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Donald Trump n’est ni le président du repli, ni celui de l’isolationnisme : une incompréhension

Publie le 8 novembre 2024. Cliquer ici.

Donald Trump n’est ni le président du repli, ni celui de l’isolationnisme et voilà pourquoi les Européens ne comprennent rien au sens idéologique de sa victoire

Atlantico : Donald Trump vient d’être élu 47ème président des Etats-Unis d’Amérique comme vous l’aviez prévu par une analyse détaillée des préoccupations de la population américaine et des erreurs stratégiques de Kamala Harris, analyse que nous avons publiée sur notre site. Durant sa campagne électorale, pour répondre à ces préoccupations, Donald Trump a défendu une ligne « America first » qui révèle, selon certains, un isolationnisme américain. Quels enseignements peut-on en tirer ?

Yves Roucaute : Cette victoire de Donald Trump porte de nombreux enseignements mais le premier et le plus important est que ce n’est pas la victoire d’un courant isolationniste et qu’elle signale la défaite d’un courant idéologique qui va avoir des répercussions jusqu’à Paris. Car seules l’ignorance et l’idéologie en France et en Europe empêchent de saisir le sens de la victoire de ce courant et le sens de de la défaite de Kamala Harris qui annonce la crise du parti démocrate, préparant la déflagration qui va toucher l’Europe, par contre-coup, à retardement.

Notons d’abord qu’il est drôle de voir certaines élites décrier Donald Trump ou s’en réclamer alors qu’elles sont incapables d’appréhender ce qui s’est joué et se jouera. Certains interprètent cette victoire comme celle d’un mouvement isolationniste qui voudrait un État centralisé et fort replié sur lui-même, ne comprenant pas que ce que veut dire « America First » et sa déclinaison en « Faire l’Amérique Grande À nouveau », en anglais « Make America Great again », MAGA.

En vérité, le courant incarné par Donald Trump est protectionniste pas isolationniste. C’est une différence considérable. Loin de vouloir le repli américain, il veut mener une offensive pour accroître la puissance américaine et son influence dans le monde. Car ce n’est pas la mondialisation qu’il combat mais le mondialisme qui fait du développement des échanges le seul critère de jugement sans souci de la puissance nationale et de son identité. Donald Trump veut accélération du développement national et international des échanges, car il sait que c’est indispensable à la puissance américaine, mais il la veut au bénéfice des États-Unis.

Voilà pourquoi, il va reprendre sa politique de relocalisation des entreprises, d’expansion internationale et le bras de fer ferme avec certains alliés et les concurrents déloyaux, avec la Chine plus particulièrement qui affronte la puissance américaine, tisse un filet d’alliances peu amicales et dont les entreprises discrètement subventionnées viennent occuper des marchés jusqu’aux États-Unis. Tout pour la recherche de l’hégémonie, pour la puissance.

Pour la même raison, il est opposé à l’étatisme. Il juge que la bureaucratie pompe les richesses du pays et freine la croissance en prétendant l’encadrer. Voilà pourquoi, il prépare un audit épurateur de la bureaucratie, qui serait peut-être organisé par Elon Musk. Il veut la diminution des impôts, la suppression des réglementations punitives vertes, la réduction et le réajustement des formes de redistribution sociale pour une efficacité maximale au bénéfice des classes populaires qui travaillent légalement.

Il est indéniablement l’héritier du Président Andrew Jackson, dont il avait mis la photo dans son bureau de la Maison Blanche lors de sa première élection. « America first » était son credo. C’est ce Président protectionniste qui, au lieu d’un repli, avait lancé la conquête de l’Ouest, remporté la seconde guerre contre les Anglais, en 1812, puis qui fit, en 1830, les accords de libre-échange avec les Antilles anglaises. Et pour la même raison, assurer la puissance, il s’était opposé aux politiques d’impôts et à la puissance des banques qui financiarisaient la vie américaine, au point de mettre son veto à la poursuite de l’expérience d’une banque fédérale, créée en 1791 par le chef politique Alexander Hamilton dont l’héritage est précisément porté par Biden, Obama, Clinton.

Bref, je ne vais pas, sur le jacksonisme, vous faire une conférence qui serait lassante (rire), mais pour sentir la vision du monde de ce courant incarné par Donald Trump, notez l’influence d’Elon Musk auquel Donald Trump a rendu un vibrant hommage lors de son discours de victoire. Un signal clair que Donald Trump veut passer à l’offensive, non seulement en protégeant l’agriculture, les industries extractives et transformatrices, ce qui explique son succès dans l’Ohio, le Michigan et le Wisconsin, mais aussi en favorisant le développement des nouvelles technologies et de l’intelligence artificielle car il sait que c’est là que se trouve la clef de la croissance donc de la puissance. Une façon d’accroitre, avec la puissance, les emplois et le pouvoir d’achat des citoyens. D’une pierre, trois coups…

Qu’est-ce qui va changer sur la politique internationale ?

