Entretien Yves ROUCAUTE

Entretien dans Atlantico.

Question 1.
La ville de Copenhague a subi hier soir deux attentats perpétrés par un homme dont le modus-operandi et les intentions nous rappellent fortement ceux de Paris, il y a un mois. On peut se poser la question de la capacité de résistance des sociétés européennes face à ce type d’attaques terroristes de plus en plus fréquentes. A partir de combien de répétitions d’attentats, la stabilité politique de nos démocraties pourrait être menacée?

Ce terrible drame de Copenhague s’inscrit dans une stratégie qui vise à déstabiliser les démocraties en Europe. Une stratégie qui n’a pas besoin de centre opérationnel et qui vise à mobiliser le maximum de musulmans autour de l’islamisme et dàdéstabiliser les démocraties libérales en ruinant leurs fondements, voire en créant les conditions d’une guerre civile en Europe au nom de l’Islam assiégé, comme le prône Al-Sourri, qui est un théoricien qui influence l’Etat Islamique en Irak.
Force est de constater la montée du terrorisme islamiste depuis l’attentat de la rue Copernic qui a fait 4 morts juifs en 1980 ou celui de la rue des Rosiers en a fait 6, en 1982, organisé par Abou Nidal, qui était réfugié chez son ami Saddam Hussein. Avec la chute du mur de Berlin, la montée en puissance de cette menace n’a pas cessé dans le monde. Sur notre continent, certains attentats ont été particulièrement meurtriers, comme celui de Madrid, en 2004, qui fit 194 morts, ou celui de Londres en 2005 qui en fit 56 morts, d’autres l’ont été moins, mais, aujourd’hui, les Européens ont compris que cette menace augmentait et qu’ils devraient vivre avec longtemps.
Néanmoins, il ne faut pas oublier que ce ne sont pas les menaces qui causent l’effondrement des Cités mais bien l’incapacité morale de leur résister. La force des républiques libres tient dans la vertu civique des citoyens pensait Montesquieu. Une vertu favorisée ou diminuée par les élites dont le rôle devrait être d’assurer l’unité nationale et de préserver le premier des droits naturels, celui de la sécurité du corps. Sinon, leur légitimité et celle de l’Etat qui devrait seul détenir le monopole de la violence légitime, est remise en cause.
Or, le problème aujourd’hui tient précisément à l’aveuglement de certains dirigeants européens qui nourrissent, sans le savoir, la stratégie islamiste. Faute de saisir les enjeux, ils ne prennent pas les mesures d’urgence nécessaires en Europe. Songez que, sous l’influence des socialistes, des Verts et du centre gauche, le Parlement européen a même refusé la création d’un fichier européen des voyageurs aériens (dit « PNR), pourtant réalisé aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, au Canada et en Australie, qui ne sont pas des dictatures, faut-il le préciser… Même le F.N. qui ne comprend pas plus les jeux et enjeux, embourbé dans sa démagogie coutumière, s’est opposé à cette mesure de bon sens. Une mesure bien insuffisante par ailleurs. Ainsi, au lieu d’une vraie réflexion sur la politique à mener dans ce qui s’apparente à une guerre, on voit se multiplier les postures mondaines et politiciennes, jusqu’à interdire toute réflexion sur un « Patriot Act » à l’européenne.
Vous évoquez d’ailleurs le mode opérationnel des terroristes, mais est-on certain d’en bien comprendre le sens ? Le processus en œuvre est celui de tous les révolutionnaires : « action-répression-mobilisation-action ».
Pour cela, ils choisissent d’abord leurs cibles : caricaturistes de Mahomet et juifs, jugés ennemis de lslam, les uns pour leur action, celle de dessiner, les autres pour leur naissance. Ce choix est tactiquement efficace. Il conduit à élargir leur popularité au-delà des cercles groupusculaires terroristes, vers les fondamentalistes qui partagent leur point de vue : interdiction de la liberté d’expression, extermination des Juifs. Et, plus encore, il permet de neutraliser nombre de musulmans qui, sans approuver l’acte terroriste, ont eu parfois comme réaction de renvoyer criminels et victimes dos à dos en raison des caricatures.
