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L’administration Trump, dangereuse foire aux monstres ? Cette cohérence idéologique et stratégique qui échappe, hélas! aux Européens

Entretien paru sur le site Atlantico, le 15 novembre 2024 : cliquer ici.

Altantico : Les nominations de Donald Trump à la tête de son administration ont provoqué beaucoup de réactions scandalisées aux Etats-Unis comme en Europe. Beaucoup décrivent cette administration comme une pétaudière en puissance voire comme une foire aux monstres avec Matt Gaetz, plusieurs fois visé par des enquêtes pénales, à la tête du département de la Justice ; Pete Hegseth, ancien journaliste de Fox News accusé d’être misogyne et ultra conservateur, Robert Kennedy Jr, un antivax notoire aux commandes des agences de santé publique et aujourd’hui Tulsi Gabbard à la tête du Renseignement américain alors qu’elle est accusée d’être ultra pro-russe et qu’elle était sous surveillance du FBI… pour vous qui avez déjà souligné (notamment dans les colonnes d’Atlantico) à quel point Donald Trump faisait montre d’une très grande cohérence idéologique que peu comprennent en Europe, qu’est ce qui échappe à ces commentateurs ?

Yves Roucaute. Ce qui manque souvent, c’est une analyse dépassionnée, froide et lucide du réel. Avant de vous répondre en détail, toutes ces nominations expriment la même détermination d’imposer, au niveau domestique comme au niveau international, la stratégie parfaitement visible et prévisible définie par Donal Trump, qui se trouve elle-même dans la lignée d’Andrew Jackson et de George Washington, pour ne citer que deux des Présidents dont Donal Trump se réclame explicitement et dont il avait mis les portraits dans son, bureau de la Maison Blanche quand il y était. Cette stratégie est identifiée par cette expression qui vient d’Andrew Jakson, en 1828, et qui n’est en rien un truc de marketing : « America First ». Elle a été rappelée avec constance par Trump lui-même depuis 2000 et son livre The America We Deserve

Pour en rester au niveau domestique, « America First », cela veut dire écarter tout ce qui gêne la puissance américaine. En particulier les obstacles dressés contre la croissance non seulement par la bureaucratie, les réglementations, les impôts et la concurrence déloyale étrangère, mais aussi par l’insécurité, car investir est incompatible avec le crime et les délits, et par l’immigration clandestine qui crée des charges économiques et de l’insécurité. En songeant aux accusations de « fascisme », cela permet de percevoir, au passage, l’ignorance où conduit la prévention et l’idéologie : car un fasciste veut toujours plus d’État et de contrôle, ce courant républicain en veut toujours moins. Et c’est pour cela, contrairement à ce qui a été trop souvent dit, il n’est pas seulement le Président préféré des ouvriers et des peu diplômés, mais il est aussi le préféré du grand patronat dont j’ai du mal à croire qu’il soit sous-diplômé (rires). La bourse de New York n’a pas pour rien salué son élection durant plusieurs jours, avec un triple record, celui du S&P 500, de Dow Jones et du Nasdaq. 

Atlantico : Et Matt Gaetz à la justice ? 

Oui, vous évoquiez Matt Gaetz à la justice et les accusations portées contre lui. Je ne sais pas plus que personne ce qu’il en est de celles-ci. Il n’a jamais été condamné et, pour les Américains, c’est un fait important. Sur le fond, Matt Gaetz, est un excellent candidat pour le courant de Trump, non seulement parce qu’il fut un de ses plus fidèles soutiens mais parce que ce représentant de Floride symbolise aux yeux de nombre d’Américains ce pour quoi ils ont voté Donald Trump. C’est un farouche partisan de la baisse des impôts et de l’antiétatisme au point d’avoir été responsable, en octobre 2023, de la destitution de Kevin McCarty, Président, pourtant républicain, de la Chambre des représentants, qu’il jugeait compromis avec l’establishment et le parti démocrate pour avoir voulu un accord afin d’éviter une paralysie budgétaire. Il est opposé aux thèses du réchauffement climatique dont l’humanité serait responsable au point d’être favorable à la disparition de l’Agence de Protection de l’Environnement qui, selon son électorat, coûte cher et freine le libre développement des entreprises. Il est favorable au strict contrôle de l’immigration. Et il s’est rendu célèbre pour avoir imposé une peine obligatoire de 50 ans pour les viols d’enfants, de personnes âgées ou handicapées. Il est enfin l’un des dirigeants d’un groupe d’élus appelé « Freedom Caucus » que certains jugent fasciste et d’extrême-droite, ce qui leur évite de penser la particularité de ce courant libertaire, anti-étatiste, anti-règlementation, qui fait écho à une culture américaine anti-étatique. Si le fascisme c’est être contre l’État, alors probablement, nous voilà sur une autre planète. Il s’était d’ailleurs opposé à Trump lors des primaires de 2016 dans le parti républicain À l’inverse, sur les mœurs, il est très conservateur, par exemple, il est opposé à l’avortement. 

C’est ce seul point qu’a retenu Harris. J’admets que ce point est important mais il n’était pas une préoccupation essentielle de l’électorat américain, sauf pour 13% environ, et, il ne l’est pas plus aujourd’hui. En étant réaliste, force est même de constater qu’en privilégiant qu’en privilégiant les questions de mœurs, comme l’avortement voire certaines revendications LGBT et en évacuant les autres questions, du pouvoir d’achat à l’inflation, de l’immigration, à la sécurité, qui étaient, à l’inverse au centre de la campagne, Harris a perdu des points. Cela plus encore chez les musulmans et les catholiques, les catholiques latinos en particulier, qui sont traditionnellement l’une des bases du parti démocrate. Ce fut une erreur de sa campagne dont d’ailleurs son échec cuisant en Floride fut l’un des signes avec celui de l’Arizona, qui avait été remporté par Biden en 2020 et  où Trump obtient un victoire nette avec 52,2% des voix contre 46,7% pour Harris, et dans les deux cas, il n’est pas anodin que les femmes aient majoritairement voté Trump comme les hispaniques. 

Tous ceux qui sont susceptibles d’être nommés aujourd’hui sont porteurs d’une même cohérence idéologique : la détermination à affronter l’administration, à dégraisser l’État, à détricoter les mesures coercitives contre l’industrie et l’agriculture prises au nom de la planète ou d’un libre échange non équitable, la guerre économique contre la Chine, la bataille contre l’immigration illégale, le point de vue d’America first dans les relations internationales etc…

Atlantico : Comment alors expliquer la presence de Robert Kennedy Jr ?

En choisissant Robert Kennedy Jr, Donald Trump n’est pas devenu un fou pris par je ne sais quelle pulsion mais parce qu’il est politique et rationnel jusqu’au bout des ongles. Il est évident que ce neveu de John Fitzgerald Kennedy est une prise de maître sur l’échiquier politique, en particulier dans l’électorat indépendant. N’oubliez pas qu’il y a des élections intermédiaires sénatoriales dans deux ans. Et notez qu’il ne le met pas à l’environnement, où les positions de Kennedy ne sont guère compatibles avec celles du courant Trump, mais à la santé. Cela non pour ses positions sur le vaccin mais pour sa détermination à dégraisser cette administration de la santé à laquelle ce Kennedy s’est frontalement opposé, dénonçant la tyrannie bureaucratique sur les individus et les États et l’industrie pharmaceutique à la recherche de gains. 

Sa position sur le Covid n’a pas été partagée par Trump mais elle ne choque pas son courant. Ce qui peut étonner sauf si l’on sait qu’aux États-Unis, la grande majorité des Américains est allergique à l’idée que le centre administratif étatique de Washington puisse imposer une politique générale sur quelque domaine que ce soit, à l’exception de la défense et de la politique internationale. La santé n’échappe pas à ce rejet.. Les États-Unis ne sont pas la France, faut-il le rappeler ? C’est une vision partagée par les deux grands courants du parti républicains, les héritiers de Jackson, mais aussi de Jefferson, ce courant puissant qui avait été incarné dernièrement par Ronald Reagan, les Bush, John McCain ou, aujourd’hui Mitt Romney, John Kasich, Jeb bush, le frère de Gorge W. Bush… C’est aussi une vision partagée par une large frange du parti démocrate, comme on l’a vu lors de l’opposition violente entre le maire démocrate de New York et le gouverneur démocrate en avril 2020, où comme on l’a vu en Californie qui fut l’État où la pandémie a fait le plus de victimes. Ajoutons à cela qu’une grande partie de la population n’apprécie pas la façon dont les entreprises pharmaceutiques font leurs prix et distribuent des produits dont certains leur paraissent inutiles. Le scepticisme, largement partagé, a été alimenté par Donald Trump au nom des plus pauvres. Ainsi, tout en contrôlant ce Kennedy, il le laisse aller dégraisser le mammouth de la santé et mettre en garde cette industrie pharmaceutique, pas néanmoins au point d’empêcher les investissements dans la recherche. L’idée est de parvenir à un deal avec cette industrie.

Atlantico : Vous évoquez Marco Rubio, qui serait peut-être secrétaire d’État, équivalent du ministre des Affaires étrangères, et je vous interrogeais sur Peter Brian Hegseth et Tulsi Gabbard, et les relations avec la Russie. Selon vous les nominations qui concernent les question, internationales révèleraient la même cohérence ? 

YR : Oui. Je sais que certains imaginent que Peter Brian Hegseth ou Tulsi Gabbard, seraient liés aux russes ou seraient des agents russes. Mais qui peut sérieusement croire ces affabulations selon lesquelles les Russes eux-mêmes le diraient ? Quel pays dévoilerait le nom de ses propres agents ? (rires) On ne comprendra rien à la cohérence de la politique internationale de Trump, envers la Russie et l’Ukraine, les pays arabes, la Chine, le Japon, l’Inde, l’Europe, si l’on occulte le fait qu’il est jacksonien, partisan de « America First ». 

Ainsi, tous ceux qui sont nommés par Trump dans ce secteur ont la même caractéristique : ils veulent la puissance américaine. Ce qui signifie qu’ils ne sont pas favorables à des guerres quand ils peuvent les éviter car toute guerre affaiblit le développement américain. 

Mais s’ils critiquent les guerres inutiles, ils ne sont pas pacifistes. Ne vous y trompez pas. Ils sont prêts à faire la guerre si les États-Unis sont menacés ou agressés. Ainsi, ils considèrent que les États-Unis ont un ennemi principal, la Chine, comme l’a expliqué clairement Donald Trump en 2015 dans son livre « Crippled america : How To make America Great Again ». Et il n’a cessé de le répéter. C’est aussi le point de vue de Peter Brian Hegseth, de Tulsi Gabbard, ancienne membre du parti démocrate ou de Mike Waltz, le conseiller à la sécurité nationale de Trump. D’ailleurs, il ne faut pas oublier que Peter Brian Hegseth, si décrié par certains du parti démocrate, a combattu en Irak, qu’il a été volontaire pour aller se battre en Afghanistan, considérant que les États-Unis étaient menacés par le terrorisme islamiste. Et il s’est opposé à toutes les formes de wokisme dans l’armée, puis dans ses émissions télévisées, considérant que cette idéologie affaiblissait la puissance américaine. Vous le voyez, c’est toujours cette même idée simple, mais non simpliste, d’America First.

Atlantico : Cette position c’est du cynisme ?

YR : C’est du pur réalisme en relations internationales où les valeurs ne sont pas au centre, comme la liberté, les droits de l’homme, la situation des femmes, celle des minorités., la démocratie pluraliste…Seule compte la puissance, suivant d’ailleurs, ce qui est drôle, une grande tradition réaliste, longtemps dominante en France, que nous avons oubliée, qui avait été celle de Richelieu, de Bonaparte, de Charles de Gaulle… et qui a été théorisée notamment par Raymond Aron. 

C’est d’ailleurs pourquoi un certain nombre de républicains du courant jeffersonien, attaché aux valeurs humanistes et au droit d’intervention dans le monde au nom des droits de l’homme, ont soutenu Trump avec d’extrêmes réticences ; si certains se sont ralliés à lui, comme Mike Waltz qui était conseiller à la sécurité nationale de Dick Cheney, le vice-Président de George W. Bush, d’autres, comme la néoconservatrice Liz Cheney, fille de Dick Cheney, ont été très réticents et certains l’ont même combattu en s’alliant avec Harris, comme Barbara Bush, la fille de George W. Bush. Il est d’ailleurs caractéristique de la faiblesse politique de Kamela Harris qu’elle n’ait pas tenté d’investir ces divisions du parti adverse.

Pour comprendre comment vont se jouer les parties sur l’échiquier international, souvenez-vous du mouvement America First au début de la seconde guerre mondiale. Dans ses lettres à Churchill, Roosevelt dit son désespoir de ne pas pouvoir envoyer officiellement des armes au royaume uni car le groupe America First tient le Sénat et contraint à la neutralité. Puis, il y a l’attaque par les Japonais des navires américains à Pearl Harbour, en décembre 1941. Et alors, immédiatement, le courant America First appelle à entrer en guerre. Et tous les courants se mettent d’accord pour l’alliance avec Staline afin d’abattre le nazisme. De même, ce courant patriote-America First, a soutenu Ronald Reagan pour abattre l’URSS, en acceptant les alliances, y compris avec les islamistes. Mais, plus tard, ce même courant, après avoir soutenu l’intervention en Afghanistan, s’est opposé au maintien des troupes sur place, considérant que ce n’est pas aux États-Unis de faire le gendarme du monde et d’imposer leurs valeurs à des pays étrangers. Ainsi, Trump a commencé à se désengager, et, pour d’autres raisons, Joe Biden a fini le processus et laissé les Afghans aux Talibans.