Cette victoire indique clairement que ce gouvernement va revoir toutes ses alliances, sanctionnant les uns, s’alliant avec les autres selon ses propres intérêts et les menaces qui pèsent sur les États-Unis. La protection des USA, via l’OTAN, va être réexaminée à l’aune de cette vision du monde, parfaitement cohérente contrairement à ce que prétendent des paresseux qui se sont proclamés experts en psychologie trumpiste car il est plus facile de prétendre détenir une boule de cristal que de saisir l’histoire et analyser les faits. Toutes les questions internationales, sauf celle d’Israël qui a son soutien total pour des raisons religieuses autant que géopolitiques, vont être pesées à cette aune. Il n’est d’ailleurs pas anodin que ce prétendu « fasciste »ait obtenu tant de voix dans l’électorat juif, et pas seulement à New York. Comme il est un tantinet ridicule de proclamer que Donald Trump s’opposerait au monde arabe parce qu’il serait islamophobe. C’est lui qui, contre la politique d’Obama, qui avait fait de l’Arabie Saoudite un allié privilégié, qu’il avait d’ailleurs rapproché d’Israël. Et il n’est pas anodin que son élection ait été immédiatement saluée par le roi du Maroc. De la Jordanie au Pakistan, sa politique est parfaitement lisible et prévisible : il veut encercler l’Iran et développer ses relations avec les pays musulmans avec cette idée qu’en permettant l’accroissement de la croissance de ces pays, en retour, par le jeu des échanges, il accroîtrait la puissance économique, culturelle et militaire US, un jeu gagnant pour tous. De même, il avait soutenu l’alliance économique du Japon et de l’Inde, la Free Road, face au concurrent chinois, et il continuera.

Et envers l’Europe, il va détricoter, peser les uns et les autres selon les seuls intérêts américains…. Rappelons que pour Donald Trump, l’Europe n’est pas une idée mais un rassemblement hétéroclite d’États et un marché où Royaume Uni, Pays Bas et Pologne sont des partenaires privilégiés. Un marché qui demande la paix parce que c’est l’intérêt de l’offensive économique et politique nord-américaine.

Regardez la question de l’Ukraine et de la Russie. L’objectif de Trump est de faire entrer la Russie dans le cadre des échanges pacifiés en Europe, ce qui est conforme au point de vue « America First ». Sinon, elle devient un pays ennemi des intérêts américains et il la traitera comme tel. Or, il croit en sa capacité de conduire Vladimir Poutine à son point de vue en pariant sur le désir russe de puissance économique, une sorte de « Russia first » qui est, en effet, l’idéologie réaliste du parti « Russie Unie » du Président russe. Que lui importe les droits de l’homme, même s’il est pour, théoriquement, ou le droit des nations, si celui-ci conduit à la guerre. Il ne fait pas de ces idées un critère stratégique. Il est donc tout à fait probable qu’il engage des négociations pour une sorte de deal : échange de territoires contre la paix et l’établissement d’échanges économiques.

Si en France ou dans l’Union européenne, il existait un personnel politique comprenant ce qui se joue, il ferait lui aussi du « France First » et du « Europe First ». Mais ce n’est pas le cas.

Vous évoquez une crise qui aurait un effet jusqu’en Europe, quelle en est la forme ?

Cette victoire de Donald Trump signale une défaite historique : celle des idéologies soutenues par les partisans de l’écologie punitive, du wokisme et des mouvements de contestation des valeurs américaines traditionnelles.

Or, il faut constater que si ces idéologies étaient très fortes dans le parti démocrate, l’opposition à ces idéologies était aussi réelle. Ce qui a créé une tension sans précédent entre deux grands courants. L’un, dominateur sur la côte Ouest, en particulier en Californie, favorable à l’ouverture des frontières, au wokisme, à l’écologie punitive et, dans la tradition utilitariste, très permissif au niveau pénal. L’autre, plutôt dominateur sur la côte Est, globalement plus pro-business et pro-finance, redistributeur, mondialiste au sens propre, étatiste, héritier de la grande tradition née avec Alexander Hamilton.

Ces tensions, la campagne de Kamala Harris a pu un temps les cacher en esquivant les débats qui auraient fait exploser le parti s’il avait fallu répondre très concrètement aux premières préoccupations de la population qui étaient et restent, dans l’ordre de leur importance : l’économie au sens large, avec l’inflation, le pouvoir d’achat, l’emploi, puis l’immigration et la sécurité. Les sondages en sortie des urnes ont encore unanimement confirmé cela. Pour éviter de développer la crise au sein de son parti, et aussi parce qu’elle-même est issue de ce courant wokiste californien, Kamala Harris a dû esquiver le bilan de Biden, évoquer un programme très vague et mettre en avant la diabolisation de Donald Trump et des questions 

dites « sociétales », comme celle de l’avortement et des LGBT. Mais, plus la campagne avançait, plus cette absence de réponses conduisait le parti démocrate à perdre des soutiens, comme le démontre sa baisse dans les sondages. Son échec ne peut plus cacher les oppositions internes, et il n’est plus possible de retarder l’heure de la crise interne, comme le montrent les réactions aujourd’hui et comme le laissait entendre déjà il y a une dizaine de jours l’attitude de Barack Obama opposé à sa stratégie d’évitement.

squiver, n’était-ce pas une nécessité ?

