UNE REVUE SCIENTIFIQUE POUR PENSER LA SÉCURITÉ GLOBALE

Yves ROUCAUTE

(À la suite d’une forte demande, nous avons remis en place cet article paru dans les Cahiers de la sécurité, en octobre-novembre 2010, pp. 7-15)

Les Cahiers de la Sécurité s’inscrivent résolument dans l’évolution scientifique ouverte par la problématique de la « sécurité globale ». 

Adopter un tel point de vue scientifique qui casse les façons positivistes de penser en réintroduisant de l’hybridation et en reconstituant la passerelle entre science et morale qui avait été occultée par la modernité, n’est pas facile. Le risque est grand de préférer fonctionner selon des paradigmes usés et faillis, malgré les impasses gnoséologiques où ils nous conduisent, sous prétexte qu’avec cette notion de « sécurité globale » nous perdrions nos repères. Les théoriciens de la connaissance (« épistémologues », disent les Français) savent les freins mis ainsi à toute « révolution scientifique », pour reprendre une notion utilisée avec succès par Thomas Kuhn. Des repères sur lesquels vivent tant de laboratoires et à partir desquels on a produit tant de textes favorisent la paresse d’esprit, l’incompréhension et heurte des intérêts de corps ou de groupe constitués autour des paradigmes concurrents. Ces résistances à la science sont d’autant plus importantes que nous perdons apparemment plus que ce que nous gagnons. Ainsi, imaginer des atomes-États chargés d’assurer sur leur territoire aux frontières tracées, la sécurité dans la distinction d’un extérieur et d’un intérieur, du public et du privé, avec l’horizon de coopérations internationales intéressées et d’un égoïsme national orienté vers la puissance, est certes confortable. Et il est séduisant de tenter de créer des hypothèses ad hoc pour maintenir la matrice théorique en tentant de l’adapter aux vulnérabilités nées avec la mondialisation et le développement des nouvelles technologies et des sciences de l’infiniment petit, aux nouveaux risques et aux nouvelles menaces.

Si cette façon de résister est en général, pacifique, et, à bien des égards, stimulante, ce n’est pas toujours le cas quand le point de vue idéologique qui se cachait derrière un vocabulaire pseudo-savant se trouve ruiné. Il suffit de voir la façon odieuse dont certaines revues idéologiques comme Politix traitent ceux qui ne partagent pas le point de vue « politiquement correct » du populisme bourdieusien pour s’en assurer. De façon assez classique, quand le seul espoir est de se répéter au lieu de progresser, face à la découverte de phénomènes nouveaux, la police de l’esprit succède à l’esprit policé.

Ce risque scientifique, qui est donc aussi social pour certains laboratoires, comme le montre, en France, le jeu « administratif » de certains groupes, il faut pourtant avoir le courage de le prendre, en ayant parfaitement conscience des insuffisances de notre démarche dans l’élaboration de la matrice disciplinaire, au niveau des généralisations symboliques, des modèles métaphysiques et heuristiques, des valeurs, des méthodes et des réussites exemplaires. Néanmoins, nous ne le prenons pas sans atouts : la matrice disciplinaire est bel et bien constituée, ses succès ne sont pas nuls, des avancées scientifiques ont été faites et une communauté scientifique est née, malgré les hésitations, tâtonnements, erreurs, oppositions, bref tout ce qui est le signe d’une véritable vie scientifique autour du concept de « sécurité globale ».

La raison majeure du choix scientifique de la revue tient au contexte. Comment ne pas mettre la sécurité globale au cœur de nos réflexions tout simplement pour penser ? Le « contexte conceptuel », aurait dit Imre Lakatos, contraint les esprits ouverts à ce choix scientifique 1. Développement des nouvelles technologies et des sciences liées à l’informatique et à l’infiniment petit, chute du mur de Berlin et mondialisation apparaissent en effet comme les éléments nodaux d’une transformation profonde de la conception que nous pouvions avoir des espaces politiques et de la sécurité des espaces de vie. Les conséquences les plus visibles de ces trois phénomènes sont la libération des marchés, l’ouverture des systèmes politiques et le développement des sociétés de communication transnationales qui propulsent le flux des échanges de biens, de personnes et de signes et le surgissement de nouvelles puissances, telles la Chine, l’Inde, le Brésil ou l’Indonésie.

Ainsi s’est engagée une dynamique dont les conséquences les plus importantes sont une nouvelle conception des modes de pensée et de vie, nouvelle conception qui touche la vision de l’espace et du temps, qui bouleverse les manières d’être, des formes d’organisation du travail aux systèmes de valeurs en passant par le rôle dévolu au politique, c’est-à-dire aussi à l’Etat, et cela jusque dans ses fonctions dites « régaliennes ». Et, enfin, qui nous contraint à replacer au cœur des sciences le souci de l’humain.

Il n’est pas anodin que dans ce nouveau monde ait surgi le concept central de « sécurité globale » 2, qui définit des problématiques qui n’auraient pu avoir de sens naguère, quand la modernité imposait ses règles. Souveraineté des États, conceptions classiques d’un extérieur opposé à l’intérieur, notions de frontière, séparations fonctionnelles entre sécurité et défense, opposition ou ignorance mutuelle du privé et du public, études « disciplinaires », recherche de tours de contrôle centrales…. Dans ce nouveau monde, l’État devient poreux face aux vulnérabilités, aux risques et aux menaces. Ou, pour être plus précis : la sécurité et le droit à la recherche du bonheur des individus, droit naturel, et la vie des nations, doivent être repensés face aux vulnérabilités des infrastructures et des interdépendances infrastructurelles, à la multipolarisation des risques et à la transnationalisation des menaces.

C’est dire à quel point penser la nouvelle donne n’est pas facile. Car la Déclaration des Chefs d’État et de gouvernement sur la sécurité de l’Alliance du 4 avril 2009, l’indique clairement: penser la sécurité, introduire la dimension de la mondialisation et repenser conceptuellement la stratégie, sont un même objectif. Des réflexions actuelles sur le « concept stratégique » à l’OTAN, aux interrogations européennes sur une vraie politique de l’Union après la disparition des trois piliers les scientifiques doivent sortir des impasses où les conduiraient le maintien de paradigmes venus d’un autre temps et qui ont montré leur inaptitude à saisir la nouvelle donne.

C’est pourquoi notre revue est très ouverte aux programmes de recherche qui posent au départ les questions en termes de sécurité globale. Et elle est très rétive à installer l’illusion d’un continuum avec les paradigmes qui le refusent. A cet égard, certains attribuent l’origine de ce concept de sécurité globale aux travaux de Kenneth Waltz et de Barry Buzan 3, et à ceux de la commission Palme, en 1982, qui évoquent la « sécurité commune » et la prise en compte de l’interdépendance croissante. Il est aussi possible de s’intéresser aux travaux de la commission Ramphal sur la « gouvernance sécuritaire mondiale », en 1992, indéniablement annonciateurs de cette piste.

Néanmoins, cela est tout à la fois vrai et faux. Des intuitions ou des recommandations ne constituent pas un vrai programme de recherche. La « sécurité commune » n’est pas la « sécurité globale », à moins de voir déjà chez Antoine-Henri de Jomini, par ses travaux sur l’élément diplomatique, ou chez Clausewitz, par ses réflexions sur la dimension politique, voire chez tous ceux qui prennent en compte comme éléments de la puissance, l’économie, la démographie, l’état d’esprit même d’un pays, l’annonce d’un programme de sécurité globale. Ce faisant, on passerait à côté de l’essentiel.

Disons clairement que notre revue prend le parti scientifique de refuser tout positivisme en réintégrant la dimension humaine et le point de vue de l’humaine humanité au cœur de la science et en s’installant, par ce point de vue haut, dans un univers dont les trois concepts clefs sont ceux de sécurité globale, de sécurité humaine et de développement durable. Et, ainsi, de contribuer aux avancées des programmes de recherches qui mettent la sécurité globale non seulement dans leur réflexion mais au centre, quand bien même les énoncés de ces recherches ne sont pas systématiquement organisés et fermés sous l’opération de déduction.

Ces programmes de recherche paraissent avoir une première caractéristique : une remise en cause d’une vision classique, d’origine réaliste quand bien même elle fut ensuite « améliorée » par des hypothèses ad hoc, qui fut longtemps hégémonique, qui produit encore bien des recherches et dont le paradigme conduisait à une distinction entre « intérieur » et « extérieur », « sécurité » et « défense », « public » et « privé », « intérêt » et « moralité » … avec ses corollaires connus. Ces « améliorations » ressemblaient un peu à celles qui avaient permis, en astronomie, le maintien du paradigme géocentrique d’Hipparque et de Ptolémée, contre l’héliocentrisme de Galilée. Elles entraient difficilement dans le paradigme. Penser ainsi la sécurité est à l’évidence inefficace pour cerner le terrorisme ou mettre à nu les réseaux du crime et ne justifie aucune intervention humanitaire face aux risques et aux catastrophes de tout ordre. Ces hypothèses ad hoc permettent certes parfois de réintroduire avec quelques avantages quelques forces transnationales et la question de la puissance économique, mais le schéma reste à nos yeux impuissant quand l’on postule l’acteur État, sujet, centre et tour de contrôle, conformément au modèle né de Thomas Hobbes, pour sa théorie de l’état de nature, Jean Bodin, pour sa théorie de la souveraineté, et Nicolas Machiavel, pour ses jeux politiques dégagés de la moralité, selon la « virtù » et la « Fortuna ». Et si le paradigme de Hans Morgenthau, et, plus encore, celui de Raymond Aron, permet de saisir l’intérêt de prendre en compte l’économie et la mondialisation, il n’est pas anodin de constater que ce dernier ne le fit que tardivement et ne put changer radicalement son paradigme 4.

La revue se pose également dans une critique du courant transnationaliste qui s’imposa scientifiquement quelques années sur les faiblesses manifestes du courant réaliste en revalorisant les forces transnationales, réintroduisait une dimension de porosité dans les systèmes politiques. Il permettait ainsi de donner du sens à l’analyse des acteurs non étatiques. Mais il remettait en même temps si radicalement en cause le schéma de ses concurrents réalistes que l’acteur État se voyait réduit à être un acteur « comme les autres », voire moins important, ce qui conduisit à des impasses auxquelles les inventeurs du paradigme eux-mêmes furent sensibles au point d’en venir à un schéma néoréaliste qui tenta de sauver à nouveau l’hypothèse de l’État.

Avant même l’explosion théorique corrélée aux nouvelles technologies la question de la sécurité avait en tout état de cause pris un tournant qui ouvrait le chemin à des réflexions sur la nouvelle donne. Le modèle néoréaliste, en partie construit par les auteurs qui avaient vendu le modèle transnationaliste, aussi ouvert aux défis modernes que pouvait l’être Barry Buzan 5, lança des pistes qui commençaient à répondre aux bouleversements en cours en réintroduisant les dimensions transnationales. Les travaux de l’Économie Politique Internationale, qu’ils conservent à l’État un rôle central, comme chez Robert Gilpin 6, ou qu’ils insistent sur la diffusion du pouvoir et le rôle des structures économiques et financières en démontrant la difficulté de l’État à assurer la sécurité, la justice, la richesse et la liberté comme chez Susan Strange 7, imposent l’idée que la sécurité ne peut être pensée dans la seule distinction militaire et police tandis qu’était réintroduite de plein droit la dimension économique, culturelle et environnementale.

Mais la nouvelle donne conduisait à aller plus loin en énonçant une problématique novatrice avec ses valeurs, ses concepts propres et ses moyens d’investigation 8. Cela nécessitait aussi, à la façon dont l’indique le Livre blanc sur la Sécurité et la Défense, et, plus encore, le rapport remis par Alain Bauer au Président de la République française, Déceler-Étudier-Former : une voie nouvelle pour la recherche stratégique, de sortir d’une vision trop disciplinaire de la sécurité. Cela nécessitait enfin de concevoir la sécurité non pas à l’aune d’un territoire mais de ceux qui l’habitent et la nécessaire solidarité consubstantielle avec leurs frères en humanité des autres nations pour répondre efficacement et scientifiquement, en termes de résilience, aux risques et aux menaces ; ni la vague terroriste, ni le nuage de Tchernobyl, ni la pandémie du Sida, ne s’arrêtent aux postes douaniers.

S’agissant des concepts qui sont au cœur de la revue car ils sont au centre des programmes de recherche qui prennent pour objet la sécurité globale, ceux de vulnérabilité, de risque et de menace doivent être définis.

Une vulnérabilité ne peut être exprimée que sur une réalisation particulière d’un système.

Le terme de vulnérabilité désigne l’existence d’une possibilité de modification du comportement du système qui pourrait être utilisée de façon indésirable. On notera que l’existence d’une telle vulnérabilité ne résulte pas d’une erreur de conception ou de mise en œuvre, mais peut être nécessaire au fonctionnement du système.

Les risques se distinguent des menaces par leur aspect contingent, accidentel et non volontaire, que l’origine soit humaine ou non humaine. Une menace reflète l’existence d’un phénomène, d’une organisation ou d’un individu qui peut utiliser une vulnérabilité pour influencer le comportement du système afin d’aller vers un objectif différent de celui qui était initialement prévu. La notion de risque n’est valide que lorsqu’elle est associée à un bien au sens large du terme, qu’il s’agisse d’un bien matériel, d’un bien moral (telle que la réputation), ou d’un service. En outre, un risque particulier concerne un événement et est généralement considéré comme étant la combinaison d’une possibilité d’occurrence 9 et d’une quantification de l’impact sur le bien considéré.

Ces trois concepts centraux étant définis, les programmes de recherche qui concernent la sécurité globale visent des domaines, qui se caractérisent par des entités (« explananda»), des séries récurrentes en général, sur lesquelles les hypothèses émises peuvent être vérifiées. Ces « domaines », circonscrits par la vulnérabilité, le risque et la menace, ainsi que par leur dynamique, sont étudiés dans les « dossiers » de la revue ainsi que dans l’Institut National des Hautes Études de Sécurité et de Justice dont dépend la revue et dans les laboratoires affiliés à la revue.

Nous commencerons par définir les domaines qui sont cernés par le concept de « menace », c’est-à-dire par les processus provoqués par volonté humaine.

La sécurité d’une nation, d’un groupement social ou d’un individu, peut être la cible d’attaques dans le cadre de conflits de haute intensité, par des États malveillants, fragiles ou faillis. Ces attaques peuvent prendre des formes classiques d’agression. Elles peuvent aussi prendre des formes tout à fait nouvelles en plaçant au cœur de leur dispositif d’agression les réseaux numériques eux-mêmes, par la destruction des infrastructures ou la prise de contrôle physique de ces réseaux, comme la destruction de groupements ou d’entreprises qui sont au cœur de la sécurité du pays, comme l’élimination ou le contrôle de cadres, ingénieurs, techniciens, savants qui sont au cœur de la sécurité et du contrôle des réseaux numériques.

A cette menace classique « revisitée » par la notion de sécurité globale, s’ajoutent les menaces dues aux guerres asymétriques, qui ne se limitent pas à l’islamisme radical. Elles peuvent être couplées avec des conflits de haute intensité. Le terrorisme est en lui-même un objet hybride à faces multiples qui ne peut être étudié que de façon hybride et pluridisciplinaire.

En relation avec les réseaux numériques, ces menaces peuvent être rendues particulièrement létales par l’attaque contre des infrastructures vitales et les responsables de ces infrastructures.

Elles s’apparentent de plus en plus souvent, aussi bien par leurs moyens que par leurs fins, aux menaces du crime organisé. Et elles ont la caractéristique de pouvoir frapper des cibles multiples, dans des lieux différents dans des temps courts, à l’intérieur d’un espace étatisé ou à partir de l’extérieur. Elles ajoutent à l’incertitude une dimension transnationale et multipolaire de l’imprévisible qui contraint à poser conceptuellement la nécessité de penser non seulement la protection et la prévision mais aussi les conditions de la meilleure résilience. Si le terrorisme, en raison de sa dimension transdisciplinaire est souvent présent dans les dossiers, un grand numéro spécifique de la revue sera néanmoins consacré à cette question prochainement.

La sécurité globale, c’est donc aussi la prise en compte de la menace du crime organisé de façon novatrice. Certes, les réseaux du crime ne datent pas d’aujourd’hui, mais, comme l’a démontré le numéro de la revue consacré aux réseaux criminels, la mondialisation économique et juridique change la donne qualitativement et pas seulement en extension 10. A cet égard, les réseaux numériques sont des espaces virtuels où les réseaux criminels peuvent s’organiser et se développer, de la vente de médicaments frelatés aux réseaux pédophiles.

Stupéfiants, armes, traite des êtres humains, flux migratoires, piraterie, il est peu d’activités criminelles qui menacent la sécurité sur le globe et ne trouvent leur prolongement, voire parfois leur départ, dans les réseaux numériques, et bien souvent, au-delà des frontières des espaces où ils s’exercent. C’est le sens des numéros sur les réseaux du crime, le fléau de la drogue ou sur la traite des êtres humains desquels nous avons extrait quelques textes ici.

La sécurité globale, c’est encore la prise en compte des menaces liées au « soft power ».

L’imaginaire est au cœur de la sécurité et de l’insécurité. Il s’agit, via des associations, des partis, des groupements politiques divers, via des medias dont internet, de miner l’autorité, la légalité et la légitimité d’un État, d’un gouvernement et de la culture d’une nation. Ces menaces visent d’abord à déstabiliser l’autorité dans les zones d’influence, en particulier par l’usage de réseaux de désinformation et de mobilisation. Il s’agit aussi de déstabiliser les politiques publiques en attaquant leur soutien, en particulier le soutien à la politique de sécurité globale. Il s’agit enfin de l’espionnage des centres de recherche, publics et privés, des entreprises et des administrations de l’État. Notre revue n’a pas pour rien mis la question de l’imaginaire au cœur de sa réflexion dans tous ses numéros.

La sécurité globale, c’est encore la prise en compte de menaces « cyber » proprement dites qui déterminent de nouveaux territoires en transformant, sans les annuler, les espaces de vie ; d’où ces extraits du numéro sur les « nouveaux territoires de la sécurité » qui permettent de démonter scientifiquement l’illusion de croire que la naissance d’espaces virtuels conduit à abolir l’espace de vie local et la territorialisation humaine. Téléphonie mobile, constellations de satellites de géo-navigation), réseaux sans fils (Bluetooth, WiFi, WiMax), Internet, systèmes d’information, routeurs, ordinateurs, téléphones, décodeurs de télévision, assistants numériques, systèmes d’exploitation, applications informatiques, toutes ces entités pénètrent l’ensemble de la vie de nos Cités. Peu d’activités échappent aux réseaux numériques et aucune activité vitale. Menaces individuelles, destruction d’un système, menaces de groupements (groupes, États), l’espionnage industriel, destruction de biens matériels ou immatériels, les cyber-attaques contre les infrastructures, vitales ou non vitales, peuvent prendre des formes diverses, des virus, chevaux de Troie, phishing, hacking, prises de contrôle. Et se coupler avec des attaques destructrices des centres décisionnels. Ces cyberattaques peuvent s’opérer contre des individus, des cadres, des entreprises ou le pays tout entier. Ainsi, des cyberattaques d’envergure nationale ont, par exemple, frappé l’Estonie en 2007 et les armées françaises en 2008. Elles touchent chaque jour des entreprises dans le monde entier. Les plus importantes font l’objet d’un traitement médiatique à l’instar de l’attaque subie par le service Twitter et Google début août 2009, mais la plupart demeurent dans l’ombre au point d’être perçues comme une menace banalisée. Les cyberattaques gagnent constamment en complexité et en intensité. Exécutées à des fins lucratives ou pour des raisons politiques, elles sont devenues des armes redoutables et redoutées à l’origine d’un véritable marché dans lequel assaillants et assaillis dépensent des sommes considérables pour atteindre leurs objectifs face aux vulnérabilités, des failles de sécurité aux défauts de conception ou de configuration. On comprend que notre revue revienne régulièrement sur cette question.

La prise en compte de la sécurité globale c’est aussi celle des risques. Et, à nouveau, les Cahiers de la sécurité les prennent au sérieux dans le cadre de leur problématique de sécurité globale.

Ces risques sont d’abord ceux qui sont directement liés à la mondialisation. Le développement des sciences et des techniques, soulage les souffrances et a conduit des pays à sortir de la misère, tels la Chine ou l’Inde, mais ils signalent aussi des dangers jusque-là inconnus.

Les erreurs humaines, dans tous les secteurs de la vie, du nucléaire au médical, des transports à la gestion de l’eau, peuvent avoir des conséquences funestes. L’accroissement des échanges de biens sur internet, la prolifération des flux financiers, l’invention d’outils financiers liés aux nouvelles technologies, conduit à des risques de toute nature, dangereux localement régionalement, nationalement ou internationalement, comme le montre l’actuelle crise financière.

Faute de contrôle, en l’absence d’éthique suffisante ou tout simplement par accident, l’insécurité grandit.

La sécurité globale c’est aussi la prise en compte des risques sanitaires et alimentaires, ainsi que des risques transport. Les risques de pandémie, les questions sanitaires liées aux catastrophes naturelles ou aux conflits, les effets même de l’irresponsabilité, via des ventes de produits alimentaires de toute nature, y compris de médicaments, par Internet, augmentent avec la mondialisation. De même les transports des marchandises, via le ciel, la mer ou la terre, sont, d’un côté, devenus plus sûrs, de l’autre plus sensibles aussi aux défaillances humaines et aux vulnérabilités structurelles des réseaux numériques.

La sécurité globale c’est encore la prise en compte des risques environnementaux et technologiques. Catastrophes naturelles, industrielles, évolutions démographiques, flux, émissions toxiques… Un numéro des Cahiers a été consacré à cette question et les éléments de la sécurité globale trouvent tous leur corrélation dans la sécurisation des réseaux numériques, cause parfois d’insécurité environnementale et technologique, toujours au cœur de la gestion de crise.

Mais les recherches entreprises dans le cadre des Cahiers le démontrent : s’il faut distinguer conceptuellement risques et menaces, il apparaît qu’ils peuvent entrer dans une dynamique létale qui doit être appréhendée scientifiquement. Un groupe terroriste peut tenter de déclencher une crise sanitaire par des armes biologiques, par exemple bactériologiques ou virologiques. De telles opérations pourraient être organisées via Internet. En tout état de cause, tout usage des armes de destruction massive, biologiques, chimiques ou nucléaires, pourrait ainsi déclencher une dynamique de risques de tout ordre, naturels et humains, et aurait un effet destructif sur la population. Les réseaux numériques, cible potentielle des attaques sur les infrastructures vitales, sont au cœur des réponses pour prévenir et gérer.

Face à ces risques et à ces menaces, dans ce contexte de nouvelle vulnérabilité, la revue a montré d’ores et déjà que les programmes de recherche qui prennent au sérieux la sécurité globale posent l’existence de nouveaux acteurs.

Certes, les acteurs classiques de la sécurité restent incontournables, élus d’abord, acteurs de l’armée, de la gendarmerie, de la police, voire de la justice ensuite. Les acteurs de l’insécurité que l’on peut déduire des « menaces » sont aussi des objets d’étude classiques : groupements politiques divers, des États voyous ou groupes terroristes, sectes ou mafias, individus malveillants ou entreprises d’espionnage et de renseignements. Mais la conception de la sécurité globale rénove les études sur ces acteurs en les considérant sous leur forme rhizomique dans leur connexion systémique aux réseaux de la mondialisation. Et elle conduit à prendre en compte, dans la même perspective, d’autres acteurs de la sécurité et de l’insécurité.

Le premier acteur « recréé » est le monde associatif. Églises, associations de consommateurs, de défense de l’environnement, ONG, syndicats… ces univers jouent un rôle majeur. Dans la nouvelle conception scientifique, ils sont conçus non plus comme des êtres autonomes mais comme des domaines et des éléments du contexte des crises, de la gestion de crise, de la sortie de crise et acteur de la résilience (qu’ils y participent ou la freinent), acteurs des espaces locaux et virtuels, qu’ils soient officiellement de type local ou transnational. Par leur présence, en particulier via les réseaux numériques, leur jeu est étudié également pour saisir la sécurité via le soft power, par les phénomènes spirituels qu’ils induisent et les processus de mobilisation et de démobilisation qu’ils peuvent produire.

Le second acteur recréé, ce sont les entreprises, privées et publiques. La multiplication des entreprises de sécurité est un premier objet spécifique des études scientifiques de sécurité globale car elle est le symptôme de la nécessité de l’externalisation des actions sécuritaires non seulement pour les entreprises mais aussi pour la puissance publique. Elle révèle la nature de la nouvelle donne pour les États, le renouveau de la conception de la souveraineté, le développement des formes de sécurité hybrides et l’évolution de certains structures politiques elles-mêmes hybrides, telles l’Union européenne. S’agissant des autres entreprises, parfois des mêmes, si elles peuvent être des acteurs de l’insécurité quand ce sont des entreprises liées au renseignement industriel ou politique, elles sont plus souvent victimes et jouent un grand rôle dans les réflexions de sécurisation des entreprises en raison de leur activité propre ou des attaques dont elles sont l’objet (par exemple l’affaire Valéo, en 2005). Nombre d’entreprises ont ainsi, par leurs activités et leur développement, engagé une réflexion et des moyens pour la sécurité de leurs activités, la protection de leur personnel, de leurs recherches, de leurs brevets jusqu’à celle des réseaux numériques. De son côté, l’État est intéressé, pour sa puissance et pour assurer son rôle, par la sécurisation des entreprises publiques, mais aussi privées, et cela en particulier quand ces entreprises sont en relation avec des infrastructures vitales. Ainsi se nouent des possibilités d’étude des jeux d’intérêts, parfois divergents, afin de penser non seulement les politiques privées de sécurité mais aussi les politiques publiques, leur degré d’efficacité et de cohérence. A cet égard, il n’est pas anodin que les numéros des Cahiers tentent de cerner les politiques publiques et d’y associer des chercheurs du public et du privé.

Précisément, la nouvelle conception scientifique de la sécurité conduit à aider les recherches de ces acteurs particuliers de la sécurité globale : les centres de recherche, publics et privés.

Ces acteurs produisent des concepts et des méthodes, ils peuvent produire des brevets, premier moteur de développement et d’emplois et ils sont la source du développement et des modifications des réseaux numériques qu’ils ont historiquement créés. Ils sont ainsi au centre de la guerre commerciale, politique, technologique et militaire. Leur travail, de la modélisation aux échanges, de la construction des banques de données aux débats entre laboratoires, passe aujourd’hui de plus en plus par les réseaux numériques, qu’ils ont créés, et qui deviennent ainsi une des clefs de leur développement. C’est bien le sens de la présence grandissante des centres de recherche dans les collaborations et à la direction de la revue.

La sécurité globale à l’heure de la mondialisation, c’est encore le monde de la médiation, en particulier de la communication. Outre l’usage que les menaces font peser par ce biais sur la nation, l’esprit de la population est une des clefs de la sécurité globale, comme naguère elle l’était de la sécurité. Alerte, manipulation, information, désinformation, rôle de certaines officines, mobilisation, démobilisation : les moyens classiques nés de la galaxie Gutenberg tout comme les réseaux numériques de la révolution technologique agissent sur l’état d’esprit du pays. Messageries, blogs, sites conviviaux, journaux en ligne, télévisions en ligne, téléphones cellulaires jouent un rôle majeur lors des crises, de leur prévention à leur gestion.

Les scientifiques voient surgir une « opinion » publique locale régionale, nationale voire mondiale, qui intervient directement ou indirectement via les élus aussi bien quand il s’agit d’une entreprise que lorsqu’il s’agit d’une affaire d’État.

Enfin, la problématique de la sécurité globale exige de prendre en compte des acteurs internationaux et régionaux « revisités » à l’aune de la conjugaison de la sécurité globale avec la sécurité humaine et le développement durable et de leur mise en réseaux dans le cadre de la globalisation, tels l’ONU, l’OTAN, l’Union européenne, l’ALENA…. ainsi que ces associations comme l’Organisation Internationale de Normalisation ou de la Commission Électronique Internationale. A cet égard, la revue consacrera un de ses prochains numéros à cet aspect du problème.

Cette problématique de la sécurité globale impose enfin non seulement des concepts et des acteurs mais des méthodes de recherche. Il n’y a pas de résilience possible sans connaissance du prévisible et mise en œuvre préalable des conditions pour recevoir et gérer l’imprévisible.

Cela nécessite de poser l’hybridation des savoirs et l’interdisciplinarité comme pierre de touche du savoir. 

Il suffit pour s’en convaincre de penser à l’ensemble des acteurs concernés par une crise sanitaire. Outre la diversité des acteurs de santé (médecins généralistes, hospitaliers, pharmaciens, biologistes, infirmières…), s’ajoutent les services de l’État (préfecture, affaires sanitaires…), y compris militaires (service de santé des armées) et, au-delà, une noria d’intervenants, psychologues, sociologues, juristes, politistes, spécialistes des transports de voyageurs, enseignants, journalistes…. Un phénomène apparemment limité (la crise sanitaire) devient un enjeu global appelant une réponse globale.

La méthode s’impose donc : permettre cette hybridation des savoirs, que nul ne peut détenir seul et qu’aucune discipline ne peut gérer seule, afin de poser les conditions de possibilité pour analyser les infrastructures, déceler les vulnérabilités (en particulier, par prospection intrusive), prévenir, modéliser des systèmes réactifs et construire des processus de résilience.