Ensuite, la répression. Il est important pour ces terroristes de montrer que les Etats des démocraties libérales sont « complices » des caricaturistes et des juifs, qu’il les protège au lieu de protéger le droit de croyance. « Je suis Charlie » fut à cet égard une véritable aubaine pour les terroristes qui ne pouvaient imaginer personnel politique plus niais, gauche et droite réunies dans une Union sacrée de démagogues irresponsables. Qu’est la France ? « Je suis Charlie » répondirent les élites. Tant pis pour les millions de musulmans français amoureux de la démocratie, rejetés pour avoir cru que l’Etat était au dessus des factions. L’Etat français n’était plus l’Etat de droit qui autorise l’usage de la liberté d’expression jusqu’à la caricature (de Mahomet mais aussi du Christ, de Bouddha et de toute figure symbolique…), il s’identifiait au point de vue particulier des caricaturistes. Et dans toutes l’Europe, on vit ainsi des élites maladroites tomber dans la trappe de « Je suis Charlie » avec ces mêmes conséquences : des musulmans applaudissant l’ignominie, d’autres doutant, tous ayant le sentiment d’être exclus. Cela, tandis que nos amis musulmans, du Roi du Maroc au gouvernement égyptien se trouvaient bien marris devant un tel aveuglement.
Répression, donc mobilisation, tel est le troisième terme. Les manifestations en dehors de l’Union européenne ne purent laisser de doutes quant au sentiment profond de bien des Européens musulmans. L’absence massive des musulmans autour de « Je suis Charlie » en France en fut une preuve supplémentaire, tout comme bien des réactions dans les quartiers dits « sensibles » et jusque dans certaines écoles. Le recrutement d’islamistes, sinon de terroristes, dans toute l’Europe, avait bien été ouvert.
Mobilisation donc action : telle est bien la dynamique voulue. Hier Paris, aujourd’hui Copenhague, demain ce peut être n’importe où. Avec, à chaque fois, la volonté d’augmenter le cercle des sympathisants et d’attiser la haine dans la société civile, ouvrant libre cours à la violence intercommunautaire. Ainsi, les terroristes gagner leur pari. Musulmans contre juifs et chrétiens, car ceux qui sont attaqués voudront se défendre. Et l’engrenage de la haine fera le reste.
Les démocraties européennes sont-elles désarmées face à une telle stratégie ?
Je n’en crois rien. Pour la plupart, elles sont même fortement armées, car moralement armées. Cela en raison de l’histoire, en particulier de l’histoire spirituelle, celle du christianisme d’où sont nées ces nations européennes rassemblées autour de valeurs universelles. Tant que ces valeurs tiendront, les sociétés tiendront l’engrenage de la haine à distance.
La clef de cette réaction se trouve d’ailleurs paradoxalement dans le soutien de tous, musulmans compris, à la communauté juive.
Il n’est pas innocent qu’elle soit la victime systématique de ces attentats. Car en la visant, c’est le cœur et le socle de la civilisation européenne que visent les terroristes. Eux savent que les valeurs universelles entrées dans les mœurs des Européens, sont judéo-chrétiennes. Et que ces valeurs interdisent leur projet liberticide, la charia, leur rapport aux femmes, aux enfants, aux autres cultures. Car il faut avoir la docte ignorance de certains athées pour ignorer que la laïcité elle-même vient de cette séparation évangélique entre ce qui appartient à Dieu et ce qui appartient à César et que leur liberté d’expression, voire leur droit à l’insolence, est l’expression du droit naturel qui est né dans ce creuset judéo-chrétien, dans cette civilisation qui place les droits naturels et la dignité humaine au centre des cités, jusqu’à organiser leur protection par des conseils constitutionnels ou des cours suprêmes.
Les terroristes veulent l’extermination des Juifs, comme Hitler, qui voulait fonder une nouvelle civilisation, la voulait aussi. Elle est la condition de leur ordre totalitaire pour extirper de la planète ceux qui portent dans leur histoire et leur chair cette loi d’humanité qui dit que tout n’est pas possible, qu’il y a de la loi et que le respect de l’autre est au commencement de la moralité.
C’est pourquoi « Je suis Charlie » est plus qu’une erreur, une défaite stratégique.
Il faut réunir toutes les composantes des nations européennes, musulmans et juifs unis, autour des valeurs universelles. Une nécessité pour résister à la haine. Avec ces valeurs, à la façon du peuple britannique durant la guerre, il est possible de résister à toutes les vagues des forces du mal. Sans ces valeurs, la défaite est assurée au prochain coup de feu.

