatures.
Ensuite, la répression. Il est important pour ces terroristes de montrer que les Etats des démocraties libérales sont « complices » des caricaturistes et des juifs, qu’il les protège au lieu de protéger le droit de croyance. « Je suis Charlie » fut à cet égard une véritable aubaine pour les terroristes qui ne pouvaient imaginer personnel politique plus niais, gauche et droite réunies dans une Union sacrée de démagogues irresponsables. Qu’est la France ? « Je suis Charlie » répondirent les élites. Tant pis pour les millions de musulmans français amoureux de la démocratie, rejetés pour avoir cru que l’Etat était au dessus des factions. L’Etat français n’était plus l’Etat de droit qui autorise l’usage de la liberté d’expression jusqu’à la caricature (de Mahomet mais aussi du Christ, de Bouddha et de toute figure symbolique…), il s’identifiait au point de vue particulier des caricaturistes. Et dans toutes l’Europe, on vit ainsi des élites maladroites tomber dans la trappe de « Je suis Charlie » avec ces mêmes conséquences : des musulmans applaudissant l’ignominie, d’autres doutant, tous ayant le sentiment d’être exclus. Cela, tandis que nos amis musulmans, du Roi du Maroc au gouvernement égyptien se trouvaient bien marris devant un tel aveuglement.
Répression, donc mobilisation, tel est le troisième terme. Les manifestations en dehors de l’Union européenne ne purent laisser de doutes quant au sentiment profond de bien des Européens musulmans. L’absence massive des musulmans autour de « Je suis Charlie » en France en fut une preuve supplémentaire, tout comme bien des réactions dans les quartiers dits « sensibles » et jusque dans certaines écoles. Le recrutement d’islamistes, sinon de terroristes, dans toute l’Europe, avait bien été ouvert.
Mobilisation donc action : telle est bien la dynamique voulue. Hier Paris, aujourd’hui Copenhague, demain ce peut être n’importe où. Avec, à chaque fois, la volonté d’augmenter le cercle des sympathisants et d’attiser la haine dans la société civile, ouvrant libre cours à la violence intercommunautaire. Ainsi, les terroristes gagner leur pari. Musulmans contre juifs et chrétiens, car ceux qui sont attaqués voudront se défendre. Et l’engrenage de la haine fera le reste.
Les démocraties européennes sont-elles désarmées face à une telle stratégie ?
Je n’en crois rien. Pour la plupart, elles sont même fortement armées, car moralement armées. Cela en raison de l’histoire, en particulier de l’histoire spirituelle, celle du christianisme d’où sont nées ces nations européennes rassemblées autour de valeurs universelles. Tant que ces valeurs tiendront, les sociétés tiendront l’engrenage de la haine à distance.
La clef de cette réaction se trouve d’ailleurs paradoxalement dans le soutien de tous, musulmans compris, à la communauté juive.
Il n’est pas innocent qu’elle soit la victime systématique de ces attentats. Car en la visant, c’est le cœur et le socle de la civilisation européenne que visent les terroristes. Eux savent que les valeurs universelles entrées dans les mœurs des Européens, sont judéo-chrétiennes. Et que ces valeurs interdisent leur projet liberticide, la charia, leur rapport aux femmes, aux enfants, aux autres cultures. Car il faut avoir la docte ignorance de certains athées pour ignorer que la laïcité elle-même vient de cette séparation évangélique entre ce qui appartient à Dieu et ce qui appartient à César et que leur liberté d’expression, voire leur droit à l’insolence, est l’expression du droit naturel qui est né dans ce creuset judéo-chrétien, dans cette civilisation qui place les droits naturels et la dignité humaine au centre des cités, jusqu’à organiser leur protection par des conseils constitutionnels ou des cours suprêmes.
Les terroristes veulent l’extermination des Juifs, comme Hitler, qui voulait fonder une nouvelle civilisation, la voulait aussi. Elle est la condition de leur ordre totalitaire pour extirper de la planète ceux qui portent dans leur histoire et leur chair cette loi d’humanité qui dit que tout n’est pas possible, qu’il y a de la loi et que le respect de l’autre est au commencement de la moralité.
C’est pourquoi « Je suis Charlie » est plus qu’une erreur, une défaite stratégique.
Il faut réunir toutes les composantes des nations européennes, musulmans et juifs unis, autour des valeurs universelles. Une nécessité pour résister à la haine. Avec ces valeurs, à la façon du peuple britannique durant la guerre, il est possible de résister à toutes les vagues des forces du mal. Sans ces valeurs, la défaite est assurée au prochain coup de feu.

Question 2
2.Parmi les différents pays occidentaux susceptibles d’être attaqués, y a-t-il une différence dans le nombre de « coups » qui peuvent être encaissés ? Quel est le degré de résistance de la France, notamment ?

Oui, certains pays sont mieux armés en raison de leur histoire, de leur composition sociale, de leur puissance morale et parce qu’ils ont une élite qui assume ses fonctions de protection du droit naturel à la sécurité sans craindre les foudres démagogiques et les jeux partisans.
Ainsi le Royaume Uni a vu, depuis 2005, l’ensemble des composantes politiques s’accorder sur le « Prevention of terrorism Act » qui permet au ministre de l’Intérieur de promulguer des ordonnances de contrôle sur les suspects, y compris non citoyens. Ce qui signifie des possibilités de sanctionner par des mesures de prisons fermes l’entraînement ka préparation mais aussi l’encouragement au terrorisme avec des registres de surveillance, des prélèvements d’empreinte, contrôles aux frontières. Et si l’opposition a tenu à ce que les nouveaux projets du gouvernement de priver les djihadistes de passeport voire de les bannir du territoire soient contrôlés par la justice, le principe n’est pas mis en cause. Non plus que la coopération renforcée avec les services de renseignements des Etats-Unis.
Dira-t-on qu’il s’agit d’une veille nation ? En Allemagne, la structure de la sécurité a été transformée depuis 2001 par la conjonction des Länders et de l’Etat fédéral et un centre spécifique de défense commun contre le terrorisme a été créé. Ecoutes et surveillances, des flux financiers, des banques, des entreprises de télécommunication, des compagnies aériennes, de l’Office fédéral pour la migration et même des informations médicales sont acceptées depuis la Loi de lutte contre le terrorisme de 2002, et cela vaut pour les non-citoyens. Non seulement l’acte terroriste, sous toutes ses formes est poursuivi, mais, depuis 2003, l’intention de le commettre aussi, et au même titre. Et, depuis 2007, dans un large consensus national, il est possible d’écouter les conversations, de les brouiller, tandis que depuis l’an dernier la propagande islamiste, étalage de signes inclus, est un délit sévèrement réprimé, y compris dans les communications privées.
Durant le même temps, la France est devenue moralement faible, incapable de prendre des mesures. L’extrême-gauche et les théoriciens postmodernes ont développé pendant des années une culture de haine antisémite sous le couvert du soutien aux Palestiniens et une culture de rejet de l’assimilation sous prétexte du « droit à la différence ». Une culture qui a nourri les djihadistes qui ont trouvé dans les fantasmes gauchistes la justification des assassinats juifs et de leur rejet de la France, ignorant même qu’il y a des palestiniens chrétiens, athées, juifs, qu’ils sont arrivés au XIXème siècle en « Palestine », que nombreux vivent en Jordanie (qui refuse le terme de Palestiniens) et que plus nombreux encore sont ceux qui cherchent simplement à vivre en paix.
Les socialistes, au lieu d’affronter cette extrême-gauche, comme le fit naguère la social-démocratie conduite par Guy Mollet, s’allia avec elle. Et elle repris sont laxisme moral. Quant à la droite républicaine, qui n’a plus aucune charpente idéologique depuis la disparition de Pompidou, elle a préféré courir après la gauche, croyant que l’air du temps serait aussi celui des urnes. Ainsi furent abolies la plupart des règles de l’assimilation. Et abandonnées les classes populaires qui devaient affronter seules, sans le soutien de l’Etat, des mœurs et des revendications qui, dans la quotidienneté, heurtaient leur mode de vie, pourtant généreux.
Certes, la France a produit 14 lois qui tentent d’arrêter le terrorisme, jusqu’à inventer un délit d’entreprise terroriste individuelle, mais elle se trouve incapable de propulser un Patriot Act sur son territoire et en Europe. Plus encore, mal dirigé, le pays n’a pu, malgré l’épisode fort de rassemblement lors du dernier crime terroriste, créer les conditions d’un vrai rassemblement national autour de « Je suis Français », au lieu de sombrer dans le piège de « Je suis Charlie ».
Dés lors, ce pays qui accueille le plus de musulmans dans l’Union européenne, risque de voir rapidement grandir l’esprit communautaire au lieu de l’esprit patriotique, avec les risques de dérive vers la violence prétendument « identitaire » au lieu de la violence républicaine tournée contre les islamistes.

Question 3
3.De par leur Histoire faite de violences, parfois extrêmes, les sociétés européennes possèdent une certaine « résilience » face à cette violence. Par peur de retomber dedans, les élites ont du mal à réagir au phénomène. Sommes-nous finalement désarmées face à ces attaques ?