Cela explique pourquoi, face à la multipolarisation des risques et à la transnationalisation des menaces, la revue fait appel à des savoirs venus d’horizons différents, qui mêlent public et privé et ce qui relevait autrefois de la sécurité intérieure et de la défense. Et elle est ouverte résolument aux laboratoires internationaux qui travaillent eux aussi dans cette problématique de sécurité globale.

Avec la claire volonté de constituer une communauté scientifique qui soit une « société ouverte », selon le beau mot venu de Bergson et repris par Karl Popper. Une société ouverte sur l’humanité de l’humain, sur ses exigences éthico-scientifiques, selon le message des grandes spiritualités. Car les déferlements de haine du XXE siècle à partir de certains des États les plus « progressistes » de la planète, comme l’Allemagne, l’Autriche, l’Italie ou le Japon, les errances positivistes et productivistes qui conduisent à envisager le présent humain en s’accommodant du sacrifice et à ruiner son avenir, nous le rappellent : « science sans conscience n’est que ruine de l’âme ». Et la sécurité globale est un songe creux si elle n’est l’expression de la sécurité humaine.

Yves ROUCAUTE

Directeur des. Cahiers de la Sécurité,

Professeur des Facultés, agrégé de science politique, docteur d’Etat, agrégé de philosophie.

Directeur du master de « Management du Risque », Faculté de Droit et des sciences politiques de Paris X-Ouest-Nanterre

Notes

  1. Imre Lakatos, Criticism and the Growth of Knowledge, New York: Cambridge University Press, 1970.
  2. Voir pour cette évolution, Jean-Jacques Roche, Théories des Relations Internationales, Paris, Montchrestien, collection « Clefs », 4e édition, 2001, Chapitre 1. Voir également : Charles-Philippe David, La Guerre et la paix Approches Contemporaines de la Sécurité et de la Stratégie, Paris, Presses de Sciences Po, collection « Références inédites », 2000, Chapitre 1.
  3. Kenneth Waltz, Theory of International Politics, Reading, Addison Wesley, 1991, Barry Buzan, People, States and Fear – An Agenda for International Security Studies in the Post-Cold War Era, Hemel Hempstead, Harvester-Wheatheaf, 2e éd, 1991, 393 p. Du même auteur, voir également : New Patterns of Global Security in the 21th Century, in International Affairs, 1991, 67 n°3.
  4. Ramond Aron, 50 ans de réflexion politique, Paris, Julliard, 1983.
  5. Buzan, B., « New Patterns of Global Security in the 21th century », in « International Affairs », 1991, 67-3.
  6. Gilpin, R., The Political Economy of International Relations, Princeton, Princeton University Press, 1987
  7. Strange S., The Retreat of the State, The diffusion of Power in the World Economy, Cambridge, Cabridge Uni-versity Press, 1996
  8. Yves Roucaute, « Mondialisation et sécurité nationale », communication, École militaire, Paris, 10 octobre 2009.
  9. Nous parlerons ici de possibilité d’occurrence plutôt que de probabilité, car la notion mathématique de probabilité, stricto sensu, présuppose certaines propriétés qui ne peuvent être garanties pour tous les risques pris en compte ici. Si la notion de probabilité reste nécessaire pour certaines analyses formelles, elle n’est pas nécessaire dans cet exposé.
  10. Voir le dossier « Les organisations criminelles », in les Cahiers de la Sécurité, N°7, Janvier-mars 2009

La Gouvernance européenne et le paradigme de la sécurité globale

Conférence. Par le Professeur Dr Yves ROUCAUTE

Chairman, Panel 14. IPSA International Conference, Luxembourg 18-20 mars 2010 

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La conception de la sécurité qui dominait la théorie politique et les analyses de la politique européenne ont été bouleversées, tout comme les perspectives de construction de l’Union européenne qui animaient les initiateurs du Traité sur l’Union européenne de 1992, qui croyaient possible d’élaborer une coopération policière et judiciaire en matière pénale (CPJP) à côté de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) et des communautés européennes. 

Dés 1999 (Traité d’Amsterdam), cette séparation est apparue en grande partie inefficace. L’idée que les 2ème et 3ème Piliers seraient seulement à caractère « intergouvernementaux », et non communautaires, était apparue peu pertinente pour les politiques, d’asile, de contrôle aux frontières, de l’immigration, de la circulation des personnes et une partie de la coopération judiciaire. Les décisions par coopérations entre Etats quand il s’agissait de la sécurité intérieure de l’Union semblaient devoir être associées à un pouvoir communautaire plus fort. Le Traité établissant une Constitution pour l’Europe, signé le 28 octobre 2004 à Rome, parut en partie régler le problème, en proposant d’abandonner cette vision des piliers et en ouvrant la porte à une redéfinition des relations entre ce qui relève de l’intégration et de la coopération. Le traité modificatif, proposé par les chefs d’Etat et de gouvernement lors du Conseil européen de Bruxelles du 21-22 juin 2007, va dans le même sens. 

Néanmoins, la question reste posée. Car s’il est admis que l’ancien second pilier (titre V du Traité sur l’Union Européenne), relève plutôt de l’intégration par le titre IV de la Troisième partie, consacré aux politiques et actions intenses de l’Union qui inclut la coopération policière et la coopération judiciaire en matière civile et pénale, il n’en demeure pas moins que les Etats de l’Union semblent en partie réticents sur les nécessités politiques de la prise en compte d’une véritable politique de sécurité globale, malgré les fortes pressions dues aux nouveaux risques et aux nouvelles menaces, au lieu d’envisager une dynamique d’intégration et de coopération qui  intègre aussi le troisième pilier. 

Aujourd’hui, trois facteurs fondamentaux conduisent à aller plus loin et à repenser un modèle conceptuel de la sécurité issu de la modernité et de son faisceau de dichotomies. 

D’une part, la révolution numérique et des sciences de l’infiniment petit a bouleversé les postulats de la théorie de la souveraineté étatique qui avaient été théorisées par les réalistes, Jean Bodin et Thomas Hobbes en tête. Sont remis en question les espaces aux frontières « cartésiennes » claires et distinctes avec un dedans et un dehors, un intérieur et un extérieur, ce qui relève de l’Etat, de la société civile et de l’individu, tout comme les divisions scientifiques en domaines séparés occupés par des « disciplines » ayant chacune leurs spécialistes (militaires, diplomates, policiers, pompiers, juges, géographes, informaticiens, physiciens, chimistes, économistes, médecins, sociologues…) et l’appréhension des temporalités de vie quotidiennes territorialisées et en partie sécurisées à partir d’un centre. 

D’autre part, le surgissement d’un nouvel ordre international ouvre la voie à des réflexions où l’intérêt et la puissance ne sont plus le droit face aux exigences de l’humanité et a retour de l’éthique et de la morale, tandis que, par les nouvelles menaces et les nouveaux  risques, en particulier sur les infrastructures critiques, sont ruinées les séparation entre défense/sécurité, public/privé et accélérées les constructions de nouveaux espaces hybrides de coopération, à temporalités différenciées. 

Enfin, la mondialisation des échanges de biens, de signes et de personnes n’a pas seulement conduit à mettre en question, au moins en partie, le poids des politiques publiques, elle a dynamisé les deux précédents processus, et poussé, en extension et en intensité, la déconstruction des espaces clos pour leur substituer de nouvelles formes d’organisation du travail et de vie brûlant au passage les formes de séparation vertical/horizontal, producteur/intermédiaire/consommateur, marché/science/morale, revisitant la notion de pouvoir elle-même en réintroduisant une dimension éthique au cœur des échanges.

Ainsi, ce n’est pas seulement la nécessité de repenser la séparation de la coopération policière et judiciaire qui est en jeu. La Déclaration des Chefs d’Etat et de gouvernement sur la sécurité de l’Alliancedu 4 avril 2009[1], l’indique clairement : penser la sécurité, introduire la dimension de la mondialisation et repenser conceptuellement la stratégie, sont un même objectif. Des réflexions actuelles sur le « concept stratégique » à l’OTAN, aux interrogations européennes, les scientifiques doivent sortir des impasses où les conduiraient le maintien de paradigmes venus d’un autre temps et qui ont montré leur inaptitude à saisir la nouvelle donne. 

A cet égard, certains attribuent l’origine de ce concept de sécurité globale aux travaux de Kenneth Waltz et de Barry Buzan[2], et à ceux de la commission Palme, en 1982, qui évoquent la “sécurité commune” et la prise en compte de l’interdépendance croissante. Il est aussi possible de s’intéresser aux travaux de la commission Ramphal sur la “gouvernance sécuritaire mondiale”, en 1992[3], indéniablement annonciateurs de cette piste. 

Néanmoins, des intuitions ou des recommandations ne constituent pas un vrai programme de recherche. 

La « sécurité commune » n’est pas la « sécurité globale », à moins de voir déjà chez Antoine-Henri de Jomini, par ses travaux sur l’élément diplomatique, ou chez Clausewitz, par ses réflexions sur la dimension politique, voire chez tous les réalistes par leur prise en compte comme éléments de la puissance de l’économie, de la démographie, de l’état d’esprit même d’un pays, l’annonce d’un programme de sécurité globale. Ce faisant, on passerait à côté de l’essentiel.

Disons clairement qu’il s’agit de prendre le parti scientifique de s’installer dans un univers dont les trois concepts clefs sont ceux de sécurité globale, de sécurité humaine et de développement durable[4] et de contribuer aux avancées des programme de recherches qui mettent la sécurité globale non seulement dans leur réflexion mais dans son cœur, quand bien même les énoncés de ces recherches ne sont pas systématiquement organisés et fermés sous l’opération de déduction.

Ces programmes de recherche doivent donc avoir une première caractéristique : une remise en cause d’une vision classique, d’origine réaliste, qui fut longtemps hégémonique et qui produit encore bien des recherches, et dont le paradigme conduisait à une distinction entre “intérieur” et “extérieur”, « sécurité » et « défense », avec ses corollaires connus. 

D’ailleurs, ce courant avait lui-même dû introduire des éléments qui entraient difficilement dans son paradigme pour tenter de le sauver. Penser les relations internationales par la puissance, l’étude des jeux de forces interétatiques et l’intérêt est à l’évidence inefficace pour cerner le terrorisme ou mettre à nu les réseaux du crime. Des hypothèses ad hoc permettent certes parfois de réintroduire avec quelques avantages quelques forces transnationales et la question de la puissance économique, mais le schéma reste à nos yeux impuissant quand l’on postule l’acteur Etat, sujet, centre et tour de contrôle, conformément au modèle né de Thomas Hobbes, pour sa théorie de l’état de nature, Jean Bodin, pour sa théorie de la souveraineté, et Nicolas Machiavel, pour ses jeux politiques dégagés de la moralité, selon la “virtù” et la “Fortuna”. Et si le paradigme de Hans Morgenthau, et, plus encore, celui de Raymond Aron, permet de saisir l’intérêt de prendre en compte l’économie et la mondialisation, il n’est pas anodin de constater que ce dernier ne le fit que tardivement et ne put changer radicalement son paradigme[5].

Il s’agit encore de poser une critique du courant transnationaliste qui s’imposa scientifiquement quelques années sur les faiblesses manifestes du courant réaliste en revalorisant les forces transnationales, réintroduisait une dimension de porosité dans les systèmes politiques. Il permettait ainsi de donner du sens à l’analyse des acteurs non étatiques. Mais il remettait en même temps si radicalement en cause le schéma de ses concurrents réalistes que l’acteur Etat se voyait réduit à être un acteur “comme les autres”, voire moins important, ce qui conduisit à des impasses auxquelles les inventeurs du paradigme eux mêmes furent sensibles au point d’en venir à un schéma néoréaliste qui tenta de sauver à nouveau l’hypothèse de l’Etat[6].

Avant même l’explosion théorique corrélée aux nouvelles technologies la question de la sécurité avait en tout état de cause pris un tournant qui ouvrait le chemin à des réflexions sur la nouvelle donne. Le modèle néoréaliste, en partie construit par les auteurs qui avaient vendu le modèle transnationaliste, aussi ouvert aux défis modernes que pouvait l’être Barry Buzan[7], lança des pistes qui commençaient à répondre aux bouleversements en cours en réintroduisant les dimensions transnationales. Les travaux de l’Economie Politique Internationale, qu’ils conservent à l’Etat un rôle central, comme chez Robert Gilpin[8], ou qu’ils insistent sur la diffusion du pouvoir et le rôle des structures économiques et financières en démontrant la difficulté de l’Etat à assurer la sécurité, la justice, la richesse et la liberté comme chez Susan Strange[9], imposent l’idée que la sécurité ne peut être pensée dans la seule distinction militaire et police tandis qu’était réintroduite de plein droit la dimension économique, culturelle et environnementale. 

Mais prendre au sérieux la notion de « sécurité globale » conduit à aller plus loin en énonçant une problématique novatrice avec ses valeurs, ses concepts propres et ses moyens d’investigation[10]

S’agissant des concepts qui sont au cœur de la revue car ils sont au centre des programmes de recherche qui prennent pour objet la sécurité globale, ceux de vulnérabilité, de risque et de menace doivent être définis.

Le concept de sécurité globale est la clef théorique de cette possibilité de penser une réflexion sur les vulnérabilités, les risques et les menaces et il conduit à revisiter la vision de la sécurité et de la défense européenne. Il permet d’appréhender scientifiquement Le Traité de Lisbonne, qui, avec sa clause d’assistance mutuelle et son concept de solidarité, tout comme les réflexions actuelles de l’OTAN sur le nouveau concept stratégique, permettent de dégager l’évolution induite par ces nouveaux risques et ces nouvelles menaces et de projeter ce qui pourrait la politique de sécurité globale de l’Union. à travers le paradigme de la sécurité globale[11],

Le paradigme de la sécurité globale

Adopter un tel point de vue scientifique n’est pas facile, le risque est grand de préférer fonctionner selon des paradigmes usés et faillis, malgré les impasses gnoséologiques où ils nous conduisent, sous prétexte qu’avec cette notion de « sécurité globale » nous perdrions nos repères. Les théoriciens de la connaissance (« épistémologues », disent les Français) savent les freins mis ainsi à toute « révolution scientifique », pour reprendre une notion utilisée par Alexandre Koyré et reprise avec succès par Thomas Kuhn.  Des repères sur lesquels vivent tant de laboratoires et à partir desquels on a produit tant de textes favorisent la paresse d’esprit, l’incompréhension et heurte des intérêts de corps ou de groupe constitués autour des paradigmes concurrents ; de façon assez classique, quand le seul espoir est de se répéter au lieu de progresser, face à la découverte de phénomènes nouveaux, la police de l’esprit succède à l’esprit policé. Ces résistances à la science sont d’autant plus importantes que nous perdons apparemment plus au départ que ce que nous gagnons. 

Ce risque scientifique, qui est donc aussi social pour certains laboratoires, comme le montre en France le jeu « administratif » de certains groupes, nous le prenons, en ayant parfaitement conscience des insuffisances de notre démarche dans l’élaboration de la matrice disciplinaire, au niveau des généralisations symboliques, des modèles métaphysiques et heuristiques, des valeurs, des méthodes et des réussites exemplaires. Néanmoins, nous ne le prenons pas sans atouts : la matrice disciplinaire est bel et bien constituée, nos succès ne sont pas nuls, des avancées scientifiques ont été faites et une communauté scientifique est née, malgré les oppositions, autour du concept de « sécurité globale ».  

La raison majeure du choix scientifique qui est devant nous tient au contexte. 

Comment ne pas mettre la sécurité globale au cœur de nos réflexions tout simplement pour penser ? Le « contexte conceptuel », aurait dit Imre Lakatos, contraint les esprits ouverts à ce choix scientifique[12]. Développement des nouvelles technologies et des sciences liées à l’informatique et à l’infiniment petit, chute du mur de Berlin et mondialisation apparaissent en effet comme les éléments nodaux d’une transformation profonde de la conception que nous pouvions avoir des espaces politiques et de la sécurité des espaces de vie. Les conséquences les plus visibles de ces trois phénomènes sont la libération des marchés, l’ouverture des systèmes politiques et le développement des sociétés de communication transnationales qui propulsent le flux des échanges de biens, de personnes et de signes et le surgissement de nouvelles puissances, telles la Chine, l’Inde, le Brésil ou l’Indonésie. Ainsi s’est engagée une dynamique dont les conséquences les plus importantes sont une nouvelle conception des modes de pensée et de vie, nouvelle conception qui touche la vision de l’espace et du temps, les sentiments (en particulier le sentiment d’humanité), les manières d’être, des formes d’organisation du travail aux systèmes de valeurs en passant par le rôle dévolu au politique, c’est-à-dire aussi à l’Etat, et cela jusque dans ses fonctions dites « régaliennes ». 

Il n’est pas anodin que dans ce nouveau monde ait surgi le concept central de « sécurité globale », qui définit des problématiques qui n’auraient pu avoir de sens naguère, quand la modernité imposait ses règles. Souveraineté des Etats, conceptions classiques d’un extérieur opposé à l’intérieur, notions de frontière, séparations fonctionnelles entre sécurité et défense, opposition ou ignorance mutuelle du privé et du public, études “disciplinaires”, recherche de tours de contrôle centrales…. Dans ce nouveau monde, l’Etat devient poreux face aux vulnérabilités, aux risques et aux menaces. 

Ou, pour être plus précis : la sécurité des individus, premier de leur droit naturel, doit être repensée face aux vulnérabilités des infrastructures et des interdépendances infrastructurelles, à la multipolarisation des risques et à la transnationalisation des menaces.

Vulnérabilité, risques, menaces : définir et penser

Une vulnérabilité ne peut être exprimée que sur une réalisation particulière d’un système. Le terme de vulnérabilité désigne l’existence d’une possibilité de modification du comportement du système qui pourrait être utilisée de façon indésirable. On notera que l’existence d’une telle vulnérabilité ne résulte pas d’une erreur de conception ou de mise en œuvre, mais peut être nécessaire au fonctionnement du système.

Les risques se distinguent des menaces par leur aspect contingent, accidentel et non volontaire, que l’origine soit humaine ou non humaine. Une menace reflète l’existence d’un phénomène, d’une organisation ou d’un individu qui peut utiliser une vulnérabilité pour influencer le comportement du système afin d’aller vers un objectif différent de celui qui était initialement prévu. La notion de risque n’est valide que lorsqu’elle est associée à un bien au sens large du terme, qu’il s’agisse d’un bien matériel, d’un bien moral (telle que la réputation), ou d’un service. En outre, un risque particulier concerne un événement et est généralement considéré comme étant la combinaison d’une possibilité d’occurrence[13] et d’une quantification de l’impact sur le bien considéré. 

Les domaines de la sécurité globale : ceux des menaces

Ces trois concepts centraux étant définis, les programmes de recherche qui concernent la sécurité globale visent des domaines, qui se caractérisent par des entités (« explananda »), des séries récurrentes en général, sur lesquelles les hypothèses émises peuvent être vérifiées. Ces « domaines », circonscrits par la vulnérabilité, le risque et la menace, ainsi que par leur dynamique, sont étudiés dans les « dossiers » de la revue ainsi que dans l’Institut National des Hautes Etudes de Sécurité et de Justice dont dépend la revue et dans les laboratoires affiliés à la revue.

Nous commencerons par définir les domaines qui sont cernés par le concept de « menace », c’est-à-dire par les processus provoqués par volonté humaine.  

La sécurité d’une nation, d’un groupement social ou d’un individu, peut être la cible d’attaques dans le cadre de conflits de haute intensité, par des Etats malveillants, fragiles ou faillis. Ces attaques peuvent prendre des formes classiques d’agression. Elles peuvent aussi prendre des firmes tout à fait nouvelles en plaçant au cœur de leur dispositif d’agression les réseaux numériques eux-mêmes, par la destruction des infrastructures ou la prise de contrôle physique de ces réseaux, comme la destruction de groupements ou d’entreprises qui sont au cœur de la sécurité du pays, comme l’élimination ou le contrôle de cadres, ingénieurs, techniciens, savants qui sont au cœur de la sécurité et du contrôle des réseaux numériques.

A cette menace classique « revisitée » par la notion de sécurité globale, s’ajoutent les menaces dues aux guerres asymétriques, qui ne se limitent pas à l’islamisme radical. Elles peuvent être couplées avec des conflits de haute intensité. Le terrorisme est en lui-même un objet hybride à faces multiples qui ne peut être étudié que de façon hybride et pluridisciplinaire. En relation avec les réseaux numériques, ces menaces peuvent être rendues particulièrement létales par l’attaque contre des infrastructures vitales et les responsables de ces infrastructures. Elles s’apparentent de plus en plus souvent, aussi bien par ses moyens que par ses fins, aux menaces du crime organisé. Et elles ont la caractéristique de pouvoir frapper des cibles multiples, dans des lieux différents dans des temps courts, à l’intérieur d’un espace étatisé ou à partir de l’extérieur. Elles ajoutent à l’incertitude une dimension transnationale et multipolaire de l’imprévisible qui contraint à poser conceptuellement la nécessité de penser non seulement la protection et la prévision mais aussi les conditions de la meilleure résilience. Si le terrorisme, en raison de sa dimension transdisciplinaire est souvent présent dans les dossiers, un grand numéro spécifique de la revue sera néanmoins consacré à cette question prochainement.

La sécurité globale, c’est donc aussi la prise en compte de la menace du crime organisé de façon novatrice. Certes, les réseaux du crime ne datent pas d’aujourd’hui, mais, comme l’a démontré le numéro de la revue consacré aux réseaux criminels, la mondialisation économique et juridique change la donne qualitativement et pas seulement en extension[14]. A cet égard, les réseaux numériques sont des espaces virtuels où les réseaux criminels peuvent s’organiser et se développer, de la vente de médicaments frelatés aux réseaux pédophiles. Stupéfiants, armes, traite des êtres humains, flux migratoires, piraterie, il est peu d’activités criminelles qui menacent la sécurité sur le globe et ne trouvent leur prolongement, voire parfois leur départ, dans les réseaux numériques, et bien souvent, au-delà des frontières des espaces où ils s’exercent. C’est le sens des numéros sur les réseaux du crime, le fléau de la drogue ou sur la traite des êtres humains desquels nous avons extrait quelques textes ici.

La sécurité globale, c’est encore la prise en compte des menaces liées au “soft power”. L’imaginaire est au cœur de la sécurité et de l’insécurité. Il s’agit, via des associations, des partis, des groupements politiques divers, via des medias dont internet, de miner l’autorité, la légalité et la légitimité d’un Etat, d’un gouvernement et de la culture d’une nation. Ces menaces visent d’abord à déstabiliser l’autorité dans les zones d’influence, en particulier par l’usage de réseaux de désinformation et de mobilisation. Il s’agit aussi de déstabiliser les politiques publiques en attaquant leur soutien, en particulier le soutien à la politique de sécurité globale. Il s’agit enfin de l’espionnage des centres de recherche, publics et privés, des entreprises et des administrations de l’Etat. Notre revue n’a pas pour rien mis la question de l’imaginaire au cœur de sa réflexion dans tous ses numéros.

La sécurité globale, c’est encore la prise en compte de menaces « cyber » proprement dites qui déterminent de nouveaux territoires en transformant, sans les annuler, les espaces de vie ; d’où ces extraits du numéro sur les « nouveaux territoires de la sécurité » qui permettent de démonter scientifiquement l’illusion de croire que la naissance d’espaces virtuels conduit à abolir l’espace de vie local et la territorialisation humaine. Téléphonie mobile, constellations de satellites de géo-navigation), réseaux sans fils (Bluetooth, WiFi, WiMax), Internet, systèmes d’information, routeurs, ordinateurs, téléphones, décodeurs de télévision, assistants numériques, systèmes d’exploitation, applications informatiques, toutes ces entités pénètrent l’ensemble de la vie de nos Cités. Peu d’activités échappent aux réseaux numériques et aucune activité vitale.  Menaces individuelles, destruction d’un système, menaces de groupements (groupes, Etats), l’espionnage industriel, destruction de biens matériels ou immatériels, les cyberattaques contre les infrastructures, vitales ou non vitales, peuvent prendre des formes diverses, des virus, chevaux de Troie, phishing, hacking, prises de contrôle. Et se coupler avec des attaques destructrices des centres décisionnels. Ces cyberattaques peuvent s’opérer contre des individus, des cadres, des entreprises ou le pays tout entier. Ainsi, des cyberattaques d’envergure nationale ont, par exemple, frappé l’Estonie en 2007 et les armées françaises en 2008. Elles touchent chaque jour des entreprises dans le monde entier. Les plus importantes font l’objet d’un traitement médiatique à l’instar de l’attaque subie par le service Twitter et Google début août 2009, mais la plupart demeurent dans l’ombre au point d’être perçues comme une menace banalisée. Les cyberattaques gagnent constamment en complexité et en intensité. Exécutées à des fins lucratives ou pour des raisons politiques, elles sont devenues des armes redoutables et redoutées à l’origine d’un véritable marché dans lequel assaillants et assaillis dépensent des sommes considérables pour atteindre leurs objectifs face aux vulnérabilités, des failles de sécurité aux défauts de conception ou de configuration. On comprend que notre revue revienne régulièrement sur cette question.

Les domaines de la sécurité globale : ceux des risques

La prise en compte de la sécurité globale c’est aussi celle des risques. Et, c’est pourquoi la revue que je dirige, les « Cahiers de la sécurité », les prennent au sérieux dans le cadre de sa problématique de de sécurité globale comme l’Union européenne doit les prendre au sérieux. 

Ces risques sont d’abord ceux qui sont directement liés à la mondialisation. Le développement des sciences et des techniques, soulage les souffrances et a conduit des pays à sortir de la misère, tels la Chine ou l’Inde, mais ils signalent aussi des dangers jusque là inconnus. Les erreurs humaines, dans tous les secteurs de la vie, du nucléaire au médical, des transports à la gestion de l’eau, peuvent avoir des conséquences funestes. L’accroissement des échanges de biens sur internet, la prolifération des flux financiers, l’invention d’outils financiers liés aux nouvelles technologies, conduit à des risques de toute nature, dangereux localement régionalement, nationalement ou internationalement, comme le montre l’actuelle crise financière. Faute de contrôle, en l’absence d’éthique suffisante ou tout simplement par accident, l’insécurité grandit.

La sécurité globale c’est aussi la prise en compte des risques sanitaires et alimentaires, ainsi que des risques transport. Les risques de pandémie, les questions sanitaires liées aux catastrophes naturelles ou aux conflits, les effets même de l’irresponsabilité, via des ventes de produits alimentaires de toute nature, y compris de médicaments, par Internet, augmentent avec la mondialisation. De même les transports des marchandises, via le ciel, la mer ou la terre, sont, d’un côté, devenus plus sûrs, de l’autre plus sensibles aussi aux défaillances humaines et aux vulnérabilités structurelles des réseaux numériques.

La sécurité globale c’est encore la prise en compte des risques environnementaux et technologiques. Catastrophes naturelles, industrielles, évolutions démographiques, flux, émissions toxiques… Un numéro des « Cahiers » a été consacré à cette question et les éléments de la sécurité globale trouvent tous leur corrélation dans la sécurisation des réseaux numériques, cause parfois d’insécurité environnementale et technologique, toujours au cœur de la gestion de crise.

La dynamique létale des risques et des menaces

Mais les recherches entreprises dans le cadre des « Cahiers » le démontrent : s’il faut les distinguer conceptuellement risques et menaces, il apparaît qu’ils peuvent entrer dans une dynamique létale qui doit être appréhendée scientifiquement. 

Un groupe terroriste peut tenter de déclencher une crise sanitaire par des armes biologiques, par exemple bactériologiques ou virologiques. De telles opérations pourraient être organisées via Internet. En tout état de cause, tout usage des armes de destruction massive, biologiques, chimiques ou nucléaires, pourrait ainsi déclencher une dynamique de risques de tout ordre, naturels et humains, et aurait un effet destructif sur la population. Les réseaux numériques, cible potentielle des attaques sur les infrastructures vitales, sont au cœur des réponses pour prévenir et gérer. 

Les nouveaux acteurs de la sécurité globale

Face à ces risques et à ces menaces, dans ce contexte de nouvelle vulnérabilité, la revue a montré d’ores et déjà que les programmes de recherche qui prennent au sérieux la sécurité globale posent l’existence de nouveaux acteurs.

Certes, les acteurs classiques de la sécurité restent incontournables, élus d’abord, acteurs de l’armée, de la gendarmerie, de la police, voire de la justice ensuite. Les acteurs de l’insécurité que l’on peut déduire des « menaces » sont aussi des objets d’étude classiques : groupements politiques divers, des Etats voyous ou groupes terroristes, sectes ou mafias, individus malveillants ou entreprises d’espionnage et de renseignements. Mais la conception de la sécurité globale rénove les études sur ces acteurs en les considérant sous leur forme rhizomatique dans leur connexion systémique aux réseaux de la mondialisation. Et elle conduit à prendre en compte, dans la même perspective, d’autres acteurs de la sécurité et de l’insécurité.

Le premier acteur « recréée » est le monde associatif. Eglises, associations de consommateurs, de défense de l’environnement, ONG, syndicats… ces univers jouent un rôle majeur. Dans la nouvelle conception scientifique, ils sont conçus non plus comme des êtres autonomes mais comme des domaines et des éléments du contexte des crises, de la gestion de crise, de la sortie de crise et acteur de la résilience (qu’ils y participent ou la freinent), acteurs des espaces locaux ET virtuels, qu’ils soient officiellement de type local ou transnational. Par leur présence, en particulier via les réseaux numériques, l’étude de leur jeu est étudiée également pour saisir la sécurité via le soft power, par les phénomènes spirituels qu’ils induisent et les processus de mobilisation et de démobilisation qu’ils peuvent produire.