En effet, d’une certaine façon, Kamala Harris n’a pas eu le choix. Au vu du reflux des idéologies, pouvait-elle faire autrement ? Il n’est pas anodin que l’écologie ne soit pas même apparue dans cette campagne. Kamala Harris, qui était naguère partisane de l’écologie punitive, a acté ce reflux idéologique dans le pays, non seulement en écartant les mesures coercitives anti-industrielles voulues par les verts au nom d’une planète fantasmée mais en défendant l’exploitation des sous-sols, gaz et huile de schiste compris et en refusant de programmer administrativement la disparition des voitures thermiques, à l’inverse de ce que nos élites européennes ont accepté. Comment aurait-elle pu ignorer que l’illusion qu’à 15,5° C, la planète connaîtrait des températures jamais vues, et cela à cause de la croissance, a même été condamnée par le conseiller climat de Barack Obama ? Comment n’aurait-elle pas senti que dans l’imaginaire américain cette idée que l’humanité pourrait sauver ou condamner la planète était de moins en moins crédible ? Comment s’opposer au fait indéniable, comme je l’ai pour ma part scientifiquement démontré avant le conseiller d’Obama, dans L’Obscurantisme vert, que depuis 4,5 milliards d’années, hors glaciations, avec 15,5°C, nous vivons une période, appelée holocène, particulièrement clémente ? Ainsi, nombre d’Américains commencent à savoir que nos ancêtres nomades du paléolithique, durant la période précédente, connaissaient des températures supérieures de 4 à 9° à aujourd’hui, ou qu’au Moyen-Âge même, il faisait nettement plus chaud au point d’avoir des troupeaux qui broutaient l’herbe au Groenland. Et comment tenir ce cap de l’écologie punitive dans le parti alors que l’incohérence de ces écologistes est de plus en plus évidente. Par exemple, ils proclamaient aux États-Unis, il y a deux ans, que nous allions vers des sécheresses jamais vues avec des nappes phréatiques asséchées et les mêmes proclament aujourd’hui que nous irions vers des inondations jamais vues et des nappes phréatiques débordantes. Et j’en passe de ces confusions entretenues aux États-Unis par les amis du maire de san Francisco et du sénateur Sanders, pour combattre la démocratie libérale et le capitalisme, comme celle entre gaz à effet de serre et CO2, alors que c’est la vapeur d’eau qui est responsable de 75 à 90% des gaz à effet de serre selon les périodes, ce qui conduit paradoxalement nombre de prétendues énergies alternatives, comme l’exploitation de l’hydrogène, à produire plus de gaz à effet de serre qu’à en réduire.

Le reflux de cette idéologie est particulièrement sensible dans la jeunesse où la progression de Donald Trump qui a obtenu 43% des voix, est de 6 à 8%. Et dans des États clefs, comme la Pennsylvanie, ils sont même à égalité, tandis que dans le Wisconsin, Donald Trump l’a nettement emporté, avec 49,5% des suffrages de jeunes de 18 à 29 ans contre 45% pour Harris, et en Géorgie, 50,8% contre 45%. Y compris dans l’électorat resté démocrate, l’obscurantisme vert trouve de moins en moins preneur, d’où le silence d’Harris, car la nouvelle génération se passionne pour les nouvelles technologies, l’intelligence artificielle, les activités virtuelles et l’innovation et elle croit que c’est par la croissance que l’on règle les problèmes et non en freinant ou administrant l’imagination créatrice.

Il n’est pas anodin non plus que Kamala Harris ait déclaré qu’elle n’était finalement plus vraiment wokiste et qu’il fallait être fier de l’histoire américaine. Cela tout en donnant néanmoins des gages à cette pensée jusqu’à vouloir célébrer ce qu’elle pensait être sa victoire dans l’université Howard qui n’admet parmi ses étudiants que 1% de blancs. Un symbole disait-elle. Certes… Mais, il est clair que la destruction des valeurs qui sont au fondement de la puissance américaine, les discriminations au nom d’une culpabilité venue des ancêtres, et la police de la pensée qui découlent de ce wokisme, trouvent l’opposition grandissante de la population, des partisans de la liberté de l’innovation aux milieux les plus religieux, monde catholique et musulman compris. Et, pour faire court, les manifestations de ce que certains appellent improprement la « gauche » du parti démocrate contre Israël, qui sont, pour une bonne part, antisémites, ont définitivement sonné l’heure du reflux de cette idéologie jusque dans les grandes universités américaines où elle était diffusée sans grande opposition naguère. À nouveau d’ailleurs, on voit que la campagne d’Harris qui accusait Donald Trump de raciste, fasciste, antimusulman ou anti latinos est passée à côté. Elle voulait voir la paille dans l’œil du voisin, pour ignorer la poutre dans le sien.

