First lady: Le nouveau jeu de Dames
Par
Yves Roucaute
(paru, Valeurs Actuelles, le 3 août 2017)
« Que diable allait-il faire dans cette galère ? » (Molière). Le Président devait-il sortir de ses cartons un statut de Première Dame pour l’inscrire dans la Constitution ? Un brin maladroit et un tantinet intempestif : chômage, terrorisme, migrations , 897 voitures brûlées le 14 juillet, régime des retraites, réforme territoriale, fiscalité, référendum d’entreprise étaient sans doute plus urgents.
La gauche militante a évidemment joué la moralité outragée et l’égalité bafouée. 220 000 signatures pour exiger l’abandon du « statut » et le refus d’un emploi familial élyséen. « À l’heure où l’Etat (…) souhaite moraliser la vie politique, se pose un problème de conscience nationale » tonitrua Thierry Paul Valette, initiateur de la pétition, écrivain potentiel, parfois peintre, organisateur du concerts de casseroles contre François Fillon, dirigeant d’Égalité nationale dont il est l’adhérent, qui avait naguère lancé un texte contre « l’importation de poupées robots sexuelles » (191 signatures).
Et le gouvernement a cédé. Adieu, le « statut de Première Dame » ! A la place ? « Une Charte de la transparence ». Plus qu’un recul, un signal de faiblesse.
Un statut de Première Dame serait-il d’ailleurs inutile ? Dénoncer la monarchie ? Ce statut n’y existe pas. La tyrannie ? Pas plus. Quand, le 9 novembre 1932, Nadedja, irritée par ses frasques, refuse de lever son verre avec son époux Staline pour célébrer l’anniversaire de la révolution, celui-ci crie : « Eh toi ! Bois un coup ! ». « Mon nom n’est pas, eh toi ! » répond Nadedja qui quitte la salle avant de se suicider. L’épouse de Mussolini, Rachele Guidi ? Celle d’Adolf Hitler, Eva Braun ? Des « eh, toi ! ». Et il en va ainsi dans tous les Etats autoritaires aujourd’hui encore.
Dolley Madison, en 1812, épouse du Président James Madison (1809-1817), fut la première à refuser d’être une « eh, toi ! ». Elle aida les orphelins et sauva au péril de sa vie des trésors nationaux dans la guerre contre les Britanniques. Depuis, les épouses de Président sont des « First Lady », non salariées, assistées d’un cabinet, hôtesses de la Maison Blanche, chargées d’un rôle social. Et quand la femme est Gouverneur, le mari est un « First Gentleman ».
Contre le « Eh, toi ! » : l’acceptation du couple présidentiel avec ses responsabilités, inégales mais réelles. Le bon sens républicain qui, de la Tchéquie au Brésil, n’a pas besoin d’être gravé dans la Constitution.