Le second acteur récréé ce sont les entreprises, privées et publiques. La multiplication des entreprises de sécurité est un premier objet spécifique des études scientifiques de sécurité globale car elle est le symptôme de la nécessité de l’externalisations des actions sécuritaires non seulement pour les entreprises mais aussi pour la puissance publique. Elle révèle la nature de la nouvelle donne pour les Etats, le renouveau de la conception de la souveraineté, le développement des formes de sécurité hybrides et l’évolution de certains structures politiques elles-mêmes hybrides, telles l’Union européenne. S’agissant des autres entreprises, parfois des mêmes, si elles peuvent être des acteurs de l’insécurité quand ce sont des entreprises liées au renseignement industriel ou politique, elles sont plus souvent victimes et jouent un grand rôle dans les réflexions de sécurisation des entreprises en raison de leur activité propre ou des attaques dont elles sont l’objet (par exemple l’affaire Valéo, en 2005). Nombre d’entreprises ont ainsi, par leurs activités et leur développement, engagé une réflexion et des moyens pour la sécurité de leurs activités, de la protection de leur personnel, de leurs recherches, de leurs brevets jusqu’à celles des réseaux numériques. De son côté, l’Etat est intéressée, pour sa puissance et pour assurer son rôle, par la sécurisation des entreprises publiques, mais aussi privées, et cela en particulier quand ces entreprises sont en relation avec des infrastructures vitales. Ainsi se noue des possibilités d’étude des jeux d’intérêts, parfois divergents, afin de penser non seulement les politiques privées de sécurité mais aussi les politiques publiques, leur degré d’efficacité et de cohérence. 

La nouvelle conception scientifique de la sécurité conduit à aider les recherches de ces acteurs particuliers de la sécurité globale : les centres de recherche, publics et privés. 

Ces acteurs produisent des concepts et des méthodes, ils peuvent produire des brevets, premier moteur de développement et d’emplois et ils sont la source du développement et des modifications des réseaux numériques qu’ils ont historiquement créés. Ils sont ainsi au centre de la guerre commerciale, politique, technologique et militaire. Leur travail, de la modélisation aux échanges, de la construction des banques de données aux débats entre laboratoires, passe aujourd’hui de plus en plus par les réseaux numériques, qu’ils ont créé, et qui deviennent ainsi une des clefs de leur développement. C’est bien le sens de la présence grandissante des centres de recherche dans les collaborations et à la direction de la revue.

La sécurité globale à l’heure de la mondialisation, c’est encore le monde de la médiation, en particulier de la communication. Outre l’usage que les menaces font peser par ce biais sur la nation, l’esprit de la population est une des clefs de la sécurité globale, comme naguère elle l’était de la sécurité. Alerte, manipulation, information, désinformation, rôle de certaines officines, mobilisation, démobilisation : les moyens classiques nés de la galaxie Gutenberg tout comme les réseaux numériques de la révolution technologique agissent sur l’état d’esprit du pays. Messageries, blogs, sites conviviaux, journaux en ligne, télévisions en ligne, téléphones cellulaires jouent un rôle majeur lors des crises, de leur prévention à leur gestion.  Les scientifiques voient surgir une « opinion » publique locale régionale, nationale voire aussi mondiale, qui intervient directement ou indirectement via les élus aussi bien quand il s’agit d’une entreprise que lorsqu’il s’agit d’une affaire d’Etat.

Enfin, la problématique de la sécurité globale exige de prendre en compte des acteurs internationaux et régionaux « revisités » à l’aune de la conjugaison de la sécurité globale avec la sécurité humaine et le développement durable et de leur mise en réseaux dans le cadre de la globalisation, tels l’ONU, l’OTAN, l’Union européenne, l’ALENA…. ainsi que ces associations comme l’Organisation Internationale de Normalisation ou de la Commission Electronique Internationale. A cet égard, la revue consacrera un de ses prochains numéros à cet aspect du problème.

Penser la sécurité globale impose des méthodes de recherche

Cette problématique de la sécurité globale impose enfin non seulement des concepts et des acteurs mais des méthodes de recherche. Il n’y a pas de résilience possible dans connaissance du prévisible et mise en œuvre préalable des conditions pour recevoir et gérer l’imprévisible. Cela nécessite de poser l’hybridation des savoirs et l’interdisciplinarité comme pierre de touche du savoir. 

Il suffit pour s’en convaincre de penser à l’ensemble des acteurs concerné par une crise sanitaire. Outre la diversité des acteurs de santé (médecins généralistes, hospitaliers, pharmaciens, biologistes, infirmières…), s’ajoutent les services de l’Etat (préfecture, affaires sanitaires…), y compris militaires (service de santé des armées) et, au-delà, une noria d’intervenants, psychologues, sociologues, juristes, politistes, spécialistes des transports de voyageurs, enseignants, journalistes…. Un phénomène apparemment limité (la crise sanitaire) devient un enjeu global appelant une réponse globale. 

La méthode s’impose donc permettre cette hybridation des savoirs, que nul ne peut détenir seul et qu’aucune discipline ne peut gérer seule, afin de poser les conditions de possibilité pour analyser les infrastructures, déceler les vulnérabilités (en particulier, par prospection intrusive), prévenir, modéliser des systèmes réactifs et construire des processus de résilience. 

Cela explique pourquoi, face à la multipolarisation des risques et à la transnationalisation des menaces, la revue fait appels à des savoirs venus d’horizons différents, qui mêlent public et privé et ce qui relevait autrefois de la sécurité intérieure et de la défense. Et elle est ouverte résolument vers les laboratoires internationaux qui travaillent eux aussi dans cette problématique de sécurité globale.

Ainsi, l’Union européenne doit-elle avoir la claire volonté de constituer une communauté scientifique qui soit une « société ouverte », selon le beau mot venu de Bergson et repris par Karl Popper.

L’Union européenne et sa sécurité

L’Union européenne est prise dans les processus corrélatifs de nouveaux risques et de nouvelles menaces qui contraignent à intégrer de façon transversale et pluridisciplinaire ce qui relevait autrefois de « domaines distincts », de la défense nationale à la sécurité des entreprises. 

Il lui revient de construire des schémas pertinents autour de ce concept clef de « sécurité globale », en lui associant le souci du « développement durable » et de la « sécurité humaine », cela dans un partenariat civil-militaire, privé et public, tout en tenant compte des exigences des engagements internationaux et des demandes des différents échelons locaux, régionaux et nationaux ainsi que d’une opinion publique européenne de plus en plus acteur de la sécurité. 

Ainsi, peut naître une politique communautaire qui s’oriente vers des processus communs souples, plutôt que rigides, permettant de faire face aux risques et aux menaces identifiées comme à celles qui sont encore inconnues, associant secteurs public et privé, afin de garantir dans l’espace européen « réel » et « virtuel » des mesures de prévention, de détection, d’action en cas d’urgence et de récupération, afin de parvenir à un niveau de sécurité et de résilience approprié et de garantir la continuité des services tout en veillant sur la protection des droits et de la vie privée des citoyens de l’U.E., comme le montre l’analyse et l’évolution de la protection et de la résilience des infrastructures critiques

Cette stratégie souple, et la méthode qui lui est associée, est-elle apte à répondre aux enjeux de concurrence, de souveraineté économique, des activités illégales et dangereuses, de sécurité civile et de défense, de résilience, de sûreté du système productif, de sécurité sanitaire, alimentaire et environnementale ? Cette façon hybride et pragmatique d’avancer ne conduit-elle pas parfois à des difficultés et des tensions qui modifient la façon d’envisager la PESC, la coopération policière et judiciaire en matière pénale ainsi que leur conjonction, piliers longtemps conçus dans une autonomie relative? Difficultés et tensions qui malmènent, d’une part, l’urgence à laquelle chaque partenaire est tenu de répondre et, d’autre part, la cohérence recherchée et nécessaire au niveau de l’Union ? 

Voilà l’enjeu de ces sessions. 

Il s’agira donc, dans la première session de la table, pour le panel de faire d’abord le bilan d’une évolution, tant sur le contenu que sur la méthode de cette stratégie souple.

La seconde partie de cette session permettra de s’interroger sur certaines résistance dues aux cloisonnements entre « domaines » et « fonctions », et aux incompréhension et lourdeurs de certaines politiques domestiques en matière de sécurité et de résilience pour cerner des politique publique qui peuvent servir de modèle afin de renforcer la capacité européenne en termes de réactions, et de penser aux différents lieux pour échanger informations et bonnes pratiques politiques pour définir des priorités communes sur la sécurité et la résilience et l’analyse de sa corrélation, au niveau supra,  avec l’ensemble des engagements internationaux de l’Union, les recommandations de l’OCDE, les résolutions l’ONU, les principes affirmés au G8 et les activités de l’OTAN. 

Durant la troisième session, le panel tentera de cerner le niveau de préparation et de réaction en Europe et, de façon prospective, de penser les évolutions possibles de la politique européenne dans les prochaines décennies. Il s’agira en particulier de cerner l’évolution de cette forme hybride de politique commune qui se construit car si la politique de sécurité globale au niveau communautaire semble devoir délaisser la stratégie de cadre contraignant afin de prendre en considération la réalité politique des Étatsdans l’approche  des instruments politiques, juridiques et économiques, à côté des instruments militaires traditionnels, les nouveaux risques et les nouvelles menaces n’appellent-ils pas toutefois une évolution ? Non seulement pour tenir compte de la nécessité d’une responsabilisation opérationnelle largement décentralisée dans le secteur privé mais aussi pour tenter de trouver les moyens de compenser l’inégalité d’expérience dans l’Union, le manque d’expérience cumulée face aux vulnérabilités, le manque de moyens, la nécessaire construction de passerelles pour accélérer le partage d’informations et assurer la coopération, la gestion de crise et la sécurité du citoyen face au surgissement de nouveaux risques et de nouvelles menaces.


[1] Déclaration des Chefs d’Etat et de gouvernement sur la sécurité de l’Alliancehttp://www.nato.int/cps/fr/natolive/news_52838.htm

[2] Kenneth Waltz, Theory of International Politics, Reading, Addison Wesley, 1991, Barry Buzan, People, States and Fear – An Agenda for International Security Studies in the Post-Cold War Era, Hemel Hempstead, Harvester-Wheatheaf, 2ème éd, 1991, 393 p.  Du même auteur, voir également : New Patterns of Global Security in the 21th Century, in International Affairs, 1991, 67 n°3,

[3] Voir pour cette évolution, Jean-Jacques Roche, Théories des Relations Internationales, Paris, Montchrestien, collection « Clefs », 4ème édition, 2001, Chapitre 1. Voir également : Charles-Philippe David, La Guerre et la paix – Approches Contemporaines de la Sécurité et de la Stratégie, Paris, Presses de Sciences Po, collection « Références inédites », 2000, Chapitre 1. 

[4] Yves Roucaute, Vers la Paix des Civilisations, chap..XVI, Paris, ed. Alban, 2008.

[5] Raymond Aron, 50 ans de réflexion politique, Paris, Julliard, 1983.

[6] Yves Roucaute. « Le transnationalisme comme programme de transition en épistémologie des Relations Internationales », in « Le Trimestre du monde », 3ème trimestre, Paris, 1991. 

[7] Buzan, B., « New Patterns of Global Security in the 21th century », in « International Affairs », 1991, 67-3

[8] Robert Gilpin, The Political Economy of International Relations, Princeton, Princeton University Press, 1987

[9] Susan Strange, « The Retreat of the State, The diffusion of Power in the World Economy », Cambridge, Cabridge University Press, 1996

[10] Yves Roucaute, « Mondialisation et sécurité nationale », Ecole militaire, Paris, 10 octobre 2009.

[11] Roucaute, Yves, “A scientific magazine thinking on the issue of global security”, in Cahiers de la sécurité, december 2009, Paris, p.5-11.

[12] Imre Lakatos, Criticism and the Growth of Knowledge, New York: Cambridge University Press, 1970,

[13] Nous parlerons ici de possibilité d’occurrence plutôt que de probabilité, car la notion mathématique de probabilité, stricto sensu, présuppose certaines propriétés qui ne peuvent être garanties pour tous les risques pris en compte ici. Si la notion de probabilité reste nécessaire pour certaines analyses formelles, elle n’est pas nécessaire dans cet exposé.

[14] Voir le dossier « Les organisations criminelles », in les « Cahiers de la Sécurité », N°7, Janvier-mars 2009

Entretien sur Aujourd’hui, le Bonheur  : « Ce qui caractérise l’humanité, ce n’est pas l’intelligence, mais la créativité »

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR JULIAN HERRERO

1 juillet 2025

Le philosophe Yves Roucaute a récemment publié Aujourd’hui le bonheur : à la découverte du sens de la vie aux éditions du Cerf. Dans cet ouvrage écrit sous la forme d’un récit initiatique, il raconte l’histoire d’un vagabond qui suit l’histoire de l’humanité de ses débuts à nos jours. Ce dernier est à la recherche des quatre clés du bonheur pour accéder à la Vallée de Miel, métaphore de l’aboutissement du parcours initiatique.

Yves Roucaute est philosophe, professeur d’université, docteur d’État en science politique et épistémologie et a publié en 2022 L’obscurantisme vert. Pour lui, la formule du bonheur réside dans la créativité.

Entretien

Epoch Times : Yves Roucaute, qu’incarne concrètement le personnage du vagabond dans votre livre ?

Yves Roucaute : Si on réduit ce livre à une sorte de manuel d’histoire de la pensée, certains verront dans ce personnage un voyageur qui leur permettra d’accéder aux grandes spiritualités et aux grandes philosophies. Mais, en vérité, ce personnage mystérieux est un guide initiatique que chacun doit suivre à travers l’histoire de l’humanité s’il veut découvrir le bonheur et le sens de sa vie.

Pourquoi faites-vous voyager le vagabond à travers les âges ?

J’aime l’humanité, cette espèce formidable qui souffre des malheurs dus à la nature, aux autres, à soi-même et à la croyance que par nature nous serions condamnés au malheur.

Or, cette quête du bonheur, la plus vieille quête de l’humanité, ne pouvait aboutir. Car depuis le paléolithique jusqu’à nos jours, les prophètes de malheur ont vendu l’acceptation du malheur, les idolâtries et la confusion entre bonheur, plaisir, joie, contemplation, béatitude etc…

Il fallait détruire toutes les ronces accumulées dans l’histoire pour trouver la maison.

Qu’est-ce qui vous a poussé à écrire cet ouvrage ? Estimez-vous que la société actuelle soit en proie à une ou des formes de malheurs ?

Face aux idolâtries de la Planète, de l’État, du Marché, des Sciences… face aux pulsions morbides jusque dans les médias et les réseaux sociaux…face aux prophètes de malheur qui vendent culpabilisation de l’histoire de l’Occident, haine de soi dans la jeunesse et condamnation du capitalisme, j’ai aussi voulu par ce livre répondre à cette crise.

Vous dénoncez, à travers cet ouvrage, diverses idéologies modernes, notamment le wokisme et l’écologisme. De quoi ces idéologies sont-elles, selon vous, le nom ? Ces idéologies sont donc un obstacle au bonheur ?

Ce sont les pulsions de mort qui sont à l’œuvre, avec, comme le faisait hier le communisme et le fascisme, une violence extrême contre la spiritualité des cités libres qui met les droits naturels au centre, dont la liberté religieuse.

Ces idéologies sont un obstacle au bonheur car elles propagent la destruction de l’identité du « je » et du « moi ».

Or, je démontre, dans mon livre, que le bonheur ne peut être attribué par l’État, comme le prétendaient les héritiers de Rousseau ou de Marx, mais qu’il est toujours un droit individuel et naturel qui cherche la communion du « je » avec un « moi » débarrassé de ses pulsions morbides, et le monde.

Pourriez-vous revenir en détails sur le concept de « Révolution spirituelle » ? En quoi est-elle nécessaire ?

Cette révolution tient à la découverte de la nature humaine que j’expose dans mon livre. Je démontre que ce qui caractérise l’humanité, ce n’est pas l’intelligence, que les animaux possèdent aussi, mais la créativité, créativité envers la nature que nous transformons, envers autrui puisque nous créons des civilisations, envers nous-même au point de pouvoir soigner notre corps jusque dans ses gènes.

Or, il y a eu deux vraies révolutions dans l’histoire humaine, les autres transformations étant des épiphénomènes. La première a été celle de la sédentarisation, qui a commencé il y a 11.700 ans et qui a mis fin à 7 millions d’années de nomadisme.

La seconde est celle qui se déroule actuellement et que ma philosophie met à nu en mettant la créativité au centre de la compréhension de l’histoire et du monde. Car la libération de la créativité bouleverse le rapport à la nature, aux autres, à soi-même et la vision de l’essence de la nature humaine.

C’est là le sens des quatre clefs que le vagabond récolte à l’état de nature, puis par l’Orient Express, l’Occident Express et le Mondial Express. Et la révolution des Temps contemporains dont ma philosophie est le miroir est précisément l’exercice de ces quatre clefs.

Songez sur l’usage libéré de la première clef qui dit : « dominez la nature ». Non seulement la vieille idéologie marxiste s’effondre, car nul, sous le coup de la robotique et de l’intelligence artificielle, ne peut plus prétendre que la richesse viendrait de l’exploitation ouvrière, mais c’est tout le rapport de la nature depuis le néolithique qui est bouleversé avec la destruction des emplois liés à ce qu’on appelle le « travail », qui, au sens propre, va de plus en plus disparaître, remplacé par d’autres types d’activités, en particulier créatrices.

Et il n’est pas anodin que mon voyageur termine son voyage dans un lieu symbolique, « La Vallée de Miel », celle qu’espérait Moïse qui n’a jamais pu l’atteindre. Non seulement il appréhende dans ce lieu l’usage concret, actuel et futur, des quatre clefs du bonheur, celles qui permettent de construire un monde favorable à l’exercice du droit individuel au bonheur, mais, surtout, il découvre la formule du bonheur intérieur, pour lui-même. Ainsi, ce livre se présente bien comme un voyage initiatique.

La formule du bonheur découverte aux sources de la Vallée de Miel, c’est « créez ! ». Autrement dit, la révolution des temps contemporains est d’abord une révolution spirituelle et toute Cité, toute pensée, se mesure à la libération de cette nature créatrice humaine que nous avons par la naissance.

La clef des clefs, c’est cette révolution spirituelle qui célèbre la liberté créatrice universelle. Et par cette formule, il découvre que le bonheur s’incarne dans l’amour de soi et des autres et dans la communion avec l’énergie créatrice du monde dont je démontre rationnellement l’existence dans ce livre.

Il découvre aussi que le combat pour libérer cette créativité est engagé contre les prophètes de malheur pour les siècles à venir.

YVES ROUCAUTE : REGLER LA DETTE ET LA CRISE ?PERSONNE NE REDRESSERA LA FRANCE SANS UNE RUPTURE FRANCHE AVEC L’IDÉOLOGIE SUICIDAIRE DES ÉCOLOGISTES

Entretien : Atlantico. 1 juin 2025

Avec la proposition de loi Duplomb, la relance du chantier de l’ A69 et la suppression des ZFE, Marine Tondelier, la secrétaire nationale des Écologistes, estime que « nous vivons la pire semaine pour l’écologie depuis longtemps ». Selon le philosophe Yves Roucaute, auteur de « Aujourd’hui le bonheur » et de’ l’ « Obscurantisme vert » , Marine Tondelier « mène en réalité même un combat contre la raison scientifique et contre les Français ». Cliquer ici pour obtenir « Aujourd’hui le bonheur »

Atlantico : Marine Tondelier a affirmé ce samedi que nous « vivions la pire semaine pour l’écologie depuis longtemps » tout en accusant la loi Duplomb (visant à alléger les contraintes du monde agricole) d’être un projet « d’empoisonnement de la société » et une « croisade folle anti écologie » sans pour autant apporter le moindre argument scientifique concret à l’appui de ses propos. L’écologie est-elle devenue une sorte de culte neo-païen ?

Yves Roucaute : Marine Tondelier dénonce une croisade d’on ne sait quelle ligue anti écologie mais elle mène en réalité elle-même un combat contre la raison scientifique et contre les Français. Aucune étude retenue par le Parlement français, aucune référence mise en avant par les institutions européennes, aucun discours scientifique ne la convainquent de nuancer un peu le tableau apocalyptique qu’elle dresse de la situation sanitaire et environnementale en France.

Elle pointe sans ironie aucune les alliés français de Donald Trump que seraient les partis du bloc central en oubliant du reste que ses alliés Insoumis ont aussi soutenu l’abrogation des ZFE.

Face à une telle rage idéologique, seuls la lucidité et le courage peuvent nous sauver de ce que j’ai appelé ailleurs le F.F.F.E., « Faire la France plus Faible Encore ». Là où Marine Tondelier voit une semaine noire, je vois un timide espoir. Car ces dernières années, c’était l’idéologie écologiste anti capitaliste qui menait sans retenue le bal des élites sur une musique aux accents de marche funèbre de la France. Et cela bien au-delà de la gauche. Et cela bien au-delà de la question de l’environnement. D’où l’errance terrible de ceux qui, à droite ou au centre, aveugles sur ce qui se joue, ignorant les vraies sciences, ne comprenant pas les racines de cette idéologie, en dénoncent certains effets qui heurtent le bon sens, comme l’endettement et la violence écologiste, ou leur conscience, comme l’antisémitisme ou le transgenrisme, tout en la nourrissant inconsciemment. Or, une idéologie est un système ordonné de notions, de préjugés, de valeurs et, surtout, de représentations qui formatent l’imaginaire, comme des lunettes qui déforment la réalité. Et il faut constater que l’idéologie écologiste-wokiste, que l’on peut aussi appeler postmoderne, est devenue hégémonique. Née, dans les années 70, en France, portée par les postmodernes Michel Foucault, Gilles Deleuze, Jacques Derrida, Pierre Bourdieu et bien d’autres, marginale lors de son apparition en France, elle a trouvé un plus grand succès sur les campus américains sous la forme de la « french philosophy » où elle permettait de justifier les luttes des militants écologistes anticapitalistes, LGTB, pro-immigration, wokistes, des minorités… nourrissant les peurs, comme celle de la planète qui brûle, et la culpabilité, comme celle de la responsabilité de l’occident capitaliste et chrétien dans l’esclavagisme et le colonialisme. Puis, elle nous est revenue en France, puissante et bientôt hégémonique, comblant dans l’imaginaire de la gauche française, la débâcle des idéologies traditionnelles socialistes et communistes et dans celui de la droite et du centre, l’écroulement de la démocratie chrétienne et le vide culturel habituel de la droite depuis des lustres.

Ainsi, on peut critiquer la rouge écologiste (encore elle) Marine Tondelier qui défilait le 1er mai à Dunkerque pour soutenir des salariés d’ArcelorMittal alors que son idéologie est responsable des normes et des charges qui ont conduit la production d’acier brut à chuter en Europe, passant de 200 millions de tonnes en 1970 à 129 millions en 2024 et, en France, de 20 millions de tonnes à 10,7 millions, laissant la part belle à la Chine et à l’Inde. 

Mais LFI, les Verts, les communistes et les socialistes ne sont pas les seuls fossoyeurs de la France. Ils ne sont pas les seuls responsables de ce que la part mondiale des automobiles européennes soit passée de 35% à 20% et celle des constructeurs français de 12% environ à 1,5 %. Qui a imposé cette interdiction de ventes de voitures thermiques en 2035 que ni les USA, ni la Chine n’ont évidemment eu la sottise de programmer ? Qui a laissé faire à coups d’obligations et d’inquisitions la désindustrialisation massive et l’affaissement des exportations agricoles passées du 2ème au 7ème rang mondial tuant tant d’agriculteurs ? Qui a été incapable de mettre en œuvre le ruissellement des richesses vers les défis contemporains, préférant financer à perte des éoliennes au socle de béton plutôt que de favoriser les innovations au point de se trouver hors des douze premières places mondiales en biotechnologies, nanotechnologies, intelligence artificielle et, d’avoir chuté du 5ème rang mondial en PIB nominal au 7ème rang ? Et si l’idéologie n’aveuglait pas l’ensemble des élites comment ignoreraient-elles que le laxisme envers l’immigration et l’abandon d’une ferme politique d’assimilation, conséquences de cette idéologie écologiste-wokiste, conduit aux délits, aux crimes et aux incivilités qui nous coutent si chers et qui sont autant de richesses détournées de l’innovation ? …

Atlantico : Selon vous, s’attaquer à l’idéologie devenue celle des élites françaises et européennes permettrait de retrouver le chemin de la puissance comme celui de la fin de l’endettement. Nos maux sont-ils vraiment uniquement dus à cette nouvelle trahison des clercs ?

Yves Roucaute : Contrer l’idéologie de ceux qui voudraient déconstruire tout ce qui a fait notre grandeur comme notre prospérité est la condition essentielle de notre survie en effet, celle de la révolution des Temps contemporains que j’appelle de mes vœux avec mon dernier livre « Aujourd’hui le bonheur », une révolution qui est en marche dans les pays qui veulent continuer à participer à l’Histoire, des États-Unis à la Chine. 

Alors que la dette de la France atteint 3400 milliards en 2025, soit 114,7% du PIB, n’est-il pas curieux que pour la réduire rapidement de plusieurs dizaines de milliards et accélérer la croissance, nul ne songe à changer de cap ? Faudrait-il ne pas toucher à ces engagements climatiques qui nécessitent d’investir environ 100 milliards par an d’ici 2030 par crainte d’épuisement énergétique de la planète, exigeant l’amélioration énergétique des bâtiments, des transports prétendument « durables », des industries qu’il faudrait décarboner pour ne pas faire brûler la planète, d’entreprises agricoles qui devraient retrouver les modes de production de l’Antiquité sous prétexte que ce qui est chimique est pas nature mauvais ou suspect, d’énergies qui seraient renouvelables…

Prenons la fameuse question des énergies dites durables et renouvelables que non seulement des élites politiques et médiatiques nous vendent mais aussi nombre d’entreprises, plus ou moins cyniques, qui ont vu dans cette fantasmagorie un bon levier pour faire du profit, ne serait-ce qu’en profitant des aides de l’État, c’est-à-dire en siphonnant les richesses de la nation via les impôts. Si l’idéologie n’aveuglait pas, le bon sens permettrait de saisir que si le soleil ou le vent sont durables, ce n’est le cas ni des éoliennes ni des panneaux solaires qui durent moins que les moulins à vent de naguère lorsqu’elles échappent à la rouille, aux avaries et aux intempéries, environ 20 ans. Soit beaucoup moins durables que les centrales nucléaires qui durent de 30 à plus de 60 ans avec des extensions planifiées et moins que les gisements pétroliers, qui, pour les gisements conventionnels durent plus de 50 ans au moins, et pour les supergéants plus de 60 ans. Quant à les dire renouvelables, les générations futures désidéologisées riront de cette affabulation. Car si le vent ou le soleil persistent à produire leurs effets sans intervention humaine, comme le savaient jadis les constructeurs de girouettes et de moulins à vent, difficile de trouver une éolienne ou un panneau solaire qui se reproduit, même en les imaginant transgenres. (rires) Et avec un tel sophisme, puisque les atomes ne cessent d’exister, voilà les centrales nucléaires renouvelables et même ce que l’on appelle « pétrole », ces cocktails composés d’atomes de carbone et d’hydrogène, notamment via les carburants synthétiques. 

Une chose est certaine : ils sont si peu rentables qu’ils ne peuvent être installés sans aides de l’État et ils le sont bien moins que les autres manières de récupérer l’énergie sur terre.

Faudrait-il donc éviter de baisser l’endettement en sacralisant ces malus fiscaux dissimulés sous le nom de « bonus écologiques », ces normes environnementales qui empêchent développement industriel et recherches, ces obligations ridicules et couteuses comme celle, pour certains propriétaires, d’équiper les toits de leurs bâtiments de panneaux solaires ou de les végétaliser ?

Et que dire de cette si les élites, renouant avec l’esprit de liberté, décidaient de dissoudre ces comités d’experts qui coutent si chers et parasitent le pays, de cette Agence de la Transition écologique au Conseil économique, social et environnemental, du Conseil national de la Transition écologique à l’Autorité environnementale, dont le nom d’ « autorité » dit à lui seul toute l’imposture, jusqu’au Ministère de la transition écologique et de la Cohésion des territoires, incapable d’organiser un aménagement du territoire, tous ces organismes qui permettent les belles carrières des militants rouges et verts et la diffusion de l’ignorance ?

Comment ne pas s’amuser de voire la majeure partie des élus de droite et du centre se plaindre de l’influence de L.F.I. et des Verts, tout en envoyant le développement de la France sur les lignes des trains fantômes de leur « transition écologique », ersatz de la « transition socialiste » d’hier, nourrissant par leurs discours les croyances qui fomentent avec l’endettement, la haine de l’histoire de France, du capitalisme et de la démocratie libérale.

L’urgence n’est pas climatique, elle est de cesser de faire risette avec les idéologues qui, à la manière de la « sobriété énergétique » d’Elisabeth Borne signale l’ivresse idéologique bien au-delà de la gauche. Il est temps de briser les freins à la croissance, donc aux emplois et aux salaires, donc aux richesses qui permettent plus de bien-être et de recettes fiscales, au lieu d’ériger la boursouflure étatique en vertu. Et pour cela l’urgence est de former une élite politique à l’écoute du bon sens populaire et des vrais scientifiques, déterminée à imposer la libération de la créativité afin de reprendre le chemin du progrès, de la croissance et de la puissance…

Atlantico : Comment expliquer que les partis du centre ou de droite peinent à se dégager de l’intimidation idéologique que parviennent à imposer les partis ou militants de gauche ? Faut-il se résigner à l’idée qu’il n’y aurait que des personnalités à la Trump ou la Orban pour éliminer l’idéologie ?