Les histoires de toutes les nations sont faites de violences, et pas seulement de l’Europe. Et depuis le néolithique, tous les continents se sont ouverts de cimetières dus à la haine humaine. La différence tient plutôt aux moyens utilisés dans les guerres. La modernisation, née dans les facultés européennes sous l’influence du christianisme, a permis aux haines des massacres et des charniers de masse plus rapides. Mais songez à la disparition totale de la terrible civilisation Maya, qui se détruisit seule, à l’esclavage transsaharien organisé par les arabes dont il ne reste aucun survivant, aux conflits entre Turcs, arabes et perses(iraniens), aux guerres entre Japon et Corée…
Mais, je crois que nul ne s’habitue jamais à vivre dans la hantise d’être massacré. Surtout lorsque les civilisations mettent en avant la valeur de la vie humaine. Ce qui est le cas des civilisations européennes. L’histoire montre que les populations qui ont une telle crainte préfèrent se battre, si elles ont une chance de l’emporter, ou de fuir. Parfois même, songeons au Ghetto de Varsovie, les populations préfèrent mourir dans l’honneur quand bien même elles n’ont pas l’espoir de survivre.
Ce sont ces valeurs qui couvrent l’Europe qui expliquent la résilience : une volonté de se battre pour la liberté, jusqu’au bout, quand bien même la bataille paraît perdue. Songeons à Charles de Gaulle. Et la victoire finale.
Le véritable armement est moral et le désarmement aussi.
Chaque nation européenne, au fond d’elle-même, dans sa diversité, est forte des mêmes valeurs universelles. Ces valeurs sont encrées dans le sol, ce qui les rend plus fortes encore, car elles sont appuyées sur une histoire propre et des valeurs particulières. Il revient donc aux élites politiques républicaines d’assurer les citoyens de leur détermination à prendre les mesures pour assurer l’identité nationale autour de leurs valeurs. Et de rappeler que si un invité vient dîner chez un ami, il respecte le mode de vie de ses hôtes. Un individu qui arrive au Danemark, doit accepter les règles de vie de ce pays. Il en va de même dans le monde entier.
Par exemple, en France, première nation civique du monde, chacun est libre de la religion de son choix, mais seulement à partir du moment où elle ne viole pas les valeurs universelles de sa civilisation. Ceux qui refusent l’égalité entre hommes et femmes, qui violentent les femmes, qui les forcent à porter un voile intégral, qui décident de la mort pour apostasie de celui qui change de religion, qui pratiquent l’ablation du clitoris, qui refusent d’envoyer les enfants à l’école et bien d’autres pratiques que certains pays acceptent, doivent être sanctionnés sans aucun « droit à la différence ». Le droit à la différence passe derrière le droit à la déférence devant les valeurs de la nation. La véritable faiblesse de la France tient dans ces années de laxisme qui l’ont désarmée. Et il appartient de la réarmer.
D’où le Patriot Act. Je le dis sans détour : le Patriot Act à l’européenne est absolument indispensable. Il fait partie du réarmement moral.
Rappelons ce qu’est le Patriot Act et comment il pourrait être adapté. D’abord, il s’agissait pour Georges W. Bush de casser cette séparation et cette concurrence absurde entre le renseignement extérieur, en particulier la CIA, et le renseignement intérieur, en particulier le FBI. Une séparation qui avait conduit à sous-estimer les menaces par faute de coordination. Ne serait-il pas tant, au niveau européen, de fédérer l’ensemble des services, autant que possible, extérieurs et intérieurs des Etats ? Ou va-t-on encore découvrir après un nouveau massacre que les terroristes qui sévissent sur notre territoire sont connus des services de nos alliés ?
Le Patriot Act permet ensuite de régler une grande question : comment traiter des gens pris les armes à la main en Afghanistan, alors qu’ils ne sot pas citoyens américains et ont commis leurs actes en dehors du territoire ? Cette réalité fait qu’ils ne peuvent en aucun cas être jugés par une juridiction américaine qui devrait se juger incompétente et donc relaxer les prévenus. Et il faut tout l’anti-américanisme primaire de certains pour croire que ceux qui ont été appréhendés armés par les alliés, Français compris, et qui sont appelés « combattant illégaux » sont innocents. Et plus encore, ajouter la plus sotte des argumentations en prétendant qu’ils devraient être libérés puisqu’ils ne peuvent être jugés, sinon par l’armée. Dans quel conflit libère-t-on, avant la fin, les soldats pris ? Churchill était-il un monstre d’avoir envoyé au Canda de 1940 à 1946 les 35 000 soldats allemands pris par l’armée britannique ? Fallait-il les redonner à Hitler sous prétexte qu’ils n’étaient pas jugés ? Et fallait-il juger chacun des prisonniers allemands en 1945 sous peine de devoir les relâcher ? 400 000 pour le seul Royaume Uni ?
Clairement, le Patriot Act européen doit peser le statut de ces djihadistes qui rentrent en Europe. Ce sont bien des « combattants illégaux ». Et les remettre dans la nature revient à leur permettre d’assassiner. D’ailleurs Barack Obama qui avait promis de fermer Guantanamo n’en a évidement rien fait : sa démagogie s’arrêta devant le fait de devoir rendre des comptes si ces fanatiques sortaient et tuaient. Et par rejet idéologique, au lieu de prendre au sérieux les raisons du Patriot Act, le gouvernement français est coupable de n’avoir pas assuré la sécurité. Ce sont des combattants et, à moins de s’assurer de leur contrôle, tout djihadiste doit être gardé en détention dans des centres de haute sécurité européens spécialisés.
Et finalement, le Patriot Act contraint toute entreprise à fournir des renseignements d’information sur des activités terroristes suspectes. Ce que l’Allemagne ou le Royaume Uni ont imposé de leur côté. Et si, avec l’agence NSA, les Etats-Unis ont développé un système de renseignement sophistiqué pour pister le terrorisme, doit-on le leur reprocher, ou bien plutôt se lamenter de l’incapacité de l’Union européenne, de se doter de telles armes ?
Le seul reproche fait par une myriade d’ignorants et d’idéologues serait que le Patriot Act permettrait de torturer et serait sans contrôle. En vérité, la torture est évidemment interdite aux Etats-Unis. Et, comme le montre le procès de la prison d’Abu Ghraib, ceux qui s’y livreraient seraient condamnés à de lourdes peines d’emprisonnement. Quant au contrôle, les interventions, en particulier les demandes d’écoute, sont bel et bien sous la responsabilité d’une Cour de 11 juges (F.I.S.C.), et celui qui la préside est nommé par le Président de la Cour suprême des Etats-Unis.
La question pour l’Union européenne n’est donc pas de rejeter un Patriot Act mais bien de l’organiser avec les contrôles juridiques nécessaires pour préserver de débordements inquisitoriaux la recherche de la sécurité.

Question 4.
4.Ces tensions interrogent nos rapports avec l’islam radical, et les religions en général. En France, les élites insistent beaucoup sur « l’islamophobie », certes réelle, mais les faits recensés sont finalement peu nombreux. Nos propres tabous nous empêchent-ils de riposter efficacement ?

L’islamophobie est parfois une réalité, parfois un effet de rhétorique démagogique pour s’attirer des voix et les bonnes grâces d’une intelligentzia de gauche dont la misère de la pensée n’est plus à décrire.
Quand elle est une réalité, c’est une ignominie. Le droit de croire est un droit naturel. Avec cette limite, répétons-le, du respect de la dignité humaine. Et cette limite vaut pour toutes les spiritualités
J’ajoute que la morale rejoint l’intérêt bien compris.
Permettez moi un souvenir. A la différence d’un philosophe français qui parle beaucoup mais vit surtout dans le simulacre, j’étais vraiment ami avec le commandant Massoud, qui était né la même année que moi ce qui nous faisait sourire. J’étais ami au point d’avoir été invité à fêter la victoire avec l’Alliance du nord à Kaboul où je suis arrivé avant les troupes US et cela alors que, vous le savez, Massoud a été tué avant les terribles événements du 11 septembre. Qui était le mieux armé pour détruire les talibans ? Le musulman Massoud. Et je dois à deux pilotes musulmans de m’avoir sauvé la vie, cette vie qu’ils aimaient tant.
Les musulmans sont les premiers touchés par le terrorisme. Et les musulmans démocrates sont toujours des cibles prioritaires. Voilà le vrai. Ceux qui prétendent vouloir en finir avec les 6 millions de musulmans français et le 1,5 milliard de musulmans dans le monde sont inaptes à gouverner des nations, mais seulement à les conduire à la ruine. C’est exactement le contraire qu’il faut faire : nous allier avec ces musulmans qui, du Maroc à l’Indonésie croient, à leur façon, en l’humanité de l’humain. Et qui sont plus aptes que nous encore à traquer ces êtres mauvais qui veulent détruire la vie.

Question 5
5. Selon vous, à partir de quand les populations européennes pourraient se sentir tellement en insécurité qu’elles réagiraient sur un plan politique?

A partir du moment où les élites politiques n’assureraient pas leur responsabilité face à une recrudescence des attentats. Mais elles seraient alors remplacées par le jeu électoral.
Dans l’hypothèse, à laquelle je ne crois pas, où les partis politiques ne pourraient mettre en place une politique garantissant le premier droit naturel, et où ils ne seraient pourtant pas balayés par un jeu parti, alors il y aurait en effet constitution de groupes paramilitaires. Et le pays, voire l’Europe, plongerait dans cette dynamique recherchée par les terroristes, de chasse communautaire pour se défendre. Mais le sentiment humanitaire ancré dans nombre de consciences devrait interdire ce genre de dérive haineuse. Nul ne peut penser arrêter la haine par la haine. C’est aussi cela l’enseignement de 14-18 et de l’odieux Traité de Versailles.
Pour arrêter la haine, il faut parfois montrer sa force, et cela avec détermination, parce que, comme le disait Saint Augustin, si « les méchant font la guerre aux justes par désir, les justes font la guerre aux méchants, par devoir ». Par devoir, donc sans cruauté, sans abandonner ses valeurs, sans haine, dans un souci de paix durable qui ne peut, finalement, la victoire acquise, être fondée que sur la compréhension mutuelle, le pardon et le don sans contre don.

« Je suis Charlie » : une défaite stratégique pour la France

new-york-statue-liberte-face-big“Je suis Charlie” : une défaite stratégique pour la France

 


« Le triomphe des démagogies est passager mais les ruines sont éternelles » disait Charles Péguy. Sans doute, la France meurtrie a-t-elle besoin de rêver d’union nationale. Sans doute encore, les mots « laïcité », « république », « liberté, « fraternité », et bien d’autres, réchauffent-ils le cœur de ceux qui, par générosité, veulent croire en l’effectivité de leurs valeurs. Sans doute enfin, à l’opposé de cet esprit de Munich qui gangrène si souvent les esprits, faut-il saluer une France qui déclare la guerre à la guerre, jusqu’à descendre dans la rue malgré la menace de mort.

Hélas, trois fois hélas, « Je suis Charlie » assure seulement la France d’une défaite certaine, morale, politique et militaire. Et l’histoire retiendra que la cause en fut l’aveuglement démagogique de ses élites. En France, « Je suis Charlie » est possible, voilà le droit à la liberté. Mais la France ne doit pas être Charlie, voilà le point de vue de la responsabilité.

Union nationale avec et autour de« Je suis Charlie » ? Pour aucun esprit lucide, cela ne se peut. 45 000 manifestants à Marseille, 300 000 à Lyon lors des fameuses manifestations dominicales. Les quartiers nord ne sont pas descendus. Une exception ? La règle. Les mondes musulmans, car la pluralité s’impose, ne se sont pas mobilisés. Et certains twitts et comportements en disent plus long que les proclamations lénifiantes et quelques reportages qui tentèrent de masquer la France faillée. Ils ne voulaient pas être Charlie : voilà le fait. Et s’il fallait choisir son camp, certains, écoliers compris, étaient prêts à ne pas choisir le bon : voilà le drame. Suivre le mouvement, en laissant, à gauche comme à droite, se construire l’identification de l’Etat et de Charlie : voilà l’errance.

« Je suis Charlie » exclut les musulmans. Evidemment. Tolérer critiques, caricatures, excès même, l’immense majorité des nés musulmans, dont nombre ne sont guère croyants, y consent. Mais respecter la liberté d’expression, annihile-t-il le droit d’être en opposition avec son contenu ? Face à la représentation de leur prophète, qui, pour nombre d’entre eux, est un blasphème, sont-ils tenus d’applaudir les caricatures, de manifester derrière « je suis Charlie », d’abandonner leur droit naturel à la liberté de croyance ? Fallait-il pousser la démagogie jusqu’à renouer avec le communautarisme en exigeant ou organisant la solidarité des « musulmans de France » derrière « Charlie », ignorant que le sunnisme, majoritaire, n’a aucune centralité ni aucune verticalité, et que les islamistes ne fréquenteront pas plus demain qu’aujourd’hui les mosquées dirigées par des imams « vendus » à la France ?

En cette période d’émotion et de course aux sondages, l’intelligence semble avoir oublié cette leçon de l’histoire de l’humanité : la non reconnaissance de soi est le chemin de la haine. Avec « Je suis Charlie », la voie est ouverte aux islamistes pour recruter les esprits les plus fragiles dans les quartiers « sensibles », prétextant le mépris de la France envers l’Islam.

Plus grave encore. Par cette identification de l’Etat français avec Charlie, le gouvernement socialiste et cette cohorte d’irresponsables de tous bords qui lui a emboîté le pas, a affaibli, voire isolé, les gouvernements musulmans alliés et permis aux terroristes de se présenter comme les défenseurs de la liberté de croyance dans le monde entier. Imagine-t-on le roi du Maroc, Commandeur des Croyants, afficher son soutien à l’Etat de « Je suis Charlie » ? Imagine-t-on les généraux égyptiens qui ont tant de difficultés à tenir leur pays en dehors de la haine, alimenter les forces qui veulent les détruire ? Pour gagner la guerre, du Sahel à l’Irak, via les armes et le renseignement, le France peut-elle se passer du soutien de l’Arabie Saoudite, de la Turquie, du Pakistan et de bien d’autres encore?