Il n’est donc pas besoin d’aller scruter une boule de cristal ou d’imaginer des agents secrets et des espions partout pour penser ce qui va suivre. Tous ceux qui sont nommés par Donald Trump pensent, comme lui, que l’ennemi principal est la Chine. Tous sont donc  prêts à chercher les conditions de la paix avec la Russie pour un double objectif : permettre le retour des États-Unis sur les marchés ukrainiens et russes et décrocher la Russie de la Chine afin de ne pas combattre économiquement et stratégiquement sur trois fronts : la Chine, l’Iran et la Russie. C’est similaire, mais à l’envers, à ce que le jacksonien Richard Nixon avait fait, en 1972, en s’alliant avec la Chine contre l’URSS. Une belle manœuvre d’ailleurs. 

À mon humble avis, Donald Trump va donc proposer un deal à la Russie : des territoires et le retour des échanges russo-américains avec la fin de certaines sanctions, mais pas de toutes, contre la paix. Soit Vladimir Poutine accepte, et Donald Trump affaiblit ainsi l’alliance militaire et économique avec la Chine pour désengager, en partie, la Russie de son alliance. Une alliance, rappelons-le, tout aussi marquée par le réalisme car la concurrence entre la chine et la Russie est une réalité historique et l’alliance est une alliance d’intérêts.  Soit il n’accepte pas ou est trop gourmand, et Trump le traitera en ennemi. Il a pour lui un argument, son argument favori : la force. N’oubliez pas que le budget de la défense américaine s’élève environ à 842 milliards de dollars et celui de la Russie a moins de 130 milliards. Il serait possible, sans difficulté, de sécuriser le ciel ukrainien, ce que Joe Biden n’a pas voulu faire. Et ce que Trump peut faire. Et n’oubliez pas qu’en termes économiques, par rapport à la chine, contrairement à ce qu’ont dit nombre de commentateurs, l’avance américaine croît. Sans même évoquer l’avance technologique. Le pari de Donald Trump est que l’intérêt bien compris de la Russie, gouvernée par un Poutine tout aussi réaliste que lui, peut conduire à accepter. 

Atlantico : Et toute la politique internationale suivra la même voie ?

YR. Oui, aussi si simple sans s’embarrasser d’experts en psychologie trumpienne. « America first », cela veut dire reprendre les alliances pour la puissance. En particulier avec le Japon et l’Inde, dont Trump a salué la « free road » qui vise à se libérer de l’encerclement économique chinois, mais aussi avec le monde arabe, en particulier avec son allié privilégié l’Arabie Saoudite, à laquelle les démocrates semblaient ne pas donner la même valeur stratégique. Les réactions positives à son élection dans le monde arabe montrent d’ailleurs que cette pratique claire des relations internationales qui ne se préoccupe pas des affaires intérieures des États, quand elles ne menacent pas les États-Unis, est bien reçue. Chacun y voit la possibilité d’un jeu d’intérêts mutuels.

La seule question ouverte sera de savoir comment régler la question du Hamas et du Hezbollah, détestés par les chancelleries arabes, mais non par les populations, tout en renforçant les liens avec ces chefs de gouvernements. Et cela en sachant que Trump, qui avait accepté la capitale d’Israël soit Jérusalem, est nettement plus pro-israélien que Joe Biden et qu’il a nommé comme ambassadeur l’un de ses plus proches, Mike Huckabee, pur produit de l’Arkansas chrétien, lui-même ayant été pasteur baptiste, farouche partisan d’un État israélien fort pour des raisons géostratégiques et religieuses… mais expliquer cela nous entrainerait trop loin et je ne pense pas que cela intéresserait vos lecteurs…

Atlantico : Elon Musk occupe une place particulière dans ce dispositif – Donald Trump l’a chargé d’une mission d’optimisation des coûts au niveau fédéral : en quoi est-il selon vous bien plus qu’un gadget ou qu’un caprice de milliardaire ?

YR : Sa nomination est le signal clair que l’isolationnisme n’est pas à l’horizon mais que sonne l’heure de la course à la croissance et de la conquête américaine, une sorte de conquête spatiale horizontale(rires). Il s’agit, d’un côté, d’abattre les mammouths étatistes, les règlementations de la dite « transition écologique » et l’idéologie wokiste qui lui est liée, et, de l’autre, de développer le nerf de la puissance aujourd’hui, que sont les nouvelles technologies, la robotique et l’intelligence artificielle. Libérer l’innovation, est le credo de la puissance. Voilà pourquoi Elon Musk, patron de Tesla et de X, l’ancien Twitter, a été nommé à la tête d’un ministère au nom inconnu jusque-là, celui de l’ « efficacité gouvernementale ». Et, on l’oublie trop souvent, avec lui est nommé un autre chef d’entreprise, Vivek Ramaswani. Ce milliardaire est moins connu du grand public et c’est dommage car il est encore plus caractéristique de la politique de Donald Trump et du retour du rêve américain. C’est un fils d’immigrés indiens, d’une famille pauvre, devenu président de sociétés en biotechnologies notamment. Dégraisser l’administration étatique, pour en même temps, un « en même temps » typiquement républicain, réduire l’endettement, les impôts, le chômage et propulser les innovations, c’est cela le sens de ces nominations et c’est cohérent.

Atlantico. Que réserve vraiment à l’Europe cette administration ? Et quelle serait pour la France comme pour Bruxelles le meilleur moyen de maximiser la relation transatlantique, sans renoncer à nos valeurs d’une part mais sans ignorer la réalité des rapports de force d’autre part ?

YR : Clairement, America First peut se décliner en Europe seulement avec des partenaires qui ont un intérêt mutuel avec les États-Unis. Donald Trump constate les rapports de force, il joue avec… ou il ne joue pas. S’agissant de ce que vous appelez « nos valeurs », Donald Trump ne s’en soucie donc pas directement, pas plus qu’il ne se soucie des valeurs de ses autres partenaires dans le monde, à l’exception d’Israël. Cela d’autant qu’il semble penser que les pays de l’Union européenne ne s’en soucient pas plus que lui, comme il l’a rappelé quand il a critiqué la politique migratoire d’Angela Merkel. 

Rappelez-vous qu’il a salué le Brexit et il considère toujours que l’Union européenne a été créée pour concurrencer la puissance économique américaine. Il est confirmé dans sa vision par la politique de l’Union européenne qui impose des interdictions, des taxes, des réglementations, contre les productions américaines au nom de « ressources » de la planète qui seraient en voie d’épuisement et d’un réchauffement de la planète dû aux humains, ce à quoi aucun de ses ministres ni les milieux scientifiques qui l’entourent, venus essentiellement de la physique, de la chimie, des nouvelles technologies, ne croient. Tout laisse donc penser qu’il poursuivra sa politique de méfiance, de défiance même, envers l’Union européenne, comme il l’avait fait par ses taxes sur l’acier et l’aluminium, en 2018, et qu’il étudiera avec soin tous les marchés pour peser l’intérêt américain. Ajoutons à cela qu’il se méfie de ces pays européens qui freinent l’arrivée des produits américains mais laissent passer les intérêts chinois et qui réclament la protection américaine sans toutefois vouloir la payer. Il est clair, à cet égard, que les négociations sur le financement de l’OTAN et l’exigence d’atteindre l’objectif de 2% du PIB pour les dépenses militaires, vont recommencer.

Si les Européens souhaitaient maximiser la relation avec la première puissance économique scientifique et militaire du monde, la raison me semble indiquer qu’il faudrait entrer dans une relation de concurrence positive et non négative dans tous les domaines. Au lieu d’un repli, l’offensive. C’est le langage que le courant de Trump comprend et respecte. Dans un rapport de forces, n’est-il pas logique de créer un rapport des forces ? 

Mais, que penser, depuis les États-Unis de Donald Trump, de l’Union européenne ? C’est un homme d’analyse. Il voit l’accélération du retard de nombre de pays européens qui, au lieu de se lancer dans la course à la croissance, source du financement de l’innovation, préfère la course aux réglementations et aux contrôles, menaçant les industries d’extraction et de transformation européennes, l’agriculture, les nouvelles technologies, l’intelligence artificielle, la recherche scientifique dans la vraie science de la nature, la physique… À vrai dire, que cela continue, ne le dérange pas. Voilà un espace géopolitique potentiellement concurrentiel, qui ne cesse de se tirer des balles dans le pied et qui sera donc demain encore plus consommateur de ses brevets et de ses innovations. Et que dire, plus particulièrement, de la France, qui était le pays des Lumières et de la créativité libérée contre les obscurantismes, et celui de la générosité et des droits de l’homme contre le cynisme de la puissance ? Certes, du point de vue américain, il lui reste de beaux héritages, Donald Trump a d’ailleurs indiqué que c’était un « beau pays »,  et il est clair que l’imagination créatrice, comme le montrent tant de cerveaux qui partent outre atlantique, ne demande qu’à repartir de l’avant. J’ajoute que si Donald Trump ne parle quasiment jamais de la France, il est néanmoins ouvert à toute coopération qui favoriserait les intérêts américains. Mais, il n’ignore pas son maquis de réglementations et de taxes, son impuissance face à la bureaucratie française et européenne, sa persistance à vouloir régler son déficit public, 6,4% du PIB cette année, et sa dette, un ratio d’endettement à 112% du PIB, par toujours plus d’impôts, plus de contrôle, plus de règlements, ni cette idéologie écolo-wokiste française qui creuse le déficit, mine son économie, freine ses recherches, détruit son socle moral… idéologie que Donald Trump combat aux États-Unis.

À l’inverse, ceux qui sont perçus par Donald Trump comme de solides alliés européens avec lesquels il faut maximiser les relations, sont ceux qui permettent d’accroître la puissance américaine et qui trouvent un intérêt mutuel à le faire, notamment, le Royaume Uni, par ailleurs première puissance européenne en matière de biotechnologies, et les Pays Bas…Et le premier partenaire européen des États-Unis, est, logiquement, le Royaume Uni, à la 5ème place suivi par les Pays Bas. Mais preuve de la baisse d’influence de l’Europe pour les États-Unis, le premier ne représente que 3,7% de ses exportations, le second 3,5%, juste avant l’Allemagne. Et La France n’est qu’au 10èmerang, après le Brésil. Tous loin derrière le Canada, le Mexique, la Chine et le Japon. Et le commerce avec l’Asie s’élève d’ores et déjà à 40% environ du commerce extérieur des États-Unis. 

La question donc aujourd’hui est clairement celle de savoir si la France et l’Europe veulent, ou peuvent, sortir par le haut du rapport de forces qui leur sera, sinon, de plus en plus défavorable. Une réflexion sur les moyens de la puissance et une éthique qui renoue avec l’humanisme né en Europe qui avait ensemencé le monde jusqu’à Thomas Jefferson, pour trouver une solution qui devrait se faire sans passions, s’il y en a, avec des femmes et des hommes pour la mettre en œuvre, s’il s’en trouve.

Donald Trump n’est ni le président du repli, ni celui de l’isolationnisme : une incompréhension

Publie le 8 novembre 2024. Cliquer ici.

Donald Trump n’est ni le président du repli, ni celui de l’isolationnisme et voilà pourquoi les Européens ne comprennent rien au sens idéologique de sa victoire

Atlantico : Donald Trump vient d’être élu 47ème président des Etats-Unis d’Amérique comme vous l’aviez prévu par une analyse détaillée des préoccupations de la population américaine et des erreurs stratégiques de Kamala Harris, analyse que nous avons publiée sur notre site. Durant sa campagne électorale, pour répondre à ces préoccupations, Donald Trump a défendu une ligne « America first » qui révèle, selon certains, un isolationnisme américain. Quels enseignements peut-on en tirer ?

Yves Roucaute : Cette victoire de Donald Trump porte de nombreux enseignements mais le premier et le plus important est que ce n’est pas la victoire d’un courant isolationniste et qu’elle signale la défaite d’un courant idéologique qui va avoir des répercussions jusqu’à Paris. Car seules l’ignorance et l’idéologie en France et en Europe empêchent de saisir le sens de la victoire de ce courant et le sens de de la défaite de Kamala Harris qui annonce la crise du parti démocrate, préparant la déflagration qui va toucher l’Europe, par contre-coup, à retardement.

Notons d’abord qu’il est drôle de voir certaines élites décrier Donald Trump ou s’en réclamer alors qu’elles sont incapables d’appréhender ce qui s’est joué et se jouera. Certains interprètent cette victoire comme celle d’un mouvement isolationniste qui voudrait un État centralisé et fort replié sur lui-même, ne comprenant pas que ce que veut dire « America First » et sa déclinaison en « Faire l’Amérique Grande À nouveau », en anglais « Make America Great again », MAGA.