Et c’est ainsi avec qu’on a pu écouter, amusé, certains militants-journalistes proclamer que « les » femmes, « les » noirs, « les » latinos, « les » habitants des villes étaient naturellement contre Donald Trump… alors que les sondages démontraient que cette généralisation était pour le moins aussi abusive que celle de leurs devanciers qui proclamaient que « les » ouvriers, « les » travailleurs, « le » peuple était du côté communiste… Le résultat fut sans appel : entre 2016 et 2024, d’après les données de la BBC, Donald Trump a gagné 2 points chez les femmes, 4 chez les blacks, 16 chez les hispaniques … La vraie position politique de Trump qui a déclaré sur l’avortement qu’il laisserait toujours les États décider et qu’il ne prendrait, en tant que Président, aucune décision, car l’État fédéral n’a pas à s’immiscer dans la vie privée n’a pas eu l’air de déplaire tant que cela dans un pays fondé sur la méfiance envers l’État central et les détenteurs du pouvoir d’État… Dans quelques États même, comme l’Arizona, lui aussi État en balance, ou, plus encore au Texas, État de plus de 30 millions d’habitants, excusez du peu, le vote des femmes est majoritairement républicain. Et que son épouse puisse défendre le droit à l’avortement sans qu’il n’ait jamais eu un mot contre sa position montre que les accusations de Kamala Harris sont passées à nouveau grandement à côté de leur cible.

Deux choses sont certaines, le reflux de l’idéologie a commencé et Règlements de comptes à OK Corral aussi…

Vous évoquiez une crise en Europe aussi…

Oui, nous allons nous même nécessairement vers une crise idéologique. En effet, nous pouvons constater que nous avons en France, et dans certains autres pays comme l’Espagne ou l’Allemagne, parmi les élites une prégnance de l’idéologie verte-wokiste battue aux États-Unis, avec cette curieuse propension, hélas ! pas nouvelle, à être en retard d’une guerre. Alors qu’elle est battue en brèche aux États-Unis, elle n’a jamais été aussi forte parmi les élites politiques et médiatiques européennes ainsi que dans les universités de lettres et de sciences humaines.

Cette domination explique d’ailleurs ces plateaux d’ « experts » qui reprenaient les arguments des plus contestables de Kamala Harris, jetant par-dessus bord le rôle indispensable des journalistes, celui d’être des enquêteurs ou des intercesseurs entre citoyens pour les éclairer, ce dont toute démocratie libérale a vitalement besoin.

Il fut donc drôle de voir des commentateurs ignorant tout de l’histoire américaine et de ses problèmes actuels, enfourcher le canasson démocrate. On les a vu s’escrimer à accuser les excès, certes réels, de Donald Trump, opposés à la douce Kamala Harris, considérant qu’il n’y aurait aucune haine ni aucune violence en traitant Trump de « fasciste », de « comploteur », de « misogyne », de « raciste », d’ « harceleur sexuel », d’ « ordure » même et j’en passe de ces doux mots.

Or, puisque l’idéologie des années 90, alimentée depuis les universités par cette french philosophy, est en pleine débandade aux États-Unis, je gage qu’elle le sera bientôt aussi ici, ce qui n’ira pas sans poser quelques problèmes intéressants à étudier, dont celui de la coupure entre les élites et la population qui semble, comme la population américaine, et pour des raisons qui ne sont pas si éloignées, comme le pouvoir d’achat, l’immigration ou l’insécurité, ne plus accepter les discours punitifs de culpabilisation au nom de la planète ou du passé…

Mais pour l’Europe et la France, cette victoire de Trump ne pourrait -elle pas être un électrochoc ?

Elle le sera, mais à retardement. Va-t-on comprendre ce qui se joue en France et en Europe ? Il y a en effet une possibilité de jouer grand et fort, mais je crains que nos élites ignorantes ne trouvent pas la voie demain matin…

Quelle serait cette voie ?

Elle serait de rompre avec ces idéologies des années 90, ces obscurantismes verts-rouges, et la bureaucratie qui s’en nourrit, comme viennent de le faire les États-Unis mais d’une autre manière qu’eux, en restant fidèle à nous-mêmes, fiers de notre histoire, forts de nos valeurs. Cela en attaquant résolument l’idéologie dominante qui enferme les énergies individuelles françaises et ouest-européennes dans une vision étatiste de la politique, en affaiblissant nos Washington qui, à coups de réglementations, de taxations, de contrôles interdisent que nous partions à l’offensive et freinent l’imagination créatrice.