Ce qui manque ? A la place des petits calculs démagogiques, une claire vision stratégique. Et d’abord, selon la grande leçon de Démosthène, celle de l’ « ennemi ». Il n’est pas le « barbare », dénomination vague digne d’une pensée plus vague encore, qui désigne une population étrangère, peu développée, qui menace un mode de vie, comme le pensaient les Grecs de l’antiquité. L’ennemi n’est pas non plus l’esprit dictatorial qui viserait notre liberté d’expression.

L’ennemi principal s’appelle « islamisme radical ». Un ennemi qui ne songe pas seulement à persécuter la liberté d’expression mais qui a un projet totalitaire : l’asservissement des populations. Un projet non seulement pour la France mais pour la planète. Et cette claire définition de l’ennemi principal appelle à renvoyer aux jardins d’enfants ceux qui prétendent refuser les alliances nécessaires pour gagner la guerre. allant jusqu’à prétendre combattre Poutine ou nos amis qataris, sous prétexte de liberté d’expression, quand Winston Churchill s’était allié à Staline pour abattre Hitler et Ronald Reagan aux islamistes pour abattre l’URSS.

Plus terrible moralement : cette irresponsabilité des sommets de l’Etat se conjugue avec la pire des dénégations françaises depuis la Libération. Car, il n’est pas vrai que l’assassinat des journalistes et policiers soit du même ordre que celui des quatre Français juifs. Et immoral qu’il puisse être englobé dans un « Je suis Charlie » qui ne hiérarchise pas l’abjection.
Devenir journaliste pour assurer la liberté d’expression et d’information, policier pour préserver la sécurité et le jeu des libertés, caricaturiste jusque dans les joyeux dessins de la provocation libertaire qui est l’un des charmes de la France, tout cela tient à un choix de vie.

Nos concitoyens juifs ont été tués non pour leur dire, leur faire, leurs idées, mais pour leur être, leur apparaître, leur exister. Derrière l’assassinat, le crime contre l’humanité, derrière ce crime, l’ombre de la Shoah. Cette ombre niée par « Je suis Charlie » qui met tout dans le même sac à malices. Et, en persistant dans l’amalgame, se lit la dénégation d’un pouvoir trop influencé par une extrême-gauche prétendue « pro-palestinienne », alimente la haine antisémite depuis des décennies.

Ainsi, est déniée la nature de la menace islamiste à laquelle veut échapper le monde juif, quitte à devoir quitter le pays.

Faute de voir l’ennemi, le chantier de fourmis de la guerre culturelle contre l’islamisme pour ré-enchanter l’univers patriotique ne peut être ouvert.

Les petits calculs sont de retour. Le Premier ministre, croyant marquer des points, pour rassurer sa gauche, n’hésite pas à dénoncer « l’apartheid » organisé contre les immigrés. La France serait-elle l’Afrique du sud de naguère ? Oublie-t-il qu’il gouverne, que son parti a gouverné, et qu’il justifie ainsi en retour les violences qu’il prétend combattre ? Car, s’il y a apartheid, alors faire parler la poudre peut être légitime. Par ce prétendu « apartheid » il ouvre la boîte de Pandore de l’islamisme radical. Hier déjà, pour satisfaire cette extrême-gauche, il avait écarté le Front national au nom de l’héritage « Charlie». Au lieu de conduire ce parti à manifester dans l’union, ruinant la diatribe « anti UMPS », son gouvernement a alimenté la posture d’exclu et de victime du F.N. qui, en retour, fait signe aux exclus sociaux dans un processus de ressemblance-identification-mystification particulièrement fort dans les classes populaires et la jeunesse.

Symptomatiques de cette gouvernance démagogique où plaire est le premier souci et la navigation à vue l’art de la politique : les appels à plus de police, de lois, de contrôle tout comme la prétention pathétique de vouloir enseigner les grandes spiritualités. Si l’Islam est enseigné, pourquoi pas le bouddhisme, l’hindouisme, le confucianisme, le taoïsme, le shintoïsme le luthérianisme, le calvinisme…? Et si guerre il y a, au lieu de mesures sans efficace, ne faut-il pas repenser l’organisation de la sécurité publique, ses relations avec les entreprises privées, développer les partenariats internationaux, renouer les liens au Moyen-Orient, frapper les ennemis à l’intérieur comme à l’extérieur, adopter une législation qui permette de mettre hors d’état de nuire ceux qui nous font la guerre ?

Entre le refus de toute législation patriotique d’un côté, de l’autre, l’absence de réflexion sur les causes profondes qui ont conduit au désarroi moral, la confusion finale est au bout avec l’incapacité de mobiliser les patriotes de toutes origines autour des valeurs universelles de la France, de son mode de vie sucré et de la recherche de sa puissance. La bataille de France ? Il faut la mener, avec tous nos alliés, des Etats-Unis au Japon, tous menacés. Et il faut d’abord la mener en France. Au lieu de « Charlie » qui divise, choisissons Charles de Gaulle. Pour gagner la guerre, il savait la nécessité de construire « l’unité de la France déchirée ».

 

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Entretien dans Valeurs Actuelles

 

Entretien avec Yves Roucaute, fondateur de Contemporary Bookstore, une maison d’édition numérique française.

 

V.A. « Vous venez de créer Contemporary Boosktore qui engage une révolution dans l’édition. Vous délaissez complètement l’édition papier au profit du numérique. Vous vendez à des prix plus bas que les éditeurs traditionnels. Vous donnez 70% de droits aux auteurs et ceux-ci choisissent leurs prix de vente. Est-ce une déclaration de guerre aux éditeurs traditionnels ou aux diffuseurs comme Amazon ? »
Y .R. : Nous sommes une jeune entreprise internationale portée par un groupe d’écrivains, journalistes, universitaires, experts en technologies, déterminé à faire entrer l’édition dans le monde numérique. Mais nous voulons la faire entrer par la porte éthique. Dans le nouveau monde, la richesse se trouve dans la création et donc le respect des créateurs s’impose. Romans, cours universitaires, contes, ouvrages philosophiques, scientifiques, historiques, théologiques, nous avons pris l’engagement de diffuser les créations au niveau international et de contribuer au développement par la distribution gratuite des savoirs aux populations démunies, en particulier en Afrique. Une morale qui ne s’oppose pas à l’intérêt.
Nous pensons, en effet, que le métier de l’édition imprimée et celui de l’édition numérique ne sont pas les mêmes. Ils peuvent cohabiter, nous avons même des accords avec des éditeurs traditionnels, mais ils diffèrent sensiblement. Nous donnons 70%, sauf pour les travaux universitaires, car si certaines pratiques étaient peut-être légitimes quand le livre était du livre-papier, les coûts et les risques du numérique n’ont rien à voir avec ceux du papier. Donner 12%, 10%, 5% voire rien pour les œuvres numériques, nous a paru contestable. Et pour résister à la vague qui les emporte inexorablement, car le monde de Gutenberg est moribond, certains éditeurs feignent même de détenir les droits numériques de livres qu’ils n’ont pas. Car la plupart des contrats d’avant 2011 en France sont caduques en raison de l’évolution de la loi et des accords-cadres. Les contrats qui ne mentionnent pas expressément le prix du livre numérique, ses conditions de vente, le temps de validité du contrat n’ont aucune valeur juridique. Ce qui fait que 95% des auteurs ne sont pas sous contrat numérique.
Du côté des grands diffuseurs numériques, des marketplaces, nous comprenons mal que la loi anti-dumping ne s’applique pas. Car la numérisation a un coût et à Contemporary Bookstore nous constatons que les livres ne se numérisent pas tout seul. Or, certains diffusent gratuitement des ouvrages numériques ou les proposent à perte pour occuper le marché, tuer la concurrence et vendre d’autres produits. C’est en effet le cas d’Amazon. Et nous sommes aussi étonnés de voir Amazon vendre des ouvrages à partir de droits qu’elle n’a pas, sans même demander l’autorisation aux auteurs. Tout cela ne vaut pas que pour la France.
Certes, certains éditeurs se sont entendus avec certaines firmes comme Amazon pour maintenir leurs marges. Mais l’addition de deux entreprises qui violent les droits numériques et méprisent les créateurs ne fait pas une règle de droit. Et, moins encore, une règle morale.
Nous croyons, pour notre part, que le temps où les conditions de publication et le prix des ouvrages ne se négociaient pas avec les auteurs est révolu. Cette vision verticale du management n’est pas la nôtre. Les auteurs décident de la numérisation, de la forme du livre et du prix avec nous.
VA. « Vous êtes écrivain et philosophe, votre projet éthique ne va-t-il pas contre votre projet industriel ? N’aurez-vous pas besoin d’ouvrir votre capital ou de chercher des aides pour assurer le développement ? »
Y .R. : Tout est possible. Mais nous sommes sur un projet rentable et éthique auquel nous croyons. Nous y croyons au point d’avoir décidé que les fondateurs ne seraient pas rémunérés. Et au point, par exemple pour moi, de publier sur Contemporary Bookstore mes trois derniers livres, mon opuscule sur les Origines chrétiennes de la démocratie libérale en Europe et mes deux livres sur l’Histoire de la philosophie politique du néolithique à la fin du Moyen-Âge. Ce qui s’ajoute à la publication numérique de l’Eloge du mode de vie à la française. D’autres actionnaires, tels Ivan Rioufol ou Jean-Jacques Roche ont fait un choix similaire ainsi que les amis qui nous ont rejoint dés le départ en France, tels André Nahum, Michel Fromaget, Manuel Cordouan, Jacobo Machover, Jean-Louis Nacef Nakbi et bien d’autres. Ils ne craignent pas de se balader entre Arsène Lupin et Sherlock Holmes.
Malgré ou grâce à notre éthique, nous vendons quand même nos livres numériques sensiblement moins chers que les autres, sauf quand il y a du dumping. Bientôt, nous vendrons d’autres produits, telles que les liseuses ou les tablettes. Et nous avons une perspective de rentabilité très forte à l’horizon de trois ans.
Et nous n’acceptons de partenaires que parmi ceux qui savent que pour Contemporary Bookstore la diffusion mondiale des savoirs est un devoir naturel. C’est, selon nous, la meilleure aide pour contribuer au développement durable de l’humanité. Car la solution pour soulager durablement les souffrances est de distribuer les savoirs, en direction plus particulièrement des enfants, des micro-entrepreneurs et des collectivités territoriales. Défendre la création, la diffuser, aider les plus démunis : c’est notre morale et c’est notre concept. Et nous pensons que la morale rejoint l’intérêt particulier et, celui-ci, l’intérêt général, comme le pensait John Locke. À l’inverse, en appauvrissant le créateur, non seulement on freine son énergie mais le développement de l’humanité
V.A. « Quelles sont vos perspectives de développement ? »
Y .R. : Le développement dépendra de nos résultats d’exploitation, de nos partenariats et du marché corrélé au développement technologique.
À l’horizon de 3 ans, nous avons en vue les marchés dans huit langues. Cela représente plus d’un milliard de clients potentiels. Nous voulons faire entrer les œuvres, sous toutes leurs formes, dans l’ère numérique. Et vendre aussi, bientôt, des produits à forte valeur ajoutée, des cours en ligne aux liseuses et tablettes.
En ce qui concerne le marché visé, nous avons fait au départ le choix du marché anglophone et francophone, et, à présent, du marché hispanophone. L’explosion de la seule vente des livres numériques aux Etats-Unis est une indication certaine que nous sommes sur les bons rails. Le potentiel est immense. Et nous sommes engagés dans ces négociations avec des partenaires en Chine et en Afrique de l’Ouest.
Pour cela, nous allons dans deux directions. D’abord vers l’appropriation des avancées technologiques pour une capacité de diffusion nomade et mondiale efficace. Nous avons privilégié, dans la première étape, la production de livres numériques et les zones de langue anglaise, française, avec l’ouverture, depuis quelques jours, à l’espagnol. Mais nous avons besoin d’aller beaucoup plus loin dans l’utilisation des technologies nouvelles pour le e-learning, par exemple, et nous sommes en train de construire des partenariats pour assurer une dynamique numérique avec ses réseaux d’interactions.
Nous allons aussi vers des partenariats pour les traductions et la diffusion car de nombreuses œuvres sont accessibles seulement dans certaines langues, dites « rares », sous une forme passive et sur certaines zones géographiques couvertes par l’internet. Nous allons trouver des accords pour mettre les œuvres à la disposition du plus grand nombre.
VA. « Quelles sont les difficultés rencontrées et votre perspective de rentabilité face à la concurrence ? »
Y .R. : Si le marché est immense et en expansion, avec le développement technologique qui amène de nouveaux clients, environ un tiers des ventes aux Etats-Unis de livres passent par le numérique, la première difficulté vient de ce que ce marché est aussi logiquement de plus en plus concurrentiel. Or, le pari sur la qualité de nos produits ralentit le développement de notre exposition face à une concurrence qui n’a pas toujours le même souci. Ainsi, nous avons une centaine de livres en attente de diffusion plutôt que de les offrir précipitamment à la vente sous les différents formats.
Mais, ce choix présente néanmoins un avantage. Il rassure les auteurs sur la qualité et la pérennité de leurs œuvres, pour leurs enfants par exemple. Et nous leur donnons aussi la possibilité d’améliorer leur travail après publication et pas seulement avant, ce qui permet une offre qui s’adapte mieux à leurs désirs et, aussi, aux demandes. Cette qualité et cette souplesse que nous offrons déjà aujourd’hui n’a pas d’équivalent.
Il existe des difficultés propres aux technologies. Nous avons sécurisé nos produits sous la direction de l’un de nos actionnaires, Michel Riguidel, inventeur du tatouage. Mais cela reste évidemment toujours à recommencer. Nous testons aussi des produits pour le projet d’éducation-Afrique. La mise en place du e-learning présente en effet des difficultés, d’où la réflexion sur les partenariats. Nous pensons néanmoins parvenir rapidement à une solution, ne serait-ce que parce que les cœurs de métier du e-learning sont aussi ceux d’une partie de l’actionnariat.
Il y a des difficultés plus conjoncturelles. Nous nous heurtons non seulement au dumping mais, dans certaines zones, à certains problèmes sur la question des droits. Dans le monde anglo-saxon mais aussi parfois dans les pays hispanophones, le jeu des agents, qui voient leurs marges fondre, consiste plutôt à s’opposer au processus numérique en jouant à fond le livre papier. Mais cela ne durera pas car avec le développement des ventes numériques les auteurs vont prendre conscience des enjeux et avoir de nouvelles exigences. Et nous avons, d’ailleurs, un bon espoir de développement sur le marché hispanophone où le droit est favorable aux auteurs car la validité des contrats y est généralement restreinte à un seul pays et leur durée est relativement courte, à la différence du droit français très archaïque, qui protège le vieux monde plutôt que la création.