En vérité, le courant incarné par Donald Trump est protectionniste pas isolationniste. C’est une différence considérable. Loin de vouloir le repli américain, il veut mener une offensive pour accroître la puissance américaine et son influence dans le monde. Car ce n’est pas la mondialisation qu’il combat mais le mondialisme qui fait du développement des échanges le seul critère de jugement sans souci de la puissance nationale et de son identité. Donald Trump veut accélération du développement national et international des échanges, car il sait que c’est indispensable à la puissance américaine, mais il la veut au bénéfice des États-Unis.

Voilà pourquoi, il va reprendre sa politique de relocalisation des entreprises, d’expansion internationale et le bras de fer ferme avec certains alliés et les concurrents déloyaux, avec la Chine plus particulièrement qui affronte la puissance américaine, tisse un filet d’alliances peu amicales et dont les entreprises discrètement subventionnées viennent occuper des marchés jusqu’aux États-Unis. Tout pour la recherche de l’hégémonie, pour la puissance.

Pour la même raison, il est opposé à l’étatisme. Il juge que la bureaucratie pompe les richesses du pays et freine la croissance en prétendant l’encadrer. Voilà pourquoi, il prépare un audit épurateur de la bureaucratie, qui serait peut-être organisé par Elon Musk. Il veut la diminution des impôts, la suppression des réglementations punitives vertes, la réduction et le réajustement des formes de redistribution sociale pour une efficacité maximale au bénéfice des classes populaires qui travaillent légalement.

Il est indéniablement l’héritier du Président Andrew Jackson, dont il avait mis la photo dans son bureau de la Maison Blanche lors de sa première élection. « America first » était son credo. C’est ce Président protectionniste qui, au lieu d’un repli, avait lancé la conquête de l’Ouest, remporté la seconde guerre contre les Anglais, en 1812, puis qui fit, en 1830, les accords de libre-échange avec les Antilles anglaises. Et pour la même raison, assurer la puissance, il s’était opposé aux politiques d’impôts et à la puissance des banques qui financiarisaient la vie américaine, au point de mettre son veto à la poursuite de l’expérience d’une banque fédérale, créée en 1791 par le chef politique Alexander Hamilton dont l’héritage est précisément porté par Biden, Obama, Clinton.

Bref, je ne vais pas, sur le jacksonisme, vous faire une conférence qui serait lassante (rire), mais pour sentir la vision du monde de ce courant incarné par Donald Trump, notez l’influence d’Elon Musk auquel Donald Trump a rendu un vibrant hommage lors de son discours de victoire. Un signal clair que Donald Trump veut passer à l’offensive, non seulement en protégeant l’agriculture, les industries extractives et transformatrices, ce qui explique son succès dans l’Ohio, le Michigan et le Wisconsin, mais aussi en favorisant le développement des nouvelles technologies et de l’intelligence artificielle car il sait que c’est là que se trouve la clef de la croissance donc de la puissance. Une façon d’accroitre, avec la puissance, les emplois et le pouvoir d’achat des citoyens. D’une pierre, trois coups…

Qu’est-ce qui va changer sur la politique internationale ?

Cette victoire indique clairement que ce gouvernement va revoir toutes ses alliances, sanctionnant les uns, s’alliant avec les autres selon ses propres intérêts et les menaces qui pèsent sur les États-Unis. La protection des USA, via l’OTAN, va être réexaminée à l’aune de cette vision du monde, parfaitement cohérente contrairement à ce que prétendent des paresseux qui se sont proclamés experts en psychologie trumpiste car il est plus facile de prétendre détenir une boule de cristal que de saisir l’histoire et analyser les faits. Toutes les questions internationales, sauf celle d’Israël qui a son soutien total pour des raisons religieuses autant que géopolitiques, vont être pesées à cette aune. Il n’est d’ailleurs pas anodin que ce prétendu « fasciste »ait obtenu tant de voix dans l’électorat juif, et pas seulement à New York. Comme il est un tantinet ridicule de proclamer que Donald Trump s’opposerait au monde arabe parce qu’il serait islamophobe. C’est lui qui, contre la politique d’Obama, qui avait fait de l’Arabie Saoudite un allié privilégié, qu’il avait d’ailleurs rapproché d’Israël. Et il n’est pas anodin que son élection ait été immédiatement saluée par le roi du Maroc. De la Jordanie au Pakistan, sa politique est parfaitement lisible et prévisible : il veut encercler l’Iran et développer ses relations avec les pays musulmans avec cette idée qu’en permettant l’accroissement de la croissance de ces pays, en retour, par le jeu des échanges, il accroîtrait la puissance économique, culturelle et militaire US, un jeu gagnant pour tous. De même, il avait soutenu l’alliance économique du Japon et de l’Inde, la Free Road, face au concurrent chinois, et il continuera.

Et envers l’Europe, il va détricoter, peser les uns et les autres selon les seuls intérêts américains…. Rappelons que pour Donald Trump, l’Europe n’est pas une idée mais un rassemblement hétéroclite d’États et un marché où Royaume Uni, Pays Bas et Pologne sont des partenaires privilégiés. Un marché qui demande la paix parce que c’est l’intérêt de l’offensive économique et politique nord-américaine.

Regardez la question de l’Ukraine et de la Russie. L’objectif de Trump est de faire entrer la Russie dans le cadre des échanges pacifiés en Europe, ce qui est conforme au point de vue « America First ». Sinon, elle devient un pays ennemi des intérêts américains et il la traitera comme tel. Or, il croit en sa capacité de conduire Vladimir Poutine à son point de vue en pariant sur le désir russe de puissance économique, une sorte de « Russia first » qui est, en effet, l’idéologie réaliste du parti « Russie Unie » du Président russe. Que lui importe les droits de l’homme, même s’il est pour, théoriquement, ou le droit des nations, si celui-ci conduit à la guerre. Il ne fait pas de ces idées un critère stratégique. Il est donc tout à fait probable qu’il engage des négociations pour une sorte de deal : échange de territoires contre la paix et l’établissement d’échanges économiques.

Si en France ou dans l’Union européenne, il existait un personnel politique comprenant ce qui se joue, il ferait lui aussi du « France First » et du « Europe First ». Mais ce n’est pas le cas.

Vous évoquez une crise qui aurait un effet jusqu’en Europe, quelle en est la forme ?

Cette victoire de Donald Trump signale une défaite historique : celle des idéologies soutenues par les partisans de l’écologie punitive, du wokisme et des mouvements de contestation des valeurs américaines traditionnelles.

Or, il faut constater que si ces idéologies étaient très fortes dans le parti démocrate, l’opposition à ces idéologies était aussi réelle. Ce qui a créé une tension sans précédent entre deux grands courants. L’un, dominateur sur la côte Ouest, en particulier en Californie, favorable à l’ouverture des frontières, au wokisme, à l’écologie punitive et, dans la tradition utilitariste, très permissif au niveau pénal. L’autre, plutôt dominateur sur la côte Est, globalement plus pro-business et pro-finance, redistributeur, mondialiste au sens propre, étatiste, héritier de la grande tradition née avec Alexander Hamilton.

Ces tensions, la campagne de Kamala Harris a pu un temps les cacher en esquivant les débats qui auraient fait exploser le parti s’il avait fallu répondre très concrètement aux premières préoccupations de la population qui étaient et restent, dans l’ordre de leur importance : l’économie au sens large, avec l’inflation, le pouvoir d’achat, l’emploi, puis l’immigration et la sécurité. Les sondages en sortie des urnes ont encore unanimement confirmé cela. Pour éviter de développer la crise au sein de son parti, et aussi parce qu’elle-même est issue de ce courant wokiste californien, Kamala Harris a dû esquiver le bilan de Biden, évoquer un programme très vague et mettre en avant la diabolisation de Donald Trump et des questions 

dites « sociétales », comme celle de l’avortement et des LGBT. Mais, plus la campagne avançait, plus cette absence de réponses conduisait le parti démocrate à perdre des soutiens, comme le démontre sa baisse dans les sondages. Son échec ne peut plus cacher les oppositions internes, et il n’est plus possible de retarder l’heure de la crise interne, comme le montrent les réactions aujourd’hui et comme le laissait entendre déjà il y a une dizaine de jours l’attitude de Barack Obama opposé à sa stratégie d’évitement.

squiver, n’était-ce pas une nécessité ?

En effet, d’une certaine façon, Kamala Harris n’a pas eu le choix. Au vu du reflux des idéologies, pouvait-elle faire autrement ? Il n’est pas anodin que l’écologie ne soit pas même apparue dans cette campagne. Kamala Harris, qui était naguère partisane de l’écologie punitive, a acté ce reflux idéologique dans le pays, non seulement en écartant les mesures coercitives anti-industrielles voulues par les verts au nom d’une planète fantasmée mais en défendant l’exploitation des sous-sols, gaz et huile de schiste compris et en refusant de programmer administrativement la disparition des voitures thermiques, à l’inverse de ce que nos élites européennes ont accepté. Comment aurait-elle pu ignorer que l’illusion qu’à 15,5° C, la planète connaîtrait des températures jamais vues, et cela à cause de la croissance, a même été condamnée par le conseiller climat de Barack Obama ? Comment n’aurait-elle pas senti que dans l’imaginaire américain cette idée que l’humanité pourrait sauver ou condamner la planète était de moins en moins crédible ? Comment s’opposer au fait indéniable, comme je l’ai pour ma part scientifiquement démontré avant le conseiller d’Obama, dans L’Obscurantisme vert, que depuis 4,5 milliards d’années, hors glaciations, avec 15,5°C, nous vivons une période, appelée holocène, particulièrement clémente ? Ainsi, nombre d’Américains commencent à savoir que nos ancêtres nomades du paléolithique, durant la période précédente, connaissaient des températures supérieures de 4 à 9° à aujourd’hui, ou qu’au Moyen-Âge même, il faisait nettement plus chaud au point d’avoir des troupeaux qui broutaient l’herbe au Groenland. Et comment tenir ce cap de l’écologie punitive dans le parti alors que l’incohérence de ces écologistes est de plus en plus évidente. Par exemple, ils proclamaient aux États-Unis, il y a deux ans, que nous allions vers des sécheresses jamais vues avec des nappes phréatiques asséchées et les mêmes proclament aujourd’hui que nous irions vers des inondations jamais vues et des nappes phréatiques débordantes. Et j’en passe de ces confusions entretenues aux États-Unis par les amis du maire de san Francisco et du sénateur Sanders, pour combattre la démocratie libérale et le capitalisme, comme celle entre gaz à effet de serre et CO2, alors que c’est la vapeur d’eau qui est responsable de 75 à 90% des gaz à effet de serre selon les périodes, ce qui conduit paradoxalement nombre de prétendues énergies alternatives, comme l’exploitation de l’hydrogène, à produire plus de gaz à effet de serre qu’à en réduire.

Le reflux de cette idéologie est particulièrement sensible dans la jeunesse où la progression de Donald Trump qui a obtenu 43% des voix, est de 6 à 8%. Et dans des États clefs, comme la Pennsylvanie, ils sont même à égalité, tandis que dans le Wisconsin, Donald Trump l’a nettement emporté, avec 49,5% des suffrages de jeunes de 18 à 29 ans contre 45% pour Harris, et en Géorgie, 50,8% contre 45%. Y compris dans l’électorat resté démocrate, l’obscurantisme vert trouve de moins en moins preneur, d’où le silence d’Harris, car la nouvelle génération se passionne pour les nouvelles technologies, l’intelligence artificielle, les activités virtuelles et l’innovation et elle croit que c’est par la croissance que l’on règle les problèmes et non en freinant ou administrant l’imagination créatrice.

Il n’est pas anodin non plus que Kamala Harris ait déclaré qu’elle n’était finalement plus vraiment wokiste et qu’il fallait être fier de l’histoire américaine. Cela tout en donnant néanmoins des gages à cette pensée jusqu’à vouloir célébrer ce qu’elle pensait être sa victoire dans l’université Howard qui n’admet parmi ses étudiants que 1% de blancs. Un symbole disait-elle. Certes… Mais, il est clair que la destruction des valeurs qui sont au fondement de la puissance américaine, les discriminations au nom d’une culpabilité venue des ancêtres, et la police de la pensée qui découlent de ce wokisme, trouvent l’opposition grandissante de la population, des partisans de la liberté de l’innovation aux milieux les plus religieux, monde catholique et musulman compris. Et, pour faire court, les manifestations de ce que certains appellent improprement la « gauche » du parti démocrate contre Israël, qui sont, pour une bonne part, antisémites, ont définitivement sonné l’heure du reflux de cette idéologie jusque dans les grandes universités américaines où elle était diffusée sans grande opposition naguère. À nouveau d’ailleurs, on voit que la campagne d’Harris qui accusait Donald Trump de raciste, fasciste, antimusulman ou anti latinos est passée à côté. Elle voulait voir la paille dans l’œil du voisin, pour ignorer la poutre dans le sien.