Question 2
2.Parmi les différents pays occidentaux susceptibles d’être attaqués, y a-t-il une différence dans le nombre de « coups » qui peuvent être encaissés ? Quel est le degré de résistance de la France, notamment ?

Oui, certains pays sont mieux armés en raison de leur histoire, de leur composition sociale, de leur puissance morale et parce qu’ils ont une élite qui assume ses fonctions de protection du droit naturel à la sécurité sans craindre les foudres démagogiques et les jeux partisans.
Ainsi le Royaume Uni a vu, depuis 2005, l’ensemble des composantes politiques s’accorder sur le « Prevention of terrorism Act » qui permet au ministre de l’Intérieur de promulguer des ordonnances de contrôle sur les suspects, y compris non citoyens. Ce qui signifie des possibilités de sanctionner par des mesures de prisons fermes l’entraînement ka préparation mais aussi l’encouragement au terrorisme avec des registres de surveillance, des prélèvements d’empreinte, contrôles aux frontières. Et si l’opposition a tenu à ce que les nouveaux projets du gouvernement de priver les djihadistes de passeport voire de les bannir du territoire soient contrôlés par la justice, le principe n’est pas mis en cause. Non plus que la coopération renforcée avec les services de renseignements des Etats-Unis.
Dira-t-on qu’il s’agit d’une veille nation ? En Allemagne, la structure de la sécurité a été transformée depuis 2001 par la conjonction des Länders et de l’Etat fédéral et un centre spécifique de défense commun contre le terrorisme a été créé. Ecoutes et surveillances, des flux financiers, des banques, des entreprises de télécommunication, des compagnies aériennes, de l’Office fédéral pour la migration et même des informations médicales sont acceptées depuis la Loi de lutte contre le terrorisme de 2002, et cela vaut pour les non-citoyens. Non seulement l’acte terroriste, sous toutes ses formes est poursuivi, mais, depuis 2003, l’intention de le commettre aussi, et au même titre. Et, depuis 2007, dans un large consensus national, il est possible d’écouter les conversations, de les brouiller, tandis que depuis l’an dernier la propagande islamiste, étalage de signes inclus, est un délit sévèrement réprimé, y compris dans les communications privées.
Durant le même temps, la France est devenue moralement faible, incapable de prendre des mesures. L’extrême-gauche et les théoriciens postmodernes ont développé pendant des années une culture de haine antisémite sous le couvert du soutien aux Palestiniens et une culture de rejet de l’assimilation sous prétexte du « droit à la différence ». Une culture qui a nourri les djihadistes qui ont trouvé dans les fantasmes gauchistes la justification des assassinats juifs et de leur rejet de la France, ignorant même qu’il y a des palestiniens chrétiens, athées, juifs, qu’ils sont arrivés au XIXème siècle en « Palestine », que nombreux vivent en Jordanie (qui refuse le terme de Palestiniens) et que plus nombreux encore sont ceux qui cherchent simplement à vivre en paix.
Les socialistes, au lieu d’affronter cette extrême-gauche, comme le fit naguère la social-démocratie conduite par Guy Mollet, s’allia avec elle. Et elle repris sont laxisme moral. Quant à la droite républicaine, qui n’a plus aucune charpente idéologique depuis la disparition de Pompidou, elle a préféré courir après la gauche, croyant que l’air du temps serait aussi celui des urnes. Ainsi furent abolies la plupart des règles de l’assimilation. Et abandonnées les classes populaires qui devaient affronter seules, sans le soutien de l’Etat, des mœurs et des revendications qui, dans la quotidienneté, heurtaient leur mode de vie, pourtant généreux.
Certes, la France a produit 14 lois qui tentent d’arrêter le terrorisme, jusqu’à inventer un délit d’entreprise terroriste individuelle, mais elle se trouve incapable de propulser un Patriot Act sur son territoire et en Europe. Plus encore, mal dirigé, le pays n’a pu, malgré l’épisode fort de rassemblement lors du dernier crime terroriste, créer les conditions d’un vrai rassemblement national autour de « Je suis Français », au lieu de sombrer dans le piège de « Je suis Charlie ».
Dés lors, ce pays qui accueille le plus de musulmans dans l’Union européenne, risque de voir rapidement grandir l’esprit communautaire au lieu de l’esprit patriotique, avec les risques de dérive vers la violence prétendument « identitaire » au lieu de la violence républicaine tournée contre les islamistes.