Regardez la France. Elle perd peu à peu sa place dans le monde. Incapable de soutenir son agriculture et ses industries, elle rétrograde dans le domaine des nouvelles technologies, à la 12ème place seulement en matière de biotechnologies, engoncée dans une Europe de plus en plus administrative. Songez qu’au nom de la planète, malgré les mises en garde de centaines de physiciens contre les illusions développée par l’idéologie de l’écologie punitive, sont multipliés les contrôles, les obligations, les taxes, les interdictions, jusqu’à fragiliser nos industries automobiles et aéronautiques. On évoque l’intelligence artificielle qui est en train de bouleverser le monde, mais une bureaucratie obtue, appuyée sur une élite politique ignorante, a décidé, depuis le 1 août 2024, de limiter la recherche et de contrôler les fournisseurs, déployeurs, importateurs et distributeurs de système d’intelligence artificielle. Ce qui permet, il est vrai de multiplier les emplois de bureaucrates et d’assurer de belles carrières aux Bouvard et Pécuchet pour surveiller, interdire et sanctionner les récalcitrants tout en augmentant les impôts. La liste serait longue de ces carcans qui transforment la France de grande nation prônant la liberté en naine du jardin américain

Face à la formidable offensive américaine qui se profile, la seule solution pour éviter la dépendance, et sa compagne, la décadence, serait de se débarrasser de tout ce qui freine la liberté créatrice. Une offensive européenne, menée par la France de Marianne qui pourrait répondre à l’offensive de nos alliés américains, amis mais néanmoins concurrents. Mais qui osera s’opposer aux idéologues de Paris, Bruxelles et Berlin, pour défendre nos industries d’extraction et de transformation, protéger nos agricultures intensives, favoriser les relocalisations par des politiques fiscales, développer sans frein les nouvelles technologies, orienter les flux privés vers la recherche, rogner les ailes bureaucratiques pour limiter l’État à ses fonctions régaliennes, d’incitation aux entreprises et de soutien au plus malheureux, et pour donner de l’oxygène à la jeunesse créatrice…

Je ne suis qu’un philosophe mais la réponse est simple : elle est celle de la liberté, qui est aussi celle de la puissance. Elle seule permettrait de faire de la France quelque chose « de grand à nouveau » et de l’Europe des nations libres, enfin ! une vraie puissance avec une défense digne de ce nom et une libération de la créativité qui permettrait l’explosion des nouvelles technologies et de l’intelligence artificielle et qui pourrait asseoir une offensive internationale pour concurrencer États-Unis, Chine et Inde.

Mais à regarder ces tristes plateaux où l’on discute surtout à perte de vue sur le sexe des anges du parti démocrate américain et celui des diablotins du parti républicain, au lieu de parler des conditions urgentes pour se libérer des carcans actuels et se confronter avec le « America first », je crains que ce changement fondamental ne vienne pas de sitôt, faute de conscience de ce qui se joue, faute d’élites pour le bien jouer. On me dit, pour me rassurer, qu’ainsi va la France, toujours d’une idéologie en retard sur celle des États-Unis, avant de toucher le fond, pour rebondir plus haut un jour en balayant l’idéologie. Peut-être. « France, great again, and Free Europe First”?Il le faudrait. Mais je crains que ce rêve ne soit que le mien….

Présidentielle américaine 2024 : l’étrange cécité française

Publié le 3 novembre 2004. cliquer ici

Voici quelques réflexions (trop rapides) sur les élections présidentielles américaines…

Je commencerai en avouant que l’étrange cécité de plusieurs médias français ne cesse de m’amuser. Puisque les journalistes français ne votent pas aux Etats-Unis et puisqu’à ma connaissance ils n’y ont aucune influence, on aurait pu imaginer les voir tous chercher une analyse lucide de la situation américaine qui aurait permis d’informer notre pays sur les enjeux de la campagne US, y compris pour la France. Dans ce meilleur des mondes possibles le citoyen français aurait ainsi découvert les principales préoccupations rencontrées par le citoyen US auxquelles les 2 candidats apportent des réponses différentes et deux stratégie opposées : le pouvoir d’achat, l’inflation, l’emploi, souvent fondues dans la catégorie « économie » par les instituts de sondage, suivies par la sécurité et l’immigration, puis le wokisme, puis, inégalement selon les États, par l’avortement et, à présent, Israël. Tandis que les autres éléments n’ont qu’une importance secondaire comme la question de l’Ukraine par exemple, si importante à nos yeux d’Européens, ou celle du climat qui a perdu aux États-Unis de son importance, et nous verrons pourquoi. 

Hélas ! sur certains plateaux, la paresse veille, c’est-à-dire l’« expertise psychologique » et la reprise du canevas de campagne de Kamela Harris qui a l’avantage de ne demander aucune étude concrète… sinon celle de l’éditorial psychologisant du New York Times. Et ainsi fut consacrée l’incapacité d’expliquer pourquoi Kamela Harris est en difficulté, dépassée à présent nationalement et distancée dans la plupart des États-clefs, d’après l’ensemble des sondages, bien que rien ne soit définitivement joué depuis le retour de Barack Obama au premier plan de la scène politique. Et nul citoyen français ne peut donc saisir pourquoi cette baisse survient dans tel État plutôt que dans tel autre, par exemple plus dans l’Arizona ou la Géorgie que dans l’État de New York ou la Californie ou pourquoi l’intervention de Barack Obama pourrait être décisive dans le Michigan qui est sans doute, avec la Pennsylvanie, l’État où se jouera l’élection, et dans la mobilisation de l’électorat « black » dans une élection qui est plus encore « racée » que « genrée ».