Et c’est ainsi avec qu’on a pu écouter, amusé, certains militants-journalistes proclamer que « les » femmes, « les » noirs, « les » latinos, « les » habitants des villes étaient naturellement contre Donald Trump… alors que les sondages démontraient que cette généralisation était pour le moins aussi abusive que celle de leurs devanciers qui proclamaient que « les » ouvriers, « les » travailleurs, « le » peuple était du côté communiste… Le résultat fut sans appel : entre 2016 et 2024, d’après les données de la BBC, Donald Trump a gagné 2 points chez les femmes, 4 chez les blacks, 16 chez les hispaniques … La vraie position politique de Trump qui a déclaré sur l’avortement qu’il laisserait toujours les États décider et qu’il ne prendrait, en tant que Président, aucune décision, car l’État fédéral n’a pas à s’immiscer dans la vie privée n’a pas eu l’air de déplaire tant que cela dans un pays fondé sur la méfiance envers l’État central et les détenteurs du pouvoir d’État… Dans quelques États même, comme l’Arizona, lui aussi État en balance, ou, plus encore au Texas, État de plus de 30 millions d’habitants, excusez du peu, le vote des femmes est majoritairement républicain. Et que son épouse puisse défendre le droit à l’avortement sans qu’il n’ait jamais eu un mot contre sa position montre que les accusations de Kamala Harris sont passées à nouveau grandement à côté de leur cible.

Deux choses sont certaines, le reflux de l’idéologie a commencé et Règlements de comptes à OK Corral aussi…

Vous évoquiez une crise en Europe aussi…

Oui, nous allons nous même nécessairement vers une crise idéologique. En effet, nous pouvons constater que nous avons en France, et dans certains autres pays comme l’Espagne ou l’Allemagne, parmi les élites une prégnance de l’idéologie verte-wokiste battue aux États-Unis, avec cette curieuse propension, hélas ! pas nouvelle, à être en retard d’une guerre. Alors qu’elle est battue en brèche aux États-Unis, elle n’a jamais été aussi forte parmi les élites politiques et médiatiques européennes ainsi que dans les universités de lettres et de sciences humaines.

Cette domination explique d’ailleurs ces plateaux d’ « experts » qui reprenaient les arguments des plus contestables de Kamala Harris, jetant par-dessus bord le rôle indispensable des journalistes, celui d’être des enquêteurs ou des intercesseurs entre citoyens pour les éclairer, ce dont toute démocratie libérale a vitalement besoin.

Il fut donc drôle de voir des commentateurs ignorant tout de l’histoire américaine et de ses problèmes actuels, enfourcher le canasson démocrate. On les a vu s’escrimer à accuser les excès, certes réels, de Donald Trump, opposés à la douce Kamala Harris, considérant qu’il n’y aurait aucune haine ni aucune violence en traitant Trump de « fasciste », de « comploteur », de « misogyne », de « raciste », d’ « harceleur sexuel », d’ « ordure » même et j’en passe de ces doux mots.

Or, puisque l’idéologie des années 90, alimentée depuis les universités par cette french philosophy, est en pleine débandade aux États-Unis, je gage qu’elle le sera bientôt aussi ici, ce qui n’ira pas sans poser quelques problèmes intéressants à étudier, dont celui de la coupure entre les élites et la population qui semble, comme la population américaine, et pour des raisons qui ne sont pas si éloignées, comme le pouvoir d’achat, l’immigration ou l’insécurité, ne plus accepter les discours punitifs de culpabilisation au nom de la planète ou du passé…

Mais pour l’Europe et la France, cette victoire de Trump ne pourrait -elle pas être un électrochoc ?

Elle le sera, mais à retardement. Va-t-on comprendre ce qui se joue en France et en Europe ? Il y a en effet une possibilité de jouer grand et fort, mais je crains que nos élites ignorantes ne trouvent pas la voie demain matin…

Quelle serait cette voie ?

Elle serait de rompre avec ces idéologies des années 90, ces obscurantismes verts-rouges, et la bureaucratie qui s’en nourrit, comme viennent de le faire les États-Unis mais d’une autre manière qu’eux, en restant fidèle à nous-mêmes, fiers de notre histoire, forts de nos valeurs. Cela en attaquant résolument l’idéologie dominante qui enferme les énergies individuelles françaises et ouest-européennes dans une vision étatiste de la politique, en affaiblissant nos Washington qui, à coups de réglementations, de taxations, de contrôles interdisent que nous partions à l’offensive et freinent l’imagination créatrice.

Regardez la France. Elle perd peu à peu sa place dans le monde. Incapable de soutenir son agriculture et ses industries, elle rétrograde dans le domaine des nouvelles technologies, à la 12ème place seulement en matière de biotechnologies, engoncée dans une Europe de plus en plus administrative. Songez qu’au nom de la planète, malgré les mises en garde de centaines de physiciens contre les illusions développée par l’idéologie de l’écologie punitive, sont multipliés les contrôles, les obligations, les taxes, les interdictions, jusqu’à fragiliser nos industries automobiles et aéronautiques. On évoque l’intelligence artificielle qui est en train de bouleverser le monde, mais une bureaucratie obtue, appuyée sur une élite politique ignorante, a décidé, depuis le 1 août 2024, de limiter la recherche et de contrôler les fournisseurs, déployeurs, importateurs et distributeurs de système d’intelligence artificielle. Ce qui permet, il est vrai de multiplier les emplois de bureaucrates et d’assurer de belles carrières aux Bouvard et Pécuchet pour surveiller, interdire et sanctionner les récalcitrants tout en augmentant les impôts. La liste serait longue de ces carcans qui transforment la France de grande nation prônant la liberté en naine du jardin américain

Face à la formidable offensive américaine qui se profile, la seule solution pour éviter la dépendance, et sa compagne, la décadence, serait de se débarrasser de tout ce qui freine la liberté créatrice. Une offensive européenne, menée par la France de Marianne qui pourrait répondre à l’offensive de nos alliés américains, amis mais néanmoins concurrents. Mais qui osera s’opposer aux idéologues de Paris, Bruxelles et Berlin, pour défendre nos industries d’extraction et de transformation, protéger nos agricultures intensives, favoriser les relocalisations par des politiques fiscales, développer sans frein les nouvelles technologies, orienter les flux privés vers la recherche, rogner les ailes bureaucratiques pour limiter l’État à ses fonctions régaliennes, d’incitation aux entreprises et de soutien au plus malheureux, et pour donner de l’oxygène à la jeunesse créatrice…

Je ne suis qu’un philosophe mais la réponse est simple : elle est celle de la liberté, qui est aussi celle de la puissance. Elle seule permettrait de faire de la France quelque chose « de grand à nouveau » et de l’Europe des nations libres, enfin ! une vraie puissance avec une défense digne de ce nom et une libération de la créativité qui permettrait l’explosion des nouvelles technologies et de l’intelligence artificielle et qui pourrait asseoir une offensive internationale pour concurrencer États-Unis, Chine et Inde.

Mais à regarder ces tristes plateaux où l’on discute surtout à perte de vue sur le sexe des anges du parti démocrate américain et celui des diablotins du parti républicain, au lieu de parler des conditions urgentes pour se libérer des carcans actuels et se confronter avec le « America first », je crains que ce changement fondamental ne vienne pas de sitôt, faute de conscience de ce qui se joue, faute d’élites pour le bien jouer. On me dit, pour me rassurer, qu’ainsi va la France, toujours d’une idéologie en retard sur celle des États-Unis, avant de toucher le fond, pour rebondir plus haut un jour en balayant l’idéologie. Peut-être. « France, great again, and Free Europe First”?Il le faudrait. Mais je crains que ce rêve ne soit que le mien….

Présidentielle américaine 2024 : l’étrange cécité française

Publié le 3 novembre 2004. cliquer ici

Voici quelques réflexions (trop rapides) sur les élections présidentielles américaines…

Je commencerai en avouant que l’étrange cécité de plusieurs médias français ne cesse de m’amuser. Puisque les journalistes français ne votent pas aux Etats-Unis et puisqu’à ma connaissance ils n’y ont aucune influence, on aurait pu imaginer les voir tous chercher une analyse lucide de la situation américaine qui aurait permis d’informer notre pays sur les enjeux de la campagne US, y compris pour la France. Dans ce meilleur des mondes possibles le citoyen français aurait ainsi découvert les principales préoccupations rencontrées par le citoyen US auxquelles les 2 candidats apportent des réponses différentes et deux stratégie opposées : le pouvoir d’achat, l’inflation, l’emploi, souvent fondues dans la catégorie « économie » par les instituts de sondage, suivies par la sécurité et l’immigration, puis le wokisme, puis, inégalement selon les États, par l’avortement et, à présent, Israël. Tandis que les autres éléments n’ont qu’une importance secondaire comme la question de l’Ukraine par exemple, si importante à nos yeux d’Européens, ou celle du climat qui a perdu aux États-Unis de son importance, et nous verrons pourquoi. 

Hélas ! sur certains plateaux, la paresse veille, c’est-à-dire l’« expertise psychologique » et la reprise du canevas de campagne de Kamela Harris qui a l’avantage de ne demander aucune étude concrète… sinon celle de l’éditorial psychologisant du New York Times. Et ainsi fut consacrée l’incapacité d’expliquer pourquoi Kamela Harris est en difficulté, dépassée à présent nationalement et distancée dans la plupart des États-clefs, d’après l’ensemble des sondages, bien que rien ne soit définitivement joué depuis le retour de Barack Obama au premier plan de la scène politique. Et nul citoyen français ne peut donc saisir pourquoi cette baisse survient dans tel État plutôt que dans tel autre, par exemple plus dans l’Arizona ou la Géorgie que dans l’État de New York ou la Californie ou pourquoi l’intervention de Barack Obama pourrait être décisive dans le Michigan qui est sans doute, avec la Pennsylvanie, l’État où se jouera l’élection, et dans la mobilisation de l’électorat « black » dans une élection qui est plus encore « racée » que « genrée ».

Voilà donc une tentative d’analyse, sans parti pris, glacée, car je tiens pour assurer que la recherche de la vérité exige d’écarter toute prise de parti, par ailleurs ridicule quand on n’est pas citoyen américain. 

D’abord, un constat, celui de la double erreur stratégique de Kamela Harris que Barack Obama tente de corriger depuis une semaine. 

Face à Trump, elle a fait du “tout sauf Trump” son viatique ce qui avait l’avantage d’éviter de faire exploser les tensions entre les deux grands courants du parti démocrate. Et, quand elle a finalement dû répondre aux préoccupations des Américains sur le fond, elle a été contrainte de faire du “en même temps”, afin de maintenir la cohésion de son parti et de son électorat. Deux stratégies d’évitement dangereuses pour ce parti.

Ainsi, au lieu de s’attaquer au programme de Trump et de profiter des divisions réelles au sein du parti Républicain pris entre deux grands courants, l’essentiel de la campagne de Kamela Harris a consisté, depuis sa nomination jusqu’au retour de Barack Obama sur scène, à éviter les sujets qui fâchent dans l’électorat démocrate et à diaboliser son adversaire pour rassembler derrière elle ceux qui s’opposeraient à lui. 

Pour cette stratégie d’évitement, à l’inverse de Joe Biden qui avait tenté de défendre son bilan gouvernemental avant son désistement, Kamela Harris a dû prendre ses distances avec la présidence Biden. Et pour légitimer son « tout sauf Trump », elle a attaqué la personnalité du candidat républicain : ce serait un “fasciste”, un homme violent, vulgaire et misogyne, aux tendances racistes qui voudrait violer la constitution, qui aurait tenté un coup d’État, qui préparerait l’interdiction des médias et le contrôle des élections, j’en passe de ses accusations, jusqu’à justifier de le mettre en … prison. 

Notons, au passage, que nos experts français en psychologie américaine ont emboite ce pas sur les plateaux avec une naïveté confondante, jusqu’à vendre que Kamala Harris serait une douce agnelle et Donald Trump, un personnage odieux et crétin qui menace la démocratie.

À vrai dire, l’erreur de Kamela Harris ne fut pas ses violentes attaques ad hominem, car c’est là une constante de toute campagne américaine depuis qu’il y en a, et, à ce jeu, n’en déplaise à certains “experts » des plateaux médiatiques, force est de constater que démocrates et républicains sont égaux. Et on est d’ailleurs loin de la violence des campagnes lors de la première élection de Ronald Reagan ou de celles de George W. Bush… J’ajoute que dans un pays où la publicité comparative est permise et peut-être très agressive, attaquer personnellement ne choque que les Tartuffe qui sont légion dans chaque camp et qui prétendent toujours, autre grand classique, qu’eux veulent l’unité du pays en insultant l’autre camp…

L’erreur d Harris fut ailleurs : de privilégier cet angle au lieu d’en faire un accessoire de campagne. Car où sont ses réponses aux problèmes du pays et aux propositions de Donald Trump ? Quasi inexistantes et, lorsqu’elles existent elles sont confuses, car contraintes au “en même temps” en raison de la crainte de voir éclater son parti et de perdre son électorat. Une confusion qui ne pouvait durer dans le temps car sur une scène politique nul ne joue jamais seul, et Donald Trump s’est empressé de rentrer dans les failles de cette stratégie d’évitement.

Avant d’en venir à ces confusions, on s’étonnera peut-être que je dise qu’elle aurait dû « répondre » à Donald Trump. Cela est dû à une règle sociologique que voulut ignorer Kamela Harris (et les Gabriel Attal, Michel Barnier, Édouard Philippe… comme tous les prétendants à la présidence française devraient y réfléchir…) :  le sortant est toujours comptable de ce qu’il a fait tandis que l’opposant peut attaquer son bilan et vendre du “y’a qu’à” plus aisément. En quelque sorte, sur un échiquier, le postulant a les blancs et le sortant les noirs. Le premier tente d’enclencher un mouvement de soutien à ses propositions en rassemblant les mécontents à la politique gouvernementale, ce qui, si la stratégie est bien menée, le fait souvent passer en tête par un effet dit « bandwagon »: une façon d’accrocher derrière lui des wagons électoraux réunis par leur opposition à ce qui est… L’autre essaye de l’enrayer. 