Yves Roucaute. Le phénomène n’est pas nouveau car depuis trop longtemps droite et centre, craignant les foudres des idéologues, ont pris la mauvaise habitude de vivre dans la culpabilité et de ne pas réaliser la politique pour laquelle ils avaient été élus. Je note au passage, quand bien même cela me sera reproché par ceux qui ont une courte vue, que l’histoire de France retiendra néanmoins que l’on doit à François Bayrou non seulement d’avoir refusé tout ostracisme mais de nous avoir évité le pire, une sanction financière internationale et le chaos. Or, je tiens pour vrai que rien n’est pire qu’une guerre civile. Mais l’urgence de la situation appelle d’agir avec détermination pour sortir de la crise de légitimité actuelle et régler l’accumulation des problèmes vitaux non résolus. Et c’est cela qui, veut le désordre politique actuel, n’est pas possible.

À cet égard, la Trumpophobie est aussi déplacée que l’Obamania d’hier qui cherchait également à justifier les lignes de fuite face à la réalité. Est-il dont interdit de rappeler que Barack Obama n’avait rien à voir avec la gauche socialiste française, au point de refuser de recevoir ses leaders et de condamner leur idéologie socialiste ? Quant à Donald Trump, il est le Président élu des États-Unis, pas celui de la France, il veut la puissance de sa nation, pas celle de la France mais, sans porter de jugements sur ses actions, je crains que la trumpophobie ne soit seulement le cache-sexe certaines élites qui craignent que la politique domestique américaine qui affronte avec courage l’idéologie écologiste et wokiste ne donne quelques idées ici. Et je suis certain que beaucoup de Français pensent en leur for intérieur qu’ils aimeraient avoir un dirigeant politique aussi déterminé à défendre la France qu’il l’est à défendre les États-Unis ou que l’est Viktor Orban à défendre la Hongrie. Car c’est bien de courage et d’audace que nous manquons en France.

Mais, je le répète, la France a ses propres problèmes et, comme le disait justement Aristote contre Platon, un bon gouvernement agit à partir de ce qui est dans sa propre Cité, et non à partir d’un modèle idéal ou propre à ce qui se passe ailleurs. Et s’agissant de la recherche de puissance, il est clair que l’allié américain est aussi un redoutable concurrent, et que choisir le camp de la France est donc aussi choisir de l’affronter quand il le faut. Mais pour l’affronter il faut une volonté éclairée par les vraies lumières, celles qui mettent l’humanité au centre et non la planète, et qui s’appuie sur les sciences, et une nouvelle élite politique pour accompagner la révolution nécessaire.

Atlantico : Former aux sciences les cadres politiques serait donc un moyen pour balayer l’idéologie comme d’ailleurs vous l’écriviez dans L’Obscurantisme vert ?

Yves Roucaute. Oui, comme je l’ai démontré dans l’Obscurantisme vert sans jamais avoir été contesté et comme je le rappelle dans Aujourd’hui le bonheur, cette idéologie s’oppose totalement aux sciences. Mais il y a en France un problème de formation des élites politiques. Sortir des facultés de droit, de science politique, d’économie, de gestion et de lettres, toutes fortement idéologisées, rend inapte à affronter la nouvelle donne, cette mondialisation des savoirs qui conduit notamment à l’explosion des technologies et de l’intelligence artificielle, transformant le rapport à la nature, aux autres nations et à soi-même.

Les États-Unis n’ont pas ce problème car le pragmatisme est dans culture américaine et c’est un formidable antidote à toute idéologie. Même durant la période Biden, malgré l’administration idéologisée de Washington, les élites célébraient majoritairement le nucléaire et le charbon, les gaz de schiste et le pétrole, l’intelligence artificielle et les nouvelles technologies. Quelle différence avec la France !

Former les élites politiques aux sciences, voilà l’urgence. Cela permettrait d’engager avec succès la bataille idéologique.

Scientifiquement armés, ils pourraient ainsi défaire les discours idéologiques culpabilisants sur la planète et l’anxiété qui en découle, en défendant la scientificité des sociétés de géographie et de géologie qui constatent qu’entre 13°5 et 15° environ, les températures d’aujourd’hui n’ont rien de dramatique. Car depuis 4,5 milliards d’années hors glaciations, la plupart du temps, il a fait plus chaud, à la manière de l’époque des dinosaures qui vivaient avec 29° en moyenne, à celle de nos ancêtres de l’Éémien qui vivaient avec 4 à 9°C de plus qu’aujourd’hui, sans évoquer 2 milliards d’années où il a fait plus de 85°. Contre les idéologues vendeurs de culpabilité, se mettant du côté des sciences, ils défendraient les historiens non marxistes du Moyen-Âge, pour rappeler qu’il y faisait sensiblement plus chaud qu’aujourd’hui, sans capitalisme et sans révolution industrielle, tandis qu’il y avait deux colonies de Vikings au Groenland, qui signifie « terre verte », et que l’on cultivait des vignes dans le nord de l’Europe. Ils défendraient aussi les historiens qui étudient la sécheresse soudaine qui a exterminé en quelques mois tant de populations il ya 4200 ans, et aussi ceux qui étudient au néolithique ce Sahara qui, de vert, est devenu un désert, et aussi ces historiens et géographes qui étudient ce déluge violent et soudain dû au réchauffement du début de l’holocène. Au passage, ils pourraient rappeler, cette montée des glaciers en pleine révolution industrielle avant 1850, sinon les températures de 1947 sensiblement supérieure à aujourd’hui.

Ils pourraient encore ridiculiser ceux qui prétendent que l’énergie viendrait à s’épuiser en défendant la physique et les 1200 scientifiques et Prix Nobel de physique qui ont pétitionné pour rappeler pensent qu’il n’y a aucune urgence climatique ni crise énergétique à l’horizon de la croissance. Cela car l’énergieest inépuisable comme le sait tout étudiant qui a entendu parler, fut-ce vaguement, des particules élémentaires, de l’industrie nucléaire ou des nanotechnologies. Et ils pourraient même prouver que non seulement la planète n’est pas une Cosette mais qu’elle est une caverne d’ Alibaba comme le montrent l’explosion des biotechnologies et l’exploitation de l’hydrogène, élément le plus présent dans l’univers,75%, excusez du peu !

Et contre la peur vendue avec la transition écologique, ils pourraient soutenir la médecine pour rappeler que ce CO2, qui représente 0,0415% dans l’atmosphère respiré aujourd’hui, soit 415 ppm, n’est pas dangereux pour la santé et qu’il ne le serait pas plus s’il montait à 450 ppm et même au-delà puisque depuis 541 millions d’années, hors glaciations, la moyenne a souvent été de 3000 à7000 ppm, soit près de 8 à 17 fois plus qu’aujourd’hui, ce que nos ancêtres ont souvent connu. 

En chemin, ayant suivi les cours de chimie, ils pourraient prouver que le principal gaz à effet de serre n’est pas le CO2 contrairement à ce que prétendent les idéologues, mais la vapeur d’eau, entre 75% et 90%. Ce qui conduit d’ailleurs à ce paradoxe qui fera rire aux éclats nos descendants, que remplacer les énergies fossiles par l’hydrogène comme le proclament certains écologistes experts en économie environnementale et enastrologie, ne réduit pas les gaz à effet de serre puisque cette molécule produit de la valeur d’eau, donc des gaz à effet de serre.

Ils pourraient enfin démontrer aux écologistes qui ont raté les cours sur la biologie végétale, que vouloir traquer le « carboné » par des forêts et la végétalisation comme ils prétendent le faire dans les villes qu’ils gouvernent et quadrillent de leur docte ignorance, est d’une rare bêtise. Car la photosynthèse est une valse à deux temps. Si, dans un premier temps, les arbres absorbent le CO2, ensuite ils meurent et ils relâchent alors dans l’atmosphère à peu près la quantité de CO2 absorbée. Résultat : le bilan carbone des forêts est neutre. C’est pourquoi l’Amazonie n’est pas le poumon de la Terre tandis qu’Anne Hidalgo et ses amis obscurantistes,  auraient dû suivre quelques cours de science. Et la même science, la biologie, prouve que ce sont les cyanobactéries de la mer qui, depuis plus de 3 milliards d’années, permettent l’atmosphère respirable et non les forêts. Ces cyanobactéries dont le préfixe « cyano » signifie bleu sombre en grec et non vert. C’est pourquoi, il faut se réjouir que la Terre, cette caverne d’Ali Baba, ne soit pas verte, mais bleue, comme l’équipe de France. (rires)

Oui, former des élites nouvelles aux sciences et les entrainer derrière un dirigeant déterminé à aller vers une France libre et puissante, voilà la clef indispensable pour détruire l’idéologie.

Atlantico : Mais n’y a-t-il pas des instituts scientifiques, comme le G.I.E.C. qui s’opposent à ce retour de la puissance ?

Yves Roucaute. Il faut précisément former des élites aux sciences et à leurs méthodes pour qu’elles saisissent que le GIEC et ceux qui prétendent qu’il existerait un prétendu «consensus scientifique » autour de l’écologisme ne répond à aucun critère scientifique. Pas plus qu’il n’en existait après-guerre autour de ceux qui terrorisaient sociologues, historiens et physiciens au nom de la prétendue science de l’histoire marxiste et du matérialisme, jusqu’à nier toute scientificité à la biologie ou à l’informatique sous prétexte qu’elles n’étaient pas conformes à la dialectique matérialiste.

D’abord, ses 34 membres sont tous nommés par des chefs de gouvernement, dont ils sont souvent des parents ou des partisans. Or, dans aucun institut scientifique digne de ce nom cela ne serait possible.

D’autre part, 90% sont issus de l’« économie environnementale », du droit de l’environnement, de la sociologie… et les voilà qui discourent sur la nature et la climatologie. Or, aucune université au monde n’admet que la climatologie soit une science. Et aucun discours sur la nature ne peut être tenu par des gens qui, pour la plupart ignorent la physique. Car la science de la nature s’appelle « physique », du grec ancien « phusiké » qui signifie « science de la nature » et non « climatologie ».

Enfin, aucune théorie scientifique digne de ce nom ne peut maintenir ses hypothèses si celles-ci sont falsifiée par les faits. Certes, la plupart des hypothèses du G.I.E.C. évoquent une échéance catastrophique pour 2100, ce qui a l’avantage d’être invérifiable avant cette date. Néanmoins, une poignée d’entre elles sont vérifiables. Or, force est de constater que celles-ci sont alors toutes fausses. Car où est l’augmentation des eaux qui, de rapport en rapport, devait submerger les îles Marshall avant 2020 ? Le seul rapport de 2007 prévoyait pour 2020, l’hypothèse d’un réchauffement jamais vu depuis650 000 ans ! Et on est prié de ne pas rire quand ce rapport, avec chiffres graphes et statistiques à l’appui, prévoyait que d’ici 2020, entre 75 millions et 250 millions de personnes seraient menacées de mourir de faim ou de soif, que l’Asie, Chine en tête, aurait une montée de la mortalité et de la morbidité…et j’en passe. C’est le contraire qui s’est produit. Mais cela n’a pas empêché l’écologisme de se développer comme, malgré la réalité du goulag, le communisme après-guerre.

Cette idéologisation des esprits, en grande partie due au recyclage des marxistes d’hier, explique ces projections anxiogènes des instituts amis du G.I.E.C. qui promirent, il y a 3 ans, l’entrée dans une ère de sècheresses jamais vues avec des nappes phréatiques à sec. Depuis les nappes débordent et l’on a vu des pluies jusque dans le Sahara et d’innombrables inondations partout. Cela n’empêche pas certains expertsen climatologie de nier les faits.

C’est sans doute pour s’éviter les déboires de la confrontation au réel que certains instituts idéologiques de sciences humaines ont inventé l’hypothèse infalsifiable. Ce qui, au passage, est totalement contraire à l’esprit des sciences mais l’esprit de la planète mériterait bien cette messe. Il fait chaud, il fait froid, il pleut, il ne pleut pas : capitalisme et croissance sont coupables pour cause de « dérèglement climatique ». Des affabulations apparemment sans risque, puisque cela marche à tous les coups. Une prétendue « preuve » suffisante qui permet de tendre la sébile aux argentés apeurés.

Remarquez, même face à ce simulacre, un esprit qui serait habité sinon par l’esprit des sciences, au moins par le bon sens, pourrait révéler le pot aux roses. Il pourrait poser cette question pour vérifier la validité de cette hypothèse écologiste : s’il y a dérèglement, quel est donc ce règlement ? 

Il est, paraît-il, connu des seuls prophètes écolo-wokistes rouges et verts qui le gardent jalousement pour eux. Ce qu’Aristophane, se moquant jadis à Athènes des démagogues qui vendaient pareils pour obtenir des voix, appelait « attrape-gogo ».

Oui, il est temps d’engager la guerre idéologique. Et pour la diriger de trouver une personnalité qui prenne la puissance de la France et la libération des énergies créatrices au sérieux. Mais est-ce possible ?

Atlantico : Vous êtes favorable au progrès ?

Yves Roucaute. Oui, il faut cesser de concéder le mot « p r o g r è s » à l’extrême-gauche qui le détourne de son sens, alors que ce concept a été inventé par l’humaniste chrétien Rabelais, qui mettait la conjugaison des sciences et de la croissance, mais sans idolâtrie, au diapason de l’épanouissement individuel. Ce qui, après la seconde guerre mondiale, fut la position des libéraux, des chrétiens démocrates, de la gauche socialiste et, surtout, de Charles de Gaulle qui en fut un fervent partisan via la modernisation économique et technologique, de l’industrie aéronautique et spatiale au programme nucléaire. Il n’est pas anodin que ce fut ce même Charles de Gaulle, chef du gouvernement provisoire de 1944 à 1946, qui ait donné le droit de vote aux femmes, et non le Front populaire de 1936. C’est lui encore qui lança alors la sécurité sociale rassemblant autour de ce projet droite, centre et gauche, lui encore qui rétablit la démocratie libérale pluraliste et respectueuse des droits individuels en France… Appeler aujourd’hui « progressistes » des gens qui nient physique, géographie, histoire, archéologie, biologie… pour vendre leur « transition écologiste » contre le capitalisme, la course à la croissance et la libération de la créativité, est incohérent…

Atlantico : Vous êtes pessimiste ?

Yves Roucaute. À court terme, vu le désordre français, vue l’hégémonie de cette idéologie, je reste circonspect. Mais à long terme, mon optimisme est nourri par cette loi : l’idéologie est un pot de terre qui finit toujours par se fracasser contre le pot de fer de la vérité. Les sondages publiés par « Le Figaro » montrent un rejet grandissant de cette idéologie par les Français qui en constatent ses effets néfastes sur leur sécurité, leur bien-être, leur mode de vie, leurs valeurs, la puissance de la France. Souvenez-vous : l’idéologie marxiste qui avait gangréné bien des esprits dans l’après-guerre a fini par sombrer quand, au lieu de la crise générale du capitalisme annoncée, c’est la crise générale du modèle communiste qui est arrivée. De même, il me semble observer le début de la crise générale du modèle wokiste-écologiste. 

Le coup de balai a commencé aux États-Unis, et, avec retard, comme d’habitude, il commence à avoir un écho ici. Que 81% des Français se disent persuadés que les grands chantiers d’aménagement de territoires sont « utiles pour les citoyens et l’économie de notre pays » alors qu’ils sont dénoncés avec violence par les rouges-verts, le montre.

Certes, il reste encore beaucoup de chemin pour ranger au grenier, auprès de la « transition socialiste », cette « transition écologique » qui voudrait une rupture avec le capitalisme et l’histoire de ce pays. Mais j’ai confiance, le sens de l’histoire n’est ni celui du retour à l’idolâtrie de la planète, ni celui de l’enfermement de la liberté créatrice. La seule question est de savoir si la France a encore un rôle dans l’histoire du monde ou si elle deviendra un satellite des nations qui libèrent la créativité et créent les conditions pour favoriser la construction de cette Vallée de Miel que je décris dans « Aujourd’hui le bonheur » et que j’offre pour nourrir l’imaginaire d’espérance et interdire ainsi le retour de l’idéologie.

Yves Roucaute a publié « Aujourd’hui le bonheur. A la découverte du sens de la vie » et « L’Obscurantisme vert » aux éditions du Cerf. Cliquer ici pour obtenir « Aujourd’hui le bonheur » et ici pour « L’Obscurantisme vert ».

France Réveille-toi!

Avec le tsunami Trump, la France a perdu ses repères. Une bonne nouvelle pour ranger les idéologies au grenier selon le philosophe Yves Roucaute qui publie « Aujourd’hui, le bonheur » aux éditions du Cerf.

France est triste, la France a peur et sa jeunesse ne croit plus en rien, sinon aux lendemains qui pleurent. Prise entre le tsunami protectionniste américain et la subtile offensive chinoise, elle sort de l’histoire. Son mal ? Profond, plus profond que sa dette : un mal spirituel.

Avec elle, toute l’Europe paie l’incommensurable erreur des élites européennes d’avoir refusé la référence à ses racines judéo-chrétiennes dans les traités. La nature humaine ayant horreur du vide, les prophètes de malheur se sont engouffrés dans la faille : anticapitalisme, écologisme, wokisme, transgenrisme, laxisme face à l’islamisme et à l’antisémitisme, décroissance et rejet des innovations… 

Résultat : au lieu de participer à la révolution des temps contemporains, dont mon livre Aujourd’hui le bonheur donne les clés à travers les carnets de voyage d’un vagabond qui suit pas à pas l’histoire de l’humanité depuis la préhistoire, l’Europe regarde passer le train. Elle est incapable de saisir que la libération de la créativité, via l’innovation, est le chemin qui conjugue puissance et richesse des nations avec le bonheur individuel.

Que l’innovation soit le chemin de la puissance des nations, Donald Trump et Elon Musk, tout à leur désir d’hégémonie, l’ont compris. D’où leur volonté de s’attaquer à la bureaucratie, de baisser taxes et impôts, de ne plus dilapider l’argent public via bonus écologistes et financements verts, de soutenir les industries extractives et transformatrices, d’extirper les idéologies obscurantistes. Mais, aveuglé par les idolâtries de la puissance et du marché, ce protectionnisme offensif a des effets pervers : inflation, du fait du renchérissement des importations, menace de rétorsion aux mesures douanières et, surtout, désarroi des alliés, antiaméricanisme exacerbé de leurs ennemis et frein à la mondialisation des savoirs qui nourrissait la puissance américaine et l’humanité aussi. Donald Trump n’est pas Ronald Reagan qui associait puissance et valeurs universelles.

RÉVOLUTION SPIRITUELLE

L’Europe peut-elle se réveiller ? Loin derrière les États-Unis, avec 18 500 milliards de dollars de PIB contre près de 30 000 milliards, une Allemagne en récession, une France première mais en prélèvements et dettes… peut-on y croire quand sa plus belle avancée en matière d’intelligence artificielle est d’avoir produit cinq régulations pour la limiter ? L’urgence est de ranger au grenier idéologies et idolâtries. Une seule solution : la révolution… spirituelle qui conduit à ne pas laisser une seule idéologie en place.

Ainsi, dès la première station rencontrée par le vagabond, « L’état de nature », il coupe au scalpel l’écologisme. Il y apprend notamment par Mary, le prénom n’est pas anodin, que 21 des 22 espèces du genre Homo ont été exterminées par la douce Gaïa en 2,8 millions d’années via glaciations, réchauffements, séismes, volcans, bactéries létales… Il comprend pourquoi, il y a 11 700 ans, nos ancêtres survivants, 500 000 seulement, ont dit « courage, fuyons ! » au lieu de « sauvons la planète ! » Il constate qu’en se sédentarisant pour dominer la nature, comme le veut le Dieu de la Bible, ils ont lancé la course à la croissance dont il admire les bienfaits : 8milliards d’humains, espérance de vie de 74 ans, PIB mondial passé de 45 milliards de dollars en 1400 à 100 000 milliards en 2024.

Arrivé par l’Orient-Express à la station suivante, Sumer, contre le wokisme, il découvre que toutes les civilisations, sans exception, ont été colonialistes, esclavagistes, impérialistes. Mais l’Occident chrétien l’éblouit car seul il a proclamé l’interdiction universelle de l’esclavage et les droits de l’homme, au nom du Dieu créateur.

Du relativisme moral à la peur de l’IA, il faut répondre scientifiquement à toutes les angoisses et découvrir les quatre clés, ces quatre colonnes de notre temple intérieur, ces quatre antidotes au malheur dû à la nature, à autrui comme les guerres, à nous-même avec ce mépris du corps et du « moi », à la croyance que notre nature serait coupable.

Mais libérer la créativité ne vise pas seulement la puissance. Face à la désespérance, il faut offrir à nos concitoyens la formule du bonheur. Puisque la créativité est notre nature propre, à l’image du Dieu créateur : une créativité envers la nature, envers autrui, envers son corps, alors le bonheur se trouve dans la réalisation de notre nature. Du bricoleur à l’entrepreneur, du sportif au journaliste qui écrit son article, le bonheur est à nos pieds, distinct du plaisir, de la joie, de la contemplation, de la béatitude. Sa formule tient en un mot : « Créez ! »

Et les Français, comme le fait mon vagabond, donneront un sens à leur vie. Ils pourront atteindre la vallée de miel qui est en eux, ce qui leur permettra d’aimer leur prochain, au lieu de vouloir le dominer, et de communier avec l’énergie créatrice du monde. Oui, France, retrouve tes racines, réveille-toi, crois en ta puissance, crois au bonheur !

Yves Roucaute : « L’ésotérisme, cet autre chemin vers le bonheur »

ITW Dans Atlantico. 9 mars 2025.

Le philosophe chrétien Yves Roucaute vient de publier Aujourd’hui le bonheur. Il nous livre les secrets et clés de lecture de son livre sur le sens de la vie.

Atlantico : Dans votre livre il y a plein de secrets, des énigmes à résoudre et plusieurs chemins de lecture sont possibles, en particulier une lecture ésotérique. En existe-t-il une à privilégier ?

Yves Roucaute : Oui, j’ai voulu qu’il y ait plusieurs lectures possibles et c’est une des raisons qui explique pourquoi j’ai dû mettre plus de trois ans à l’écrire, souvent jour et nuit, brûlant mes vacances, vivant un peu comme un moine (rires). La lecture la plus simple est celle du vagabond qui va de gare en gare en suivant l’histoire de la quête du bonheur par l’humanité et qui trouve les 4 clefs pour affronter les 4 types de malheur qui nous assaillent, dus à la nature, à autrui, à nous-même et à la croyance que nous aurions une nature coupable et damnée. J’aime cette route car elle est celle de la raison et qu’elle peut trouver l’assentiment de tout être raisonnable. Ce que je cherche fondamentalement. 

Il y a aussi la route de la philosophie morale et politique évoquée lors du dernier entretien, celle de la philosophie des sciences qui commence avec les outils et les habitats et qui se termine avec la robotique, les nouvelles technologies et l’intelligence artificielle, celle de la philosophie esthétique qui commence par l’indistinction des arts et métiers au paléolithique, et qui aboutit au-dessus des cascades avec Peggy Guggenheim qui donne le sens de l’art contemporain, celle de la métaphysique, qui va de l’animisme de nos ancêtres nomades à la découverte du « je » transcendantal, qui existe par le moi dans le monde, avec la preuve, par la créativité, de l’immortalité de l’âme et de l’existence de l’énergie créatrice du monde. 

Et puis, il y a une route cachée, ésotérique, celle des énigmes dont vous parlez, énigmes que je me suis amusé à mettre partout, cette route où toutes les routes se rejoignent, le chemin des chemins, celui qui ouvre à partir de la découverte de la formule du bonheur vers l’au-delà du bonheur.  

Car si, par ce livre, le lecteur pourra clairement distinguer par sa raison le bonheur du plaisir, de la joie, de la béatitude, de la contemplation, du salut, cela ne signifie pas qu’il y ait une coupure. Le livre prouve clairement que le plaisir et la joie sont plus qu’estimables et qu’ils ne sont condamnables que lorsqu’ils sont associés la destruction, comme ce plaisir et cette joie éprouvés par les assassins SS du camp de Buchenwald, que le lecteur découvre quand mon vagabond visite ce camp. 

Mais si mon livre contient tant d’énigmes et de secrets, c’est qu’une lecture ésotérique conduit à ouvrir la voie vers l’au-delà du bonheur, en conduisant le lecteur à prendre place, entre l’alpha et l’oméga de la vie, la première et la dernière lettre du Christ, ce qui est l’un des sens de cette formule de la fin du livre qui appelle l’humanité à aimer son humanité créatrice et à la réaliser, ce « viens, crée et reviens. » 

Mais ce chemin initiatique vers le dieu d’amour aurait été inaudible pour le lecteur comme l’est pour moi, au commencement du livre, le sens du bruit de l’eau de la fontaine de Bethesda à Central Park. C’est pourquoi il y a sur ce chemin tant d’énigmes qu’il aurait fallu que j’écrive un autre livre, un mode d’emploi, pour les expliquer, si telle avait été mon intention. (rires) 

Atlantico. Pouvez-vous révéler quelques secrets, par exemple celui de l’eau qui apparaît sous des formes différentes ?

Oui, l’eau prend des formes différentes selon l’évolution du parcours initiatique. Dès les premières lignes, je suis près de la fontaine Bethesda. Or, ce que ne dit pas le livre c’est que c’est une sculpture représentant un ange, l’Ange des eaux. Il tient un lys, symbole de pureté, et, sous lui, quatre chérubins représentent les quatre vertus cardinales avec quelques nuances mais laissons cela. Or, cette fontaine coule sans cesse, généreusement, référence à la grâce donnée à tous. Mais si, assis sur un banc de pierre, j’entends son chant c’est sans vraiment le comprendre. Et il n’est pas anodin que cette fontaine soit en opposition, quelques lignes après, avec le souvenir nostalgique de l’eau de la source que je buvais avec mon père, du timbre des cascades que j’entendais et du miel que nous partagions, venu du Pont-de-Montvert, près du mont Lozère. D’un côté, extérieur à moi, l’eau de l’Ange et son chant spirituel, de l’autre, en moi, puisque c’est un souvenir, l’eau de la source et le bruit des cascades. Et le fait que je sois assis et non en marche, alors que le vagabond lui, va arriver debout, n’est pas anodin non plus. Pas anodin non plus que ce soit sur une pierre, car qu’est ce qui est plus solide qu’une pierre… et n’est-ce pas à partir de cette pierre que je vais bâtir non une église mais ce livre ? (rires)

J’écris ensuite que, pris par mes souvenirs j’abandonne les Essais de Voltaire. J’ai donc déjà commencé le parcours initiatique, et c’est pourquoi je laisse Voltaire qui imaginait Dieu comme un grand horloger. Le sens caché c’est que je suis appelé par l’ange de la fontaine mais je ne peux encore entendre le sens de cet appel, de ce « viens » qui m’est adressé.  Car il y a en moi beaucoup de bruits. Voilà le sens caché des cascades, ce sont mes peurs, ma culpabilité, ma tristesse, ma détresse même d’avoir perdu par la mort ceux que j’avais tant aimé et qui m’avaient aimé. Oui, la peur de la mort, de ma mort même. Bref, cette eau de la fontaine de l’Ange, je l’entends sans vraiment la reconnaître un peu comme le dit l’Évangile de Jean. 

Arrive alors le vagabond, qui s’assoit près de moi, donc près de cette fontaine aussi. Lui a accompli son voyage spirituel, ce qui signifie qu’il a entendu le « viens » de la fontaine, et il revient. Et puisqu’il est allé au bout, à l’oméga, il est devenu un passeur de l’aimer. C’est pourquoi il me donne ses carnets en précisant que je peux les garder car ils ne lui manqueront pas, car on ne perd rien en donnant de l’amour. Et c’est aussi pourquoi, répondant d’ailleurs à Nietzsche très présent dans ce livre, alors qu’il s’en va, je vois au loin son ombre s’effacer au soleil de midi. L’ombre symbolise la vie d’un « je » qui ne peut se réaliser dans l’existence. En me donnant ces carnets, le chemin vers l’amour, non seulement donc le vagabond n’a rien perdu mais il a rempli son existence en communiant avec le soleil de midi, symbole de l’énergie créatrice qui tient le monde.

Mais ce vagabond, c’est vous ?

Bien entendu mais c’est aussi tous ceux qui voudront aller à la recherche du bonheur en s’amusant sur ce sentier ésotérique. L’eau intervient encore par la suite mais je ne peux tout développer. Je me permets de vous indiquer seulement que l’épisode du déluge sur lequel réfléchi le vagabond après avoir pris l’Orient Express n’est pas anodin. Au-delà de l’interprétation de l’arche qu’il fait, en relation avec l’histoire réelle de l’humanité qui dut affronter le déluge à la fin de la dernière glaciation, phénomène rapporté par toutes les civilisations, et qui a pu se sédentariser grâce à l’expérience, aux techniques et aux savoirs accumulés durant l’époque nomade, ce déluge c’est le bouleversement en lui. Son monde spirituel qui s’écroule. À l’état de nature, il pouvait se laisser aller dans la confusion des valeurs, consacrer sa vie à jouir des objets, à aliéner son être dans la course aux biens. Et là, voilà qu’il fait retour sur soi et quel est le sens de sa vie dans ce tourbillon de pulsions qui l’habite ? 