Voilà donc une tentative d’analyse, sans parti pris, glacée, car je tiens pour assurer que la recherche de la vérité exige d’écarter toute prise de parti, par ailleurs ridicule quand on n’est pas citoyen américain. 

D’abord, un constat, celui de la double erreur stratégique de Kamela Harris que Barack Obama tente de corriger depuis une semaine. 

Face à Trump, elle a fait du “tout sauf Trump” son viatique ce qui avait l’avantage d’éviter de faire exploser les tensions entre les deux grands courants du parti démocrate. Et, quand elle a finalement dû répondre aux préoccupations des Américains sur le fond, elle a été contrainte de faire du “en même temps”, afin de maintenir la cohésion de son parti et de son électorat. Deux stratégies d’évitement dangereuses pour ce parti.

Ainsi, au lieu de s’attaquer au programme de Trump et de profiter des divisions réelles au sein du parti Républicain pris entre deux grands courants, l’essentiel de la campagne de Kamela Harris a consisté, depuis sa nomination jusqu’au retour de Barack Obama sur scène, à éviter les sujets qui fâchent dans l’électorat démocrate et à diaboliser son adversaire pour rassembler derrière elle ceux qui s’opposeraient à lui. 

Pour cette stratégie d’évitement, à l’inverse de Joe Biden qui avait tenté de défendre son bilan gouvernemental avant son désistement, Kamela Harris a dû prendre ses distances avec la présidence Biden. Et pour légitimer son « tout sauf Trump », elle a attaqué la personnalité du candidat républicain : ce serait un “fasciste”, un homme violent, vulgaire et misogyne, aux tendances racistes qui voudrait violer la constitution, qui aurait tenté un coup d’État, qui préparerait l’interdiction des médias et le contrôle des élections, j’en passe de ses accusations, jusqu’à justifier de le mettre en … prison. 

Notons, au passage, que nos experts français en psychologie américaine ont emboite ce pas sur les plateaux avec une naïveté confondante, jusqu’à vendre que Kamala Harris serait une douce agnelle et Donald Trump, un personnage odieux et crétin qui menace la démocratie.

À vrai dire, l’erreur de Kamela Harris ne fut pas ses violentes attaques ad hominem, car c’est là une constante de toute campagne américaine depuis qu’il y en a, et, à ce jeu, n’en déplaise à certains “experts » des plateaux médiatiques, force est de constater que démocrates et républicains sont égaux. Et on est d’ailleurs loin de la violence des campagnes lors de la première élection de Ronald Reagan ou de celles de George W. Bush… J’ajoute que dans un pays où la publicité comparative est permise et peut-être très agressive, attaquer personnellement ne choque que les Tartuffe qui sont légion dans chaque camp et qui prétendent toujours, autre grand classique, qu’eux veulent l’unité du pays en insultant l’autre camp…

L’erreur d Harris fut ailleurs : de privilégier cet angle au lieu d’en faire un accessoire de campagne. Car où sont ses réponses aux problèmes du pays et aux propositions de Donald Trump ? Quasi inexistantes et, lorsqu’elles existent elles sont confuses, car contraintes au “en même temps” en raison de la crainte de voir éclater son parti et de perdre son électorat. Une confusion qui ne pouvait durer dans le temps car sur une scène politique nul ne joue jamais seul, et Donald Trump s’est empressé de rentrer dans les failles de cette stratégie d’évitement.

Avant d’en venir à ces confusions, on s’étonnera peut-être que je dise qu’elle aurait dû « répondre » à Donald Trump. Cela est dû à une règle sociologique que voulut ignorer Kamela Harris (et les Gabriel Attal, Michel Barnier, Édouard Philippe… comme tous les prétendants à la présidence française devraient y réfléchir…) :  le sortant est toujours comptable de ce qu’il a fait tandis que l’opposant peut attaquer son bilan et vendre du “y’a qu’à” plus aisément. En quelque sorte, sur un échiquier, le postulant a les blancs et le sortant les noirs. Le premier tente d’enclencher un mouvement de soutien à ses propositions en rassemblant les mécontents à la politique gouvernementale, ce qui, si la stratégie est bien menée, le fait souvent passer en tête par un effet dit « bandwagon »: une façon d’accrocher derrière lui des wagons électoraux réunis par leur opposition à ce qui est… L’autre essaye de l’enrayer. 