L’erreur magistrale de Kamela Harris fut de jouer l’esquive, ce fameux « en même temps » sur toutes les questions en commençant par celle du bilan. Elle tenta le coup de dire qu’elle était « en même temps » l’héritière de Joe Biden, ce qu’elle privilégia lors de sa nomination pour obtenir le soutien de l’administration du parti, mais, dès qu’elle fut désignée, elle changea de train pour dire qu’elle n’était pas vraiment comptable de son bilan, que l’important était de battre Donald Trump et qu’elle pourrait mener une autre politique…sans toutefois dire précisément laquelle. Bref, elle était en même temps dans le train de Joe Biden et du courant qui le soutient dans le parti, mais elle était aussi dans un autre train. 

Ce premier « en même temps » est une grave erreur. Certes, cet héritage lui paraissait lourd en termes électoraux. Car tous les instituts de sondage indiquent que le bilan social, économique, migratoire, sécuritaire et international de Biden est jugé très sévèrement dans le pays. Si l’on en croit la moyenne des 20 plus importants instituts de sondages : 65% des Américains désapprouvent sa conduite du pays, 60% sa politique économique, 60% sa politique envers les emplois, 62,5% sa politique face à l’inflation, 62,6% face à l’immigration, 57% face à la criminalité, 65% face au conflit entre Israël, le Hamas et le Hezbollah… Il paraissait plus simple de jouer du « en même temps » pour rassurer cette partie de sa base électorale qui restait favorable à l’action de la présidence Biden tout en essayant d’aller ramasser les wagons d’électeurs mécontents en disant que le changement était aussi à l’horizon, sans dire lequel, et qu’en attendant il faut parer au plus presser : écarter la menace Donald Trump. 

Mais éviter ce bilan n’était guère tenable bien longtemps. Cet héritage est aussi le sien proclama Donald Trump qui a évidemment vu la faille.  Comment longtemps esquiver le bilan alors qu’elle a été et restait la vice-Présidente de Joe Biden ? Et plus le temps passait, moins elle parvenait à imposer sa stratégie d’évitement (« tout sauf Trump ») face aux problèmes réels du pays et à la violente campagne de Trump qui la mit au pied du mur la sommant de réagir à ses propositions « America first » qui prenaient à contrepied le bilan Biden. 

Et c’est alors qu’au début du mois d’octobre, acculée à devoir répondre concrètement, la stratégie d’évitement a produit ses effets négatifs en faisant croître la tension entre les deux grands courant de son parti et la déstabilisation de son électorat.

Peut-être, avant d’aller plus loin pour saisir les effets de déstabilisation, est-il temps ici (sans reprendre en détails mes conférences à ce propos), d’évoquer ces tensions du parti démocrate qu’ignorent les « experts en psychologie trumpiste ». 

La vie de ce parti est tendanciellement animée, depuis la guerre de sécession, par deux grands courants. Le premier suit, peu ou prou, une ligne hamiltonienne, du nom d’Alexander Hamilton, secrétaire d’État au Trésor de 1789 à 1795 et dirigeant du parti fédéraliste. C’est, disons pour aller vite, un courant pro-business plutôt ouvert sur le monde et, en politique domestique, très étatiste, notamment favorable aux politiques de redistribution de richesses par les impôts via l’administration de l’État et aux politiques de santé et d’éducation régulées depuis Washington. Il est particulièrement puissant sur la côte Est et incarné dernièrement par Clinton, Barack Obama et….Joe Biden. 

Le second s’inspire plutôt d’une ligne wilsonienne, du nom du Président Woodrow Wilson. Disons pour aller vite qu’il est aujourd’hui un courant moralisateur, pacifiste, pro-immigration, wokiste… notamment incarné par Bernie Sanders, sénateur du Vermont, Gavin Newson gouverneur de Californie, le mouvement LGBT… Un courant particulièrement puissant en Californie, dans l’État de Washington, en Oregon et dans les universités américaines. 

Or, c’est de ce courant qu’est issue Kamela Harris. Ex-procureure de San Francisco, elle avait été élue sénatrice de Californie en défendant le California Values Act qui transforme cet État en « sanctuaire » pour les migrants clandestins, interdisant leur expulsion, en favorisant les mesures LGBTQ+ jusque dans les écoles, en exigeant le salaire minimal, les taxes et les mesures répressives au nom de la planète… Ce que certains de nos fameux « experts » prompts aux simplifications paresseuses appellent parfois la « gauche » du parti, ignorant le poids religieux majeur dans ce courant « moraliste ».

Ne pas associer ces deux courants dans le parti démocrate, toute l’histoire américaine depuis la guerre de Sécession montre que c’est aller vers une défaite certaine. Ainsi, c’est bien par l’association de ces deux courants, sous l’égide de Joe Biden, élu hamiltonien typique du Delaware, ancien avocat des plus grandes entreprises comme Microsoft, que fut conclu le deal gagnant de 2020. 

Mais au lieu de reproduire cette alliance pour aller à l’affrontement avec un parti républicain emporté par le jacksonien Donald Trump et de profiter du fait que ce parti soit lui aussi traversé par d’énormes tensions et deux grands courants antagonistes, Kamela Harris a imposé contre l’administration très hamiltonienne du parti, que Tim Waltz soit son colistier. Cela alors qu’il est tout aussi wilsonien qu’elle et qu’il dirigea, dans le parti, le Parti démocrate-paysan-travailleur du Minnesota (Democratic-Farmer-Labor Party), ouvert à l’immigration, anti-armes, pro-LGBT, écologiste punitif pourfendeur de CO2…

Et, voilà pourquoi en octobre, quand il lui a fallu répondre aux attaques de Donald Trump, pour écarter les risques d’éclatement de son propre camp et arrêter la baisse sensible qui commençait dans l’électorat, elle a poussé au paroxysme sa stratégie d’évitement, ce fameux « en même temps ». 

Cela peut-il fonctionner ? Sans doute si l’échiquier n’avait qu’un seul joueur. Mais, loin d’être le crétin que nos « experts en psychologie trumpiste » imaginent », l’équipe du milliardaire Donal Trump a vu les failles du marché électoral démocrate et elle est entrée dedans exigeant des réponses. Et la stratégie d’esquive a montré son insigne faiblesse.

Quelques exemples. 

Dans le débat économique, premier souci de la population, sommée de dire ce qu’elle pense des industries, agricoles,  extractives et transformatrices, dans ce pays où le chômage a passé la barre des 4%, Kamela Harris a tenté de s’en sortir en usant du « en même temps ». Car, tout comme son courant, elle avait été favorable à une politique de contrôle des entreprises, de taxes et d’interdictions au nom de la planète et du bien social. Dans la course à l’investiture, il y a 4 ans, elle avait encore dénoncé l’extraction de l’huile et du gaz de schiste qui devait être arrêtée pour « sauver la planète » qui n’aurait jamais été aussi chaude à cause de l’humanité et en contrepartie, elle prétendait que les énergies alternatives seraient une solution. 

Mais, comment faire pour gagner l’élection quand les sondages montrent qu’au sein même du parti démocrate les résistances à cette écologie punitive sont de plus en plus fortes et que Kamela Harris est donnée perdante dans certains États industriels comme la Pennsylvanie, producteur historique de charbon, revitalisée par l’industrie du schiste et ses 75 000 forages après la crise du début des années 2000 ? Voilà donc Kamela Harris qui se rend en Pennsylvanie pour déclarer son soutien sans failles à l’extraction de l’huile et du gaz de schiste. Et, elle le dit aussi dans le Michigan, le charbon et les véhicules thermiques ne seraient plus un mal pour la planète mais un bien pour les États-Unis… Et finalement vive la croissance !

Néanmoins, pour conserver l’unité du parti et rassurer sa « gauche » wilsonienne déçue par ce retournement, “en même temps”, elle annonce l’augmentation du financement des énergies dites « alternatives » et un plan d’investissements dans la continuité de celui de Joe Biden. Et rappelle qu’elle veut l’intervention de l’État avec le contrôle des productions de gaz à effet de serre, confondus avec le CO2, et celui des prix des grandes entreprises de l’alimentation qui « exploitent » les consommateurs « pour augmenter leurs profits ». Ce qui, tout mis bout à bout, signifie un appel à l’intervention de l’administration de Washington dans la vie quotidienne, ce qui est détesté dans le sud, en particulier en Floride, en Géorgie ou dans les deux Caroline où Trump ne cesse d’augmenter son avance. 

Car, elle mécontente ses anciens partisans, sans convaincre les électeurs des États industriels. Ainsi, s’agissant de la dite « transition énergétique », les Américains constatent que ces planifications appellent des impôts. Or, ceux-ci sont de plus en plus décriés aux USA où le pouvoir d’achat est le premier souci. Face à leur coût en milliards, beaucoup d’Américains y voient de l’argent gaspillé, pris, via les impôts, dans leurs poches trop vides, une menace contre leurs emplois dans l’automobile, l’aéronautique, la chimie… et un affaiblissement de la puissance américaine face aux concurrents asiatiques. Ce mécontentement est accentué par le recul idéologique de cette croyance en la culpabilité humaine dans les variations climatiques, au point pour Sunpower et d’autres leaders industriels de la fameuse « transition écologique » d’avoir déposé leur bilan tandis que même le conseiller climat de Barack Obama, le physicien Steven Koonin, a publié un livre où il nie l’influence de l’homme sur le climat et critique les « manipulations » du GIEC et d’autres instituts. 

D’ailleurs, comment s’étonner si l’Ohio, naguère donné comme exemple des « swing states » est passé nettement républicain, avec 7% d’avance pour Donald Trump ? Ses principales activités ? L’automobile, les pièces détachées de l’automobile, le plastique, les industries chimiques… Du « en même temps », ils n’en veulent pas. Ils n’en veulent pas non plus dans l’Indiana, où Donald Trump à 16% d’avance, tandis que la Pennsylvanie est à présent données à Trump (selon la moyenne des instituts de sondage) avec + 0,8%. 

Et ce ne sont pas les “ploucs” et le monde rural qui votent Trump, comme on le dit dans les dîners en ville new yorkais et sur certains plateaux français, mais aussi les ouvriers et cadres de l’industrie. Ainsi, si la Géorgie, État hier encore en « balance », donne une avance confortable à Donald Trump, de 2,4% et le monde rural, moins de 8% de la population, n’y est pas pour grand-chose, mais les travailleurs des mines (cuivre, manganèse…), de l’acier, des machines-outils, de la chimie et des services, peu rassurés par le « en même temps » de Kamela Harris. Et en Pennsylvanie, où le score paraît désormais si serré, il n’est pas anodin que 53% des votants disent qu’ils préfèrent la politique économique voulue par Trump contre 43% pour Harris.

De même sommée de se déclarer sur l’immigration, Kamela Harris n’est guère plus rassurante. Alors que 2,4 millions d’entrées illégales ont eu lieu à la frontière avec le Mexique, ce qui pèse sur les salaires, les systèmes de soins et l’intégration aux valeurs américaines avec les conséquences sociales, elle est longtemps restée silencieuse évitant d’évoquer son programme et répondant par des pirouettes sur des questions de société, comme l’avortement. Pour répondre à l’inquiétude américaines, son programme annonce une « réforme complète » du système d’immigration, sans dire ce que serait cette réforme, mis, « en même temps », elle continue discrètement à soutenir la politique d’ouverture des frontières et à dire que le problème principal est d’intégrer les clandestins. Ce qui ravit certes ses électeurs du Nouveau Mexique et les démocrates wokistes de Californie mais ce qui ne convainc pas en Arizona, où 57% des électeurs sont très inquiets par l’immigration massive à leurs portes et où Donald Trump, qui était derrière Kamela Harris mi-août, le devance de 2,3% selon la moyenne des instituts de sondage.  Il n’est pas anodin qu’en Pennsylvanie, où tout pourrait se jouer, les électeurs, sur cette question préfèrent Donald Trump à 54% contre 42% pour Kamela Harris.

De même, sommée de dire ce que Kamela Harris pense du wokisme, pour rassurer un pays où le rejet de cette idéologie est devenu massif, jusqu’à même perdre son influence en Californie, elle prend officiellement ses distances, annonçant qu’elle ne lui était plus favorable. Mais, « en même temps », elle défend toutes les positions du mouvement LGBT ce qui s’oppose aux démocrates conservateurs.

 Car il faut être un « expert en lecture du New York Times » pour ignorer qu’une grande partie de l’électorat démocrate est conservateur, au sens français. Ainsi l’électorat catholique, qui vote majoritairement démocrate, est globalement opposé au wokisme et insatisfait de ce « en même temps ». Quant aux électorats de Virginie, très démocrate, et à celui du Wisconsin, qui avait voté Biden, ils sont même opposés à l’avortement sur lequel on reviendra.