Je saute bien des énigmes d’eau jusqu’à son arrivée dans la Vallée de Miel, référence à l’espérance de Moïse, d’où le fait que le premier élément liquide rencontré est la mer, celle que traverse le peuple hébreu pour fuir les vallées de larmes, celle au bord de laquelle jouent les enfants en créant, qui des châteaux de sable, qui en mettant leurs marques de pas sur la plage.

Tout cela est symbolique, évidemment. 

Et en allant vers les sources, le vagabond longe un lac qui est totalement calme, sans onde, symbole de nos pulsions domptées, ce qui est dit de façon imagée par ces eaux tumultueuses venues de la montagne qui s’y jettent et s’y perdent. Ainsi, cette fois les cascades ne sont plus en lui, elles ne sont plus un souvenir qui l’assaille, elles sont extérieures. 

Et quand le vagabond grimpe vers la source, toujours appuyé sur sa canne sur laquelle il s’appuie depuis le début, et sans laquelle il ne pourrait continuer à avancer, il longe les cascades. Cette montée signifie que son « je » parvient difficilement à atteindra la plénitude. Mais aidé par sa canne, il les dépasse et atteint le haut plateau, et il peut alors regarder plus bas couler les cascades et la Vallée de Miel. Ce qui signifie qu’il n’y a plus en lui les peurs et la culpabilité. Et, de ce point haut, il ne voit plus sa vie comme une vallée de larmes mais comme une Vallée de Miel, c’est-à-dire un monde où souffle le Saint Esprit. Et ce point haut lui permet de voir d’une vue d’aiglon (rires) ce que Jean, dont le symbole est l’aigle, avait vu dans l’Évangile. Mais d’aiglon seulement. ( rires )

C’est pourquoi arrivé à la source, à la place du timbre des cascades de mon enfance, le vagabond entend l’air des clochettes. Le sens caché est l’air des clochettes de l’opéra Lakmé de Léo Delibes qui raconte l’histoire d’une jeune fille indoue. Éclairée par l’amour, elle sauve de la mort un voyageur qui se révèle être un avatar du dieu Vishnou, celui de la trinité hindoue. L’opéra désigne par erreur ce dieu comme le fils de Brahma, le dieu créateur, alors que dans la vraie religion hindouiste, Brahma, Shiva et Vishnou sont en quelque sorte des frères, trois avatars avatar du dieu unique Brahman. Mais j’adore cette confusion et il suffit de se reporter au chapitre consacré à l’hindouisme et à ma critique ironique de la vision de son salut par cuisson dans la marmite cosmique pour saisir pourquoi j’ai choisi cet air avec cette confusion. Car ce chant signifie le souffle du Saint Esprit, celui du Dieu créateur qui est aussi le dieu d’amour. 

Et cette eau de la source n’est plus l’eau matérielle de mon enfance, elle n’est pas non plus celle de la fontaine de Berthesda que je ne pouvais boire. Elle est bue, c’est-à-dire reçue, intégrée et en la buvant la vision du monde change. Car cette eau est bien celle de la source, symbole de Dieu. 

Elle est celle du baptême. Elle est cette eau de vie donnée au nom du Christ qui nous pénètre et nous transforme. Elle est ce « viens » qui prépare la trilogie du « viens, crée et reviens », la réception de la trinité divine et des trois vertus théologales. 

Car lorsque le vagabond boit, lorsqu’il est baptisé, il dépasse alors les quatre vertus cardinales qui lui étaient annoncées près de la fontaine Bethesda et qu’il a récoltées tout au long du voyage, dont les 4 clefs sont l’écho comme les 4 colonnes de son temple intérieur, sans évoquer les 4 évangélistes. Si vous lisez attentivement, il trouve à ce moment les trois vertus théologales, la foi, l’Espérance et l’amour de son prochain.  Ainsi éclairé, il a la foi dans le « viens », il devient un passeur de l’aimer par sa créativité et il a l’espérance de l’immortalité qui conservera les moments heureux. Ce qui renvoie à la fin du premier chapitre où, au soleil de midi, de Dieu, je vois son ombre disparaître, mon ombre, pour vivre selon la lumière. 

Peut-être pourriez-vous dire quelques mots sur le secret de la canne ?

Au début, dans le premier chapitre, lors du récit de ma rencontre à Central Park, en voyant arrivé le vagabond, je l’appelle un « bâton » car je n’ai pas encore senti la grâce. Un bâton c’est une chose, un amas moléculaire extérieur à nous, qui a différents usages ou aucun. Une canne c’est un outil pour soi, destiné à soi, un appui pour ne pas tomber et avancer debout. C’est le vagabond qui en me racontant succinctement son voyage dit qu’il s’agit d’une canne lorsqu’il raconte qu’il a gravi « le chemin des cascades appuyé sur ma canne ». Lui-même n’a découvert le sens de cette canne qu’à la fin du voyage. 

Du point de vue de la philosophie morale, la canne c’est la vertu, c’est le courage qui permet d’avancer droit dans la vie, c’est la conscience de l’ego transcendantal qui permet d’affronter le mal.  

Mais du point de vue ésotérique, c’est au début une référence cachée au bâton utilisé par Moïse, qui aurait été peut-être créé avant l’humanité et qui lui permit de fendre la mer des Roseaux et de faire sortir l’eau du rocher, symbolisant la puissance de Dieu. Mais, dès la rencontre avec saint Augustin, le sens caché de cette canne, c’est qu’elle n’est pas un appui matériel extérieur à nous mais une puissance divine en nous. C’est le Christ qui précisément donne ce courage et éclaire le chemin. 

C’est avec cette canne, avec le Christ que sont dépassées les cascades, donc les pulsions morbides, ce que certains appellent le péché. Et c’est par lui qu’arrive le pardon car vous remarquerez que bien que dépassées, les cascades, il les a connues, vécues. Et cette canne notez qu’il ne la laisse pas une fois sur le haut plateau, car les cascades sont bien toujours là, prêtes à faire du bruit, et le Christ d’amour aide à le tenir à distance, à les voir de ce que Pascal appelait dans son Traité de géométrie sur les cônes, le « point haut », celui de la grâce, Et c’est encore par cette canne qu’il parvient à la source, au dieu créateur. Même si, refusant d’entrer dans un débat théologique qui m’indiffère comme philosophe, cette quête du père passe aussi par l’air des clochettes, par le Saint-Esprit. 

Peut-être pourriez-vous en dire un peu plus sur ce prénom de Mary qui apparaît à chaque partie dans des moments cruciaux…

(rires). Oui, mais je me méfie des pièges théologiques, je rappelle dans ce livre que je ne suis pas théologien seulement un philosophe qui cherche la vérité, ce sont parmi mes limites, les plus grandes sur ce chemin initiatique.

Il est vrai que le premier personnage rencontré par le vagabond qui arrive dans l’état de nature, au début du second chapitre, s’appelle Mary. Certes, c’est réellement Mary Leakey mais c’est aussi, selon le récit initiatique, Marie, la mère de Jésus. Elle donne au vagabond de l’eau, du pain et du miel. 

Rien d’anodin que ce retour de l’eau dont nous avons déjà donné le sens. Ce pain est une référence cachée à ce pain que chacun peut partager en mémoire du Christ, donc au corps du christ. Mais rappelons qu’à cet instant le vagabond n’a pas encore eu le baptême, il n’a pas encore saisi la grâce qui lui était donnée par nature. Quant à ce miel de Mary, il recèle un secret formidable.  

Car ce premier miel ingurgité par le vagabond, Mary dit que c’est un miel de jujubier. Or, c’est une référence cachée à l’arbre décrit dans la torah, dans le Livre de Job, arbre sous lequel va se prélasser l’hippopotame, symbole de la force vertueuse, du courage ; un animal fait en même temps que toi dit Dieu à Job…je ne commente pas ici.  Et je précise qu’il ne s’agit pas de « lotus » comme certains traducteurs le disent, mais de jujubier. Il s’agit aussi de l’arbre que l’on retrouve dans le Nouveau Testament, dont est issu la couronne d’épines du Christ, incarnation de Dieu, qui souffre et se sacrifie par amour de l’humanité. On trouve encore ce même miel dans le Coran. Ainsi, Marie, qui se tient au carrefour des spiritualités monothéistes, ne donne pas seulement la nourriture spirituelle qui symbolise la force morale, première vertu cardinale, elle permet au vagabond sa première rencontre avec le Christ qui connaît les souffrances du vagabond et qui lui donne l’espérance, valeur théologale, pour qu’il continue son voyage intérieur au lieu de rebrousser chemin. Cette nourriture fait signe par la couronne d’aubépines vers la grâce, le pardon et l’amour que tout le monde reçoit mais qu’il n’est pas facile de comprendre. Elle est la marque du Saint Esprit en nous.

C’est encore Mary qui lui donne le miel alors qu’il va prendre l’Orient Express qui l’amène de Sumer à Jérusalem. Un miel blanc d’Éthiopie, dont le secret est qu’il est produit à 2000 mètres d’altitude à partir de fleurs jaunes qui ressemblent à des marguerites lui dit-elle. Or, c’est un miel des hauteurs divines qui symbolise le changement, le renouveau et l’espérance, donné lors du nouvel an éthiopien, Enkutatash en éthiopien, le 11 septembre.  Or, c’est bien l’espérance, en plus du courage, dont le vagabond va avoir besoin pour affronter le déluge et saisir la sortie de l’état de nomadisme avec l’Arche, avant de rencontrer la révolution des sédentarisations à Sumer. Cette force donnée par l’Esprit Saint, il va en avoir besoin avec les premières sédentarisations quand va devoir affronter les Prêtres-rois et les Maîtres de vérité, la naissance des crimes des guerres, de l’impérialisme, de l’esclavagisme, du totalitarisme.

Ce prénom de Marie on le retrouve avec l’Occident Express à Paris quand le vagabond prend la rue Ave Maria, tout un symbole, pour rejoindre Rabelais qui va lui dire de s’aimer soi-même et de cueillir le jour, avec ce corps animé, comme Dieu l’a créé et comme le Christ nous a aimé. Et Montaigne lui offre du miel de la cathédrale Notre-Dame pour qu’il puisse continuer son voyage avec le Mondial Express et affronter les pulsions de mort. C’est encore le Saint Esprit. 

Par ce train, on retrouve Marie à Berlin avec l’Église Sainte-Marie et la fresque de « La danse macabre » qui rappelle la lutte de la vie contre la peste… évidemment la peste dont il s’agit est la peste des pulsions de mort, celles qui fut poussée au paroxysme par des nazis et les communistes comme peut le faire deviner le contexte.

Et, arrivée dans la Vallée de Miel, c’est une Marie ordinaire, qui l’amène au Café Richard Feynman et lui offre du miel de myrtilles. Or ces bleuets ont la couleur de la robe de Marie et ils renvoient à une des couleurs de la transcendance divine dans la Torah, comme dans Ézéchiel ou dans la construction des rideaux du tabernacle. Il s’agit évidemment d’une nouvelle apparition du Saint Esprit. Et c’est cette Marie qui lui apprend le sens de la révolution des Temps contemporains, celle qui annonce le crépuscule des idoles et de la pensée magico-religieuse et qui célèbre la créativité universelle, en particulier celle des femmes. Et c’est encore elle qui ouvre, contre Kant, la compréhension véritable du sublime qui conduira le vagabond à reconnaître aux sources la connexion de son « je » avec l’énergie créatrice du monde et la trinité.

Si les clefs sont pour tous les mêmes et la formule du bonheur aussi, chacun aurait ensuite son propre parcours initiatique ?

Bien entendu. Il n’est pas étonnant que le conducteur aux gants blancs, une couleur que l’on retrouve chez le cavalier blanc de l’apocalypse, mais c’est un autre secret (rires) rassure le vagabond qui s’inquiète de n’avoir pas acheté de ticket. Il lui explique que chacun par le simple fait d’exister à un titre de transport gratuit et personnel vers la Vallée de Miel. Et il n’y a donc pas de contrôleur dans ce train. Ce conducteur est un ange gardien. C’est pourquoi, il n’y a qu’un seul conducteur et qu’un seul wagon dans chaque train. Le vagabond n’est jamais sorti de sa conscience. Toutes les rencontres sont ses propres interrogations et ses insatisfactions. Et c’est pourquoi toutes ses épreuves, car se sont des épreuves,  ne sont surmontées affectivement et dans la joie que grâce au miel qui est ce Saint Esprit qui lui permet de continuer à user de sa raison sans crainte et lui donne l’espérance d’aller au bout. 

L’itinéraire qu’il suit est donc évidemment le sien, donc le mien (rires), celui de ma vie spirituelle qui est passée par là. Et cette Vallée de Miel est celle dont parlait Moïse, non pas une infinie nourriture terrestre selon l’idéal du « pourceau » dénoncé par Einstein, non pas une accumulation de toutes les nourritures spirituelles selon un éclectisme à la Cicéron, mais celle d’un savoir organisé et orienté qui révèle le sens de la vie. Et c’est arrivé à la source, quand il connaît la formule du bonheur, qu’il comprend en regardant la Vallée de Miel qu’elle existe en lui. Il est alors rempli d’un bonheur total car il sait que ces bonheurs ne disparaîtront jamais : l’immortalité du « je », lui permettra d’emporter avec lui toutes les durées heureuses. 

Mais, n’oubliez pas que ce n’est là qu’une voie de lecture dont nous n’avons aperçu que quelques secrets. Je serai satisfait si le lecteur s’amuse à en trouver d’autres. Mais, persuadé que la foi ne peut s’opposer à la raison, j’ai confiance en la raison. Et  si le lecteur s’en tient à la trinité découverte, celle du « je suis, j’existe, je crée », je serai satisfait, quand bien même il ne verrait pas qu’elle est un écho de trois autres trinités plus secrètes, dont ce « viens, crée et reviens » montre la direction.. Je souhaite simplement qu’il célèbre, à sa manière, la créativité de toutes les femmes et de tous les hommes et qu’il soit, à son tour, un passeur de l’aimer. C’est à cela peut-être plus qu’aux rites que Dieu reconnaitra les siens.

ITW. Yves Roucaute : “Que ce soit face à Trump, au wokisme, à l’IA ou à l’écologisme, nous avons besoin d’une révolution spirituelle”

ITW du 8 mars 2026. Présentation Atlantico

 Donald Trump, Ukraine, écologisme, wokisme, islamisme, antisémitisme, antichristianisme, intelligence artificielle, mal-être de la jeunesse… avec son livre « Aujourd’hui le bonheur », le philosophe Yves Roucaute apporte des réponses à toutes ces questions, et à bien d’autres. Présenté habilement comme les carnets de voyage d’un vagabond qui parcourt l’histoire de l’humanité en quête de miel et de bonheur, ce récit expose une vision du monde révolutionnaire.

Apparemment son vagabond va de gare en gare depuis l’état de nature, par l’Orient Express, l’Occident Express, le Mondial Express puis un petit tortillard jusqu’à son but, la Vallée de Miel. Mais, en vérité, en chemin il détruit en les disséquant, les idéologies obscurantistes, écologisme, wokisme, communisme, islamisme… il coupe au scalpel toutes les idolâtries, Planète, État, Marché, Pouvoir, Science… Et les 4 clefs du bonheur qu’il découvre sont quatre armes pour libérer la Cité de ceux qui vendent peurs et culpabilité, en profitant des 4 malheurs qui nous assaillent, ceux dus à la nature, aux autres humains, à soi-même et à l’illusion que l’humanité serait coupable par nature. À la fin, le philosophe prouve que toute l’histoire de l’humanité a été la lutte de la nature libre et créatrice humaine proclamée par la Bible contre la pensée magico-religieuses qui l’enferme. Et les quatre clefs sont un appel à la révolution spirituelle pour construire une Cité qui permet l’exercice de la formule du bonheur pour tous, « Créez ! ». Une philosophie de la révolution qui est aussi, c’est le paradoxe, une philosophie de la restauration, celle de la spiritualité. Avec plein de secrets, que nous tenterons de percer avec le dernier entretien.

Atlantico : Êtes-vous un partisan de Donald Trump qui associe libération de l’innovation et puissance cynique comme on le voit par son attitude envers l’Ukraine et sa politique douanière ?

Yves Roucaute : En écrivant ce livre, je ne me suis à aucun moment demandé si cela allait plaire à la droite, à la gauche ou au centre, au gouvernement américain, chinois ou zimbabwéen. Face au défi trumpiste et contre ceux qui sabotent les fondements spirituels de l’Europe au nom de la planète, du wokisme ou de l’intelligence artificielle, mon livre appelle à une révolution pour assurer innovation, puissance et recherche du bonheur individuel. L’urgence pour les Européens n’est pas climatique mais de lire mon livre (rires)car ce qui devrait d’abord les inquiéter, c’est de constater que l’Union européenne est incapable de répondre au protectionnisme offensif américain et à l’offensive plus subtile des Chinois. Au lieu de participer à la révolution des Temps contemporains que mon livre célèbre et dont il donne les clefs, elle sort de l’histoire. Car ce livre prouve que toute l’histoire de l’humanité a été la lutte de la nature libre et créatrice humaine, révélée par la Bible et prouvée par la raison, contre la pensée magico-religieuses qui l’enferme. Aujourd’hui, après 2,8 millions d’années de pensée magico-religieuse, cette période s’achève. Or, au lieu de suivre l’histoire et de libérer la créativité, l’Europe de Bruxelles est emportée dans la décadence et la haine de soi par des élites qui ont refusé la référence aux racines judéo-chrétiennes de l’Europe mais qui ont intégré dans leurs logiciels les idéologies, comme le wokisme ou l’anticapitalisme, et les idolâtries comme celle de la planète ou de l’État que je coupe au scalpel. Croyez-vous que ce soit un hasard si l’Union européenne est passée en troisième position en termes de PIB, très loin derrière les États -Unis, avec 18500 milliards de dollars environ contre près de 30 000 milliards ? Si l’Allemagne est en récession pour la deuxième année et si la France piétine, disparue des dix premières places en intelligence artificielle, robotique, nanotechnologies, biotechnologies… mais première en taxes, règlementations et dettes écologistes ?

Faudrait-il critiquer Elon Musk et Donald Trump qui cherchent la puissance et pour cela qui veulent libérer la créativité, source de l’innovation ? Au lieu de persévérer sur le chemin de la décadence, l’union européenne ne devrait-elle pas songer à s’attaquer à son tour aux bureaucraties et au maquis des normes et des taxes, à cesser de dilapider l’argent public via bonus écologistes et financement d’associations obscurantistes, à soutenir les industries extractives et transformatrices, à libérer la recherche de ses carcans idéologiques et réglementaires et finalement, à suivre la voie tracée par mon vagabond ?

Maos comment croire que cette Europe gouvernée par des idéologues et des bureaucrates va retrouver le chemin de l’histoire alors que sa plus belle avancée en matière d’intelligence artificielle est d’avoir produit cinq grandes régulations pour la limiter ? (rires)…Et pourtant, il le faudrait, car la politique de Donald Trump a hélas ! un autre versant.

Atlantico : Quel est-il ?

Il faut saisir que le parti républicain américain est divisé et que Donald Trump n’est pas un hériter de Ronald Reagan qui associait les valeurs universelles judéo-chrétiennes à la puissance américaine. Donald Trump l’a d’ailleurs critiqué. Lui est l’héritier du président américain Andrew Jackson, qui lança la conquête de l’Ouest, qui supprima la banque centrale, qui réduisit le poids de Washington et qui fut à l’origine du slogan « America first ».Il veut la puissance et l’hégémonie des États-Unis sans se préoccuper des régimes, à l’exception notable de la défense d’Israël.

Ainsi, il voit que l’innovation est la source de la puissance mais, en renouant avec les idolâtries de la Puissance et du Marché, il est pris dans une contradiction flagrante : il freine la créativité et il va ainsi contre le sens de l’histoire. Cela par trois effets pervers : une inflation dans certains secteurs qui va diminuer les ressources disponibles pour l’innovation, une moindre profitabilité des entreprises innovantes par les mesures de rétorsion des partenaires économiques aux mesures douanières et surtout, le plus grave du point de vue de l’histoire, un frein mis à la vraie mondialisation, celle des savoirs et des innovations.

Car c’est par cette mondialisation que s’engage une dynamique qui conduit chacun à aimer son prochain. Or, à la place, s’ouvre la voie du ressentiment, de la méfiance voire des pulsions de haine. Cela au lieu d’éclairer l’humanité par ce flambeau de la statue de la liberté et de nourrir la petite lumière qui est à nos pieds.

Atlantico : Et qu’en est-il de la paix en Ukraine ?

Le livre donne clairement la solution à cette guerre et à toutes les autres. Le vagabond découvre par l’Orient Express quand arrive à la station Sumer la naissance de la guerre mais aussi du colonialisme, de l’esclavagisme, de l’impérialisme et du totalitarisme. Et il constate que ce phénomène est universel dès les âges des Métaux. Il comprend la falsification del’histoire faite par les wokistes et les néo-marxistes qui attribuent tout cela au capitalisme et à l’Occident chrétien qui n’existent pas encore. Plus tard, il découvre que la particularité de l’Occident n’est pas d’avoir pratiqué l’esclavage mais d’avoir proclamé et imposé son abolition.

Mais si le nombre de guerres a considérablement diminué, elles persistent dans quelques zones. C’est à la station Jérusalem que le vagabond découvre l’antidote à la guerre et c’est lorsqu’il rencontre, place de la Sorbonne Thomas d’Aquin qu’il saisit pourquoi cet antidote a tant de mal à être accepté.

Thomas d’Aquin critique en effet les « paix mauvaises » fondées sur les rapports de forces et les relations d’intérêts car ce qu’un rapport de forces ou un intérêt fait, il peut le défaire. C’est de cela qu’ont peur les Ukrainiens, et je les comprends. Car dans cette Europe des charniers, aucun traité n’y fut jamais respecté quand il put ne pas l’être.

Armer l’Ukraine, je saisis donc l’urgence et si le parapluie américain ne s’y étend pas. Et tant mieux si l’Europe parvient à construire une défense digne de ce nom. Mais la paix restera éphémère. Depuis 11000 ans, l’histoire montre que celui qui prépare la guerre ne l’évite pas. Celui qui veut la paix prépare la vraie paix.

Il existe deux conditions indispensables à la vraie paix. D’abord le droit des nations à disposer d’elles-mêmes comme l’avait dit le Pape Jean-Paul II et Ronald Reagan. Ainsi le vagabond distingue droit des États et droit des nations car s’il fallait respecter le Droit international qui est l’expression de la force des États, alors l’Inde serait encore anglaise, le Sénégal français et l’URSS dont rêve Vladimir Poutine encore debout. Le droit international ne mérite d’être respecté que s’il respecte celui des nations. Et s’il ne le respecte pas, alors ne vous étonnez pas si les nations opprimées entrent en guerre ou si ceux qui ont des velléités hégémoniques profitent de l’oppression pour tenter d’agrandir leur empire. Cela vaut aussi pour Kiev.

La seconde condition est le respect des droits individuels qui convergent vers le droit de rechercher son bonheur, ce que le vagabond découvre à au Café des libéraux de Londres. Cela vaut encore pour Kiev.

Et je vous laisse découvrir dans le livre la seconde clef du bonheur, celle qui est l’antidote àtous les malheurs dus aux humains.

Atlantico : À l’inverse, avec la première clef qui dit de dominer la nature, vous rejoignez Trump et vous vous opposez aux partisans du « Pacte Vert », pourquoi ?

Je n’ai pas attendu l’élection de Donald Trump pour défendre une vraie écologie contre l’écologisme des idolâtres de la planète, ennemi du capitalisme et des démocraties libérales. Je l’avais fait dans L’Obscurantisme Vert mais il est vrai que n’étant pas américain certains ont passé leur tour (rires).

Dès la première station appelée « état de nature » le vagabond découvre la clef pour affronter les malheurs dus à la nature et ceux qui en vivent. Il y rencontre Mary Leakey, qui, avec son mari, à découvert et étudié le site d’Odulvaï, en Tanzanie, où se trouvent les restes de nos ancêtres australopithèques d’il y a 1,8 millions d’années. Mary démontre que pour survivre nos ancêtres, en plus d’être charognards et un tantinet cannibales, devaient piller, pêcher, chasser, créer des outils et des habitats bien artificiels. Certes, ils croyaient aussi aux esprits de la nature, et ils exigeaient des sacrifices pour se faire pardonner de devoir ainsi survivre en pillant la nature, mais à la différence de nos écologistes punitifs, plus primitfs qu’on ne le croit, poussés par l’instinct de survie, ils continuaient à tenter de dominer leur environnement avec leur faibles moyens et à fuir évidemment les lieux précaires investis en raison des variations climatiques, des danger et de l’appauvrissement de leur environnement.

Le vagabond découvre alors que la clef de leur survie, s’énonce simplement : dominez la nature et assujettissez ce qui s’y trouve. Et quand il arrivera plus tard à la station Jérusalem par l’Orient Express, il apprendra que c’est aussi ce que dit Dieu aux humains dans la Bible.

Et il découvre que « Courage fuyons ! » et non pas « sauvons la planète ! » fut le mot d’ordre de nos ancêtres à la fin de la dernière glaciation, il y a 11700 ans. Après 2,8 millions d’années de vie nomade du genre Homo, et 300 000 ans pour notre espèce, on les comprend : entre glaciations et réchauffements, tsunamis et séismes, éruptions volcaniques et cyclones, virus et attaques animales, quand arrivent ce moment des premières sédentarisations, 21des 22 espèces du genre Homo avaient été exterminées et il ne restait que 500 000 survivants avec une espérance de vie de 18 ans environ.

Et je prouve dans le livre que la course à la domination de la nature, qui est aussi celle de la croissance, cela marche : les humains sont 8 milliards, l’espérance de vie augmente, 73,3ans en 2024, le P.I.B. mondial aussi, de 45 milliards de dollars en 1400, à 100 000 milliards en2024 tandis que le niveau de vie s’élève et que la famine a quasiment disparu hors zones de guerre.

Atlantico : Niez-vous que cette domination produise des problèmes environnementaux ?

Dans ce livre je traque toutes les idolâtries, y compris celle de la Science. Dès qu’il fait le bilan de ce qu’il a appris à la sortie de l’état de nature, le vagabond saisit que cette clef ne suffit pas au bonheur, car l’augmentation des richesses avec les sédentarisations conduit à la jalousie, aux guerres, à l’impérialisme, à l’esclavagisme, à des destructions massives bref, à agir selon les pulsions les plus morbides.

D’autre part, en raison des tâtonnements de l’humanité qui n’a évidemment pas d’omniscience, il voit bien que ces avancées de l’humanité ne vont pas sans erreurs et dérapages, que la science se trompe. Mais aussi que la force de l’humanité est d’avancer dans la connaissance par essais et erreurs. Ce qui le rassure car il constate alors qu’il n’est donc pas condamné à revenir en arrière, aux peurs et terreurs d’hier.

D’un côté, il va donc aller à la recherche de cette dynamique du savoir, de cette création incessante des moyens de dominer la nature, de mieux en mieux avec le souci de l’humanité. D’un autre côté, il va chercher une seconde clef pour affronter le malheur dû à autrui, des crimes aux guerres, ce qu’il trouvera à Jérusalem, à la fin de son voyage par l’Occident Express et ce dont nous avons un peu parlé.

Atlantico : Contre Marx, vous vous annoncez l’abolition du travail, n’est-ce pas aussi unerupture avec le libéralisme et faites-vous l’éloge de la paresse ?

Non. Mais pas l’éloge du travail non plus. Je développe une nouvelle vision du monde qui se nourrit du libéralisme classique pour aller au-delà. Le vagabond rencontre le libéralisme quand il arrive au Café des Libéraux à Londres. Ce café à trois étages. Au premier, rencontrant John Locke, il découvre les droits individuels inaliénables, dont celui de rechercher son bonheur. Au second, avec Clementine, fictivement l’épouse de Churchill, il découvre la démocratie libérale avec son État variable chargé de protéger ces droits, comme cette liberté de vivre en sécurité avec son corps. Au troisième, avec Adam Smith, il découvre le libéralisme économique, avec sa croyance que le travail est source de la richesse, cause de bienfaits mais aussi incapacité à assurer le bonheur des Cosette et Gavroche par le seul jeu des libertés.

Il rencontre plus tard Marx, dans le train vers Berlin, et il comprend l’errance de ce philosophe qui, comme tous les théoriciens socialistes est certes sensible à la souffrance ouvrière mais qui ne comprend rien à l’origine de la production de la richesse. Car il croit que c’est le travail qui la produit et il se persuade, prophétisant la crise générale du capitalisme, que c’est l’exploitation de la force de travail ouvrière qui serait la cause des richesses. D’où sa théorie de l’appauvrissement des ouvriers, de la révolution violente et de la dictature d’un parti qui s’autodésigne comme parti de la classe ouvrière.

Mais, à la différence du capitalisme, son échafaudage s’effondre : non seulement l’ouvrier peut être remplacé par la robotique et l’intelligence artificielle mais plus il l’est, plus il y a de valeur ajoutée et de profits. C’est l’innovation, comme le pensait Schumpeter, qui est la source des richesses, pas le travail.

Et je démontre, notamment avec la robotique associée à l’intelligence artificielle que l’un des plus importants signes de la révolution des Temps contemporains, de sa radicalité inouïe, est l’abolition du travail. Une excellente nouvelle. Adieu les prophètes de malheur qui, depuis des millénaires, prétendaient l’humanité condamnée au travail. 