Question 3
3.De par leur Histoire faite de violences, parfois extrêmes, les sociétés européennes possèdent une certaine « résilience » face à cette violence. Par peur de retomber dedans, les élites ont du mal à réagir au phénomène. Sommes-nous finalement désarmées face à ces attaques ?

Les histoires de toutes les nations sont faites de violences, et pas seulement de l’Europe. Et depuis le néolithique, tous les continents se sont ouverts de cimetières dus à la haine humaine. La différence tient plutôt aux moyens utilisés dans les guerres. La modernisation, née dans les facultés européennes sous l’influence du christianisme, a permis aux haines des massacres et des charniers de masse plus rapides. Mais songez à la disparition totale de la terrible civilisation Maya, qui se détruisit seule, à l’esclavage transsaharien organisé par les arabes dont il ne reste aucun survivant, aux conflits entre Turcs, arabes et perses(iraniens), aux guerres entre Japon et Corée…
Mais, je crois que nul ne s’habitue jamais à vivre dans la hantise d’être massacré. Surtout lorsque les civilisations mettent en avant la valeur de la vie humaine. Ce qui est le cas des civilisations européennes. L’histoire montre que les populations qui ont une telle crainte préfèrent se battre, si elles ont une chance de l’emporter, ou de fuir. Parfois même, songeons au Ghetto de Varsovie, les populations préfèrent mourir dans l’honneur quand bien même elles n’ont pas l’espoir de survivre.
Ce sont ces valeurs qui couvrent l’Europe qui expliquent la résilience : une volonté de se battre pour la liberté, jusqu’au bout, quand bien même la bataille paraît perdue. Songeons à Charles de Gaulle. Et la victoire finale.
Le véritable armement est moral et le désarmement aussi.
Chaque nation européenne, au fond d’elle-même, dans sa diversité, est forte des mêmes valeurs universelles. Ces valeurs sont encrées dans le sol, ce qui les rend plus fortes encore, car elles sont appuyées sur une histoire propre et des valeurs particulières. Il revient donc aux élites politiques républicaines d’assurer les citoyens de leur détermination à prendre les mesures pour assurer l’identité nationale autour de leurs valeurs. Et de rappeler que si un invité vient dîner chez un ami, il respecte le mode de vie de ses hôtes. Un individu qui arrive au Danemark, doit accepter les règles de vie de ce pays. Il en va de même dans le monde entier.
Par exemple, en France, première nation civique du monde, chacun est libre de la religion de son choix, mais seulement à partir du moment où elle ne viole pas les valeurs universelles de sa civilisation. Ceux qui refusent l’égalité entre hommes et femmes, qui violentent les femmes, qui les forcent à porter un voile intégral, qui décident de la mort pour apostasie de celui qui change de religion, qui pratiquent l’ablation du clitoris, qui refusent d’envoyer les enfants à l’école et bien d’autres pratiques que certains pays acceptent, doivent être sanctionnés sans aucun « droit à la différence ». Le droit à la différence passe derrière le droit à la déférence devant les valeurs de la nation. La véritable faiblesse de la France tient dans ces années de laxisme qui l’ont désarmée. Et il appartient de la réarmer.
D’où le Patriot Act. Je le dis sans détour : le Patriot Act à l’européenne est absolument indispensable. Il fait partie du réarmement moral.