Et quand Kamala Harris est sommée de dire ce qu’elle pense de la guerre d’Israël envers le Hamas, le Hezbollah et l’Iran, pour satisfaire les hamiltoniens, elle dit qu’elle est favorable à la poursuite de l’aide à Israël, mais, pour satisfaire le courant wilsonien pacifiste de son parti, elle dit, « en même temps », à l’université du Wisconsin qu’elle est d’accord avec un étudiant qui dénonce le « génocide » israélien à Gaza et qui veut l’arrêt des fournitures d’armes, ce dont la félicite le sénateur Sanders. Ce qui est applaudi à San Francisco et dans certaines universités mais pas dans le reste du pays. 

Et Donald Trump ? De son côté, à l’inverse de ce que disent certains « experts » paresseux, il est parfaitement cohérent, suivant une stratégie jacksonienne classique et visible du « America First », celle qu’ont toujours suivie ses devanciers depuis les Président Washington et Andrew Jackson.

Pour aller vite, aujourd’hui, au nom du patriotisme, cette vision donne le même protectionnisme, une politique de réindustrialisation et de relocalisation des entreprises, le contrôle strict des frontières et de l’immigration, avec expulsions et mur, et une politique d’interdits d’exportations de certaines technologies sensibles, de taxations des importations, jusqu’à 60% envers certains produits chinois, qui seraient, selon lui, l’effet d’une concurrence déloyale. Et un repositionnement global, sur la base de l’America first envers les concurrents-alliés européens, sans états d’âme.

Au niveau domestique, comme ses devanciers, il est favorable au libre marché, avec une diminution des dépenses de l’État, donc des impôts, et des interventions de la bureaucratie détestée par ce courant. Entre l’abandon de la « transition écologique », qu’il voit comme une ineptie et une source d’affaiblissement de la puissance matérielle des USA, et son refus du wokisme, qu’il voit comme un affaiblissement moral des USA, soutenant sans réserves les industries nucléaires et extractives, les industries de transformation et les nouvelles technologies, moteurs de la croissance donc de la puissance selon lui, il réduit tout à une seule question : quel est l’intérêt des USA ? 

Insistons sur le principe qu’il défend et qui rassure (un peu) l’autre puissant courant dans le parti, celui de ses opposants jeffersoniens puissants au Sénat, très soucieux de l’autonomie des États. Lui aussi admet que ce qu’un État peut faire, Washington doit le laisser faire et ce qu’un comté peut faire l’État doit le laisser faire. Principe de subsidiarité qui vaut pour tout, de droit des États de décider de leur aménagement jusqu’à leur politique en matière d’avortement.

Sur cette dernière question, les plateaux français semblent en ignorer la teneur américaine en reprenant l’argumentation de Kamela Harris sans même aller y voir de plus près. Celle-ci l’a en effet mise au centre, et c’est une des seules préoccupations sur laquelle depuis le début de sa campagne elle a formulé une position claire, et c’est même pour cela qu’elle l’a mise au centre pensant ainsi marquer des points. Mais si cette préoccupation est réelle, elle n’est pas la première des Américains, entre 13 et 16%, loin derrière l’économie, la sécurité et l’immigration. Et il est vrai qu’en prétendant que si Donald Trump était élu il ferait interdire l’avortement, elle a obtenu le soutien de nombreuses femmes. 

Mais le vote est beaucoup moins « genré » que racial, la population noire vote entre 75% à 90% pour Kamela Harris. Sans ce vote noir, l’élection de Trump ne ferait aucun doute comme l’a parfaitement vu Barack Obama qui tente de mobiliser cet électorat pour inverser la tendance. D’autre part, si ce calcul de Kamela Harris est efficace car dans la plupart des États majoritairement les femmes votent majoritairement pour elle, ce n’est pas partout le cas. Par exemple, au Texas, en Floride ou, dans une moindre mesure, en Arizona, les femmes votent majoritairement Trump.

On peut aussi constater que dans les faits, la position de Donald Trump n’est pas celle que Kamela Harri lui attribue et qui a été doctement propagée par les médias proches des démocrates, c’est-à-dire dire la grande majorité et souvent reprise en France. La position répétée de Donald Trump est de dire qu’un Président n’a pas à intervenir sur ce sujet car c’est là le droit des États. Et il laisse son épouse mener une campagne pour le droit à l’avortement dans tout le pays. Joue-t-il en son for intérieur double ou triple jeu ? Je n’en sais rien. N’étant pas un expert en boule de cristal psychologique trumpienne, je m’en tiens aux faits…

Clairement, cette vision d’America First de donald Trump ne fait pas les affaires des pays européens qui sont jugés à l’aune du seul intérêt US sans autre considération politique ou morale. Mais les louvoiements de Kamela Harris ne sont guère plus rassurants. Ils présentent le danger notable de nourrir en Europe, et en France plus particulièrement, le doute sur la politique étrangère américaine et l’idéologie wokiste qui sape le socle des valeurs sur lequel la république française s’est construite. 

Comme spectateur, je trouve le spectacle américain passionnant. En tant que citoyen français, vivant dans un pays en décadence, et dans une Europe sans boussole, voilà des faits guère réjouissants dont chacun devrait prendre la mesure, sous peine d’en payer les frais…

Afghanistan : cet accord « secret » avec les Talibans que les Occidentaux risquent de payer très très cher

Les talibans ont promis d’être plus tolérants qu’avant, en particulier envers les femmes et leurs opposants, de ne pas servir de refuge aux djihadistes, de préférer la coopération à la subversion. Des promesses qui dureront le temps de leurs intérêts.

Atlantico, 19 août 2021: cliquer ici

Atlantico :  Professeur Yves Roucaute, vous avez été le seul intellectuel au monde invité pour fêter la victoire contre les talibans, à Kaboul, en novembre 2001, et vous aviez noué des relations d’amitié avec Ahmed Chah Massoud dans les combats en Afghanistan, quel regard portez-vous, en philosophe et en spécialiste des questions internationales, sur la situation actuelle ? 

Novembre 2001: Yves Roucaute, seul intellectuel au monde invité en Afghanistan pour fêter la victoire contre les TalibansRoucaute Yves dans l’hélicoptère de Massoud

Yves Roucaute : 20 ans après avoir célébré la victoire contre les talibans, je ne sais si j’aurais un jour l’occasion de retourner de mon vivant à Saricha pour me recueillir et prier sur la tombe de celui qui reste vivant dans mon cœur, le commandant Massoud. En raison de l’accord passé, et en partie secret, entre les équipes de Joe Biden et les talibans, je crains hélas ! que le pire ne soit devant nous. Le pire non seulement pour les Afghans mais aussi pour ceux qui ont cru pouvoir sceller la paix au prix d’un sacrifice de cette partie de la population qui croit aux droits individuels et au pluralisme démocratique et qui va subir les foudres d’un État totalitaire.Ces Daladier et Chamberlain qui pullulent dans les démocraties, et qui se félicitent de pouvoir sauver la paix, comme hier à Munich, sont la honte des démocraties ! 

Avant d’en venir aux conséquences pour les Afghans et pour nous de cette défaite, j’entends bien certains tenter de justifier leur poltronnerie en évoquant la corruption des gouvernements successif, leur incapacité, leurs divisions, leurs double-jeux, leurs complicités avec les talibans … Cela est vrai. Mais que penser de la façon dont les gouvernements occidentaux ont largement contribué à tout cela, ignorant même la base : la particularité de la vie afghane, ces maillages locaux, ces groupes de solidarité (« qawm ») locaux et régionaux propres aux tribus, clans, réseaux de villes des vallées, groupes religieux… Une ignorance des nécessités d’analyse concrète dans laquelle les États-Unis excellent ici, comme en Irak ou au Liban. Allant jusqu’à légitimer les talibans, jusqu’à négocier avec eux, comme s’ils étaient une composante de la société afghane semblable à toute autre, brisant le ciment idéologique fragile qui tenait les composantes anti-talibanes, poussant aux pactisations et préparant les défections.  

Les Américains ignoraient même le nationalisme pachtoune parce qu’ils en ignoraient l’histoire pachtoune, la principe ethnie afghane. Ainsi, qu’est-ce que l’empire Durrani des Pachtounes pour les « experts » américains ? Rien. Alors qu’il fut le plus grand empire musulman durant le XVIIIème siècle, allant du Cachemire au nord-est de l’Iran, dominant le Pakistan et une grande partie des pays du Caucase. Alors qu’il est l’une des clefs du nationalisme sur lequel s’appuie les totalitaires talibans, alors qu’il est l’une des clefs des solidarités nouées avec eux par les trois États du Pakistan qui bordent l’Afghanistan et qui élisent, oui élisent, des talibans. Ils ignoraient même l’histoire plus proche, qui est faite d’instabilités dues aux difficultés de trouver de subtils équilibres entre les groupes de solidarité, tribaux, claniques, religieux, locaux… sinon entre la moralité, la démocratie et la culture du pavot…

Ils ignoraient aussi les différences entre talibans, notamment la puissance des courants les plus extrémistes, qui ont même, pour certains, refusé les accords acceptés par les talibans « modérés ». Ainsi, ont été présents aux médias, les talibans les plus présentables qui ne sont pas nécessairement les plus influents, pour vendre la résignation à l’opinion.

Quelles sont les conséquences pour les Afghans ? 

Il n’est pas un seul moment et acte de la vie sur lesquels les talibans n’aient, prétendument au nom du Coran, un avis, avec interdits et obligations. Et je ne vois aucune raison pour qu’ils abandonnent leur vision totalitaire du monde même s’ils ont abandonné la perception djihadiste du mollah Mohammad Omar qui avait accepté Al-Qaida. 

Ils ont promis qu’il n’y aurait pas d’exactions. Il y en a moins, c’est vrai, que lors de leur précédente prise de pouvoir, mais qui a la naïveté de les croire ? Je me souviens qu’arrivé à Kaboul 26 novembre 2001, je vis les immenses poternes dressées où les talibans pendaient sans discontinuer les infidèles et les opposants, catégories indifférenciées… j’ai survolé les puits empoisonnés par les Talibans pour tuer les habitants du Panchir, les toits des maisons soufflés, les charniers, les survivants des tortures et des viols… 

Demain, ils iront massacrer ceux qui leur résistent, jusque dans le Pandshir, avec des armes autrement plus redoutables que celles qu’ils possédaient en 2001. Déjà, tous ceux qui ont eu des relations avec la coalition sont aujourd’hui répertoriés. Enfants inclus. Doit-on supposer que c’est pour une distribution de jouets ? Dans les zones occupées, ils présentent deux visages. D’une part, comme dans l’Ouest, un visage modéré, laissant partir certains hauts fonctionnaires. D’autre part, dans les régions du Sud-Ouest et de l’Est, où ils sont traditionnellement plus influents, coups de fouets mutilants, membres coupés, pendaisons, lapidations sont de retour. 

Chacun songe à la situation des femmes dont quelques-unes ont, avec un courage inouï, manifesté ce 16 août à Kaboul pour réclamer leur droit d’étudier, de travailler, de voter, d’être élues. Lors des conférences de Moscou (mars 2021) et de Doha de juillet, selon le porte-parole des talibans, Suhail Shareen, les femmes auraient « seulement » l’obligation de porter un hijab (voile) pour couvrir, corps, tête et épaules « impudiques ». Obligation, sous peine de flagellation publique et de mise sous tutelle. Faut-il le croire ? Oui, le hijab est obligatoire mais déjà la burqa est « conseillée » dans toutes les régions occupées par les talibans et elle est évidemment portée, les sanctions tombent ne sont pas loin. Le même porte-parole a indiqué que les talibans n’interdiraient plus aux jeunes filles d’aller à l’école. Faut-il le croire ? Je me souviens lors de la libération de Kaboul de cette école de jeunes filles, par ailleurs financée par la France, puante et remplie de produits chimiques, transformée en dortoir pour talibans. Aujourd’hui, déjà, il est conseillé aux femmes de rester chez elles, de sortir avec l’agrément d’un parrain (mahram) et de préparer leurs filles à une vie de future mère, soumise à son mari. Ce qui sera enseigné dans les écoles autorisées à ouvrir à celles qui seront autorisées à y aller ? Ce que les talibans décideront. Pour faire risette aux Tartuffe d’Occident, une filière universitaire en éducation morale sera-t-elle créée ?

Que sait-on de l’accord entre talibans et occidentaux ? Dans quelle mesure a-t-il eu un impact décisif sur la prise de Kaboul et le départ des occidentaux via l’aéroport de la ville ?

our aller vite, disons que d’un côté, les talibans ont promis d’être plus tolérants qu’avant, en particulier envers les femmes et leurs opposants, de ne pas servir de refuge aux djihadistes, de préférer la coopération à la subversion et de laisser partir les ressortissants étrangers et ceux qui travaillaient pour eux. En contrepartie, ils exigent coopération économique, reconnaissance internationale et armements.

Les armements sont la clef. Ils sont aussi la marque du cynisme répugnant accepté par l’administration de Joe Biden. Ce qui fut au centre des accords cachés, c’est en particulier la fourniture des avions sophistiqués donnés au gouvernement précédent par les Américains.  

Car l’administration Biden sait que ces avions vont permettre d’exterminer l’opposition militaire, en particulier celle des Hazara et des Tadjiks restés fidèles à l’esprit de Massoud et conduits notamment par son fils, le courageux Ahmad Massoud. 