Inégale valeur des civilisations?

Entretien avec Marc Cohen, 16 octobre. publié dans Causeur.

Entretien sur l’inégale valeur des civilisations

Entretien avec Marc Cohen, pour Causeur, 16/10/2013 : Comment avez-vous pris connaissance de « l’affaire » ? 

De façon assez drôle. Ce mardi 7 février, j’avais exceptionnellement quitté mon bureau de la    place Beauvau, au cabinet de Claude Guéant, assez tôt, en fin d’après midi. J’avais pris ma voiture plutôt que celle du cabinet pour aller à une réunion discrète, je n’ai pas dit secrète (sourire). Les téléphones étaient éteints. Quand je suis sorti, j’ai constaté qu’il y avait eu beaucoup d’appels en absence et immédiatement le téléphone a sonné. J’ai répondu. Il s’agissait d’un journaliste que je connais et qui me dit tout de go  « Salut Yves, tu pourrais répondre au téléphone quand tu mets le b. dans le pays et me prévenir en premier. » J’ai cru à une plaisanterie sur le livre, Eloge du mode de vie à la française, que je venais d’écrire et de lui envoyer, dédicacé à la mémoire des Arméniens morts pour la France. Je lui ai donc répondu « Je vois que tu es encore la victime consentante du lobby anti croissant et anti arménien du Monde (…) ».  Il rit et comprit que je n’étais pas informé de ce qui s’était produit l’après midi à propos du discours que j’avais écrit, prononcé par Claude Guéant le 4 février devant le syndicat étudiant l’U.N.I. Il me raconta l‘accusation ubuesque de nazisme par un cancre, nommé Serge Letchimy, et le départ non moins ubuesque des députés de l’UMP de l’Assemblée nationale.

Comment savait-il que vous étiez l’auteur du discours ?

A vrai dire, il n’était pas le seul à le savoir. Je ne sais d’ailleurs pas si c’est « Le Monde », « Le Figaro » ou l’AFP qui a donné cette info le premier. J’ai même été contacté par la chaine du Sénat. C’était un secret de polichinelle. D’abord les journalistes qui suivaient Claude Guéant savaient que j’étais entré dans le cabinet pour les discours stratégiques. Et ce discours avait donné lieu à des discussions préalables entre les dirigeants de l’U.N.I. et moi. Donc, beaucoup de monde savait. Bien entendu, il arrivait à Claude Guéant, qui a une forte personnalité et une grande intelligence, de faire des digressions, de rajouter ou d’enlever des phrases, mais pas sur les discours écrits donnés à la presse. Il est vrai que j’ai appris plus tard que ce discours n’avait pas été donné à la presse sous la curieuse pression de François Fillon (rires). Et puis, cette phrase est tirée de mon livre publié au même moment. Il suffit d’ouvrir mon dernier livre page 21 : « les civilisations ne se valent pas ; Celles qui défendent l’humanité nous paraissent plus avancées que celles qui la nient ; Celles qui défendent la liberté, l’égalité et la fraternité nous paraissent supérieures à celles qui acceptent la tyrannie, la minorité des femmes, la haine sociale ou ethnique ; le respect de la dignité humaine ne se négocie pas ». Cette phrase était d’ailleurs déjà dans un livre que j’ai publié, il y a une dizaine d’années. Pourquoi aurais-je nié ? C’est absurde. Les journalistes enquêtent, savent lire et détestent, à juste titre, qu’on leur mente.

Avez-vous été surpris par la polémique, où l’aviez-vous senti venir en écrivant le discours ?.

Ce fut incroyable, le vice appuyé sur le bras de la bêtise conduisait à une crise politique sans précédent. J’ai vu émerger une haine incroyable.

Certes, dans les rangs socialistes même, chacun s’accorde  sur l’inculture du pauvre Serge Letchimy, qui lança sa dénonciation de nazisme à l’encontre de Claude Guéant et de toute la droite républicaine.  On connaît les lumières de cet élu qui se dit « fils d’esclave », sachant que l’esclavage a été définitivement aboli en 1848 et que lui-même est né en 1953 : non seulement il a découvert la formule cachée du nazisme chez tous ses opposants qui dénoncent les atteintes aux droits humains par certaines civilisations mais aussi celle de la fontaine de jouvence. Et le pauvre ère ignore même que l’esclavage a été aboli sur la terre de France dés le Moyen-Âge et que son abolition dans les îles au XIXème siècle ne doit rien à la gauche.

Mais ce fut évidemment une décision politique du groupe socialiste. Clairement, les socialistes lancèrent cette crise par pur cynisme, tentant de sauver les meubles et croyant ainsi pouvoir coller l’accusation de collusion du F.N. avec l’U.M.P. pour effrayer le centre. Comme ils le font souvent. Ils eurent tort. ils ont entraîné une grande haine contre la droite républicaine dans leurs rangs, haine qui, à moyen terme rendra difficile la possibilité dun Front républicain face au F.N. Car à force d’insulter et de jeter l’anathème sur les républicains de droite, je ne vois guère comment on peut justifier ensuite une quelconque alliance.  D’autre part, comment pourra-t-on empêcher électeurs de droite et du centre, et de gauche même par capillarité, à voter F.N.?  Si l’UMP c’est comme le FN, alors le F.N. c’est forcément comme l’UMP. Par calcul à courte vue, faute d’intelligents politique, pur un plat de lentilles électorales, la gauche dédiabolise le F.N. chaque jour. Et elle lui ouvre le chemin du pouvoir.

C’était sinon un piège tendu aux socialistes. Mais ce n’était pas le premier et ce discours n’était pas le plus provocateur de ceux que j’avais écrit, loin de là. Je ne pensais donc pas que ce piège fonctionnerait à merveille. Je ne pensais pas non plus que le personnel politique de la droite républicaine était à ce point pleutre qu’il aurait peur de la tactique de Matamore d’une gauche en débandade qui hurlait d’autant plus que la plupart des députés socialistes étaient d’accord avec moi. Tout cela tourna rapidement en farce drôle et pitoyable.

Nicolas Sarkozy pensa d’ailleurs, à juste titre, que c’était la première victoire depuis son élection à la présidentielle. Mais, comme souvent,  il fut bien seul. François Fillon, malheureusement, n’eut pas ce sens politique. Sans doute est-ce l’un des multiples symptômes que nous avons un recrutement du personnel politique de droite qu’il faudrait revoir.

Et si ce fut une victoire écrasante, elle fut donc très momentanée. Les sondages nous furent pourtant immédiatement clairement favorables à plus de 70%. .

Notre victoire idéologique était donc sans appel et d’une importance stratégique car elle renvoyait le P.S. au relativisme moral et à l’incapacité d’agir en pleine période de crise où les gens ont besoin d’un capitaine et de repères culturels. D’autant que François Hollande, qui n’avait pas compris la manœuvre, refusa de désavouer celui qui était appelé par certains députés UMP « le cadeau de Martinique », d’autres plus méchants, disaient « le cancre de Martinique ».

Et qui, dans le  pays, pouvait en effet croire que toutes les civilisations se valent ? Qui pouvait même croire qu’elles n’existent pas comme bientôt ce fut l’élément de langage dominant du P.S. , avant la débandade de l’UMP ? Certainement pas les socialistes qui avaient jadis, alliés aux radicaux, profiter de ce fait pour justifier l’injustifiable, les grandes colonisations sous la IIIème République que le fameux députés martiniquais semble ignorer. Sans même évoquer leur gestion déplorable de l’Afrique du nord, sous la IVème république.

Le plus intéressant pour nous, à mon sens, car j’étais là pour mener cette bataille idéologique comme le font aux Etats-Unis au sein du parti républicain mes amis néoconservateurs, était que les socialistes se coupaient de la plus grande partie du monde intellectuel. Car la conséquence de cette position idéologique conduisait à soutenir des propositions absurdes, comme c’est toujours le cas lorsque l’idéologie est poussée au bout.