Rappelons ce qu’est le Patriot Act et comment il pourrait être adapté. D’abord, il s’agissait pour Georges W. Bush de casser cette séparation et cette concurrence absurde entre le renseignement extérieur, en particulier la CIA, et le renseignement intérieur, en particulier le FBI. Une séparation qui avait conduit à sous-estimer les menaces par faute de coordination. Ne serait-il pas tant, au niveau européen, de fédérer l’ensemble des services, autant que possible, extérieurs et intérieurs des Etats ? Ou va-t-on encore découvrir après un nouveau massacre que les terroristes qui sévissent sur notre territoire sont connus des services de nos alliés ?
Le Patriot Act permet ensuite de régler une grande question : comment traiter des gens pris les armes à la main en Afghanistan, alors qu’ils ne sot pas citoyens américains et ont commis leurs actes en dehors du territoire ? Cette réalité fait qu’ils ne peuvent en aucun cas être jugés par une juridiction américaine qui devrait se juger incompétente et donc relaxer les prévenus. Et il faut tout l’anti-américanisme primaire de certains pour croire que ceux qui ont été appréhendés armés par les alliés, Français compris, et qui sont appelés « combattant illégaux » sont innocents. Et plus encore, ajouter la plus sotte des argumentations en prétendant qu’ils devraient être libérés puisqu’ils ne peuvent être jugés, sinon par l’armée. Dans quel conflit libère-t-on, avant la fin, les soldats pris ? Churchill était-il un monstre d’avoir envoyé au Canda de 1940 à 1946 les 35 000 soldats allemands pris par l’armée britannique ? Fallait-il les redonner à Hitler sous prétexte qu’ils n’étaient pas jugés ? Et fallait-il juger chacun des prisonniers allemands en 1945 sous peine de devoir les relâcher ? 400 000 pour le seul Royaume Uni ?
Clairement, le Patriot Act européen doit peser le statut de ces djihadistes qui rentrent en Europe. Ce sont bien des « combattants illégaux ». Et les remettre dans la nature revient à leur permettre d’assassiner. D’ailleurs Barack Obama qui avait promis de fermer Guantanamo n’en a évidement rien fait : sa démagogie s’arrêta devant le fait de devoir rendre des comptes si ces fanatiques sortaient et tuaient. Et par rejet idéologique, au lieu de prendre au sérieux les raisons du Patriot Act, le gouvernement français est coupable de n’avoir pas assuré la sécurité. Ce sont des combattants et, à moins de s’assurer de leur contrôle, tout djihadiste doit être gardé en détention dans des centres de haute sécurité européens spécialisés.
Et finalement, le Patriot Act contraint toute entreprise à fournir des renseignements d’information sur des activités terroristes suspectes. Ce que l’Allemagne ou le Royaume Uni ont imposé de leur côté. Et si, avec l’agence NSA, les Etats-Unis ont développé un système de renseignement sophistiqué pour pister le terrorisme, doit-on le leur reprocher, ou bien plutôt se lamenter de l’incapacité de l’Union européenne, de se doter de telles armes ?
Le seul reproche fait par une myriade d’ignorants et d’idéologues serait que le Patriot Act permettrait de torturer et serait sans contrôle. En vérité, la torture est évidemment interdite aux Etats-Unis. Et, comme le montre le procès de la prison d’Abu Ghraib, ceux qui s’y livreraient seraient condamnés à de lourdes peines d’emprisonnement. Quant au contrôle, les interventions, en particulier les demandes d’écoute, sont bel et bien sous la responsabilité d’une Cour de 11 juges (F.I.S.C.), et celui qui la préside est nommé par le Président de la Cour suprême des Etats-Unis.
La question pour l’Union européenne n’est donc pas de rejeter un Patriot Act mais bien de l’organiser avec les contrôles juridiques nécessaires pour préserver de débordements inquisitoriaux la recherche de la sécurité.