Comment résister à une telle puissance de traque et de feu ? Ahmed Massoud, son père, n’avait en face de lui que des armements archaïques qui n’avaient rien à voir avec ceux-ci. Son fils appelle à l’aide. Il la faut. Mais le défi est phénoménal. Et il le sait. 

On a vendu nos amis pour un plat de lentilles car avec une présence militaire plus intense, qui peut sérieusement penser que l’on ne serait pas venu à bout de 60 000 talibans ? Ou, si l’on voulait seulement fuir, que l’on n’aurait pu organiser cette fuite avec une intervention militaire tranchante comme la liberté ? 

Paradoxalement, je sais qu’il a actuellement mauvaise presse, mais la vérité consiste aussi à dire que la France fut, de toutes les démocraties, celle qui a le moins à se reprocher.  Ce qui ne signifie pas qu’elle soit au-dessus de tout reproche. Emmanuel Macron a eu le courage d’envoyer deux avions militaires pour sauver, dans cette débâcle, non seulement des Français mais aussi ces fidèles Afghans qui ont si bien servi la France. Oui, la France fut le seul pays démocratique à le faire avec les États-Unis. Il a évité la honte de la guerre d’Algérie, où furent livrés à la haine et à la mort les harkis, à l’exception de 45 000 d’entre eux. 

Qu’en Europe, nul autre ne l’ait suivi, est symptomatique de la débandade idéologique de l’occident. Le pompon revenant au Canada, donneur de leçons toutes catégories, qui n’a pas même envoyé un seul avion mais, qui a généreusement proposé un millier de visas aux Afghans, sous condition : qu’ils soient d’abord réservés au LGBT, en insistant sur les transgenres. On imagine le tollé si un gouvernement avait exigé la priorité pour les hétérosexuels ! Je me suis toujours battu pour le droit des homosexuels mais au nom d’un droit égal pour tous, de la non-discrimination, de l’universalisme des valeurs, de tout ce qui faisait la puissance de séduction des démocraties et qui est jeté à l’eau. 

Ce que je trouve d’ailleurs insensé, c’est le refus de la proposition russe d’envoyer des dizaines d’avions, de construire un pont aérien pour sauver ceux qui veulent fuir ce totalitarisme. Et cela alors que les talibans, peut-être intéressé au départ de leurs opposants, étaient d’accord ! Pour ma part, que m’importe la couleur du chat pourvu qu’il sauve des vies et préserve la liberté contre les rats. 

L’alliance entre Joe Biden et Kamala Harris, sa vice-présidente, peut-il permettre d’expliquer en partie la position tenue par le président des Etats-Unis ?

Oui, bien entendu, c’est la clef de la politique internationale américaine. Kamala Harris, comme nos écologistes et l’extrême-gauche est l’héritière du courant wilsonien pacifiste. Elle se dit féministe et parle des minorités opprimées, idées qu’elle a trouvé au supermarché de la démagogie américaine, mais elle préfère voir les femmes dans les fers, les minorités tadjik, ouzbeks, harrara…exterminées et plutôt que de soutenir une intervention militaire pour les protéger. C’est une moraliste en peau de lapin (rire). Joe Biden, en hériter du courant hamiltonien, en homme typique du Delaware, ne voit pas plus loin que le business américain et la balance commerciale. L’Afghanistan coûte plus qu’il ne rapporte, et son alliance avec Harris risquerait d’avoir du plomb dans l’aile, donc sacrifice humain. 

Qu’il n’ait pas même eu un regret, un mot pour dire la souffrance de ceux qui croient aux valeurs universelles de liberté en Afghanistan en dit long sur sa moralité.

A long terme, cet accord trouvé entre les talibans et les Occidentaux risque-t-il de se retourner contre ces derniers ? 

Oui, où se trouve la bulle de paix promise par les partisans des accords avec les Talibans ? Je ne vois à l’horizon que des menaces. J’aime beaucoup les Tartuffe qui essayent de se persuader du contraire.

La victoire des talibans est un formidable soutien et un accélérateur de recrutement pour les groupes djihadistes dans le monde qui commençaient à péricliter après la défaite de l’État islamique, les divisons internes, les coups des démocraties. 

Ensuite c’est un appui à la déstabilisation des États de la région. Trop loin de Washington peut-être et des campus occidentaux ? Certes, al Qaida et les talibans sont fâchés, mais le Pakistan, première puissance de la région, 210 millions d’habitants, déjà largement gangréné par l’islamisme radical, est fragilisé. A présent, le gouvernement d’Islamabad est menacé sur son propre territoire à partir de ses propres provinces de l’Est qui fêtent la victoire. Et le gouvernement indien a peur évidemment de ce que signifie cette déstabilisation rampante à ses portes.

Le Tadjikistan qui sait que les Tadjiks d’Afghanistan vont être attaqués, s’arme pour protéger ses frontières. L’Ouzbékistan a peur lui aussi, comme ces 200 000 habitants de Termez qui vivent à la frontière, et il s’arme. En vérité, tout le Caucase est en effervescence. La lucidité.

La Chine croit avoir un accord de non-agression ? Certes, elle l’a. Il durera le temps des intérêts talibans. Qui peut croire que l’Afghanistan refusera d’être un asile pour certains groupes djihadistes chinois alors qu’ils ont des connexions avec eux ? Les investissements chinois suffiront-ils ? Pas certain. Il en va de même pour la Russie qui paraît néanmoins ne croire qu’à demi aux promesses talibanes. 

Quant aux démocraties occidentales, il n’existe pas de bulle protectrice dans un tel environnement. 

Joe Biden et l’avenir des USA

Conf. Bridgepoint. Mai 2021

•Introduction (notes)

Une vision du monde. Des symboles et des pensées.

•Il était une fois à la Maison Blanche…Le portrait d’Andrew Jackson retiré•Winston Churchill remplacé par le buste de Rosa Parks (droits civiques) et syndicaliste latino CesarChavez•Sur la cheminée, Franklin Delano Roosevelt, à droite Alexander Hamilton et Thomas Jefferson. À gauche Benjamin Franklin, A. Lincoln

Alliance•Biden-Harris, l’alliance des nouveaux hamiltoniens-et des nouveaux wilsoniens

Du Covid-19 à la nouvelle donne…

•Contraction du PIB de 3,5 % sur l’ensemble de l’année 2020 (-9,5 % au 1er semestre 2020).  (zone euro= – 6,6%, chine a retrouvé son niveau en 2020 d’avant la pandémie).• Recul des dépenses de consommation. •Destructions d’emplois,  ont fait progresser le taux de chômage jusqu’à 14,7 % en avril 2020. Alors qu’en janvier le plus bas en 50 ans (3,5%). 6,1% en, avril 2021.•Le Congrès a adopté cinq plans de soutien de Donald Trump en 2020•Déficit budgétaire.•Le déficit commercial a bondi à 681,7 milliards de dollars en 2020 après 576,9 milliards en 2019.•Dette fédérale est passée de 23.200 milliards en mars 2020 à 28.000 milliards en mars 2021. 98% du PIB en 2020 va grimper à près de 130% cette année.•MAIS Dette/dépendance: Chine n’a que 4% dette publique US (8,5% en 2011).•L’aspiration a plus d’État. Mais quelle philosophie?

•PIB prévisions 2021 (FMI).

USA : 21 922 Mds de $, +6,4%. Déficit prévu: 1 800Mds, Dette prévue: 102,3% PIB•CHINE: 16 493 Mds de $, +8,4% sur l’année.•JAPON : 5 103•ALLEMAGNE  : 4 318•FRANCE : 2 918, +5,8%•RU : 2856•INDE : 2834

Petit rappel sur les courants US:

•Jacksoniens et Jeffersoniens•Hamiltoniens. Alexander Hamilton (1757-1804) •Wilsonniens Woodrow Wilson (1856-1924).

Hamiltonisme et pragmatisme

Hamiltonisme politique et pragmatisme philosophique : pensée dominante dans les élites industrielles et financières depuis 2 siècles. •Alexander Hamilton (1757-1804). Secrétaire au Trésor. Parti fédéraliste. Pas confédération mais Etat fédéral•Gouvernement fort. Pour le droit de veto fédéral sur loi d’un Etat.•Contre la « tyrannie du législatif » et pour capacité des administrations•Crée la dette nationale et la 1ère banque nationale publique (annulée par Jackson en 1811 et refusera de recréer une nouvelle banque centrale en 1836)•C’est le parti de l’industrie et du commerce (Rapport sur les Manufactures, 1792) : Taxes pour financer les subventions  pour l’industrie (ex: sur whisky) et la politique commerciale. (Refusé par le Congrés sous l’influence des jeffersoniens)•Restrictions à l’importation si nécessaires avec droits à l’importation selon intérêts industries US 

Pragmatisme hamiltonien contre gauche européenne

•Pragmatisme hamiltonien Rien à voir avec le socialisme et la gauche française. •Contre social-démocratie inventée par Karl Kautsky (1854-1938), repris par les partis socialistes et les syndicats de classe. H: Courant Individualisme et droits individuels, droits de propriété, droits su son corps•Contre réformisme socialiste. Eduard Bernstein (1850-1932). Socialisme s’imposerait sans révolution par réforme. DDH et démocratie libérale. Mais l’objectif reste le socialisme. H: pas d’abolition de la propriété privée des moyens de prod et du capitalisme. Au contraire. •Contre libéralisme type Ricardo. Intérêts particuliers/ruse intérêt général. Fables des abeilles (1714) de Bernard Mandeville. H: il faut l’Etat Providence à l’américaine.Méfiance envers l’utilitarisme type Jeremy Bentham (1748-1832) = celui des wilsoniens.  Woodrow Wilson, Jimmy Carter. Très puissant dans parti démocrate… busing, quotas, redistribution, (revu par John Rawls). Idée: « Le plus grand bonheur pour le plus grand nombre » Intérêt général des individus => bonheur… Sacrifice social, droits individuels. Défendu aujourdh’ui par Kamala Harris et la « gauche wilsonienne 

Pragmatisme:

•Charles Sanders Peirce(1839-1914), William James (1842-1910) et John Dewey (1859-1952) •Contre les idéologies. How to Make Our Ideas Clear (comment rendre nos idées claires) 1878 : seules les implications pensait Peirce donnent le sens et validité de ce qui est fait et pensé. •Nous vivons dans des croyances qui sont des hypothèses. C’est le système de diagnostic en médecine transposé par John Dewey au social ex: hypo varicelle. =>MédicamentsEn philosophie et en logique on appelle cela l’abduction. •Vérité? n’existe pas. Nous ne pouvons être spectateurs mais enquêteurs. « Ce qui paie », « ce qui marche ». « Test and learning ». Chaque sol=> nouveaux problèmes=nouvelles hypothèses•En philosophie politique  « social libéralisme » de John Dewey. Objectif: développer l’individu et son libre arbitre (contre soc-dem.) en cherchant des instruments d’action Agir par les institutions. = »instrumentalisme ».•Le jugement moral? Fonction  des conséquences. (Reconstruction in Philosophy, 1919)•La démocratie? Forme de gouvernement changeante dans laquelle tout humain sait qu’il a la chance de devenir une personne et de participer à la formation des valeurs. Courant : Influence sur Roosevelt, Kennedy, Lyndon Johnson, Obama

Tentation Roosevelt et BigGovernment :

Franklin D. Roosevelt sur  Alexander Hamilton « the most brilliant American statesman who everlived » (1891). + «Discours du 10 avril 1899 au Hamilton club de Chicago. « Destinée manifeste de l’Amérique » : liberté.•Pierce l’a critiqué mais pas sur le fond. Homme de la crise et d’un centre politique fort entre 1934 et 1938 à la suite de la grande Dépression•Avant Keynes (théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie date de 1936) : Soutien demande et consommation, droits sociaux, systèmes sociaux d’assurance aux USA.•Le 1er plan, 100 jours : banques, aides, assistance sociale. •2ème plan: redistribution, lois syndicales…•C’est le Big Government qui sera aussi popularisé avec Lyndon Johnson (medicare,medicaid) et son alliance avec wilsoniens: Civil Rights Act en 1964

Retour avec Obama et BidenMais vague libérale: hamiltoniens battus dans le parti démocrate. Bill Clinton : « big government was a thing of the past ». •Joe Biden  Né le 20 novembre à Scranton, Pennsylvanie. Mais carrière dans le Delaware, terre hamiltonnienne. Et catholique.•D’abord avocat dans le Delaware. Contre les wilsoniens, Ii ne participe pas aux différents mouvements politiques anti guerre du Vietnam ou pour les droits civiques. Et il défend les industries américaines, leur propriété intellectuelle (Microsoft, l’industrie du disque et du cinéma) contre la « gauche » démocrate•Puis sénateur en 1972 dans le : Delaware = 1,2 millions d’entreprises pour 970 000 habitants. Dont 2/3 des 500 plus grands groupes du pays.  Apple, Coca-Cola, Google…•Il s’oppose au busing, au mariage homosexuel, à l’ensemble des positions moralisatrice et sociales des démocrates wilsoniens. Il défend les banques.•Au niveau international, contre les pacifistes wilsoniens, il demande armes pour la Bosnie et soutient Clinton pour intervention au Kosovo (avec McCain). Vote le Patriot Actet l’intervention en Irak de George W Bush

Courant wilsonien: social, moral, « progressiste » et relations avec les hamiltoniens :

In God we trust. Mythe constructif. Pacte entre 102 calvinistessur côte sauvage du Massachussetts, au cap cod, 26 nov 1620. Solidarité sociale, y compris avec les Indiens. •1630, le puritain John Winthrop, « Cité sur la colline » expression tirée de l’Évangile selon Mat : « Vous êtes la lumière du monde» « exceptionnalisme américain ». Moralisme.•Chacun s’engage à respecter la croyance religieuse de l’autre sans considération d’origine. USA +> terre d’immigration. •Trouver la paix civilePacifistes …. Woodrow Wilson : nom au courant. Né en Virginie en 1856, élu en 1912 avec 41% sur PAIX et Programme SOCIAL contre les hamiltoniens dénoncés comme représentants de la finance. Réélu en 1916 avec 49,2%, sauf les Etats hamiltoniens du Nord-Est et des grands lacs. • So n« New Freedom » domestic agenda. Il autorise les grèves, les boycotts, interdit les ententes entre entreprises (loi anti-trust), ce qui lui assure l’appui des radicaux démocrates, les « progressistes ». •Il impose une première taxe progressive sur le revenu à 1% (jusqu’à 7%) et droits de succession jusqu’à 77% •Pacifiste mais intervient à Haïti, au Mexique, à St Domingue pour des raisons humanitaires. Attaque allemande de 1917 contre bateaux…mais Société des nations. •Soutien des catho pacifistes et ramène électorat juif. 