L’erreur magistrale de Kamela Harris fut de jouer l’esquive, ce fameux « en même temps » sur toutes les questions en commençant par celle du bilan. Elle tenta le coup de dire qu’elle était « en même temps » l’héritière de Joe Biden, ce qu’elle privilégia lors de sa nomination pour obtenir le soutien de l’administration du parti, mais, dès qu’elle fut désignée, elle changea de train pour dire qu’elle n’était pas vraiment comptable de son bilan, que l’important était de battre Donald Trump et qu’elle pourrait mener une autre politique…sans toutefois dire précisément laquelle. Bref, elle était en même temps dans le train de Joe Biden et du courant qui le soutient dans le parti, mais elle était aussi dans un autre train. 

Ce premier « en même temps » est une grave erreur. Certes, cet héritage lui paraissait lourd en termes électoraux. Car tous les instituts de sondage indiquent que le bilan social, économique, migratoire, sécuritaire et international de Biden est jugé très sévèrement dans le pays. Si l’on en croit la moyenne des 20 plus importants instituts de sondages : 65% des Américains désapprouvent sa conduite du pays, 60% sa politique économique, 60% sa politique envers les emplois, 62,5% sa politique face à l’inflation, 62,6% face à l’immigration, 57% face à la criminalité, 65% face au conflit entre Israël, le Hamas et le Hezbollah… Il paraissait plus simple de jouer du « en même temps » pour rassurer cette partie de sa base électorale qui restait favorable à l’action de la présidence Biden tout en essayant d’aller ramasser les wagons d’électeurs mécontents en disant que le changement était aussi à l’horizon, sans dire lequel, et qu’en attendant il faut parer au plus presser : écarter la menace Donald Trump. 

Mais éviter ce bilan n’était guère tenable bien longtemps. Cet héritage est aussi le sien proclama Donald Trump qui a évidemment vu la faille.  Comment longtemps esquiver le bilan alors qu’elle a été et restait la vice-Présidente de Joe Biden ? Et plus le temps passait, moins elle parvenait à imposer sa stratégie d’évitement (« tout sauf Trump ») face aux problèmes réels du pays et à la violente campagne de Trump qui la mit au pied du mur la sommant de réagir à ses propositions « America first » qui prenaient à contrepied le bilan Biden. 

Et c’est alors qu’au début du mois d’octobre, acculée à devoir répondre concrètement, la stratégie d’évitement a produit ses effets négatifs en faisant croître la tension entre les deux grands courant de son parti et la déstabilisation de son électorat.

Peut-être, avant d’aller plus loin pour saisir les effets de déstabilisation, est-il temps ici (sans reprendre en détails mes conférences à ce propos), d’évoquer ces tensions du parti démocrate qu’ignorent les « experts en psychologie trumpiste ». 

La vie de ce parti est tendanciellement animée, depuis la guerre de sécession, par deux grands courants. Le premier suit, peu ou prou, une ligne hamiltonienne, du nom d’Alexander Hamilton, secrétaire d’État au Trésor de 1789 à 1795 et dirigeant du parti fédéraliste. C’est, disons pour aller vite, un courant pro-business plutôt ouvert sur le monde et, en politique domestique, très étatiste, notamment favorable aux politiques de redistribution de richesses par les impôts via l’administration de l’État et aux politiques de santé et d’éducation régulées depuis Washington. Il est particulièrement puissant sur la côte Est et incarné dernièrement par Clinton, Barack Obama et….Joe Biden. 

Le second s’inspire plutôt d’une ligne wilsonienne, du nom du Président Woodrow Wilson. Disons pour aller vite qu’il est aujourd’hui un courant moralisateur, pacifiste, pro-immigration, wokiste… notamment incarné par Bernie Sanders, sénateur du Vermont, Gavin Newson gouverneur de Californie, le mouvement LGBT… Un courant particulièrement puissant en Californie, dans l’État de Washington, en Oregon et dans les universités américaines. 

Or, c’est de ce courant qu’est issue Kamela Harris. Ex-procureure de San Francisco, elle avait été élue sénatrice de Californie en défendant le California Values Act qui transforme cet État en « sanctuaire » pour les migrants clandestins, interdisant leur expulsion, en favorisant les mesures LGBTQ+ jusque dans les écoles, en exigeant le salaire minimal, les taxes et les mesures répressives au nom de la planète… Ce que certains de nos fameux « experts » prompts aux simplifications paresseuses appellent parfois la « gauche » du parti, ignorant le poids religieux majeur dans ce courant « moraliste ».

Ne pas associer ces deux courants dans le parti démocrate, toute l’histoire américaine depuis la guerre de Sécession montre que c’est aller vers une défaite certaine. Ainsi, c’est bien par l’association de ces deux courants, sous l’égide de Joe Biden, élu hamiltonien typique du Delaware, ancien avocat des plus grandes entreprises comme Microsoft, que fut conclu le deal gagnant de 2020. 