Question 4.
4.Ces tensions interrogent nos rapports avec l’islam radical, et les religions en général. En France, les élites insistent beaucoup sur « l’islamophobie », certes réelle, mais les faits recensés sont finalement peu nombreux. Nos propres tabous nous empêchent-ils de riposter efficacement ?

L’islamophobie est parfois une réalité, parfois un effet de rhétorique démagogique pour s’attirer des voix et les bonnes grâces d’une intelligentzia de gauche dont la misère de la pensée n’est plus à décrire.
Quand elle est une réalité, c’est une ignominie. Le droit de croire est un droit naturel. Avec cette limite, répétons-le, du respect de la dignité humaine. Et cette limite vaut pour toutes les spiritualités
J’ajoute que la morale rejoint l’intérêt bien compris.
Permettez moi un souvenir. A la différence d’un philosophe français qui parle beaucoup mais vit surtout dans le simulacre, j’étais vraiment ami avec le commandant Massoud, qui était né la même année que moi ce qui nous faisait sourire. J’étais ami au point d’avoir été invité à fêter la victoire avec l’Alliance du nord à Kaboul où je suis arrivé avant les troupes US et cela alors que, vous le savez, Massoud a été tué avant les terribles événements du 11 septembre. Qui était le mieux armé pour détruire les talibans ? Le musulman Massoud. Et je dois à deux pilotes musulmans de m’avoir sauvé la vie, cette vie qu’ils aimaient tant.
Les musulmans sont les premiers touchés par le terrorisme. Et les musulmans démocrates sont toujours des cibles prioritaires. Voilà le vrai. Ceux qui prétendent vouloir en finir avec les 6 millions de musulmans français et le 1,5 milliard de musulmans dans le monde sont inaptes à gouverner des nations, mais seulement à les conduire à la ruine. C’est exactement le contraire qu’il faut faire : nous allier avec ces musulmans qui, du Maroc à l’Indonésie croient, à leur façon, en l’humanité de l’humain. Et qui sont plus aptes que nous encore à traquer ces êtres mauvais qui veulent détruire la vie.

Question 5
5. Selon vous, à partir de quand les populations européennes pourraient se sentir tellement en insécurité qu’elles réagiraient sur un plan politique?

A partir du moment où les élites politiques n’assureraient pas leur responsabilité face à une recrudescence des attentats. Mais elles seraient alors remplacées par le jeu électoral.
Dans l’hypothèse, à laquelle je ne crois pas, où les partis politiques ne pourraient mettre en place une politique garantissant le premier droit naturel, et où ils ne seraient pourtant pas balayés par un jeu parti, alors il y aurait en effet constitution de groupes paramilitaires. Et le pays, voire l’Europe, plongerait dans cette dynamique recherchée par les terroristes, de chasse communautaire pour se défendre. Mais le sentiment humanitaire ancré dans nombre de consciences devrait interdire ce genre de dérive haineuse. Nul ne peut penser arrêter la haine par la haine. C’est aussi cela l’enseignement de 14-18 et de l’odieux Traité de Versailles.
Pour arrêter la haine, il faut parfois montrer sa force, et cela avec détermination, parce que, comme le disait Saint Augustin, si « les méchant font la guerre aux justes par désir, les justes font la guerre aux méchants, par devoir ». Par devoir, donc sans cruauté, sans abandonner ses valeurs, sans haine, dans un souci de paix durable qui ne peut, finalement, la victoire acquise, être fondée que sur la compréhension mutuelle, le pardon et le don sans contre don.

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