(publié Valeurs Actuelles)
La bonne nouvelle syndicale
Bonne nouvelle : la C.G.T. n’est plus la première organisation syndicale du pays. 24,8% des voix lors des élections professionnelles dans les entreprises privées, contre 26,3 pour la CFDT. Et le bloc réformiste, CFDT, CFTC, UNSA, 41,2%, devance CGT et FO. Qui s’en plaindra ? Ni les salariés, ni la France.
Certes, Montesquieu le notait déjà : aucune république ne peut vivre sans corps intermédiaires. Aujourd’hui, toutes ont besoin de syndicats pour négocier la défense des salariés et l’emploi. Hélas !, en France, la CGT a imposé une idéologie qui détourne les syndicats de leur rôle et les salariés des syndicats. Sur 14 millions, seuls 42,7% votent. La CFDT n’en représente pas même 10%, la CGT moins. La France a le taux de syndicalisation le plus faible d’Europe avec l’Estonie : 7,7% contre 25% au Royaume Uni, 37% en Italie, 52% en Norvège, 67% en Suède, 86% en Islande. En Allemagne, le syndicat unifié représente l’immense majorité des salariés. Il a 6,1 millions de membres contre 1,8 million pour les syndicats français.
Lors de la création de la Cgt, en 1895, rien n‘est joué pourtant. Bourses du travail et associations corporatives fondatrices se méfient des partis. Mais, après la révolution de 1917 en Russie, les communistes, emmenés par Benoit Frachon, scissionnent des réformistes. À la demande de Moscou, ils créent la CGT-U avec l’objectif d’une surenchère démagogique pour déstabiliser les démocraties « bourgeoises » et détruire le capitalisme. La grève ? Moyen privilégié de la lutte de classe, préparation de la grève générale insurrectionnelle. Leur retour dans la Cgt, en 1936 ? Simulacre voulu par Moscou qui refuse d’ailleurs l’entrée des communistes dans le gouvernement du Front populaire et pousse aux grèves. Finalement exclus de la Cgt pour leur soutien au pacte entre Hitler et Staline, ces révolutionnaires y reviennent en force après la seconde guerre mondiale et la dirige. Ils lancent les 5,5 millions d’adhérents contre le Plan Marshall américain de soutien économique. Et, après l’exclusion des communistes du gouvernement Blum, ils déclenchent grèves insurrectionnelles et violences extrêmes, jusqu’au déraillement d’un train à Agny, le 3 décembre 1947: 16 morts, 50 blessés. La scission de F.O. ne change rien : la haine de classe domine le paysage syndical pour un demi siècle.
Depuis la chute du mentor soviétique, l’imposture syndicale a du plomb dans l’aile. Aujourd’hui, au lieu de la fantasque « crise systémique du capitalisme », celle de la Cgt. Peut-être annonce du printemps pour le syndicalisme.