Si parler de civilisations était la marque du nazisme, alors tous les universitaires se trouvaient plus ou moins nazis, tous ceux qui travaillaient dans les départements d’étude des civilisations dans les universités du monde, ceux qui avaient apprécié le grand historien français Fernand Braudel et sa Grammaire des civilisations, ceux qui travaillaient sur les civilisations passées.

Le P.S. s’isolait de sa force de frappe culturelle.

Allez donc expliquer que tout se vaut à ceux qui travaillent sur les Incas, dont la civilisation pratiquait les sacrifices de masse les jours de fêtes et préférait brûler vif, étrangler ou enterrer vivants les enfants ? Ou à ceux qui travaillent sur les Aztèques, cannibales qui pratiquaient des sacrifices quotidiens, le cœur des suppliciés étant arraché pour assurer le lever du soleil et les enfants particulièrement recherchés pour être noyés afin d’appeler les pluies ? Aller expliquer cela à ceux qui travaillent sur la civilisation maya : tous les matins devait dégouliner assez de sang le long des pyramides pour qu’il nourrisse la terre et les enfants périssaient sous de savantes tortures car ils croyaient que leurs larmes amenaient les pluies.

Tous les chercheurs, plutôt à gauche, savent la supériorité des civilisations fondées ou refondées sur les droits et devoirs de l’humanité contre cet esprit sacrificiel et ce goût pour la mise en esclavage, les pillages, les massacres et les rites mutilants largement répandus dans le monde, à partir des âges des métaux, de la civilisation maori de Nouvelle-Zélande à celle des Iroquois. Pas un historien sérieux, eux aussi majoritairement à gauche, n’ignore la civilisation romaine qui pratiquait l’esclavage et les jeux du cirque où la population criait « jugurta » (égorge) un gâteau au miel dans la main.

Et aujourd’hui, quel anthropologue ou sociologue peut juger que les civilisations du Mali à la corne d’Afrique qui infibulent entre 100 et 140 millions de femmes valent les civilisations qui l’interdisent ? De la civilisation japonaise aujourd’hui à la civilisation nord-américaine, les civilisations fondées sur l’interdiction du sacrifice et le respect du droit naturel de l’humanité, valent assurément mieux que celles qui s’y opposent, tel est le credo le plus répandu chez les intellectuels.

Le plus drôle dans cet étalage d’ignorance de nos élites politiques issus d’une haute administration la plupart du temps dénuée de culture, car les socialistes ne furent pas les seuls en cause quand on songe à la tournure prise par cette affaire, c’est que si toutes les civilisations se valent pourquoi fallait-il s’opposer au nazisme qui prétendait justement proposer une nouvelle civilisation, celle du IIIème Reich ? Je sais pourquoi mon père a pris les armes contre le nazisme et je sais aussi pourquoi les ancêtres relativistes de Serge Letchimy n’ont pas trouvé que la défense d’une civilisation qui défend les droits et devoirs humains contre un projet de civilisation qui les nie, valait la peine de risquer sa vie, ni même sa carrière. Serge Letchimy avait au fond retrouvé naturellement le réflexe de ceux qui collaborèrent avec le nazisme comme de ceux qui acceptèrent de collaborer avec le colonialisme le plus abject comme on le vit lorsque la gauche française robespierriste avait rétabli l’esclavage à Saint Domingue en 1801 : si tout se vaut, alors pourquoi risquer sa vie?

En vérité, je crois, pour ma part, que précisément ces civilisations inférieures sont condamnées par l’Histoire. C’est pourquoi elles disparaissent et c »est très bien. Nous allons vers la convergence des civilisations entrainée par les grandes spiritualisés qui l’ont emporté et qui ont mis au coeur de leurs valeurs l’amour du prochain comme je crois avoir commencé à le démontrer dans mon livre « Vers la Paix des Civilisations ».

A mon grand étonnement, sur un piège si simple à éviter, le P.S. qui venait de perdre une bataille idéologique majeure en révélant sa véritable nature : non pas le parti des opprimés, des minorités ou des faibles, encore moins celui de ceux qui croient aux valeurs universelles d’origine judéo-chrétiennes, mais celui des sommets de la bureaucratie française qui veut le pouvoir pour le pouvoir et gouverne avec cynisme sans se préoccuper des valeurs au point de juger que tout se vaut si une carrière est possible.

Bref, nous avions gagné Austerlitz, il suffisait de planter notre drapeau. Mais, le plus croquignolesque c’est qu’au lieu de cela,  l’armée des vainqueurs a été reconduite par certains de ses chefs dans ses casemates, la tête basse.

Tes détracteurs vous ont-il demandé votre avis avant de pourrir par voie de presse?

Tout est allé très vite. Car après l’incroyable erreur stratégique du P.S. on assista à une plus incroyable débâcle de l’UMP. Imaginez un mascaret d’équinoxe imprévu qui déboule en quelques heures sur un fleuve puissant ! Je fus pris dans ce reflux dans les heures qui suivirent.

Claude Guéant, qui a un sens de l’Etat indéniable et une fidélité remarquable en ses engagements, à la demande de François Fillon qui paniquait devant le flux médiatique de gauche, me demanda de ne pas intervenir publiquement alors que je me dirigeais vers le seul média qui demandait alors des éclaircissements, la courageuse chaine du Sénat. À la place, je fus chargé d’écrire une réponse de Claude Guéant qui serait rendue publique. J’ai trouvé l’idée très bonne et j’ai immédiatement négocié avec un quotidien, qui accepta la proposition. Je déclinais donc finalement l’invitation d’aller m’expliquer sur la chaine de télévision, ignorant encore l’ampleur de l’incroyable débandade idéologique à droite.

Je n’étais d’ailleurs pas le seul à l’ignorer. C’est un autre côté amusant de cette affaire.  Chez certains intellectuels, le premier mouvement a été plutôt une course à qui s’approprierait mon texte. Même mon ami André Comte-Sponville, qui était déjà avec moi quand je dirigeais l’Union des Etudiants Communistes de la Sorbonne, a voulu sans doute être plus près encore de moi et a écrit qu’il était peut-être l’auteur de la formule. Et Luc Ferry, que j’apprécie beaucoup aussi, a renchéri en envoyant un communiqué à l’AFP. Cela n’a pas duré longtemps (rires).

Tous sans te citer alors que c’était devenu de notoriété publique?

Tous sans me citer, bien sûr. Je passe sur quelques autres intellectuels. Puis, soudain, ce fut le silence. La vague scélérate, ainsi que disent les marins, était arrivée.

Une partie de la presse, des blogs et des réseaux sociaux influencés par le P.S., envoya immédiatement l’artillerie contre Claude Guéant et moi pour prétendre que ce parti était dans son bon droit de nous traiter de nazis. Ce qui n’était pas étonnant même si je trouve peu déontologique d’attaquer des gens sans leur offrir la  possibilité de répondre, et, trop libéral peut-être, je n’aime pas les procès à la presse. Mais, du côté de la presse neutre et de celle qui était plutôt favorable à nos idées, la débandade de l’UMP alors qu’elle venait de gagner la bataille rendait tout illisible. Entre les consignes des uns et l’incompréhension des autres, le silence régna sur l’une et l’autre colonne.

Les choses s’éclaircirent pour moi rapidement : j’avais écrit l’article dans la nuit pour Claude Guéant mais celui-ci m’indiqua trois jours plus tard qu’il avait reçu la consigne de ne pas le publier. Claude Guéant, qui avait donné sa parole de toujours respecter les décisions du Premier ministre, et qui a un grand de l’honneur et du respect de la hiérarchie, n’a pas voulu passer outre à cette volonté du Premier ministre. Ce que je comprends car sans honneur  que valons-nous?

Je me retournais vers l’Elysée. L’Elysée me félicita une fois encore et tenta de me convaincre de rester dans le cabinet Guéant. J’ai obtenu des promesses, d’ailleurs non tenues pour la plupart (rire), mais je m’y attendais, et j’ai accepté pour poursuivre le plus important : cette bataille des idées en conjonction avec mes amis, élus et non élus. Ce qui me conduisit à écrire d’autres textes stratégiques pour Claude Guéant, et pas seulement (sourire), et à développer le cercle d’intellectuels créé pour aider Nicolas Sarkozy, dont le secret a été en partie éventé par la presse.

Quid de la défense de Guéant. Et de celle de l’UMP ?

La défense de l’UMP a été calamiteuse. Austerlitz a été gagné et on a oublié de planter le drapeau… L’UMP souffre, plus que le PS, d’une absence remarquable de pensée structurée. Cette affaire en a montré l’ampleur. Où sont les Reagan, les Thatcher, les Merkel ?  Il ne faut pas les chercher, il n’y en a pas. Seul Nicolas Sarkozy, homme d’intuitions mais non de concept, a la volonté qui aurait permis d’afficher la victoire. Mais il est malheureusement un peu seul sur ce sommets désertés par la pensée et cette solitude ne lui permet pas de mener à bien toutes les batailles, y compris celle de la présidentielle.

Une des raisons de la débandade, c’est que la plupart des dirigeants sont en effet incapables de défendre une position juste car ils sont eux mêmes relativistes ou dénués de culture fondamentale. Et ceux qui pourraient intervenir sont empêchés par ceux qui ne le peuvent pas. C’est la prime au premier de la classe en droit public, à condition d’être dernier en culture générale et dénué de toute imagination avec ce zeste de suffisance qui tient au classement de l’E.N.A.

Il suffit de lire les réactions. L’énarque Juppé proclame le propos de Guéant « inadéquat », le diplômé de droit public François Fillon indique qu’il n’aurait certes jamais prononcé des telles phrases, la débandade fut quasi générale, jusqu’à mon ami Jean-Pierre Raffarin lui-même, sans doute pour régler un vieux contentieux avec Guéant, qui avait feint de croire que les civilisations n’existent pas.

Certes, dans cette réaction, il y a souvent une part de calcul politique. La droite ce n’est pas une meute mais dix meutes. Alain Juppé savait que la victoire de Nicolas Sarkozy signait la fin de ses espoirs d’être à nouveau un jour Premier ministre puis Président. François Fillon,  qui avait trainé les pieds sur maintes réformes, savait qu’une victoire de Nicolas Sarkozy signifiait la même fin de ses ambitions. La suite démontra qu’il convient de se garder de ses « amis «  et à cet égard. Claude Guéant aurait peut-être pu négocier pour obtenir un feu vert et foncer au lieu de se laisser malmener. Il aurait été applaudi après coup. Et il aurait gagné sa députation en se donnant une image qui n’était pas celle, extrémiste, qui fut imposée par la gauche dans une circonscription où le centre est si puissant, une image qui ne correspond en rien à ce qu’il est car il est profondément gaulliste et d’un gaullisme plutôt centriste.  Mais, une fois encore, je condamne rarement ceux qui sont fidèles à leur parole quand les hautes valeurs morales ne sont pas en cause.

Mais, ce qui joua plus encore pour tous ce fut la conjugaison de la peur de la gauche avec l’ignorance et l’origine sociale de cette élite. Car aucune autre droite dans les pays développés n’a un tel mépris des intellectuels et ne recrute la majeure partie de son haut personnel politique dans les cercles de la bureaucratie.

Avec cet effet pervers : les relations avec la gauche bureaucratique deviennent ambigües et les seuls intellectuels mis en valeur par la presse étant les intellectuels de gauche, lorsque la droite veut une légitimation idéologique, ce qui est toujours une nécessité, elle se tourne logiquement vers eux. D’où l’importance accordée aux Edgard Morin et Bernard-Henry Lévy dont les qualités ne sont pas en cause mais comment pourraient-ils offrir une vision d’avenir à la droite alors qu’ils se sentent de gauche ? Même si pour ma part, aussi bien proche de Tony Blair que de G.W.Bush, je trouve ces catégories bien désuètes et presque infantiles.