La croyance que sans le travail nous serions condamnés à la paresse et les sociétés à stagner, vient de la confusion entre les deux mots « activité » et « travail ». C’est lors de la rencontre avec Aristote que le vagabond voit la différence. Et pour cause : celui-ci, en aristocrate, célébrait l’activité humaine libre mais non le travail. Premier théoricien de l’économie, il avait découvert que machines, animaux ou outils sont interchangeables dans le processus de production et que l’usage de l’humain conduit à l’aliénation de l’intellect. Il avait imaginé des robots qui libèreraient des activités serviles pour permettre à chacun de se réaliser comme être actif. C’est d’ailleurs cela l’origine du mot « robot », inventé en 1920, par le romancier Karel Čapek, à partir du mot « robota » signifiant « travail » en tchèque : le robot est cet outil sur lequel on transfère l’ex-travail humain. Un transfert qui libère l’activité proprement humaine de l’activité servile.

Il ne faut donc pas craindre la paresse qui intervient comme l’ennui, lorsque l’on ne se sent pas concerné par une activité. Du bricoleur du dimanche au sportif qui veut gagner une compétition, du savant au journaliste qui veut terminer son article, de l’élève qui peut se réaliser à l’école au lieu d’en être dégouté à l’artiste, force est de constater que lorsque l’être humain peut réaliser sa créativité, il n’est pas paresseux mais joyeux et actif. Et je démontre dans ce livre que la libération du travail servile est la condition pour exercer la formule du bonheur pour toute l’humanité, pour créer sa vie comme une œuvre d’art.

Atlantico : Ne faut-il pas craindre l’intelligence artificielle qui ouvre les portes du savoiraux crimes et au terrorisme ?

Comment ne pas s’amuser, comme le fait mon personnage, devant ces prophètes de malheur qui dénoncent cette intelligence artificielle et qui permettrait, nous dit-on, de créer des armes, y compris nucléaires. Diantre ! Mais puisque le massacre de 800 000 Tutsis au Rwanda en quelques semaines, d’avril à juillet 1994, a été produit à coups de machettes, faudrait-il interdire les machettes ? Et les terroristes produisant des armes chimiques, faudrait-il interdire l’enseignement de la chimie ?

À cet égard, je n’évoquerai pas certains experts qui, sans bien entendu me citer, n’ont pas hésité à piller mon livre de 2018, Le Bel Avenir de l’Humanité, réponse de fond à Yuval Noah Harari sur cette question, ce qui avait conduit les éditions Calmann-Lévy à relancer la collection L’esprit libre de Raymond Aron. Où il y a de la gêne, il n’y a pas de plaisir (rires).

États-Unis et Chine se sont lancés dans cette course. Ils ont raison, car ce n’est de ne pas libérer l’intelligence artificielle dont nous souffrons mais de ne pas la libérer assez. Nous en avons besoin pour exercer au mieux les quatre clefs face aux quatre malheurs qui nous assaillent : face la nature pour mieux la dominer, face à autrui pour créer une dynamique de paix entre les civilisations, face à soi-même pour s’aimer mieux comme être créatif, face à l’illusion d’une nature coupable pour développer une dynamique de créativité qui conduira l’humanité vers l’amour d’elle-même et de l’énergie créatrice du monde. 

Atlantico : Ne faut-il pas craindre qu’une super intelligence artificielle finisse par dépasser voire remplacer l’humanité ?

Que de fantasmes développés par les prophètes de malheur et les transhumanistes. Certes, la plus simple des machines à calculer calcule mieux et plus vite que nous, comme le montre l’application «calculette » de notre smartphone. Mais elle ne nous est pas supérieure, pas plus que le marteau par lequel j’enfonce le clou n’est supérieur à la main qui le tient, ni ne menace de me remplacer. (rires)

C’est en rencontrant Albert Einstein dans la Vallée de Miel, le vagabond découvre les mots « intelligence » et « mémoire » n’ont pas le même sens pour les ordinateurs et l’humanité. Pour aller vite, la mémoire humaine est dynamique, liée à un inconscient, invisible et irrationnel, qui oublie et interprète. Or, aucune machine logique ne peut reproduire par des bits ou des qubits l’inconscient, ni ce qui ne peut être illogique et arbitraire. Et le mot «intelligence » est un autre abus de langage. Concernant la machine, ce mot désigne, au mieux, cinq activités mathématisables du cerveau, et toutes limitées par le cerveau du programmateur. Les activités du cerveau humain sont incommensurablement plus nombreuses. Par exemple, nous utilisons l’intuition, nos sens, nos émotions, nos sentiments… Nous pouvons mentir, simuler, dissimuler, ruser, être de mauvaise foi, être incohérent et même débrancher le circuit électrique. Surtout, nous pouvons être créatif tandis qu’une machine logique développe un programme créé par un être créatif, l’humain…

Et laissons l’histoire de Mère-Grand revisitée par nos prophètes qui irait bouffer le Petit Chaperon rouge humain. Fantasme popularisé par Ray Kurzweil, qui n’hésitait pas, en 2012, à prédire la Super Intelligence dans les quinze ans, et par Nick Bostrom persuadé que l’on parviendrait à scanner les morceaux de tissu d’un cerveau d’invertébré et à reconstruire en trois dimensions un réseau neuronal.

Pour qu’une telle Super Intelligence existe, il faudrait imaginer qu’elle puisse connaître les milliards d’évènements de l’univers, du bruissement d’aile de papillon aux milliards de neurones de chaque individu. Or, quel que soit son niveau de connaissance, une telle machine devrait passer 10-43 seconde au moins pour passer en revue le réel, mesure de l’unité de temps la plus courte possible. Durant ce court laps de temps, des milliards d’évènements se seront produits. La machine devrait donc recommencer ses calculs avant d’agir et ainsi de suite tous les 10-43 secondes. Elle serait incapable d’action.

Et je prouve contre les matérialistes que les idées ne sont pas produites par les axones, ces parties longues des neurones qu’ils imaginent comme de minuscules parties de matière que l’on pourrait reproduire par des microprocesseurs. Ils ignorent tout de la physique des particules, de ce qu’est l’énergie, de l’interaction électromagnétique, l’interaction faible et l’interaction forte. Bref, je prouve qu’un ordinateur ni ne peut agir, ni penser par lui-même. Il est agi et son prétendu « apprentissage profond » a la profondeur du programmateur.

À l’inverse, quelle supériorité de l’être humain ! Si, pour agir, notre « je » devait passer en revue toutes les données de sa mémoire, et tous les dangers possibles, de la voiture qui pourrait l’écraser à la tuile qui pourrait tomber, il ne pourrait pas sortir de chez lui. Mais le «je » délibère, choisit, agit, délaissant la part de ses souvenirs inutiles, décidant parfois même l’improbable, l’illogique, parce que cela l’amuse, parce qu’il y voit le chemin de sa propre créativité ou parce qu’impossible n’est pas français comme dit l’adage populaire. (rires)

Atlantico : Dernière question sur votre philosophie morale quel est le critère de lamoralité ?

Pour aller vite, il est donné par la formule du bonheur : créez ! Le vagabond découvre ainsi à Buchenwald que la joie et le plaisir peuvent être éprouvés par les tortionnaires et que l’énergie n’est pas nécessairement créatrice contrairement à ce que pensait Nietzsche. Il découvre aussi dans le train contre Kant, un aigri de la vie (rires), que la morale n’est pas dans le respect d’une loi abstraite ou d’un commandement, mais dans l’action qui vise l’amour de l’humanité, ce qui autorise le mensonge, comme le firent ceux qui, telle ma grand-mère, mentirent aux soldats allemands pour préserver la vie des enfants juifs et des résistants. Car l’amour de l’humanité est la vraie loi, celle qui se passe de loi. Or, puisque les êtres humains ont une nature créatrice, agir pour détruire des humains, voilà le mal en soi. Et même dans les guerres justes, que je théorise dans ce livre suivant d’ailleurs grandement Thomas d’Aquin, ce ne sont pas les êtres humains qui sont affrontés mais leurs pulsions destructrices, leurs pulsions morbides, et tout est fait pour les sauver, leur tendre la main, pardonner, donner. La mort parfois portée par nécessité pour survivre, avec en vue l’humanité, conduisant à une extrême tristesse. À l’inverse, et je ne développe pas plus, chacun pourra en voir le développement dans mon livre, créer revient toujours, au fond, à un acte de grande moralité, à se tourner de l’amour de soi vers l’amour d’autrui, à ouvrir le chemin du bonheur qui nous met en harmonie avec l’énergie créatrice du monde. Cela est vrai même dans les actes apparemment les plus humbles, comme celui de Jean Valjean qui a rencontré un prêtre qui lui a pardonné et qui a créé par son acte d’amour un jean Valjean nouveau, un être qui à son tour devient un passeur de l’aimer et qui crée alors en aidant Cosette à porter son seau, un autre être qui hier misérable va devenir un être tourné vers l’amour. Voilà le bien, voilà la dynamique divine de bonheur qui révèle celle de l’amour, voilà la Vallée de Miel.

(Entretien suivant et dernier entretien, sur les secrets du livre qui renvoient à une lecture métaphysique et ésotérique chrétienne).

ITW. YVES ROUCAUTE : « AVEC LA DÉCOUVERTE DE LA FORMULE DU BONHEUR, JE REMETS LA SPIRITUALITÉ LÀ OÙ ELLE DOIT ÊTRE, AU CENTRE DE NOS VIES, COMME L’ÉGLISE AU CENTRE DU VILLAGE »

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ITW Yves Roucaute, le Figaro: « La France doit ranger les prophètes de malheur au grenier »

Le Figaro, 17 février 2025

Le philosophe explore la plus vitale des quêtes de l’humanité, celle du bonheur. Il invite à se libérer des wokistes et autres compères de l’écologie punitive qui jouissent de jouer les pères fouettards.

Par Marie-Laetitia Bonavita

L’ouvrage Aujourd’hui le bonheur. À la découverte du sens de la vie (Éditons du Cerf) a nécessité plus de trois ans de maturation. Il est vrai que le sujet est audacieux Agrégé de philosophie et de science politique, docteur d’État et professeur des universités, Yves Roucaute livre là une promenade très érudite qui conduit à la Vallée de Miel. Passant en revue les grands penseurs qui ont jalonné le temps, l’auteur, qui avait publié L’Obscurantisme Vert, en mai 2022, souligne que l’accès à la vie heureuse réside dans la créativité.

« La France doit ranger les prophètes de malheur au grenier »

LE FIGARO. -Les livres sur le bonheur ne manquent pas. Pourquoi écrire à nouveau sur ce thème ? 

YVES ROUCAUTE. Il fallait une nouvelle vision du monde pour éclairer la révolution des temps contemporains. Malgré des écrits estimables, nul n’avait trouvé le bonheur, ici et maintenant, pour tous. Cc qui faisait dire à Voltaire : « Nous cherchons tous le bonheur, mais sans savoir où, comme des ivrognes qui cherchent leur maison, sachant confusément qu’ils en ont une. » Mais, sans l’ivresse (rires), j’ai trouvé la maison et la formule du bonheur qui tient en un mot : créer ! Condition aussi pour la puissance des nations. 

Pour dissiper les brumes, ce livre se présente comme un carnet de voyage facile à lire, offert près d’une fontaine de Central Park, à New York, par un vagabond qui nous ressemble, appuyé sur sa canne, gourmand de miel, trop gourmand même, chercheur de bonheur comme d’autres sont chercheurs d’or. 

Il enquête de gare en gare, suivant l’histoire réelle de l’humanité, rencontrant sages, théologiens, philosophes et savants. Depuis la station « état de nature » de nos ancêtres nomades par l’Orient Express, il s’arrête aux stations Sumer, Hindouisme, Bouddhisme, Confucius… Jérusalem. Puis il poursuit sa quête par l’Occident Express, le Mondial Express et enfin, après Buchenwald un petit tortillard le conduit à la Vallée de Miel. En chemin, que d’illusions défaites, comme celles du triste et incohérent Épicure ou du dogmatique Kant. Mais il découvre les quatre clefs du bonheur, ces antidotes face aux malheurs dus à la nature, aux autres humains, à soi-même et à la croyance diffusée par les prophètes de malheur que la nature humaine serait coupable et damnée, et aux sources de la Vallée, la formule du bonheur. Une quête philosophique, un conte initiatique.  

Quelle est la définition du bonheur ? 

Elle découle de la nature humaine. Car ce n’est pas l’intelligence qui distingue l’humain de l’animal, nombre de ceux-ci la possédnt, mais la créativité. Une triple créativité qui transforme la nature pour la dominer, qui crée des civilisations, qui améliore le corps. Or, le bonheur arrive quand notre nature créatrice se réalise par notre existence dans le monde. Du bonheur de la mère qui enfante à celui de l’enfant qui construit son château de sable et voit ses parents applaudir sa jeune créativité, du chef d’entreprise qui avance son projet au savant qui participe à un brevet, du journaliste qui termine son article au cuisinier qui crée son plat… Il est autant de manières d’être heureux que d’exister, expressions d’une nature humaine exceptionnelle, celle que condamnent les prophètes de malheur. 

En quoi ce bonheur différencie-t-il du plaisir, de la joie, de la félicité, de la béatitude… 

À Buchenwald, le vagabond saisit que le plaisir et la joie peuvent être éprouvés par les tortionnaires, et, contre Nietzsche et Bergson, que l’énergie n’est pas nécessairement créatrice et que l’élan vital peut se retourner contre la vie. Car le moi est aussi habité par des pulsions destructrices. Or, la destruction est le contraire de la création, donc opposée à la nature humaine. Il ne retient donc que le plaisir et la joie qui sont comme des cerises sur le gâteau de la créativité. Et si la contemplation, la félicité ou la béatitude sont des recherches plus qu’estimables, tournées vers Dieu et la vie éternelle elles ne concernent pas le bonheur aujourd’hui.

Votre voyage dans la Vallée de Miel vous a permis de découvrir les quatre clefs du bonheur. Quelles sont-elles ?

D’abord dominer la nature pour affronter ses malheurs et, en même temps, se réaliser soi-même en libérant toute l’humanité de l’activité du travail servile, notamment par la robotique et l’intelligence artificielle, en allant vers toujours plus de croissance. Ensuite, développer l’amour d’autrui qui permet d’affronter les conflits et de développer sa propre créativité, appuyée sur la vraie mondialisation, pas celle du cache-sexe de la puissance, mais celle de la créativité en proclamant « créateurs de tous les pays, unissez-vous !». Puis, développer l’amour de soi contre la haine de soi et la culpabilisation et transformer l’école, souvent rejetée par les enfants des vallées de larmes, par des formations de la créativité avec des maîtres qui savent. Enfin, contre les prophètes qui disent notre nature condamnée au malheur, faire de sa vie une œuvre d’art et, ainsi, trouver le bonheur jusque dans l’adversité. 

5. Le bonheur exige de s’aimer d’abord soi-même ? 

Comment aimer les autres comme soi-même si on ne s’aime pas soi-même ? Mais il ne s’agit pas d’aimer les pulsions morbides du moi. Ce soi-même, c’est la nature humaine en soi, sa créativité, son « je » transcendantal qui se réalise dans l’existence. C’est le vrai sens de cet appel à cueillir le jour, le carpe diem des humanistes. Et plus on s’aime ainsi, plus on aime la créativité en autrui dont on profite pour mieux vivre, mieux créer et donc être heureux. D’où ce mot de « progrès » inventé par Rabelais.

6 Les Français sont-ils aptes au bonheur ? 

Ne sont-ils pas humains ? (rires). Les Français sont de moins en moins joyeux car leur créativité est freinée, arrêtée, réglementée, surveillée par les wokistes et leurs médiocres compères de l’écologie punitive qui jouissent de jouer les pères fouettards. Il n’est pas un seul pan des plaisirs et de la créativité qu’ils ne traquent, de l’industrie automobile à l’intelligence artificielle. Mon livre réveillera peut-être le bon sens de cette nation civique qui a oublié qu’elle est fondée sur l’assimilation des valeurs et qui, depuis la cathédrale Notre-Dame jusqu’aux Lumières, avait conduit le monde vers toujours plus de liberté créatrice. 

7 Le wokisme est loin de vous convaincre.

Le wokisme est une production d’origine française que le voyageur de mon livre rencontre quand il prend le tortillard qui l’amène à la Vallée de Miel, car les disciples de Foucault, Derrida et Deleuze font des barricades pour barrer sa route. Résurgences des Maîtres de Vérité, ils veulent détruire le « je » et le « moi », effacer l’identité, y compris sexuelle, détruire la biologie, la physique et l’histoire et ils accusent la recherche du bonheur d’être un produit de la société bourgeoise qu’il faudrait déconstruire. Je les déconstruis (rires), tandis que la police de la Vallée de Miel les dégage de la voie. 

8 Comment les démocraties libérales, tournées vers l’individu, peuvent-elles tendre vers le bien commun ? 

Appeler « bien commun » ce qui irait à l’encontre des individus qui composent la société signale une idéologie liberticide. Le vagabond, à Londres, découvre au premier étage du Café des Libéraux que chaque individu possède de droits individuels naturels, dont celui de chercher son bonheur. Au second, avec le libéralisme politique, que la démocratie libérale a l’objectif de protéger ces droits. Au troisième, que le libéralisme économique, fondé sur les deux premiers, assure la croissance sans idolâtrie du marché. Mais le bonheur des Gavroche n’est pas assuré. Il découvre finalement que si Gavroche est tombé par terre, c’est la faute à Voltaire, le nez dans le ruisseau, c’est la faute à Rousseau, et que la démocratie libérale des Temps contemporains doit activer les quatre clefs du bonheur afin de permettre à Gavroche non seulement d’être libre, mais créateur, ce qui assure aussi la croissance du bien commun. Le souci de l’individu, non l’individualisme.

Mon livre réveillera peut-être le bon sens de cette nation civique qui a oublié qu’elle est fondée sur l’assimilation des valeurs et qui, depuis la cathédrale Notre-Dame jusqu’aux Lumières avait conduit le monde vers toujours plus de liberté créatrice.

9 Revenons à l’intelligence artificielle. Ne comporte-t-elle pas des risques pour l’homme ? 

Méfions-nous de ceux qui vivent de nos peurs. Faudrait-il interdire la machette au nom des 800 000 morts tutsis de 1994 ou restreindre les cours de chimie sous prétexte de terrorisme ? Alors que États-Unis lancent un programme de 500 milliards, France et Europe doivent libérer la recherche et ranger les prophètes de malheur au grenier avec la machine à tisser. Reproduisant seulement cinq activités du cerveau, dénuée de notre nature créatrice elle est une aide formidable à cette créativité.

10 Peut-on dire que la créativité est de source divine ? 

À partir de la créativité, je crois avoir prouvé l’immortalité mais aussi l’existence de l’énergie créatrice divine qui a créé le monde et l’humain à son image, créateur, comme le découvre le vagabond à la station Jérusalem avant que sa vie ne fasse sens lorsqu’il boit l’eau de la source. Mais on peut lire ce livre en restant au « je suis, j’existe, je crée ».

Entretien au Point : YVES ROUCAUTE : « J’AI TROUVÉ LA FORMULE DU BONHEUR : CRÉEZ ! »

ENTRETIEN dans Le Point (8 février 2025). 

Yves Roucaute a plongé dans l’histoire des civilisations et des spiritualités et affirme avoir trouvé la clé du bonheur. Il nous la confie. (Pour obtenir le livre et offrir le bonheur cliquer ici: Aujourd’hui, le bonheur)

Propos recueillis par Jérôme Cordelier.

« Créez, aimez-vous et soyez fier de vos créations car il n’y a pas de sotte création » explique Yves Roucaute. (La création d’Adam, Michel Angelo, Pixabay, Joeblack564).

Yves Roucaute n’est pas du genre gourou ou auteur d’ouvrages de développement personnel. C’est même un homme très sérieux : professeur des universités, agrégé de philosophie et de science politique, auteur de nombreux livres. Son dernier opus, publié aux éditions du Cerf*, risque d’en décontenancer quelques-uns. Tant mieux !

Au terme d’une longue étude des histoires des civilisations, des spiritualités et des humanités, le septuagénaire livre un récit initiatique qui prétend, finalement, avoir trouvé le secret du bonheur, rien que ça. Vous voulez en savoir plus ? Suivez le guide 

Le Point : Qu’est-ce qui vous a poussé à écrire ce livre à la forme de récit initiatique ?

Yves Roucaute : Ce livre, que j’ai mis trois ans et demi à écrire, répond à une question personnelle qui est aussi celle de chaque être humain : comment trouver le bonheur ? Car jusqu’ici, Voltaire avait raison, « nous cherchons tous le bonheur, mais sans savoir où, comme des ivrognes qui cherchent leur maison, sachant confusément qu’ils en ont une ». Oui, que de confusions entre bonheur, plaisir, joie, contemplation, béatitude, félicité, nirvana… Et comment affronter ces prophètes de malheur qui profitent chaque jour des malheurs subis par l’humanité pour vendre de la culpabilité à gogo et des remèdes pires que les maux ?

Yves Roucaute, Professeur des universités, agrégé de philosophie et de science politique. ©YvesRoucaute

Car quatre types de malheurs nous assaillent. Ceux dus à la nature, entre séismes et glaciations, éruptions volcaniques et réchauffements, virus et maladies génétiques… Ceux dus aux humains, qui, jugeant peut-être que cela ne suffit pas, ajoutent crimes, guerres, tyrannies, totalitarismes… Ceux dus à soi, de la condamnation du corps à la haine du « moi ». Et, fondement de tous, ceux dus à la croyance que la nature même de l’humanité serait coupable et damnée.

Pour dissiper ces brumes en moi, je me suis retiré du monde et j’ai écrit ce livre destiné à tous comme le carnet de voyage d’un vagabond, en quête de bonheur et du sens de sa vie, rencontré près de la fontaine Bethesda de Central Park, à New York, appuyé sur sa canne. À la manière d’un Sherlock Holmes, parlant comme vous et moi, il va de gare en gare, suivant l’évolution réelle de l’humanité, celle des sciences et des techniques, du développement économique et de l’art, de la métaphysique aussi, interrogeant sages, théologiens, philosophes, savants. À l’arrivée, et sans l’ivresse [rires], j’ai trouvé la maison avec la formule du bonheur, ici et maintenant, et pour tous : créez !

Ce faisant, j’ai aussi récolté en chemin les quatre clés indispensables pour faire reculer les malheurs, les quatre piliers de la vision du monde portée par la révolution des temps contemporains, qui, en rupture avec 2,8 millions d’années de pensée magique, met la créativité au cœur de la Cité. Ce qui permet de répondre à nombre de défis, comme celui lancé par le protectionnisme offensif de Donald Trump à une Europe qui préfère la course aux normes, aux interdits, aux taxes, au lieu de renouer avec la course à la créativité qui fit sa grandeur, de l’intelligence artificielle aux biotechnologies. Ce livre est tout à la fois un conte initiatique, la saga spirituelle de l’humanité en quête de bonheur et une recherche du sens de sa vie.

Vous avez vraiment trouvé la formule du bonheur ?

Oui, et j’espère que chacun en sera convaincu en suivant ce vagabond. Dans le livre, quand je le rencontre à New York, je suis en train de lire Voltaire, qui m’ennuie. Ce vagabond s’assoit à mes côtés, avec sa canne et sa besace, et il me propose du miel de la « Vallée de Miel ». Perplexe, je lui demande s’il s’agit bien de cette vallée du bonheur recherchée par l’humanité depuis des millénaires. « Oui », dit-il. Il me parle un peu, puis, me voyant intrigué, il me laisse ses carnets de voyage, que rapporte ce livre.

Tout commence à la station « état de nature », qui n’a rien à voir avec la fable de certains philosophes car il s’agit de la condition de l’humanité nomade d’avant les sédentarisations, il y a 11 700 ans. Dans cette gare, symboliquement située sur le site des fouilles archéologiques des gorges d’Odulvaï, en Tanzanie, il découvre la première clé du bonheur. Là, il prend l’Orient-Express, passant par les stations Sumer, hindouisme, bouddhisme, confucianisme, taoïsme, shintoïsme et Jérusalem, où il découvre la seconde clé. Prenant alors l’Occident-Express, il rencontre notamment Pythagore, Socrate, les sophistes, le formidable Aristote mais aussi l’incohérent Épicure, qui condamne patriotisme, luxe, jouissance sexuelle, mariage, vivant d’eau et de pain d’orge.

Il continue jusqu’à Paris, conversant notamment avec saint Augustin, Averroès, Thomas d’Aquin, Guillaume d’Occam, avant de déjeuner dans le Marais à la Taverne des Humanistes avec Montaigne, où il découvre la troisième clé. Il saute alors dans le Mondial-Express jusqu’à Londres, où il fait la fête au Café des Libéraux puis au Café Saint James des utilitaristes, avant de revenir à Paris, au milieu des manifestations violentes, se réfugiant au Café de la République, où il comprend pourquoi Victor Hugo a raison en disant que si Gavroche est tombé à terre, c’est la faute à Voltaire, le nez dans le ruisseau, c’est la faute à Rousseau.

Il repart vers l’Allemagne, rencontrant entre autres Kant, qui refuse le miel, Hegel, Nietzsche, qui lui donne le sens du miel, puis Bergson, avec lequel il dîne dans le restaurant où allait Goethe, avant de cheminer jusqu’à Buchenwald, où il découvre la quatrième clé du bonheur. Et c’est cette clé qui lui permet de pressentir la formule du bonheur. Car il découvre que ce qui distingue la nature humaine des autres vivants n’est pas l’intelligence, d’être Homo sapiens, car les mammifères en ont aussi, mais sa triple créativité, envers la nature qu’il transforme, envers les autres humains en créant des civilisations, envers son corps qu’il améliore jusqu’à traquer les maladies génétiques. L’homme est Homo creator.

Plus tard, arrivé aux sources de la Vallée de Miel, tout s’éclaire, il comprend que si sa nature est d’être créatrice, le bonheur ne peut être que dans la plénitude de la réalisation de soi, de sa nature, ce qui lui permet de communier avec l’énergie créatrice du monde. Il comprendra que son bonheur ici et maintenant tient en un mot simple : « créez ! »

« Créez, aimez-vous et soyez fier de vos créations, car il n’y a pas de sotte création, seulement de sottes gens. »

Les quatre clés du bonheur, quelles sont-elles ?

Le vagabond trouve la première dans l’état de nature. Face au malheur naturel, il faut dominer la nature et assujettir ce qui s’y trouve autant que possible. Mais il est insatisfait car avec les richesses, cette domination produit des rapports sociaux de domination, de la jalousie, des guerres. La deuxième clé, face au malheur dû aux humains, il la découvre par l’Orient-Express à Jérusalem : aime ton prochain comme toi-même. Seule condition pour éviter des paix que Thomas d’Aquin appelle « mauvaises », fondées sur des calculs d’intérêts qui ne durent que le temps de l’intérêt. Mais cet amour apparaît comme une loi extérieure au « moi » qui doit obéir sous peine d’être coupable, le regard tourné vers le salut.

Insatisfait, contre le malheur dû à la dévalorisation de son corps animé, il trouve la troisième clé à Paris, qui le conduit à s’aimer soi-même. Mais insatisfait, car le « moi » est aussi traversé de pulsions morbides, il trouve la quatrième clé à Buchenwald, contre Nietzsche et John Locke, songeant à Josette Roucaute qui a réussi à fuir la marche de la Mort à la sortie du camp, à Raoul Roucaute noyé dans les rires par les SS de Mauthausen, pleurant sur les enfants juifs de Buchenwald. Il saisit que la volonté peut être mauvaise, que la joie et le plaisir peuvent se trouver dans la destruction. Il découvre que la liberté doit être orientée par le « je » pour diriger l’énergie du corps vers la création et que ces quatre clés sont ses armes spirituelles pour s’orienter dans la vie.

Et comment se servir de ces clés ?

Le vagabond le découvre dès son arrivée dans la Vallée de Miel. Il voit une petite fille qui construit un château de sable. C’est la couverture du livre. Il se rend compte qu’elle a les quatre clés du bonheur et il se demande pourquoi, en grandissant, la créativité de cette petite fille est si souvent freinée ou détruite dans les vallées de larmes, pourquoi les bambins si contents d’entrer à l’école finissent par rêver d’en sortir. Il constate, lors de sa rencontre avec Albert, c’est-à-dire Einstein, qu’orientée par la première clé, la Vallée de Miel a bâti une école de la créativité et proclame avec humour : « Créateurs de tous les pays, unissez-vous ! » Une façon de se moquer de Karl Marx et de ceux qui croient que la richesse des nations vient du travail, voire de l’exploitation humaine. Et il découvre la volonté d’abolir le travail, ce qu’Aristote lui avait prédit en imaginant des robots car il savait que machines, animaux ou outils sont interchangeables dans le processus de production et que l’usage de l’humain conduit à l’aliénation et à la peine.

Et cela non pour faire des paresseux, mais, dans le refus de la confusion du travail et de l’activité, elle aussi signalée par Aristote, pour permettre à chacun de développer son activité proprement humaine, créatrice. Et il constate que plus la créativité s’exerce, plus les innovations se multiplient, plus s’accroit la richesse des nations, plus recule le malheur dû à la nature. Et le vagabond voit sous un arc de triomphe brûler la flamme de la créatrice et du créateur inconnus, tandis qu’au bout de l’avenue des Champs de l’humanité, il trouve un jardin consacré aux femmes prix Nobel. Sur l’exercice des trois autres clés, je ne peux m’étendre, mais toutes démontrent, comme la première, que la Vallée de Miel n’est pas une utopie, mais ce monde humanisé qui se construit sous nos yeux, avec, grâce aux clés, un recul des malheurs pour exercer la formule du bonheur.

Ne craignez-vous pas que l’on dise qu’il est un peu prétentieux d’affirmer que vous avez trouvé la clé du bonheur ?