Kamala Harris : 

Née en Californie, à Oakland, Père jamaïcain, professeur à Stanford, d’une mère indienne, biologiste et hôpital Général juif de Montréal, école francophone. Baptiste, comme nombre de Pt wilsoniens, comme Jimmy Carter 2003: première procureure de district en Californie: Poursuite contre les banques lors de la crise des subprimes. Campagne contre les violences domestiques faites aux femmes. 1ère sénatrice indo américaine grâce au soutien d’Elisabeth Warren  Pour l’augmentation du salaire minimumEn faveur des étudiants transgenres. Pour le projet de Sanders: système de santé universel « Medicare for all ».Pour la régularisation des migrants illégaux (sancturaisation de sanFrancisco) Favorable au mariage homosexuel.  Contre le « changement climatique ». MAIS relations difficiles avec le mouvement Black Lives Matter. En raison de sa politique répressive quand elle était procureure.

•1ère alliance gagnante : aux élections de 1824 contre Andrew Jackson : 47% des voix (et 1erpartout où le vote est direct) contre 30% aux hamiltoniens de John Quincy Adams. Mais l’alliance se défait et, en 1828, Jackson l’emporte. Les hamiltoniens l’meportent seulement sur leurs bastions du Nord-Est, les 6 Etats de la Nouvelle Angleterre. •Alliances gagnantes: avec Franklin DelanoRoosevelt, John F Kennedy, Obama•Et demain, aux élections de novembre 2022? 

Une alliance difficile :

•Primaires:  gauche wilsonienne morale et sociale l’attaque violemment. l’accuse d’être lié à la finance. Alexandria Ocasio-Cortez dite AOC: dans un autre pays, ne serait pas dans le même parti. • Elizabeth Warren et Bernier Sanders le dénoncent  comme représentant de la finance mondiale au nom des pauvres et de la morale•Exigent l’accord sur le Green New Deal » de Elisabeth Warren et Alexandria Ocasio-Cortez •Charte de droits sociaux = garantie de l’emploi, contrôle des loyers, couverture santé universelle, enseignement supérieur gratuit… •Investissement dans les industries décarbonnées•Contrôle des groupes pétroliers et gaziers (nationalisation)•100% d’énergie renouvelable•Réforme agraire• -75% dans le budget de la défense• taxes bancaires écologiques

Le deal:

•BIDEN annonce sur son site web qu’il utiliserait la « trame » du Green New Deal. •Sur les questions morales-éthiques change. Ex: abandonne Hyde Amendment qu’il a soutenu fermement (catholique) jusqu’en…2019•Barack Obama, pour séduire les moralistes wilsoniens, le 14 avril, évoque la « foi en Dieu » de Biden, + sa moralité  « il n’a jamais oublié les valeurs ou la fibre morale que ses parents lui ont transmise ».•John Kerry, Jim Clyburn, (populaire afro-américain, Caroline du Sud)… Michael Bloomberg se retire… •Et Biden renoue avec la campagne politique de Kennedy à l’inverse de Hilary Clinton. Clef politique pour les années à venir.

Rappel par les cartes de la révolution Kennedy.

Fin de l’intro.

Partie I et II…..

 

Conférence: L’avenir des relations USA-Chine

Plan 


Introduction 


Histoire de l’humanité: lutte pour la survie depuis 7 millions d’années. Des glaciations aux Virus. Explosion des sciences et techniques et Mondialisation. Pourquoi Chine et USA 1ères puissances ( faute d’UE) et pourquoi conflit.
Caractéristiques. PIB/ balance commerciale. Course aux technologies.
Les acteurs.
La « Pensée Xi Jing Ping » et place dans courants PCC (de Zhuo De -> Deng, de Zeng Gutao à Lin Biao, position Mao, Wang Minh); sens de One Belt, One Road
Donald Trump, invariants et place dans courants US (Jacksoniens Jeffersoniens, Hamiltoniens et Wilsoniens). America First et conséquences sur RI, Banque centrale, gestion de crise…
Accord USA-Chine sur les jeux, désaccord sur les règles
Résultat du conflit avant le Covi-19. Accord 1 et 2?

Ière Partie. De la chute à la victoire de la Chine?


1.Phase 1. La chute : PIB, méfiance de la population, tensions au Secrétariat Général PCC
2. Phase 2: Gagnante et salvatrice? PIB, Balance commerciale, Attaque des marchés par santé et lutte pour hégémonie culturelle en Afrique, ASEAN, USA même.

IIème Partie. Etats-Unis affaiblis mais puissants face aux failles chinoises et au trompe l’oeil de la balance commerciale


1. Faiblesse et puissance des USA: Chute PIB, chômage, balance commerciale… mais 1ère puissance éco et militaire, New Technologie, Nasdaq… Délocalisations vers ASEAN et USA, offensive diplomatique en Afrique, maintien accord 1 et veut 2.
2. Les failles de la Chine : technologiques, trompe œil du PIB, menaces sur balance commerciale, faiblesse internationales (Afrique, monde musulman, Pakistan, ASEAN, réaction Japon et Inde), politiques (opinion, musulmans, racismes, nationalismes, divisions au sein du PCC, régions)

Conclusion. L’avenir: court, moyen et long terme.

Les 4 grands courants de l’histoire américaine et Donald Trump

Conf Bridgepoint. Nov 2020

Introduction

Ière Partie : La mise en place des 4 courants dans la révolution américaine : 1.1.   In God we trust. Le wilsonisme 1.2.Le courant washingtonien-jacksonien 1.3.Hamiltoniens 1. 4. Jeffersoniens. 2.1 Les jeux de Washington. 2.2.. L’élection de Jefferson. 2.3.. Disparition des fédéralistes et Andrew Jackson. La formation d’un tissu imaginaire qui façonne l’histoire.

2ème partie. Le traumatisme de la guerre de Sécession et ses conséquences. 1.1. Esclavage et crise des Jacksoniens.1.2.Naissance du parti républicain antiesclavagiste et traversé de courants. 1.3. Reconstruction et âge d’or. 1.4. Domination PR. 2.1. La rupture démocrate et Wilson. 2.2. Franklin Delano Roosevelt et America first.

3ème Partie. La redistribution des cartes. 1.1. la rupture Kennedy et la Great society 1.2.Un nouveau paysage politico-social. 2.1. La révolution Reagan .2.2.. Pourquoi la victoire de Trump prévisible mais pas forcément durable.

With friends like these

new-york-statue-liberte-face-bigWall Street Journal (Europe)
June 21, 2006

 With Friends Like These

By Yves Roucaute

The old Continent is wilting in the global war against terror, just as it did when faced off against fascism and then communism. When at today’s summit with U.S. President George W. Bush the European Union will once again take its ally to task over Guantanamo, it will expose its own, not America’s, most serious moral crisis of the post-Cold War era. A philosopher — a French one no less — can try to set the facts straight and offer some Cartesian good sense.

Faced with dark forces that want to destroy our civilization, we might recall that the U.S. is not only Europe’s ally but the flagship of all free nations. If America can sometimes make errors, the sort of anti-Americanism that drives the hysteria over Guantanamo is always in the wrong. Guantanamo, though, is not an error. It is a necessity.

Demagogues, and European parliamentarians are among the shrillest, claim that it’s inconceivable to keep prisoners locked up without trying them in courts of law. With this simple statement they annul — or, better, ignore — customary law and legal tradition as well as basic human-survival instincts. Whether they are legal or illegal fighters, those men in Guantanamo had weapons; they used them; and they will likely use them again if released before the end of the conflict. This is the meaning of their imprisonment: to prevent enemy combatants from returning to the battlefield, the only humane alternative to the summary execution of enemy prisoners practiced by less enlightened armies. Which French general would have released German prisoners in 1914, before the end of that great war, at the risk of seeing these soldiers mobilized again? Which American general would have organized the trial of 10 million German soldiers, captured during World War II, before Berlin’s unconditional surrender?

The release « without charges » of, so far, a third of Guantanamo prisoners doesn’t mean that those still imprisoned are innocent, as some claim. Similarly, the release of Waffen SS members « without charges » was no admission that they should have never been imprisoned in the first place — or that their comrades who were still locked up were victims of undue process. Only those Nazis who committed crimes against humanity or war crimes, and whose crimes could be proven in a court of law, were tried at Nuremberg.

The demagogues further complain about Guantanamo’s isolation and the secrecy around it. Isolation? When Hitler attacked Britain, was Winston Churchill wrong in sending captured German soldiers to isolated camps in Canada from which they would be released only five years later, after the end of the war? He forbade the exchange of information between the prisoners to make it impossible for them to direct networks of Nazi sympathizers and spies inside and outside the prison. This was a rather sensible measure and one that is also necessary to combat Islamist terrorists, who plan their attacks in loosely connected networks and have demonstrated their capacities to expand these networks in French and British prisons.

Secrecy? This is a common practice in warfare, designed to obtain information without letting the enemy know who has been caught or when. It lets us try to infiltrate and confuse terrorist groups. It saves thousands of lives without harming the prisoners.

As for the wild accusations of torture, the European Commission and Parliament would be well advised to investigate with caution. Terrorists have been trained to claim, in case of capture, that they’re being tortured to win sympathy from free societies. Abuses happen. Republics make mistakes. But they forever differentiate themselves from tyrannies in that violations of the rights of man tend to be punished. In abusing prisoners, a Western soldier breaks the law and undermines the moral foundations of his country. American military courts made no such mistake when meting out stiff penalties to the disgraced soldiers of Abu Ghraib.

But where is the evidence of torture in Guantanamo? The famous incriminating report of the U.N. Commission on Human Rights, whose members include communist China, Castro’s Cuba and Wahhabi Saudi Arabia among others, was based purely on the testimony of released Islamists. Not one member of the commission even visited the camp, under the pretext that they couldn’t question prisoners in private.

What about the docu-fiction « The Road to Guantanamo, » winner of the Silver Bear at the 2006 Berlin Film Festival, which told the story of the three « innocents » kept « for no reason » in Guantanamo? Consider the tale told in this film. Leaving the U.K., supposedly for a wedding in Karachi, three British lads of Pakistani descent somehow ended up 1,200 kilometers away in Kandahar, an al Qaeda command center in Afghanistan, allegedly in order to hand out « humanitarian aid. » Our unlucky strollers then arrived with Taliban reinforcements in Kabul before going for a walk with them to the Pakistani border, where they were arrested « by accident. » We are asked to believe, on top of this unbelievable story, their accusations of torture that mysteriously left no marks.

The three Guantanamo suicides earlier this month were treated as the much sought-after evidence that will bring about the closure of the camp. Did we have to release Nazi leaders after the suicide of Göring? Did we have to close German prisons after the suicides of Rudolf Hess or the Baader-Meinhof group? Should French prisons be closed because 115 prisoners took their lives in 2004 alone? Well, some of them actually should. Many French prisons and detention centers for asylum seekers are truly horrific. But they are of little concern to the anti-American demagogues.

Instead of joining Kant’s « Alliance of Republics, » which is the key to victory against Islamic terrorism, these politicians lead the EU into the traps set by the terrorists. While soldiers from free republics are fighting together as brothers for the freedom of Afghanistan, in Brussels and Strasbourg demagogues sow division and battle the « American enemy. » From Swiss parliamentarian Dick Marty, who reported on the « CIA flights » for the Council of Europe, to Martin Schulz, the president of the Socialist group at the European Parliament, the alliance among free countries is rejected and relations with the CIA described as « complicities. » Even though the accusers confess they have « no evidence at all, » they insist the « secret prisons » where terrorists are kept without trial are real. They embellish the story with more than 1,000 flights — « torture charter flights » — supposedly arranged by the CIA.

The real strength of republics must be measured by the courage to fight for them. On this side of the Atlantic, this strength, once again, is lacking.