D’où, en tout cas, pour cette droite, l’incapacité à gagner les batailles idéologiques les plus faciles, comme sur cette question des valeurs. D’où l’apparence de lâcheté de certains dirigeants qui préfèrent leur carrière au pays et craignent moins de ne pas obéir aux valeurs qu’ils ignorent, qu’aux réflexes de prudence bureaucratique. Ne pas penser à un prix. Nicolas Sarkozy saura-t-il en tirer les leçons ? Cette affaire l’a encore démontré : la défaite de la pensée prépare toujours la défaite politique. Et si Nicolas veut revenir, et si, en admettant qu’il le puisse, il veut laisser une marque dans l’histoire, il lui faudra s’entourer de gens qui ont une vision de la France et du monde à l’heure de l’Internet 3, de la mondialisation et de la Puissance d’humanité. Ce n’est pas gagné (rires).

 Comment expliquez-vous que certains passages plus raides du discours que celui dont tout le monde a parlé, n’aient pas été mis en cause par les médias ! ( « La maison de France n’est pas une maison de tolérance » p.4) ou sur l’historiographie disons rapide du fascisme et du nazisme , tous deux déclarés enfants naturels du socialo-communisme?

Oui, j’ai déjà tenté de démontrer dans un autre ouvrage que je suis en train de republier, que les origines du fascisme se trouvent bien à gauche.

Créé par le socialiste Mussolini, qui dirigeait la gauche du Parti socialiste italien et était majoritaire dans le parti, le mouvement fasciste a entrainé l’ensemble des dirigeants des syndicats ouvriers, de l’industrie et de l’agriculture. Il y a un dialogue très intéressant entre Mussolini et le dirigeant communiste Antonio Gramsci à l’assemblée nationale qui éclaire le processus. Et le premier programme du parti fasciste, élaboré d’ailleurs avec une envoyée de Lénine, est conforme aux canons socialistes. La formule en exergue de son journal « Il Populo d’Italia » est d’ailleurs de Blanqui. L’opposition avec les communistes tient au fait que les fascistes italiens reprochent aux communistes de ne pas voir l’intérêt de la classe ouvrière italienne mais celui de Moscou. Et aux socialistes : ne pas vouloir vraiment la révolution nationale et socialiste.

Ce processus est identique dans tous les pays du monde européen, sans exception. Ce sont des dirigeants de gauche qui créent les partis fascistes et nationaux-socialistes (nazi). Le parti national socialiste allemand d’Hitler, né du Parti des Travailleurs Allemands,  de l’extrême-gauche, n’échappe pas à la règle dans sa formation et son programme de nationalisations et d’étatisations, jusque dans le plan de 4 ans de Goering, dont Goering, et il s’est réclamé du léninisme jusqu’à la fin des années 20, dit lui-mêmeu’il est influencé par la planification de Staline. En France même, le communiste, député maire de Saint Denis, Doriot, crée un puissant parti nazi, et le député socialiste Déat, un parti fasciste. Et ils font les mêmes reproches aux communistes : être inféodés à Moscou. Et le même reproche aux socialistes : ne pas vouloir vraiment la révolution nationale et socialiste.

Il faut s’appeler Serge Letchimy pour fendre de l’ignorer. Et d’ailleurs, une des caractéristiques de ces partis a toujours été, comme Serge Letchimy, d’insulter et de diffamer les adversaires, et d’appeler la haine sur eux au nom du prolétariat et des opprimés. Leur style violent dit leur fond. Y compris contre les juifs : l’antisémitisme nazi est en effet un antisémitisme de gauche. Alors que celui de droite part du sol et conduit souvent à l’expulsion et aux expropriations, celui de gauche dénonce dans le juif « le gros », « le riche », l’exploiteur et conduit à l’extermination totale sous prétexte de détruire totalement la bourgeoisie et les valeurs juives responsables de l’exploitation. Cela se voit chez les blanquistes qui inventent l’idée d’une race aryenne contre les juifs, dans leur journal « Candide » et leurs écrits qui seront repris par leurs disciples. Serge Letchimy, par son style violent, est plus proche de ces mouvements qu’il ne le croit.

Mais j’arrête là car je me suis longuement expliqué dans dseux ouvrage La République contre la Démocratie et  Les Démagogues sur cette histoire de la naissance et du développement du fascisme ainsi que sur le léninisme et le stalinisme.

Pourquoi dans ce discours, n’allez-vous pas au bout de votre pensée sur la France? Il suffit de feuilleter votre « Eloge du mode de vie à la française » pour voir que vous pensez que notre modèle est supérieur, non seulement aux aberrations du tiers-Monde, mais aussi, au modèle US ou allemand : les Gaulois, l’assimilation, le jambon beurre ( !!!!!) et même le café théâtre…

Je pense que la France dispose d’un modèle d’identité nationale qui est celui qui porte l‘avenir de l’humanité : une nation fondée non sur le sang mais sur l’appartenance à une société fondée autour des valeurs et habitant sur un lieu. Cette révolution qui a commencé avec Clovis est en effet pour moi la marque d’une avancée de l’humanité vers son destin : reconnaître en elle sa commune humanité. C’est pourquoi je suis fermement opposé à l’abandon du droit du sol que propose François Fillon.  Et c’est pour moi un casus belli.

En ce sens, sur ce point, je dis clairement que le modèle français est supérieur à tous les autres, à l’exception de ceux qui l’adoptent.

Mais je ne pense pas que notre modèle soit supérieur à celui des autres démocraties sur tous les points. Ainsi, en matière de civilité, je pense que le modèle japonais est plus avancé même si sur la place des femmes il est en retard. Je pense que le modèle des Etats-Unis est plus avancé en termes de libertés du corps,  de protection de la propriété et de liberté de la presse, mais moins en termes de protection des déshérités faute d’avoir pensé l’Etat compassionnel.

En fait, à la différence des relativistes, j’ai des critères que je crois clairs et une pensée structurée autour de valeurs et indications léguées par la grande tradition judéo-chrétienne.

L’ennemi idéologique est très clairement identifié : ce sont les trois idolâtries de la modernité : celle de l’Etat, de la Science et du Marché. A partir de ce qui va dans le sens de l’humanité de l’homme, dont j’ai posé les critères dans La Puissance de la Liberté puis La Puissance d’humanité, se dégagent des lignes d’orientation qui permettent de juger la valeur d’une civilisation et son état d’avancement vers l’amour universel des humains.

Or, la France, quand elle est fidèle à elle-même, quand des chefs éclairés la conduisent, a cet avantage sur les autres Cités : elle est vaccinée contre les trois idolâtries. Encore faudrait-il qu’elle secoue sa bureaucratie et retrouve sa joie d’être elle-même.

Quel intérêt de faire de la politique si on rêve pas de devenir conseiller général ou président de la République? Surtout à droite compte tenu de leur détestation quasi-unanime de la réflexion idéologique

La politique est un devoir quand bien même la scène politique est occupée par des ignorants, ce qui, depuis la démocratie athénienne n’est quand même pas un phénomène totalement nouveau (rire). Ma première thèse portait sur Aristote. Et je tiens de cette passion de jeunesse pour Aristote que tout citoyen a le devoir de s’intéresser à la politique. Or, il n’est pas possible de s’y intéresser à partir de grands modèles dans son bureau car, contrairement à ce que pensent certains universitaires, celle-ci n’est pas une science mais un art. Et cet art est un grand art, qui appelle la morale et la métaphysique sur un espace délimité avec d’autres humains. Quand bien même cette cité est gouvernée par des ignorants, chacun doit donc participer en tâtonnant, en se trompant car la privation de connaissances est dans notre nature, en dialoguant dans le respect mutuel afin de trouver le meilleur possible pour la cité. Exactement le contraire de ce qui s’est passé lors de cette polémique sur les civilisations mais ce contraire ne ruine pas la nécessité de continuer car l’ignorance est contingente, le devoir de participer nécessaire.

Le rôle d’élu est d’une autre nature. Il n’est pas une nécessité. Il appelle des responsabilités, donc des devoirs plus que des droits, même si certains élus semblent l’oublier. Il appelle ceux qui préfèrent leur Cité à leur carrière et à leur pécule. Tout juste puis je suggérer qu’il nous faut un Président et une équipe soudée autour de valeurs fermes et d’un projet  audacieux qui bousculent les conservatismes pour redonner à la France sa place. Je crois que c’est plutôt là mon rôle, celui de philosophe conseillant ses amis depuis quelques années. Ce sera ma suggestion à ceux qui ont quelque ambition légitime dans l’UMP ou ailleurs.

Entretien de Marc Cohen avec Yves Roucaute, publié le 16 octobre 2013 dans Causeur

La disparition de l’UMP est inéluctable.

La disparition de l’UMP est inéluctable.

Sa direction est comptable de la défaite.

In « Le Monde », du 28 mai 2014, page 21.

2603_58109804354_4619293_n-2L’UMP rentre dans une crise majeure dont le côté salutaire est à noter. Car ce qui ne peut durer à droite, n’est-ce pas l’UMP elle-même ? Face au Front national, devenu premier parti de France, il n’est certes pas étonnant de voir le président du parti, Jean-François Copé, dénoncer la gauche. Il sait l’enjeu : la survie de son organisation. Que le PS fasse donc une « autocritique », dit-il. Diantre, et pas d’autocritique à droite ?

Certes, les politiques d’austérité ne sont pas pour rien dans le rejet des partis institutionnels. Mais lenombre de partis de droite victorieux, rattachés au Parti populaire européen (PPE), majoritaire en Europe, interdit l’économie d’une réflexion sur la particularité de la situation française. D’ailleurs, hors Grèce, Danemark et Autriche, sans évoquer le Royaume-Uni, la vague extrémiste a été contrôlée dans l’Union européenne par le jeu classique des partis institutionnels, voire jugulée, comme aux Pays-Bas, en Hongrie et en Finlande.

Certes, la façon dont la presse a rendu compte de cette élection n’est pas non plus très satisfaisante. D’une part, la mobilisation autour des enjeux – l’élection du président de la Commission – n’a pas été mise en récit. D’autre part, la connivence entre les élites n’a pas permis d’entendre le monde ordinaire et sa façon de mêler immigration, sécurité, emploi et identité. Enfin, mais cela est lié, jamais le journalisme « éditorial » n’a été aussi développé au détriment du journalisme d’investigation, refusant souvent de jouer le rôle d’intercesseur auprès des experts et des citoyens ordinaires. Mais ces faits, dont d’autres pays latins sont aussi coutumiers, n’expliquent pas l’échec de l’UMP et sa disparition annoncée.

PEU DE DIRIGEANTS CONNUS

Première cause, la façon cavalière, voire irresponsable dont cette campagne a été conduite. La direction de l’UMP, comme d’ailleurs celle du PS, prétendait voir dans cette élection un enjeu vital pour la France. Pourtant, peu de dirigeants connus se précipitèrent pour conduire les listes ; certains étaient plus pressés naguère quand il s’agissait de prendre la direction du parti. L’Europe ne vaut-elle donc pas une messe ? Quelle crédibilité accorder à leurs discours ? Souvent choisis parmi les battus des législatives et les porte-flingues des caciques du parti, les candidats durent affronter un FN qui, lui, n’a pas hésité à envoyer ses dirigeants en première ligne.