J’ai beaucoup d’humilité par rapport à cette découverte. D’ailleurs, à chaque rencontre, le vagabond récolte dans la poche de devant de sa besace ce qu’il doit aux penseurs rencontrés. Et cette formule « créez ! » tient à notre nature créatrice, celle que nous avons reçue à la naissance, je n’y suis donc pour rien. Mais faudrait-il donc, parce que je suis Français, simuler n’être pas heureux d’une découverte qui a brûlé nombre de mes nuits et m’a fait vivre en quasi-reclus plus de trois ans ? La France est un pays curieux où ceux qui réussissent à créer sont souvent suspects.

Jadis, après une conférence que j’avais faite sur Max Planck, qui m’a tant influencé, lors d’un dîner, mon hôte charmant m’a demandé comment s’était passée ma seconde agrégation, et quel effet cela faisait d’être professeur des universités à 33 ans. J’avais à peine commencé à répondre sur la difficulté de l’épreuve en 24 heures, que je fus interrompu par un voisin qui me fit comprendre sans ambages qu’il fallait être prétentieux pour oser parler de ses succès. Je lui répondis avec humour, citant Montaigne comme dans ce livre, que, de toutes les maladies, « la plus sauvage, c’est (de) mépriser notre être » et que c’est « une perfection absolue et pour ainsi dire divine que de savoir jouir loyalement de son être ». C’est le mal français auquel mon livre apporte l’antidote : créez, aimez-vous et soyez fier de vos créations, car il n’y a pas de sotte création, seulement de sottes gens. Le conducteur aux gants blancs dit au vagabond qu’il n’a pas à s’inquiéter de n’avoir pas de titre de transport car chacun a droit gratuitement à ce voyage vers la Vallée de Miel et chacun peut voyager à sa façon pour donner du sens à sa vie.

« La créativité met en phase notre “je” transcendantal, avec l’énergie créatrice du monde, une énergie qui nous appelle à réaliser notre nature pour porter l’espérance de l’immortalité des bonheurs rencontrés et la charité. »

Quel est le message final de votre livre ?

Libérer la nature créatrice humaine. Si le vagabond est seul dans ce train à un seul wagon, c’est que le bonheur n’est pas une affaire d’État, il n’est pas « commun », comme le prétendait Saint-Just en justifiant la Terreur et comme le proclament encore les Maîtres de Vérité. Thomas Jefferson l’a bien vu en inscrivant dans la Déclaration d’indépendance américaine de 1776 que les humains sont « dotés par le Créateur de certains droits inaliénables ; parmi ces droits se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur ». Non pas le droit au bonheur que l’on pourrait réclamer à l’État, mais le droit individuel de le rechercher. Ce que le personnage de Peggy Guggenheim dit de façon claire en dévoilant la vérité de l’art et en saluant l’art contemporain : que chacun fasse de sa vie une œuvre d’art. Et cela se peut.

Il est autant de façon d’être heureux qu’il y a de façons d’exister, du savant à l’entrepreneur, de l’artiste au bricoleur, de la mère qui enfante à celui qui va porter le seau d’eau aux Cosette du monde. Et pour ceux qui iront jusqu’à la source avec le vagabond, entrant dans la dimension métaphysique de ce livre [rires], ils découvriront que la créativité met en phase notre « je » transcendantal, avec l’énergie créatrice du monde, dont je démontre l’existence, une énergie qui nous appelle à réaliser notre nature pour porter l’espérance de l’immortalité des bonheurs rencontrés et la charité envers nos frères en humanité. Mais je serais heureux si le lecteur s’amuse simplement de tous les secrets de ce livre, celui du miel, de la canne, des prénoms, des hommes en blanc, de l’Apocalypse… Et, s’il s’en tient à la trilogie découverte, celle du « je suis, j’existe, je crée » pour qu’il soit, à son tour, un défenseur de la créativité et un passeur de « l’aimer ».

* « Aujourd’hui le bonheur », d’Yves Roucaute, éditions du Cerf, 397 pages, 21,90 euros.YVES ROUCAUTE : « J’AI TROUVÉ LA FORMULE DU BONHEUR : CRÉEZ ! »

Entretien par le Cerf sur « Aujourd’hui le bonheur, à la découverte du sens de la vie »

Question n°1

Vous évoquez dans le chapitre sur la deuxième clef du bonheur « le chemin du progrès des spiritualités ». Peut-on dire que l’idée sous-jacente à votre grande saga est, qu’à l’instar des sciences et techniques, la sphère des idées et de la philosophie est elle aussi portée par une logique de progrès à travers les siècles ?

Oui, mais cette saga est aussi celle des sciences et des techniques, du développement économique et de l’art, de la métaphysique et de bien plus encore. Brûlant mes jours et bien des nuits, j’ai passé trois ans et demi à écrire ce livre pour raconter cette saga qui met la spiritualité, à sa place, au milieu du village (rires). Le bonheur fut mon fil d’or, car jusqu’ici, Voltaire semblait avoir eu raison : « nous cherchons tous le bonheur, mais sans savoir où, comme des ivrognes qui cherchent leur maison, sachant confusément qu’ils en ont une. » Et, j’ai débarrassé l’humanité de l’ivresse et trouvé la maison avec la formule du bonheur, ici et maintenant, et pour toute l’humanité. En même temps, j’ai découvert le sens de la vie. Pour diffuser largement ce joyeux message, ce livre se présente comme le carnet de voyage d’un vagabond en quête du bonheur rencontré près d’une fontaine de Central Park, à New York, appuyé sur sa canne, gourmand de miel, qui parle comme vous et moi. À la manière d’un Sherlock Holmes suivant l’évolution réelle de l’humanité, il va de gare en gare où il interroge sages, théologiens, philosophes, savants, mettant dans la poche de devant de sa besace les progrès spirituels et, dans la poche arrière, les poisons. Il part ainsi de l’état de nature de nos ancêtres nomades puis prend successivement l’Orient express, l’Occident express, le Mondial Express pour arriver à son objectif, la Vallée de Miel. Il recueille en chemin les quatre clefs du bonheur, ces antidotes aux quatre malheurs qui interdisent le bonheur et qui transforment les vies en vallées de larmes : ceux dus à la nature, aux autres humains, à soi-même, et, plus fondamentalement, ceux dus à la croyance distillée par les prophètes de malheur que l’humanité serait coupable et condamnée. Créez ! voilà la formule simple qu’il découvre à la source de la Vallée de Miel, voilà qui répond à la réalisation de la nature humaine en chacun car ce qui sépare l’humain de l’animal n’est pas l’intelligence, bien des animaux en ont, mais la créativité. Créativité dans la nature que nous transformons, envers autrui par les civilisations, envers notre corps, jusqu’à traquer les maladies génétiques. 

Vous avez raison, cette révélation du progrès spirituel de l’humanité apparaît à la fin de la seconde partie du voyage, avec la découverte de la seconde clef. À ce moment, le vagabond a depuis longtemps quitté la station « état de nature », en Tanzanie, où Mary lui avait fait découvrir la première spiritualité de l’humanité, l’animisme, la première forme de créativité, celle des outils et des habitats nomades, et la première clef du bonheur, celle qui dit qu’il faut dominer la nature autant que possible. Parti avec l’Orient Express, dès son arrivée à la station Sumer, il découvre la réalité de ce progrès spirituel qui sera confirmé aux stations Hindouisme, Bouddhisme, Confucius, Taoïsme, Shintoïsme puis à Jérusalem. Il constate que les sédentarisations et l’explosion des savoirs sont les effets d’une révolution spirituelle inouïe qui a brisé l’animisme. Après 2,8 millions d’années, si l’on se réfère à l’apparition du genre Homo, ou après 300 000 ans si l’on s’en tient à l’apparition de notre espèce, toutes les autres ayant été exterminées sur cette planète, l’humain a enfin pris conscience de son existence. Oui, il ne se conçoit plus comme un élément parmi d’autres au milieu des minéraux, des végétaux et des animaux gouvernés par des esprits de la nature. Hélas ! entre sacrifices humains, invention du totalitarisme, guerres coloniales et toute puissance des Maîtres de Vérité, le voyageur constate aussi que Sumer qui invente pourtant l’écriture croit l’humanité condamnée au malheur par les dieux. Quittant l’Égypte et Sumer, il découvre à la station « hindouisme » un nouveau progrès qui emporte l’Inde avec la reconnaissance du « moi » et de l’énergie qui régit le monde, et cette célébration du dieu Rama Lakshmi, symbole de l’amour universel pour les humains. Mais, il met dans la poche arrière de sa besace que cette spiritualité réduit les malheurs à des illusions et qu’au lieu du bonheur, elle propose le salut à coups de réincarnations dont le succès serait la dissolution du « moi » coupable dans la marmite cosmique. Poursuivant sa route vers l’Est, à la station « bouddhisme », enfanté par l’hindouisme, il voit enfin reconnaître la réalité du malheur du « moi » tandis que naît la bienveillance, la compassion, la joie de vivre avec autrui, hélas ! il constate aussi la même condamnation du « moi » qui serait responsable de son malheur, dû à son karma, à son passé, et qui devrait même considérer son malheur comme une chance pour trouver le salut par dissolution du « je » et du « moi » via un prétendu « éveil », dans la loi cosmique, ce qui serait non pas le bonheur mais le nirvana. Arrivant à la station « taoïsme », nouveau progrès :  tout être humain devient une parcelle de l’énergie divine du monde qu’il faut aimer, en ayant le souci de son corps et des conditions effectives de la paix. Hélas ! au lieu de chercher le bonheur pour le corps animé, ici et maintenant, cette spiritualité interdit à l’humain de connaître le monde et de le transformer, et, finalement le moi reste coupable et il doit être dissout. Et si le confucianisme enseigne qu’« il est bon d’habiter là où règne le sens de l’humanité », s’il appelle à connaître le monde et à résister aux faiseurs de crimes et de guerres, au lieu du bonheur du « moi », il exige la soumission du moi, l’obéissance aux autorités légitimes. Oui, le shintoïsme exige plus encore, avec le respect exquis de chacun à chaque moment de l’existence, mais finalement le « moi » doit se conformer strictement à la loi et aux mœurs, par une violence sur soi. C’est finalement en revenant vers l’Ouest, à Jérusalem, la station la plus développée de l’Orient Express, qu’il découvre la seconde clef du bonheur, qui l’éblouit et donne son sens à la première clef : transformer et assujettir la nature, développer les savoirs et les techniques, oui, il le faut pour affronter le malheur dû à la nature, mais contre le malheur dû à autrui, contre le crime, l’asservissement, le totalitarisme et les guerres de conquête, cela ne suffit pas : il faut aimer son prochain comme soi-même. Et le vagabond est alors ébloui par cette évidence : toutes ces spiritualités rencontrées sont comme les couleurs issues d’une même lumière blanche, et qui tendent imparfaitement mais de mieux en mieux vers l’amour dont le judaïsme dévoile la loi.

Mais la saga ne peut s’arrêter là. Le vagabond voit que cet amour pour autrui est un commandement. Le « moi » avec ce corps est toujours suspecté de vouloir désobéir, poussé par un potentiel désir coupable. D’où les interdits et les commandements, d’où la confusion du bonheur et du salut qui serait obtenu par respect de la loi divine au lieu de cueillir le jour. Le vagabond poursuit donc son enquête en prenant l’Occident Express. Il y rencontre des penseurs, parmi lesquels, à Athènes, des disciples de Platon, d’Épicure, et d’Aristote qui l’enthousiasme, dans le train, après Rome, il partage le miel avec un certain Augustin puis un disciple d’Ibn Rochd… à Paris, place de la Sorbonne, Thomas l’émerveille…Peu à peu, distinguant le bonheur du plaisir, de la joie, de la béatitude, de la contemplation, de la félicité, et de la sagesse, après avoir franchi le Pont Marie, près de la rue des Jardins saint Paul, lors de son déjeuner à la Taverne des Humanistes avec un disciple de Montaigne, il découvre la troisième clef du bonheur, ce « aime toi » pour cueillir le jour.

Mais, il reste spirituellement insatisfait. Car il voit la misère du monde et s’aimer soi-même mais qu’est ce « moi », comment ignorer les pulsions mauvaises en nous ? Quittant le Café des Modernes Gare du Nord, où il rencontre René, disciple de Descartes, il monte alors dans le Mondial Express jusqu’à Londres. Sans réponse suffisante au Café des Libéraux puis au Club Saint James des utilitaristes, revenant à Paris au milieu des manifestants et des grèves, découvrant au café de la République que si Gavroche est tombé par terre c’est de la faute à Voltaire, le nez dans le ruisseau, c’est la faute à Rousseau, il fuit la spiritualité de la Terreur robespierriste en allant vers l’Est. Dans le train, il a la chance de partager son miel avec les disciples des grands philosophes allemands, certains flamboyants, comme ce disciple d’Hegel ou de Nietzsche, certains incohérents comme ceux de Karl Marx ou de Fichte, mais aucun ne satisfait sa soif. Arrivé à Weimar, dînant avec Bergson dans le restaurant où Goethe amenait ses amis d’un plat que le poète aimait, il va à quelques kilomètres de là, à Buchenwald. Et alors, ému aux larmes, contre Bergson et Nietzsche, il découvre que l’énergie peut être destructrice et que la liberté peut être la voie du mal. Et avec l’essence de la nature humaine, la créativité, la quatrième clef lui apparaît clairement : puisque le bonheur est de se réaliser soi‐même, créer est donc la quatrième clef du bonheur. Contre les forces de destructions, le « je » doit donc orienter l’énergie libre en nous, vers la créativité.

Mais sa quête n’est pas terminée. Elle se poursuit jusqu’au moment où il boit l’eau de la source de la Vallée de Miel, là où tout devient clair. Il découvre que les quatre clefs sont les quatre armes d’une philosophie morale et politique qui appelle à transformer la Cité afin de permettre la meilleure réalisation possible du bonheur pour chacun, de l’école de la créativité à la paix d’humanité. Et qu’elles sont aussi les quatre colonnes spirituelles d’une humanité parvenue à la connaissance de sa destinée et, en même temps, à celle de l’existence de l’énergie créatrice qui mène le monde. Car, sous l’influence de Max Planck, inventeur de la théorie des quantas, il découvre la première preuve de l’existence du « Dieu » d’amour par la créativité. Il découvre aussi qu’elles sont les quatre piliers de son temple intérieur pour être heureux jusque dans les pires malheurs, assuré, paradoxalement, que ce bonheur ici et maintenant, durera éternellement, qu’il l’emportera avec lui au-delà de cette vie. Car, par la créativité, il découvre la première preuve de l’immortalité de l’âme. Et il découvre enfin, c’est son dernier enseignement, que cette trinité du « je suis, j’existe, je crée » est liée à une autre trinité, par un quatrième élément, par ce souffle du « viens » mystérieux qui émerveille soudain sa vie et le rend à jamais confiant. Une saga spirituelle de l’espèce humaine oui, vous avez raison, mais aussi une saga personnelle, un parcours initiatique.

Question n°2

Au fil de ce périple, vous ne craignez pas de bousculer quelques dogmes contemporains concernant l’histoire des idées. Ainsi de l’attachement des philosophes des Lumières aux libertés individuelles, que vous contestez, des fantasmes portés par l’écologie radicale, que vous dénoncez, ou encore de l’apport de la « french theory », à laquelle vous vous opposez. Est-il important, dans notre quête du bonheur, d’avoir cette lucidité absolue sur les impasses de certaines écoles de pensée ? 

Comment faire autrement ? Je suis un philosophe et je vis selon ma vocation, la recherche de la vérité pour éclairer joyeusement autant que possible mon procvhain, sachant que, comme le vagabond sur le chemin de Weimar à Buchenwald, souvent je trébuche. Mais je reste néanmoins persuadé aussi, comme ma cousine qui est parvenue à fuir avec une de ses amies lors de la Marche de la mort organisée par les SS à la sortie du camp, et qui a ensuite aidé les survivants déportés, gardant en mémoire mon oncle Raoul, noyé par les SS de Mauthausen, que je peux et dois aider mon prochain. Ce que j’ai fait à Cuba pour aider prêtres et défenseurs des droits de l’homme, ce qi m’a amené en prison, en Afghanistan pour aider l’ami Massoud et mes frères en humanité musulmans au milieu des tirs talibans, en Allemagne de l’Est lorsque j’étais jeune pour faire passer à l’Ouest des amis de la liberté, au Vietnam pour aider des bonzes qui aiment l’humanité… Je ne crains ni le courroux ni la solitude car je ne suis jamais vraiment seul, vivant le mystère biblique du « viens ! » Et notez, qu’à l’exception d’un seul penseur, Emmanuel Kant, qui est d’ailleurs syumboliquement le seul à refuser le miel, à chaque étape de son voyage, le vagabond montre un grand respect pour toutes les pensées humaines qui l’ont précédé, ce que je dois à l’enseignement d’Aristote qui, avec Max Planck, l’inventeur de la théorie des quantas, qui apparaît dans la Vallée de Miel, est sans doute celui qui m’a le plus influencé. Il récolte ainsi leurs apports dans la poche avant de sa besace. Mais pour défendre la nature créatrice humaine, il ne fallait pas seulement dissiper les brumes mais couper au scalpel les idolâtries dont se servent les prophètes de malheur. 

Ainsi, le vagabond est pour l’écologie positive, celle qui mesure le progrès scientifique à l’aune du souci de l’humanité, comme la lutte contre les pollutions ou pour le contrôle de qualité des aliments, et non à la seule croissance et à l’augmentation de la quantité de biens matériels, même s’ils sont nécessaires pour affronter les malheurs dus à la nature. Mais, dès la station « état de nature », la rencontre avec Mary met à nu l’ignorance de cette écologie punitive des idolâtres de la nature qui jouissent d’interdire et de culpabiliser dans le mépris des vraies sciences de la nature, de la physique d’abord, et dans la négation de l’histoire dramatique du genre Homo. Songez qu’après 8 millions d’années, il restait seulement une espèce sur 21 du genre Homo et 500 000 survivants, il y a 11700 ans, à la fin de la dernière glaciation, les autres ayant été exterminées par les glaciations, les réchauffements, les séismes, les éruptions volcaniques, les tsunamis, les attaques animales, les épidémies virales, et j’en passe des douceurs de Gaïa. Et quand le vagabond sort de cette station état de nature, sur le chemin de Sumer et de l’Égypte, il découvre que cela continue, avec le changement climatique soudain et violent dont les récits de déluges comme la géographie portent témoignage, qui a suivi cette fin de la dernière glaciation, puis avec le réchauffement soudain et violent, il y a 4200 ans, qui a exterminé des populations entières dont celle de l’empire d’Akkad, tandis que se poursuivent les menaces, des séismes  aux éruptions volcaniques. Il saisit qu’il faut aller vers toujours plus de science et de croissance, donc vers toujours plus de liberté créatrice éclairée par le souci de l’humanité. 

Vous évoquez, à l’inverse de cet obscurantisme vert, le mouvement des Lumières si estimable par son désir de défendre la liberté de penser, de libérer la recherche dans les sciences et les techniques et de diffuser les savoirs. Mais le scientisme est une autre idolâtrie. Le vagabond découvre d’ailleurs que leur idéal n’était pas le bonheur pour les Cosette et les Gavroche, mais celui du « monarque éclairé », représenté par la terrible Catherine II de Russie qui les finance et les héberge même parfois, comme Diderot. Ils sont partisans d’un État fort orienté par des experts technocrates qui indiqueraient au législateur les lois nécessaires à la croissance et à la diffusion du savoir à la population. Par la croissance des biens, ils imaginent non pas le bonheur individuel mais « le bonheur général », obtenu par la croissance du savoir et économique. Ils défendent ainsi certains droits individuels qui se réduisent pour eux, en général, à la liberté de pensée et au droit de propriété et nulle part n’apparaît ce droit universel de rechercher son bonheur pour les Cosette et Gavroche qui ne sont pas propriétaires et ne peuvent cultiver leur jardin. On confond souvent droits individuels et droits de l’homme. La différence avec John Locke est frappante : celui-ci cherche la nature de l’homme pour en extirper ses droits individuels, eux partent du propriétaire et de l’homme de Lettres pour exiger le respect de leurs seuls droits. Et le vagabond découvre que le chrétien Victor Hugo a raison, si Gavroche est tombé à terre, c’est la faute à Voltaire, le nez dans le ruisseau, c’est la faute à Rousseau. Et à la fin, il constate que c’est seulement en partant de la nature humaine réelle, que John n’avait qu’entraperçue, avec cette créativité native universelle, que l’on peut accéder à la plus haute moralité et aller vers la Vallée de Miel. Il est d’ailleurs formidable qu’inspiré par la spiritualité judéo-chrétienne, Thomas Jefferson ait écrit dans la Déclaration d’Indépendance américaine, « Nous tenons pour évidentes pour elles-mêmes les vérités suivantes : tous les hommes sont créés égaux ; ils sont doués par le Créateur de certains droits inaliénables ; parmi ces droits se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur. Les gouvernements sont établis parmi les hommes pour garantir ces droits ». Non pas le droit au bonheur, marque d’une pensée tyrannique qui inspirera la Terreur et les Maîtres de Vérité des pays communistes, mais le droit de rechercher son bonheur. Et, comme le révèle le vagabond, cela se peut seulement car nous sommes libres et créateurs, nous sommes « homo creator ».

Quant aux disciples de Foucault, Deleuze et Derrida, revenus en Europe par les États-Unis sous la forme du wokisme notamment, le vagabond les découvre après s’être débarrassé dans la station Weimar, de Martin Heidegger, qui voulait l’envoyer dans la Forêt noire. Par des barricades, ils essayent d’arrêter le tortillard qui va vers la Vallée de Miel en prétendant que « je » et « moi » sont des illusions comme le serait la recherche du bonheur et ils tentent d’effrayer le voyageur avec quatre épouvantails en paille représentant de prétendus cavaliers de l’Apocalypse. Outre leur refus des sciences comme la génétique, la neurologie, la psychiatrie, la physique, mais aussi l’économie et la sociologie, ils nient l’histoire humaine qui a démontré, comme l’avait prouvé Freud, que toute civilisation exige d’opposer des interdits aux pulsions morbides. Je démontre que, de même que Martin Heidegger a soutenu le nazisme pour des raisons qui tiennent à sa métaphysique archaïque, en nostalgique des maîtres de Vérité des Âges des Métaux, ce que beaucoup depuis Hanna Arendt ont ignoré, eux ont été aussi dans la même nostalgie, et c’est pourquoi ils ont été les apôtres de tout ce qui détruisait les avancées de la liberté créatrice et des civilisations, voilant mettre les marges au centre pour faire exploser les démocraties libérales jusqu’à saluer pour certains le terrorisme, la schizophrénie ou la pédophilie. La police de la Valée de Miel dégage la voie tandis que le vent fait s’envoler leurs épouvantails de paille. 

Question n°3

Vous appelez à une « seconde révolution spirituelle de l’humanité », faisant écho à celle que l’homme a connu au néolithique. Quelle est le contenu de cette « seconde révolution » et en quoi peut-elle nous aider dans notre quête du bonheur ? 

Je me méfie de cette inflation du mot « révolution ». Si on la conçoit comme une rupture radicale, au niveau spirituel, la première révolution de l’humanité est celle du néolithique, celle de la sédentarisation, commencée il y a 11700 ans pour l’humanité la plus avancée et qui a mis fin au nomadisme. Depuis, toute l’histoire de l’humanité a été celle de la lutte entre la pensée magico-religieuse et la nature créatrice humaine. Nous découvrons seulement aujourd’hui ce qu’est la nature humaine avec son énergie créatrice. Mais si nous le découvrons c’est que ce moment de rupture où toute la vie humaine sera orientée vers la libération de l’énergie créatrice de chacun, ce que j’appelle La Vallée de Miel, est bien avancé. Je crois que sur ce point Hegel a raison, la vraie philosophie est toujours comme la chouette de Minerve, elle arrive sur le tard. Mon vagabond ne flâne pas par hasard dans le jardin des tuileries reconstruit autour des statues des femmes prix Nobel. Nous commençons à comprendre que la créativité est universelle. C’est cette célébration du « je suis, j’existe, je crée » que rencontre le vagabond à chaque instant, depuis qu’il arrive sur la plage de la Vallée du Miel jusqu’aux sources, en passant par la place de l’étoile où brûlent la flamme de la créatrice et du Créateur Inconnu, dans ce mot d’ordre des Temps contemporains qui ouvre la voie de la paix et de la vraie mondialisation, pied de nez moqueur aux marxistes et à ceux qui con fondent patriotisme et nationalisme: « Créateurs de tous les pays, Unissez-vous ! » C’est cette victoire qui s’annonce lorsqu’il constate la libération de la créativité humaine par l’abolition du travail, car l’activité n’est pas le travail et, contre les idéologies de la culpabilité, il démontre que l’humanité n’est pas condamnée au travail, grâce, notamment, à la robotique et l’intelligence artificielle qu’il célèbre avec une pensée admirative pour Aristote qui l’avait prévue. La Vallée de Miel est l’expression métaphorique de cette seconde révolution spirituelle qui nous débarrassera de toutes les idolâtries, celle de la planète, de l’État, du Marché, des Sciences, et j’en passe car la pensée magico-religieuse qui est en pleine débandade mais qui résiste encore et tente de renaître sans cesse avec ses petits Maîtres de Vérité. 

Question n°4

Au bout du voyage se trouve la conviction que chaque être humain est appelé à « faire de sa vie une œuvre d’art ». Mais pouvons-nous être tous des Léonard de Vinci ou des Peggy Guggenheim ? 

En arrivant sur la plage de la Vallée de Miel, le vagabond découvre une petite fille qui crée un château de sable, c’est la couverture du livre. Ému par elle, il comprend alors que la créativité est universelle et innée. Il se pose alors la question : comment cette créativité native que nous constatons chez tous les enfants, peut-elle être détruite ensuite ? Pourquoi tant de petites filles devenues femmes sont-elles condamnées à ne plus pouvoir créer ? La vérité est que les vallées de larmes détruisent cette nature humaine. 

Après avoir vu en rencontrant Albert, disciple d’Einstein, ce qu’était l’école de la créativité dans la Vallée de Miel, et la mise en œuvre d’une éducation où le plaisir d’apprendre se conjuguait avec le respect de ceux qui savent et l’apprentissage de sa propre créativité, il dépasse les cascades et il comprend avec Peggy, qu’il est permis à chacun d’être un créateur de sa vie. De la mère qui enfante à celui de l’enfant qui donne son dessin aux parents, de l’entrepreneur qui crée son entreprise au savant qui participe à un brevet, de l’agriculteur qui met en valeur son champ au cuisinier qui crée son plat, du bricoleur du dimanche à l’artisan qui fait son ouvrage… il saisit qu’il y a autant de manières d’être heureux que d’individus et que chaque individu peut l’être de plusieurs façons au cours de sa vie, voire au cours d’une même journée par exemple en participant à la création d’un produit le matin, en étant peintre quand on rentre chez soi. 

Et contre les Vallées de larmes qui flattent l’orgueil, la jalousie, la détestation ou la domination d’autrui, ce qui est le mauvais individualisme, notre vagabond prône l’individualisme de la créativité en harmonie avec l’énergie créatrice du monde, un peu comme Aristote vivait en harmonie avec ce qu’il croyait être le Premier Moteur du monde. Il constate qu’il n’y a pas de petits et de grands créateurs, que la créativité ne se quantifie pas, car elle tient à l’espace-temps de notre existence, à notre « je » qui s’incarne dans l’Être. Si la Vallée de Miel salue Marie Curie, ce n’est pas parce que cette savante est supérieure aux autres, mais parce qu’elle est une fleur merveilleuse née sur l’arbre de la créativité qui pousse toujours plus haut grâce à la créativité des autres, portant par sa propre nature, cette créativité plus loin encore. La saga de l’humanité ne révèle pas la construction d’une Tour de Babel qui voudrait, par orgueil, concurrencer je ne sais quel Dieu, mais les rhizomes d’une fraternité universelle qui lie Marie Curie à tous les physiciens et à tous les humains qui ont existé, sans lesquels elle n’aurait pu créer, de celle qui l’a enfantée à ceux qui ont assuré ses soupers, de Newton à ceux qui produisent son électricité. Et si l’art, auquel aucun disciple d’Emmanuel Kant n’a rien compris, poursuit son expansion avec le formidable art contemporain, c’est qu’il n’a jamais eu aucun lien avec le beau ce sentiment social formaté mais seulement avec la créativité du « je ». Ainsi, influencée par son père admirateur d’Eiffel qui préféra mourir dans le Titanic plutôt que de prendre une place à une danseuse de cabaret, après bien des déboires, Peggy, devenue riche, au lieu de vivre en rentière paresseuse comme le font parfois les héritiers, fit de sa vie une œuvre d’art. Elle devient galeriste Peggy et réalise sa nature en mettant son énergie créatrice à faire découvrir Jean Cocteau, Marcel Duchamp, Piet Mondrian, Henry Moore, Max Ernst, Vassily Kandinsky Jackson Pollock et, à la fin de sa vie, l’art africain. Certes, elle a connu des malheurs, mais être créateur de sa vie, que l’on soit cuisinier ou architecte, ne signifie pas éviter les malheurs mais ne pas passer à côté de sa vie, ne pas rater les moments de bonheur qui, parfois dans les pires malheurs, s’offrent à nous. Ainsi, on saisit le sens de sa vie et, si l’on découvre ce qui se joue, ce « viens », on découvre que ce que l’on prenait pour un petit bonheur, ici et maintenant, du bonheur d’avoir rendu heureux un enfant au petit don à un être souffrant, est recueilli en soi pour l’éternité.