Seconde cause, le désordre interne. Où est la cohésion entre fédéralistes et souverainistes ? Faute de débats, chacun défendit ses positions. Le paroxysme fut atteint quand 40 députés signèrent une pétition contre la ligne politique de leur parti et quand l’un de leurs, ex-plume de Nicolas Sarkozy, se déclara opposé à la liste présentée. Puisque nul ne leur avait demandé leur avis, ils le donnaient.

Troisième cause, la gestion opaque du parti. Faute de transparence, la rumeur devint l’alliée de la démobilisation. Le paroxysme fut atteint par la découverte des 20 millions d’euros versés à la société Bygmalion pour 70 conventions dignes de l’Arlésienne. Aux journalistes qui avaient accompli leur mission d’éclairer les citoyens, les sommets de l’UMP ne peuvent plus répondre par l’invective.

Dernière cause, l’autisme vis-à-vis des citoyens qui se sentent rejetés et dont les protestations ne sont plus entendues par une élite de droite coupée du monde. Une élite issue de la haute administration qui pense plus en termes de carrière que de bien commun et qui persiste à vendre une Europe tout aussi dénuée qu’elle du souci de démocratie participative.

Autant de symptômes du mal congénital qui ronge l’UMP. En 2002, l’UMP signifiait Union pour la majorité présidentielle : une organisation pour Jacques Chirac, alors président, mise au service de sa seule ambition. Une structure pyramidale opaque de nature bonapartiste. Un modèle âgé de deux siècles qui interdit toute gestion transparente et toute démocratie participative interne.

DES GUERRES PICROCHOLINES SANS INTÉRÊT

Efficacité ? Faible. Elle a d’ailleurs connu peu de succès, si l’on excepte la victoire de 2007 à la présidentielle, aux européennes en 2009 et aux dernières municipales. Ce type de structure rend possibles les mobilisations victorieuses seulement quand se rencontrent une vision du monde et une occasion ; un phénomène rare qui expliqua jadis le charisme d’un Charles de Gaulle. Il appelle plus souvent des guerres picrocholines sans intérêt, sinon d’assurer la carrière de ceux qui maîtrisent les rouages bureaucratiques.

Le soldat Sarkozy peut-il encore sauver l’UMP ? Son échec dans la volonté de dynamiser une campagne européenne minée par les jeux internes montre l’inanité du projet. Cet instrument, dont il avait su faire bon usage, est devenu inutilisable. Son charisme n’y est pour rien, la nature de la structure pour tout. Certes, dit Alain Juppé, « la droite et le centre font 30 %. S’ils se mettent en ensemble, le FN n’est plus le premier parti de France ». Mais le centre ne veut pas de l’UMP bonapartiste. Et ne faut-il pas 50 % pour gagner la présidentielle ? Des alliances électoralistes ne suffiront plus. Il ne suffira pas d’être « droit dans ses bottes » pour résister à la prochaine vague FN.

La reconquête : tel est l’enjeu d’une nouvelle organisation pluraliste, ancrée sur les valeurs universelles, mise à l’heure de la démocratie participative, avec le projet d’une France forte dans une Europe forte, qui tienne compte de la porosité des Etats, de la mondialisation et du développement des nouvelles technologies. Il n’est pas d’autre alternative qu’entendre le pays réel pour sauver la République du populisme, revenir à un jeu normal d’alternance démocratique entre partis républicains et ainsi sortir de la crise de régime. La disparition de l’UMP est bel et bien programmée.

Yves Roucaute (Philosophe, écrivain, professeur à l’université Paris-X Ouest, auteur d' »Eloge du mode de vie à la française », de Contemporary Bookstore.

Crimée : le droit naturel des nations

new-york-statue-liberte-face-big - Version 2 Crimée : le droit naturel des nations

La Crimée est russe depuis quatre siècles !

LE MONDE 

L’unité de l’Ukraine vaut-elle une guerre ? Pas même une larme. Pourtant, une armada s’est précipitée au secours de Kiev au nom du droit international, de l’histoire, de la morale même. Et tous de proclamer : force doit rester au droit, la population de Crimée devra demeurer ukrainienne. Le droit des nations à disposer d’elles-mêmes ? Pas pour la Crimée. Cette population ne devrait pas même avoir droit à un référendum. N’avons-nous donc rien appris de l’horreur du XXe siècle ? Combien d’années, de siècles, faudra-t-il pour abandonner cette idolâtrie de l’Etat et la sanctification de sa souveraineté ?

L’heure devrait être à la méditation sur la paix d’humanité dans notre prière pour les âmes balayées par cette boucherie de 1914-1918, née du refus du droit des nations. Sur l’ignominieux traité de Saint-Germain, qui refusa aux Sudètes enthousiastes leur droit de vivre dans la jeune République de Weimar, avant de les rattacher de force à la Tchécoslovaquie, ce qui les jeta dans les bras d’Hitler. Sur cette dynamique de lâcheté née des connivences entre pouvoirs en place, qui conduisit après 1945 au maintien des colonies, et donc aux guerres, puis au découpage arbitraire de territoires décolonisés, et donc aux conflits.

LA PAIX D’HUMANITÉ

Il est une loi qui surgit de la folie des siècles depuis Philippe le Bel et son premier Etat moderne : le refus de la reconnaissance des nations est toujours le chemin de la guerre. Vous voulez la paix ? Préparez la paix. La « vraie paix »(Thomas d’Aquin), la paix d’humanité, celle qui se construit sur la reconnaissance, le respect, la coopération et, finalement, l’aimer des nations.

Las, le bateau ivre de Barack Obama navigue dans un brouillard d’incohérences et il entraîne avec lui nos gouvernements d’ombres. Après avoir démantelé naguère l’Etat de Yougoslavie au nom du droit des nations, il refuse l’autodétermination aux Russes de Crimée. Ses 2 millions d’habitants ne vaudraient-ils pas les 2 millions de Macédoine ? Bataille pour le Kosovo, tenailles pour la Crimée ?

Les Etats-Unis égarés déposent même dans l’abîme leurs valeurs fondatrices. Oubliée, la guerre d’Indépendance née du refus par l’Etat britannique de traiter également ses colonies et de les laisser choisir leur destin. Oubliée, la revendication de la supériorité du droit naturel du « peuple » américain sur le droit international. Pourquoi ne pas accepter de demander leur avis aux habitants de cette terre de Crimée quand les insurgés de Thomas Jefferson l’exigèrent pour eux-mêmes ? Pas même un référendum, dites-vous ? Quand les valeurs ne sont pas universelles, elles ne sont pas.

Les Russes auraient juridiquement donné la Crimée à l’Ukraine, disent nos Tartuffe. Russe, la Crimée l’est, depuis quatre siècles. Majoritairement fière d’être l’enfant du tsar Pierre le Grand. De ce tsar, passionnément européen, qui avait contraint les Russes à s’habiller à la française et sa cour à parler français. De ce tsar qui avait défait les Tatars sunnites de Crimée pour trouver l’indépendance stratégique que ni la mer Blanche, ni la mer d’Azov, ni la mer Noire ne pouvaient lui donner. Et sa capitale Sébastopol, fondée par la tsarine Catherine II, bat d’un cœur russe.

L’ARBITRAIRE D’UN DÉCOUPAGE TOTALITAIRE

Nikita Khrouchtchev, qui dirigeait l’Etat soviétique, a-t-il juridiquement donné la Crimée ? Avait-il demandé son avis aux populations ? Non. Que vaut alors ce droit ? Faudrait-il accorder au Soudan du sud son indépendance, prétextant, à juste titre, l’arbitraire d’un découpage colonial, tandis que la Crimée devrait supporter l’arbitraire d’un découpage totalitaire ?

Derrière cette errance, un non-dit, une crainte, la perception d’une menace, celle de l’ours russe. Non au référendum qui conduirait la Crimée à intégrer, et renforcer , la fédération russe pour devenir sa 22e République. Et d’aviser : un tel résultat ne serait pas validé.

Il serait facile de railler  : un tel acte serait pourtant tout aussi légitime, et moins illégal, que celui qui rattacha Hawaï aux Etats-Unis, en 1959, qui ne fut autorisé par aucun traité. Quant à sanctionner la Russie sous prétexte de n’être pas assez démocratique, pourquoi ne pas boycotter la Chine et son parti unique, qui occupe le Ibet sans même l’accord de la population ? La guerre contre l’URSS ? Inutile de la recommencer, elle a déjà été gagnée, par Ronald Reagan et Jean Paul II, ce Pape qui proclama le droit naturel des nations pour l’emporter.

Vous applaudissez la passion européenne de Kiev qui affaiblirait Moscou ? J’en suis fort aise. Vous engagez un bras de fer perdu d’avance sur une position immorale. Vous détricotez les coopérations laborieusement mises en place, jusqu’au Conseil O.T.A.N.-Russie. Vous perdez un allié face à l’ennemi principal : le terrorisme islamiste.

DEVENIR UNE RÉPUBLIQUE LIBRE

Plus encore, vous applaudissez un crime : jeter la Crimée, pourtant tournée depuis quatre siècles vers l’Europe, dans les bras de Moscou, faute de lui avoir proposé l’indépendance. Vous installez au cœur de ces Européens la détestation de ce qui devrait être leur rêve : devenir une République libre, respectueuse des droits naturels, ancrée dans l’Europe.

Et, au lieu de l’objectif de Charles de Gaulle, construire l’Europe des démocraties libérales jusqu’à l’Oural, vous nourrissez les pires forces réactionnaires, nationalistes et isolationnistes de Russie. Chemin faisant, vous entraînez l’humanité vers la pire des impasses, celle qui rend insoluble la question des Touareg, Kurdes, Palestiniens et Hmong, des dizaines de conflits ouverts ou latents sur le globe et qui jette vers les forces obscures ceux qui souffrent de l’indifférence.

construire La paix d’humanité exige, sur tous les continents, de défaire les Etats quand se joue le respect des nations, et de les aider à des cités libres respectueuses des droits, non de les maintenir dans les fers.

With friends like these

new-york-statue-liberte-face-bigWall Street Journal (Europe)
June 21, 2006

 With Friends Like These

By Yves Roucaute

The old Continent is wilting in the global war against terror, just as it did when faced off against fascism and then communism. When at today’s summit with U.S. President George W. Bush the European Union will once again take its ally to task over Guantanamo, it will expose its own, not America’s, most serious moral crisis of the post-Cold War era. A philosopher — a French one no less — can try to set the facts straight and offer some Cartesian good sense.

Faced with dark forces that want to destroy our civilization, we might recall that the U.S. is not only Europe’s ally but the flagship of all free nations. If America can sometimes make errors, the sort of anti-Americanism that drives the hysteria over Guantanamo is always in the wrong. Guantanamo, though, is not an error. It is a necessity.

Demagogues, and European parliamentarians are among the shrillest, claim that it’s inconceivable to keep prisoners locked up without trying them in courts of law. With this simple statement they annul — or, better, ignore — customary law and legal tradition as well as basic human-survival instincts. Whether they are legal or illegal fighters, those men in Guantanamo had weapons; they used them; and they will likely use them again if released before the end of the conflict. This is the meaning of their imprisonment: to prevent enemy combatants from returning to the battlefield, the only humane alternative to the summary execution of enemy prisoners practiced by less enlightened armies. Which French general would have released German prisoners in 1914, before the end of that great war, at the risk of seeing these soldiers mobilized again? Which American general would have organized the trial of 10 million German soldiers, captured during World War II, before Berlin’s unconditional surrender?