Question n°5
Le miel accompagne à chaque étape le narrateur dans son voyage, dont le but final est du reste la « vallée de miel ». En quoi le miel est-il emblématique de notre quête du bonheur ici-bas ? 

Il y a beaucoup de secrets dans ce livre que je laisse au lecteur qui veut s’amuser le soin de trouver, comme le sens de la canne du vagabond, des hommes en blanc, des prénoms, des noms de rues, l’air des clochettes, l’eau de la source, ce « viens ! » … Il n’est pas une page sans un secret caché car je me suis aussi beaucoup amusé à écrire ce livre (rires). Le miel a une place privilégiée, on peut même lire ce livre en suivant la route du miel puisqu’il est à l’origine de la rencontre avec le vagabond et, à chaque étape du voyage, le vagabond en prend jusqu’à découvrir une Vallée qui est la Vallée de Miel. Il n’est pas anodin que le premier miel offert dans la station « état de nature » le soit par Mary, prénom intéressant pour ce premier personnage rencontré. Avec son mari Louis, si l’on en reste au niveau profane qui suffit pour lire ce livre, elle permit des avancées décisives sur l’évolution de la lignée humaine par ses recherches sur le site d’Odulvaï, en Tanzanie. Or, elle offre du miel de jujubier venu des arbres sacrés du Yémen, miel récolté depuis le paléolithique par les animistes mais qui a aussi une forte présence symbolique dans le judaïsme, le christianisme et même l’islam. Chacun en verra peut-être la signification. Et lorsque le vagabond quitte la station « état de nature » pour se diriger vers Sumer, Mary, encore elle, lui offre un pot de miel blanc d’Éthiopie, produit à 2000 mètres d’altitude à partir des fleurs jaunes « adey abeba », qui ressemblent aux marguerites. Or, ces fleurs sont un symbole d’espoir et de renouveau, ce qui n’est pas anodin alors qu’il va rencontrer la révolution néolithique dans la région du Croissant Fertile et qu’il termine sa route dans la Valée de Miel, qui est un appel à la révolution des Temps contemporains. Puis, alors que l’Orient Express traverse l’Égypte, un homme en costume blanc, le blanc est évidemment plus qu’ne couleur, lui donne du miel de fleur de nigelle, miel qui était offert aux dieux dans l’Égypte antique et c’est ce même homme qui l’informe qu’il n’a pas à s’inquiéter d’avoir un titre de transport car le droit de rechercher son bonheur est une grâce accordée à chacun pour lui permettre de donner un sens à sa vie. Bref, a chaque fois, le miel éclaire le voyage de façon, disons, plus ésotérique.  

C’est Nietzsche qui lui donnera la première indication du sens caché du miel en en faisant un symbole de la créativité. C’est ce qu’il appelle sa propre « ligne dorée », se donnant lui-même comme « l’offrande du miel » pour que naisse le prétendu superhomme créateur en chacun. Mais, plus tard, après avoir ingurgité lui-même en gourmand, une grande quantité de miel, arrivé à la Vallée de Miel, le vagabond saisit que cette idée de surhomme est encore une vision de prophète de malheur qui nie l’universalité de la nature humaine créatrice en chacun. Et lorsqu’il boit l’eau de la source, en regardant la vallée, il comprend que lorsque nous vivons selon notre nature, nous sommes nous-mêmes des offrandes de miel aux autres comme les autres sont des offrandes de miel pour nous et que cette Vallée de Miel n’est pas un lieu, mais notre esprit quand il crée. Ainsi le miel lui apparaît comme la grâce déposée en nous par l’amour de nous pour œuvrer naturellement vers l’amour d’autrui. Nous sommes des êtres butinés, créés à l’image de l’énergie créatrice elle‐même, semés pour donner à notre tour ce qui nous a été donné, pour libérer les autres de leurs peurs et de leur culpabilité, pour être des passeurs de miel, des passeurs de l’aimer. Il découvre alors que cette formule universelle, « créez ! »  disperse les brumes des vallées de larmes pour conduire dans la Vallée de miel en donnant le sens de la vie : aime éperdument, aime‐toi et aime les autres, crée ! Et, en humble passeur de l’aimer qui a confiance dans l’énergie créatrice du monde, le miel est un appel pour que chacun diffuse à son tour la joie de vivre à toute l’humanité. Et c’est pourquoi, à New York, quand le vagabond s’éloigne, je constate que son ombre disparait au soleil de midi, comme nos ombres disparaissent quand nous acceptons de vivre selon la grâce donnée à notre nature créatrice.

Sortie le 16 janvier de « ‘Aujourd’hui, le bonheur. À la découverte du sens de la vie »

Pour l’obtenir: cliquer ici : Aujourd’hui, le bonheur. À la découverte du sens de la vie.

Présentation par les éditions du cerf:

« Le bonheur aujourd’hui ?

Oui, et à la portée de tous
Avec ce livre sans précédent, Yves Roucaute raconte, éclaire et parachève la plus vitale des quêtes de l’humanité, celle du bonheur. Il nous embarque à bord du train de l’évolution qu’emprunte un voyageur qui vous ressemble. En sa compagnie, vous partez à la rencontre des grands ancêtres et de leurs croyances en Afrique, des sages et de leurs spiritualités en Asie, des philosophes et de leurs pensées en Europe. Enquêtant dans chacun de ces lieux primordiaux, vous explorez et évaluez avec lui les multiples expériences et théories de la vie heureuse.
Vous apprenez à en départager les poisons et les panacées.
Orient-Express, Occident-Express, Mondial-Express : après avoir suivi la locomotive de l’histoire et surmonté les abîmes de la modernité, le vagabond, avec sa besace et son bâton, prend un paisible tortillard qui conduit à la Vallée de Miel. Allez-vous à votre tour y accéder ? Voulez-vous vous débarrasser de la peur, de la culpabilité, des prophètes de malheur ? Désirez-vous découvrir le sens de la vie ? Connaître le sentiment de la joie ? Goûter la sensation de l’immortalité ?
Ce livre unique se lit avec plaisir comme un récit initiatique, avec profit comme une encyclopédie éthique. Mais il est infiniment plus que cela. En dévoilant les quatre clefs et la formule du bonheur, il nous offre une révélation et une émancipation. Ouvrant notre créativité à l’énergie créatrice de l’univers, il provoque notre libération.
Sans plus attendre, mettez-vous en route et atteignez dès aujourd’hui le bonheur. »

A scientific Review reflecting on global security 

Cahiers de la sécurité, Special issue, 2010.

Our choice of articles from last year’s « Cahiers de la Sécurité – Security Notebooks » shows that our Review continues to address the scientific developments made to cope with the problems of « global security ». Furthermore, the Review is open to all scientific researchers interested in developing this programme of research, subject to standard university article selection criteria. 

Our choice of paradigms demonstrates the distance covered and progress made in the areas concerned: an article on the theory of global security; on prison, which is classically considered as coming under the umbrella of « security »; the intelligence services, usually and traditionally included in studies concerning international and strategic relations; and sport, normally considered incongruous to the field of political science. 

It must be said that it is not always easy to adopt a scientific standpoint which goes against positivist thinking. For example, by reintroducing a form of hybridization or re-establishing the link between science and morals, which was pushed aside by modernism. There is still a great risk of continuing to use outdated and bankrupt paradigms and theories, even given the gnoseological impasses they have created. This is because of the fear that with a new notion of « global security » we will lose our reference points and bearings. A notion successfully expounded by Thomas Kuhn was that theoreticians of knowledge, or, as the French would say « epistemologists », are fully aware of the brakes put on any such « scientific revolution ». The benchmarks used by so many laboratories as the bases for their work and a considerable number of papers and texts which have been produced, are, in fact conducive to intellectual laziness and a lack of understanding. Moreover, they have a tendency to create friction and resistance from other interested parties and groups with different and rival paradigms. This resistance to scientific advancement is such that we seem to be losing more than we gain. For example, it is easy to imagine that a country with nuclear weapons is in a relatively comfortable position to defend its borders. It can easily make the distinction between internal and external, public and private security. Furthermore, its position facilitates international cooperation and tends to favour national egoism, power and force.

It is interesting to try and create ad hoc hypotheses to maintain the theoretical matrix. This can be done by trying to adapt it to the vulnerabilities brought about by globalisation, the development of new technologies, particularly nanotechnology, new risks and new threats. 

Even though it might have social consequences for some laboratories, in science it is important to have the courage to take this type of risk. In doing so, however, it is essential that we are fully aware of the insufficiencies of our approach in the elaboration of the disciplinary matrix, in terms of symbolic generalisations, metaphysical and heuristic models, values, methods and exemplary successes. Nevertheless, there are a certain number of elements in our favour: we have already put in place the disciplinary matrix and had a number of successes; scientific advances have been made; a new scientific community has been created, even given the hesitations and processes of trial and error involved, let alone the opposition it generated. All the components of a veritable science of «global security» are now in place. 

The review›s choice of scientific subjects was based on their specific contexts. How is it possible not to put global security at the heart of any reflection and simply think about it? Imre Lakatos would have said that the «conceptual context» constrains the open minded to make such a scientific choice. The development of information technology, computer science and nanotechnology, the fall of the Berlin wall and globalization, all seem to be nodal elements in a profound transformation of our conception of political space and the security of living space. These three phenomena have a number of visible consequences: the free-market system; the opening-up of political systems; the development of transnational communication companies which drive the exchanges in goods, people and signs; and the sudden emergence of new powers like China, India, Brazil and Indonesia.

This created a new dynamic, which in turn has itself created a number of important consequences. For example, developing a new conception of the way we think and live, or the way we look at space and time. But they could also drastically change many other things: the way we exist; our system of values; the way we organize work and labor; and even the roll of politics, meaning also the roll of the State, including even the State›s «regalian» functions. Lastly, and perhaps most importantly, we are forced to place human concerns at the heart of science. 

It is not anodyne that in this new world the concept of « global security » has taken a central role. It defines a set of problems and issues which did not formerly exist, when modernism imposed its own rules and regulations. They include, but are not limited to: State sovereignty; the classic conceptions of the external as opposed to internal, exterior and interior; the functional separation of security and defence; the mutual opposition or ignorance of the private and public sectors; « disciplinary » studies; looking for central control systems… In this new world the State becomes porous and fragile when faced with its vulnerabilities, risks and threats. Or, to be more precise: security, the natural rights of individuals to seek happiness, and the life of a nation, must be rethought to take into consideration the vulnerability and interdependence of the infrastructures, and the multipolarity of risks and the transnational nature of threats. 

This shows just how difficult it is to take a new approach to reflection, serious thought and consideration. The “Déclaration des Chefs d’Etat et de gouvernement sur la sécurité de l’Alliance – Heads of State and Governments Declaration on Alliance Security » of 4 April 2009, clearly indicates that rethinking security, introducing the dimension of globalization and conceptually rethinking strategy, are in fact the same objective. From the present reflections on NATO’s « strategic concept » to the questions raised throughout Europe concerning a real EU policy after the three pillars embodied in the Treaty of Maastricht were abandoned, all require that scientists react. But they must at all costs avoid the impasse created by old paradigms incapable of adapting to the new context and situation. 

This is why our Review is very open to research programmes which ask upfront questions in terms of global security. Furthermore, we stubbornly refuse to install the illusion of a continuum of paradigms and theories which refute the concept. Certain quarters attribute the origin of the concept of global security to the works of Kenneth Waltz and Barry Buzan, and the Palme commission in 1982, which evoked “common security” and taking into consideration a growing interdependence. It is also worth looking at the work of the Ramphal commission in 1992 on «global security governance», which was undoubtedly a precursor in this field. 

Nonetheless, all of the above is true, and also false at the same time. Intuition or recommendations do not constitute a real research programme. « Common security » is not « global security ». Unless, however, if you look at the work of Antoine-Henri de Jomini on the diplomatic element of the concept. Or even the reflections of Karl von Clausewitz on its political dimensions. In fact it is worth looking at the works of anyone who has considered as elements of power, the economy, demography, the state of mind, even of a country, or the announcement of a global security programme. Doing this though would completely miss the essential elements of the concept. 

It must be made clear that our Review takes the scientific stance of refusing positivism. We prefer to reintegrate a humane dimension and a humane humanity point of view at the heart of science. By taking this moral stance, we have created a universe where the three key concepts 

are global security, human security and sustainable development. In doing this we contribute to the progress of research programmes which place global security at the very center of their reflection. It must be said, however, that the terms of such programmes are not always well organized and their conclusions not clearly stated. 

Such research programmes do, however, have a prime characteristic. They question the classic, originally realistic, vision of things. Even though this vision has been « improved » somewhat by ad hoc hypotheses, it remained for a long time relatively hegemonic. It continued to produce research whose paradigm made the distinction between « internal » and « external », « interior » and « exterior », « security » and « defense », « public » and « private », « self-interest » and « morality »… with the corollaries we already know. These « improvements » resembled, to some extent, those in astronomy which permitted the geocentric theory of Hipparchus and Ptolomy to be preferred and maintained over the heliocentric theory of Galileo. They were, however, difficult to actually include in the theory or paradigm. To consider security in this manner is obviously inefficient for combating terrorism or breaking up organized crime networks. Furthermore, it does not justify any humanitarian intervention whatsoever to help cope with the risks, dangers and catastrophes involved. These ad hoc hypotheses sometimes permit the reintroduction of transnational and economic forces with a few advantages. But the schema remains weak for a State, subject or control center, in conformity with Thomas Hobbes’ model for the state of nature, or Jean Bodin’s theory of sovereignty, or that of Nicolas Machiavel for political games without morality, but with « virtù » and « Fortuna ». If Hans Morgenthau›s paradigm, or even that of Raymond Aron, explains the interest in taking into consideration the economy and globalization, it is worth noting that the latter comes too late to radically change the theory. 

The Review also looks critically at the transnationalist movement which dominated scientifically the weak realist movement for a number of years. It upgraded the transnational forces and reintroduced a dimension of porosity and insecurity into the political system. This gave sense and direction to any analysis of the non state actors. At the same time, however, it raised sufficient doubts about the plans of the competitor realists that the State, as a participant, saw itself reduced to the role of an « actor just like any other », or even less important. This led to such an impasse that the inventors of the theory were themselves forced to appreciate the situation and change to a neorealist scheme to once again try and save the State’s hypothesis. 

Even before the theoretical explosion correlated with the arrival of new technologies, security was already a pertinent and timely topic which opened the way to serious thought on the new situation. The neorealist model had, in part, been created by the authors of the transnationalist model. Like Barry Buzan, it was capable of facing up to modern challenges. It included a number of theories which started to provide answers to the ongoing changes by reintroducing new transnational features. The International Political Economy, where the State plays a central role, is prevalent in the work of Robert Gilpin, for example. On the other hand, Susan Strange demonstrates that power should be diffused, insisting on the roles of economic and financial structures, and the difficulty of the State to ensure security and justice and protect wealth and liberty. It also believes that security can no longer be considered just in terms of the military and police, and that it is legitimate to also take into consideration its economic, cultural and environmental dimensions. 

But the new situation required even further changes, expressing a new set of problems and issues, new values and concepts and investigative resources. Moreover, it became necessary to get away from the too disciplinarian vision of security. It needed to be considered not in terms a specific territory, but in terms of its population and inhabitants, and their solidarity with other citizens in other nations. This was essential if we were to respond scientifically and efficiently in terms of resilience, risks, menaces and threats. For example, terrorism, AIDS and the Chernobyl radiation cloud did not stop at border customs controls. 

These concepts are at the heart of our Review, and they must be at the center of any research programme which looks at global security. Nevertheless, the concepts of vulnerability, risk, menace and threat still need to be defined clearly. 

Vulnerability cannot be explained without going into detail about a particular part of a system. Furthermore, the term vulnerability itself means the existence of a possible change in the system which could be used to undesirable ends. It does not necessarily emanate from a design or operational error, but from a necessary part of the way the system works. 

Risks can be distinguished from threats by their contingent aspects: accidental and unintentional, whether of human origin or not. A threat reflects the presence of a phenomenon, organization, or individual. Such an element can exploit a particular vulnerability to influence the behavior or functioning of a system for its own purposes, thereby altering the system’s original objectives.

The notion of risk is only valid if it relates to a particular thing, in the largest sense of the word. It could be something material or something spiritual rather than physical, like a reputation, or a service. A particular risk concerns a particular event. It is generally considered as a combination of the possibility of something happening and the quantification of its impact on the subject in question. 

Once these three central concepts have been defined, the research programmes concerned with global security can concentrate on those fields which have particular characteristics, or « explananda », or generally recurrent series, which enable a hypothesis to be verified. These « domains or fields », defined as vulnerability, risk and menace or threat, are also limited and defined by their particular dynamic forces. They are studied in the « dossiers, papers and articles » published in the Review, as well by the Institut National des Hautes Etudes de Sécurité et de Justice – the National Institute of Advanced Studies in Security and Justice, of which the Review is part, as well the Review’s affiliated laboratories. 

We can start by defining those domains of fields concerning the concept of the « menace or threat », being those processes provoked by human desire. 

The security of a nation, a social group or an individual, can be the target for attacks by malevolent, fragile or bankrupt states during a high intensity conflict. Such attacks can take the classic forms of aggression. But such aggression can also take new forms, for example by attacking digital communications networks, destroying their infrastructures or physically taking control of them. In the same way, they can attack and destroy groups or companies involved at the very heart of a country›s security. They can also take control of management structures and even managers, engineers, technicians and specialists working in the security and control areas of digital IT networks. 

Other threats must be added to this classic example, which has been « revisited » by the notion of global security. For example, the threat of asymmetric wars, not simply limited to radical Islam. Unfortunately, they can also be coupled with high intensity conflicts. Terrorism itself is a hybrid phenomenon with multiple facets, which can only be studied in a hybrid and multidisciplinary manner. These types of threats can be particularly devastating and lethal if they combine to attack communications networks, their vital infrastructures and operating staff and management. They are often associated with organized crime, both in terms of resources and objectives. Furthermore, such attacks can hit multiple targets at the same time, in different locations, in very short time horizons. They can originate from and be based inside the targeted country, or be somewhere else completely. By this they add an unpredictable, transnational and multipolar dimension to the incertitude of their actions. This forces the target to conceptualize not just in terms of protection and anticipation but also in terms of the best forms of resilience. Terrorism has a trans-disciplinary dimension. This is why it is often the subject of the articles and papers published in the Review. We have decided, therefore, to publish a special comprehensive and in-depth article on Terrorism in the near future. 

Global security must, therefore, take into account the menace of new forms of organized crime. Obviously, organized crime is not something new. But, as shown in the special edition of the Review on the subject, the global economy and the globalization of international law has changed the situation qualitatively, and not just quantitatively. Digital information networks and the Internet are virtual spaces where criminals can become organized and develop their activities, from selling adulterated medicines to setting up pedophile networks. Drugs, arms, human trafficking, immigration, piracy, there are very few global security threatening criminal activities which have not developed and expanded on the Internet and in digital information networks. Some of them were even created specifically for this medium. Furthermore, they are often based in different countries and time zones from their targeted activity. We have covered these developments in our articles on organized crime, the illegal drugs trade and human trafficking, and have quoted various extracts from these articles in this paper. 

Global security must, therefore, take into account the menaces from « soft power ». Imagination is at the heart of both security and insecurity. This is where a country’s government, authority, legitimacy, law and culture are undermined by sundry political associations, parties and groups by using the media and the Internet. Such threats initially try to destabilize state authority in zones of influence. Often, they use the Internet to network disinformation and mobilization. Government or state policies can be targeted by attacking their support bases, for example the support for global security policies. In essence, both public and private research centers, companies and State authorities and administrations can be subject to espionage. This is why our Review has put the question of imagination at the center of its reflection on this subject. 

Global security also means real « cyber » threats which can define new territories by transforming living areas without destroying anything. We have included some extracts from the issue « New territories for security » where they demonstrate scientifically that believing that new virtual spaces will eventually lead to the abolition of local living areas and human territorialization is purely an illusion. Mobile phones, global navigation satellite systems, wireless networks (Bluetooth, WiFi, WiMax), Internet, IT systems, routers, computers, land-line telephones, TV decoders, Personal Digital Assistants, operating systems, computer programs, and digital social networks are all services used in daily life in our towns and cities. In fact, nowadays very few activities can escape or avoid using such networks, particularly vital and essential services. Individual threats, destroying a system, group threats (groups, states, countries), industrial espionage, destruction of material or immaterial goods, cyber-attacks against basic infrastructure whether vital or not, can take various forms, such as a virus, Trojan horses, phishing, hacking, botnets. They can also be coupled with destructive attacks on decision making centers. Cyber-attacks can be made against individuals, management, companies or even whole countries. For example, country wide or national cyber-attacks were made against Estonia in 2007, and the French army in 2008. Companies are attacked every day around the world. Large attacks are often covered in the media: for example, the attacks on Twitter and Google at the beginning of August 2009. Most attacks, however, are never reported in the media, to the extent that such threats are now considered banal. The actual cyber-attacks, however, are constantly increasing in complexity and intensity. They are normally carried out for financial gain or for political reasons. Having become formidable and much feared weapons, a market has been created where attackers, and those in fear of being attacked, are prepared to invest and spend considerable amounts of money to achieve their objectives. The particular targets involved are computer system vulnerabilities, faults in computer security systems and faults in design and configuration. It is understandable, therefore, that our Review regularly revisits this highly sensitive subject. 

Taking into consideration global security also means appreciating the risks involved. Once again, the « Cahiers de la sécurité – Security Notebooks » takes this subject very seriously in its treatment of the issues involved in global security. 

These risks are, in the first place, those directly linked to globalization. Scientific and technological development have reduced and relieved suffering and permitted countries to also reduce misery and poverty, such as China and India. But such developments also bring dangers which, for the time being are unknown. Human error can have disastrous consequences in all walks of life: whether in the nuclear industry, in medicine, in transport or water management. The increase in the purchase and sale of goods over the internet, the proliferation of financial transactions, the invention of financial tools linked to new technologies, all bring their element of risk, which may be dangerous locally, regionally, nationally or internationally. A good example is the present global financial crisis. Insecurity is increasing, whether due to a lack of controls, a lack of ethics or simply by accident. 

Global security also means taking into consideration health, food and transport risks. In general, risks increase with globalization. Whether the risks of a pandemic disease, health problems linked to natural catastrophes or armed conflict, the effects of irresponsibility concerning the sales of all sorts of food products over the Internet, and similarly, even the sale of medicines. Even the transport of goods by air, sea or land, which have to some extent become safer, run the risk of human error and the structural vulnerabilities of the Internet, digital information networks and computer systems. 

Global security must also take into account environmental and technological risks. Natural and industrial catastrophes, demographic evolution and population flows, toxic emissions… The Review published a special edition covering these topics. Certain elements of global security find a correlation in the security of digital networks. They are often the source or cause of environmental and technological insecurity, but are always at the center of crisis management. 

The Review made a corporate survey which showed that if a conceptual distinction needs to be made between risk and threat, it could lead to a lethal dynamic. Which is worrying from a scientific stand point! A terrorist group could try and bring about a health crisis by using biological weapons, such as bacteriological or virological weapons. This type of operation could easily be organized via the Internet. Any use of weapons of mass destruction, whether biological, chemical or nuclear, could generate all sorts of risks, both natural and human, and have a devastating effect on the population. Digital networks are at the heart of any risk prevention or management activities, but as vital elements of the infrastructure, they are also potential targets. 

The Review has shown that even faced with these risks, menaces and threats and in this context of new vulnerabilities, research programmes exist which take global security seriously and prove the existence of new actors. 

It is certainly the case that the classic institutions involved in security still remain influential: elected politicians, the army, the Gendarmerie in France, the police and the judiciary. The generators and perpetrators of insecurity arising from these « menaces and threats » are also, in turn, the subject of classic analyses and studies: different political groups, dangerous states and countries, terrorist groups, sects, the Mafia, malevolent individuals or companies involved in espionage or intelligence services. But the conception of global security renews the studies of these actors and analyses the rhizomatic structure of their relationships and systemic connections with the global network. At the same time, and in the same perspective, other actors of security and insecurity are also analyzed. 

The first actor to be « recreated » is the world of associations and organizations. Churches, consumer organizations, environmental organizations, NGOs, trade unions… all play a major role. In the new scientific conception of things, they are no longer considered as separate entities but as domains and elements capable of working together in a crisis context. For example, they may be involved in crisis or post crisis management, or organizing forms of resilience, both for and against, or involved in local AND virtual spaces and activities, whether in an official, local or transnational capacity. Their presence, particularly via Internet networks, and activities can be studied to see how they approach security using « soft power ». On the one hand are the spiritual phenomena they induce, and on the other the motivation or demotivation they might encourage. 

The second recreated actor is the corporate sector, both private and public. The increase in the number of security companies is a major specific subject in scientific studies of global security. It is a sign and symptom of the business and the public sectors› decision, and need, to externalize their security requirements. Furthermore, it is particularly revealing about the new situation and conditions experienced by countries and states: the new conception of sovereignty, the development of hybrid forms of security, the evolution of certain hybrid political structures, such as the European Union. Other companies, however, can be actors of insecurity. They are often linked to industrial or political intelligence and are themselves victims. This provides them with a major role in the reflection and consideration of corporate security, either due to their specific activities, or the attacks they have sustained themselves; for example, the Valéo affair in 2005. Because of their particular business sector and development, many companies have purposefully reconsidered their approach and the resources they allocate to the security of their activities. This might also include the security of their personnel, their research activities, patents and intellectual property and even their computer and Internet systems. The State is also interested in providing security to both the public and private sectors to protect its authority and activities. This is particularly the case when private companies are involved with vital services and infrastructures. Such a situation provides an interesting opportunity to study the convergent and conflicting interests involved. Private and public security policies can be analyzed to demonstrate their efficiency and coherence. It is not surprising, therefore, that various editions of the Review have invited both public and private sector researchers to try and define public policy. 

The new scientific conception of security has helped and boosted researchers involved with global security in both public and private research centers. These actors can provide both new concepts and new methods. They can also produce patents and intellectual property, which are motors for development and job creation. Historically they created the Internet, computer systems and digital information networks, which they continue to modify and develop. Unfortunately, this puts them at the center of commercial and technological competition and warfare, and makes them a focal point for political and military conflict. Their work consists of devising and using abstract, mathematical or physical models, creating databases, exchanging information and debating with other laboratories or research centers. The Internet, computer systems and digital information networks form an integral part of their activity. Not only did they create them, but they, in turn have now become key elements in the progress and development of science. This is why research centers and laboratories play an ever-increasing role in the Review’s collaborative activities and management. 

Global security and globalization require strengths in mediation and communications. Given the pressures such menaces and threats apply to a nation, the spirit and mood of the population is key to coping with global security, as it was previously with other forms of security. Alerts, manipulation, information, disinformation, the roles of certain institutions, motivation, demotivation: the classic resources and methods born from Gutenberg›s genius, as well at digital information networks born from the technological revolution, all have an effect on a country’s spirit and mood. E-mails, blogs, social networks, on-line diaries, TV online, cell phones: they all play a major role during a crisis, from prevention to management. Furthermore, scientists now witness the sudden appearance of a public « opinion », which can be local, regional, national and even global. It can intervene directly or indirectly via elected representatives, and can concern subjects as diverse as a company or an affair of state. 

The issues raised by global security require that « revisited » international and regional actors are taken into account. Global security must also be combined with human security and sustainable development. Everything must then be networked on a global basis. Examples of the use of this strategy are the UN, NATO, the European Union, the North American Free Trade Agreement… as well as organizations such as the International Organization for Standardization and the International Electrotechnical Commission. The Review will cover this problem in a future edition. 

These issues raised by global security require and impose not only new and revisited concepts and actors but also new methods of research. There can be no resilience without foresight and the prior application of the necessary resources to manage the unforeseeable or unpredictable. This requires using the hybridization of skills and interdisciplinarity as the keystone for future knowledge. 

To be convinced, one has only to think of all the different actors concerned and involved in a health scare or crisis. As well as the different health specialists such as general practitioners, hospital doctors, pharmacists, biologists and nurses… we can add the state services such as the health and social care services, and, in France, the Prefectures… Then there would be the military, including the military health service, and a plethora of specialists either directly or indirectly involved, such as psychologists, sociologists, lawyers, political scientists and politicians, transport and travel specialists, teachers and journalists… From this we can see that a health scare, what we thought was a limited phenomenon, can in fact take on a global aspect and require a global response. 

The methodology dictates, therefore, that a hybridization of skills takes place and is used. No one can carry this out alone and no discipline can manage it all on its own. Once achieved, the conditions can then be created to analyze infrastructures, find vulnerabilities, particularly by intrusive prospection, take preventive action, make reactive system models and create processes to develop resilience. 

The objective is to create a scientific community which is an « open society », as succinctly expressed by Bergson and then used later by Karl Popper. A humane society open to humanity, with its own ethical and scientific demands and requirements, with a touch of spirituality Remember the hatred which manifested itself during the 20th century, emanating from certain states supposedly considered as the most «progressive» on the planet, such as Germany, Austria, Italy and Japan. Then there was the toll of positivism and productivism based on the present sacrifices, it ruined humanity’s future. These events remind us of Francois Rabelais› phrase from his book Pantagruel: that « science without a conscience is the ruin of the soul ». 

Global security is an empty dream if it does not have a number of important caveats, such as, important social development in poor suburbs, and compassion for all democratic countries. It must also take into account sustainable development through a transnational vision. But most importantly it must provide security for humanity through the universal perspective of a humane society with humanity at the center of scientific progress and development. 

©YvesRoucaute 

Full University Professor, Paris X, Director of Cahiers de la sécurité