The release « without charges » of, so far, a third of Guantanamo prisoners doesn’t mean that those still imprisoned are innocent, as some claim. Similarly, the release of Waffen SS members « without charges » was no admission that they should have never been imprisoned in the first place — or that their comrades who were still locked up were victims of undue process. Only those Nazis who committed crimes against humanity or war crimes, and whose crimes could be proven in a court of law, were tried at Nuremberg.

The demagogues further complain about Guantanamo’s isolation and the secrecy around it. Isolation? When Hitler attacked Britain, was Winston Churchill wrong in sending captured German soldiers to isolated camps in Canada from which they would be released only five years later, after the end of the war? He forbade the exchange of information between the prisoners to make it impossible for them to direct networks of Nazi sympathizers and spies inside and outside the prison. This was a rather sensible measure and one that is also necessary to combat Islamist terrorists, who plan their attacks in loosely connected networks and have demonstrated their capacities to expand these networks in French and British prisons.

Secrecy? This is a common practice in warfare, designed to obtain information without letting the enemy know who has been caught or when. It lets us try to infiltrate and confuse terrorist groups. It saves thousands of lives without harming the prisoners.

As for the wild accusations of torture, the European Commission and Parliament would be well advised to investigate with caution. Terrorists have been trained to claim, in case of capture, that they’re being tortured to win sympathy from free societies. Abuses happen. Republics make mistakes. But they forever differentiate themselves from tyrannies in that violations of the rights of man tend to be punished. In abusing prisoners, a Western soldier breaks the law and undermines the moral foundations of his country. American military courts made no such mistake when meting out stiff penalties to the disgraced soldiers of Abu Ghraib.

But where is the evidence of torture in Guantanamo? The famous incriminating report of the U.N. Commission on Human Rights, whose members include communist China, Castro’s Cuba and Wahhabi Saudi Arabia among others, was based purely on the testimony of released Islamists. Not one member of the commission even visited the camp, under the pretext that they couldn’t question prisoners in private.

What about the docu-fiction « The Road to Guantanamo, » winner of the Silver Bear at the 2006 Berlin Film Festival, which told the story of the three « innocents » kept « for no reason » in Guantanamo? Consider the tale told in this film. Leaving the U.K., supposedly for a wedding in Karachi, three British lads of Pakistani descent somehow ended up 1,200 kilometers away in Kandahar, an al Qaeda command center in Afghanistan, allegedly in order to hand out « humanitarian aid. » Our unlucky strollers then arrived with Taliban reinforcements in Kabul before going for a walk with them to the Pakistani border, where they were arrested « by accident. » We are asked to believe, on top of this unbelievable story, their accusations of torture that mysteriously left no marks.

The three Guantanamo suicides earlier this month were treated as the much sought-after evidence that will bring about the closure of the camp. Did we have to release Nazi leaders after the suicide of Göring? Did we have to close German prisons after the suicides of Rudolf Hess or the Baader-Meinhof group? Should French prisons be closed because 115 prisoners took their lives in 2004 alone? Well, some of them actually should. Many French prisons and detention centers for asylum seekers are truly horrific. But they are of little concern to the anti-American demagogues.

Instead of joining Kant’s « Alliance of Republics, » which is the key to victory against Islamic terrorism, these politicians lead the EU into the traps set by the terrorists. While soldiers from free republics are fighting together as brothers for the freedom of Afghanistan, in Brussels and Strasbourg demagogues sow division and battle the « American enemy. » From Swiss parliamentarian Dick Marty, who reported on the « CIA flights » for the Council of Europe, to Martin Schulz, the president of the Socialist group at the European Parliament, the alliance among free countries is rejected and relations with the CIA described as « complicities. » Even though the accusers confess they have « no evidence at all, » they insist the « secret prisons » where terrorists are kept without trial are real. They embellish the story with more than 1,000 flights — « torture charter flights » — supposedly arranged by the CIA.

The real strength of republics must be measured by the courage to fight for them. On this side of the Atlantic, this strength, once again, is lacking.

 

Impensable abandon du droit du sol !

« Impensable abandon du droit du sol ! »

LE MONDE | 

 

cdgLes deux poids lourds de l’UMP, François Fillon et Jean-François Copé ont, enfin, trouvé un point d’accord : « Sus au droit du sol ! » A l’unanimité, la direction de l’UMP a applaudi. Fiscalité ? Chômage ? Nenni. Supprimer le droit du sol pour les enfants d’étrangers nés en France, tel serait le programme commun de rentrée. Un œil sur son ego, un autre sur les bataillons du FN, la garde de l’U.M.P. ne meurt pas, elle se rend.

Curieux. La puissance du FN ? La faute au droit du sol ? Pourquoi les Etats-Unis, qui ont une immigration clandestine plus forte encore et un droit du sol plus généreux, ne voient-ils pas un Front national émerger ? Pourquoi l’Autriche qui est une nation excluant le droit du sol, voit-elle un courant néofasciste à plus de 22 % des voix ?

Certes, la gauche ne semble guère plus lucide, tétanisée, elle aussi, par le FN. La molle réaction du président François hollande face à l’ignominieuse arrestation d’une collégienne lors d’une sortie scolaire laisse pantois. Mais que dire, pour les rares intellectuels, dont je suis, qui lui furent fidèles dans les pires moments, du silence de Nicolas Sarkozy face à la débandade culturelle de l’UMP ? Et des profondes brisures entre la droite intellectuelle et la droite politique produites par cette unanimité digne des soviets ?

LA NATION CIVIQUE FRANÇAISE

Car ce droit du sol n’est pas négociable. Il porte l’histoire et reste la clef de la cohésion et de la puissance française tout comme celle de la construction d’une identité européenne.

Incroyable révolution portée par ce droit du sol ! Contre la conception de la nation ethnique, fondée sur le sang, qui régnait sur le globe, la France a inventé la nation civique, fondée sur des valeurs, indépendamment de toute origine ethnique.

Révolution qui a ensemencé le monde : Etats-Unis, Canada, Royaume Uni, Irlande, Italie, Portugal, jusqu’en Amérique latine, du Mexique à l’Argentine. Et qui le nourrit encore. L’Allemagne elle-même, qui avait vu naître le nationalisme ethnique radical sous la plume du poète Friedrich von Schiller (1759-1805), a commencé, depuis 2000, à accepter ce droit du sol.

Cette révolution commença avec Clovis (466-511), même si les tribus gauloises admettaient déjà les mélanges ethniques, tels ces Gaulois saliens du sud, mix de Gaulois et de Ligures, ou ces Tarbelli celtes et basques. Clovis va plus loin. Il refuse la coupure entre Francs et Gaulois. Il interdit les mariages claniques, contraignant l’aristocratie à l’hybridation ethnique. Il assoit la France sur les valeurs universelles d’origine judéo-chrétiennes, franques du bien commun, locales des « pays » et le respect des devoirs envers institutions, maîtres et parents.

Lui-même donne l’exemple : il se marie avec Clotilde, burgonde. Et le processus d’hybridation de la lignée mérovingienne est lancé, à l’exception de Clotaire Ier. Francs, Wisigoths, Burgondes, Alamans, Gallo-romains, Armoricains vont se fondre. Ces aristocrates ressemblent à Chilpéric Ier qui épouse la gauloise Frédégonde. Les Carolingiens poursuivent cette entreprise entre Flamands, Alamans, Saxes, inventant le grand récit des « François », devenus plus tard celui de « nos ancêtres les Gaulois », tous « sujets du roi ».

Logiquement, l’édit de Louis X en 1315 indique : « Selon le droit de nature, chacun doit naître franc », donc libre, avec la première interdiction de l’esclavage sur le sol. Charles VIII évoquera bientôt formellement cette nation lors de sa victoire de 1495. Et, en 1515, par un arrêt, le droit du sol fut formalisé : il suffisait de naître et de résider en France pour être libre et égal sujet.

La France, soudée éthiquement, malgré bien des soubresauts, avait construit le premier Etat du monde sur une unité civique. Nation civique réaffirmée par le droit du sol en 1790, lors de la Révolution française.

LA FORCE DE LA VERTU ÉTHIQUE

Et telle fut la clef de la puissance quand le « Vive la nation ! » du général Kellermann, tombé de cheval, qui tenait son chapeau au bout de son sabre, fut repris en chœur par les troupes pluriethniques, ouvrant la victoire de Valmy en 1792 et la porte de la liberté aux populations d’Europe centrale.

Comment s’étonner si le général de Gaulle promulgua, le 10 octobre 1945, un code de la nationalité rétablissant le droit du sol, abolissant les décrets ethniques de Vichy, dont le FN semble nostalgique ? Il n’avait pas oublié la Résistance où combattirent les Français de toutes origines : les racines basques et arméniennes, cévenoles et italiennes, auvergnates et arabo-berbères, juives et chrétiennes, musulmanes et bouddhistes s’étaient mêlées pour assurer la victoire de la France libre et généreuse, unie non par le sang mais par les valeurs.

Mais si la vertu éthique est la force de telles nations civiques, elle est aussi leur talon d’Achille. Le ciment éthique s’acquiert, et cela ne peut se faire sans volonté. Et c’est bien la volonté qui manque dans cette droite désemparée qui ne sait plus où elle va, qui ne sait plus d’où elle vient.

Surveiller les frontières, certes, il le faut. Plus et mieux. Mais si quelques téméraires passent, la France ne changera pas de nature en les accueillant.

A l’inverse, quand les habitants ne partagent plus les valeurs communes, la République se meurt. Les petites incivilités annoncent les grands crimes. La générosité devient elle-même un songe-creux et s’efface devant l’égoïsme. Et le temps arrive où le philosophe meurtri ne peut plus regarder son ancienne nation civique qu’avec nostalgie. Il songe à ce temps où, nourrie aux valeurs universelles et civiques, la France accueillait deux illustres révolutionnaires, l’Américain Thomas Paine (1737-1809) et le Prussien Anacharsis Cloots (1755-1794) qui chantaient La Marseillaise en tant que députés, avant de célébrer le mariage de la République et de Jean Valjean, lequel, pour sauver Cosette, ne se préoccupait pas de savoir si ses papiers étaient en règle.

La responsabilité des élites politiques ? Rétablir les valeurs fondatrices, réinterpréter les symboles et réécrire le grand récit des origines. Par séduction et sanction. Si elles ne le peuvent ? Il leur faut partir. Et si elles restent quand même ? Alors, il faut leur faire quitter un navire sur lequel flotte en majesté l’oriflamme non de la nation ethnique mais de la nation civique.

Yves Roucaute dans la guerre contre les Talibans en Afghanistan

kaboul, nov 2001, arrivée de Roucaute avec l'Alliance du NordKaboul, novembre 2001, arrivée sur l’aéroport dans l’hélicoptère de feu le Comandant Massoud en provenance du Tadjikistan et en passant sur l’Hindou Koush alors que les combats font encore rage.

Invité pour fêter la victoire de l’Alliance du Nord qui allait se concrétiser quelques jours plus tard, appelé à participer à cette libération en remerciement de mon soutien à cette lutte et de mon amitié avec le commandant Massoud. Novembre  2001.  Chacun jugera entre ces philosophes qui parlent et prétendent qu’ils ont été proches de Massoud pour se faire de la publicité et ceux qui l’ont vraiment été. J’ai tout simplement été le seul intellectuel invité dans le monde, avec Alain Madelin qui avait lui aussi soutenu Massoud depuis le début et deux amis qui nous ont accompagné. Chacun jugera en conscience. La légende attribue à Aristote cette formule  : Platon est mon ami, mais la vérité l’est plus encore. dommage que cette formule ne soit pas au fronton de tous les médias.