Mais au lieu de reproduire cette alliance pour aller à l’affrontement avec un parti républicain emporté par le jacksonien Donald Trump et de profiter du fait que ce parti soit lui aussi traversé par d’énormes tensions et deux grands courants antagonistes, Kamela Harris a imposé contre l’administration très hamiltonienne du parti, que Tim Waltz soit son colistier. Cela alors qu’il est tout aussi wilsonien qu’elle et qu’il dirigea, dans le parti, le Parti démocrate-paysan-travailleur du Minnesota (Democratic-Farmer-Labor Party), ouvert à l’immigration, anti-armes, pro-LGBT, écologiste punitif pourfendeur de CO2…

Et, voilà pourquoi en octobre, quand il lui a fallu répondre aux attaques de Donald Trump, pour écarter les risques d’éclatement de son propre camp et arrêter la baisse sensible qui commençait dans l’électorat, elle a poussé au paroxysme sa stratégie d’évitement, ce fameux « en même temps ». 

Cela peut-il fonctionner ? Sans doute si l’échiquier n’avait qu’un seul joueur. Mais, loin d’être le crétin que nos « experts en psychologie trumpiste » imaginent », l’équipe du milliardaire Donal Trump a vu les failles du marché électoral démocrate et elle est entrée dedans exigeant des réponses. Et la stratégie d’esquive a montré son insigne faiblesse.

Quelques exemples. 

Dans le débat économique, premier souci de la population, sommée de dire ce qu’elle pense des industries, agricoles,  extractives et transformatrices, dans ce pays où le chômage a passé la barre des 4%, Kamela Harris a tenté de s’en sortir en usant du « en même temps ». Car, tout comme son courant, elle avait été favorable à une politique de contrôle des entreprises, de taxes et d’interdictions au nom de la planète et du bien social. Dans la course à l’investiture, il y a 4 ans, elle avait encore dénoncé l’extraction de l’huile et du gaz de schiste qui devait être arrêtée pour « sauver la planète » qui n’aurait jamais été aussi chaude à cause de l’humanité et en contrepartie, elle prétendait que les énergies alternatives seraient une solution. 

Mais, comment faire pour gagner l’élection quand les sondages montrent qu’au sein même du parti démocrate les résistances à cette écologie punitive sont de plus en plus fortes et que Kamela Harris est donnée perdante dans certains États industriels comme la Pennsylvanie, producteur historique de charbon, revitalisée par l’industrie du schiste et ses 75 000 forages après la crise du début des années 2000 ? Voilà donc Kamela Harris qui se rend en Pennsylvanie pour déclarer son soutien sans failles à l’extraction de l’huile et du gaz de schiste. Et, elle le dit aussi dans le Michigan, le charbon et les véhicules thermiques ne seraient plus un mal pour la planète mais un bien pour les États-Unis… Et finalement vive la croissance !

Néanmoins, pour conserver l’unité du parti et rassurer sa « gauche » wilsonienne déçue par ce retournement, “en même temps”, elle annonce l’augmentation du financement des énergies dites « alternatives » et un plan d’investissements dans la continuité de celui de Joe Biden. Et rappelle qu’elle veut l’intervention de l’État avec le contrôle des productions de gaz à effet de serre, confondus avec le CO2, et celui des prix des grandes entreprises de l’alimentation qui « exploitent » les consommateurs « pour augmenter leurs profits ». Ce qui, tout mis bout à bout, signifie un appel à l’intervention de l’administration de Washington dans la vie quotidienne, ce qui est détesté dans le sud, en particulier en Floride, en Géorgie ou dans les deux Caroline où Trump ne cesse d’augmenter son avance. 

Car, elle mécontente ses anciens partisans, sans convaincre les électeurs des États industriels. Ainsi, s’agissant de la dite « transition énergétique », les Américains constatent que ces planifications appellent des impôts. Or, ceux-ci sont de plus en plus décriés aux USA où le pouvoir d’achat est le premier souci. Face à leur coût en milliards, beaucoup d’Américains y voient de l’argent gaspillé, pris, via les impôts, dans leurs poches trop vides, une menace contre leurs emplois dans l’automobile, l’aéronautique, la chimie… et un affaiblissement de la puissance américaine face aux concurrents asiatiques. Ce mécontentement est accentué par le recul idéologique de cette croyance en la culpabilité humaine dans les variations climatiques, au point pour Sunpower et d’autres leaders industriels de la fameuse « transition écologique » d’avoir déposé leur bilan tandis que même le conseiller climat de Barack Obama, le physicien Steven Koonin, a publié un livre où il nie l’influence de l’homme sur le climat et critique les « manipulations » du GIEC et d’autres instituts. 

D’ailleurs, comment s’étonner si l’Ohio, naguère donné comme exemple des « swing states » est passé nettement républicain, avec 7% d’avance pour Donald Trump ? Ses principales activités ? L’automobile, les pièces détachées de l’automobile, le plastique, les industries chimiques… Du « en même temps », ils n’en veulent pas. Ils n’en veulent pas non plus dans l’Indiana, où Donald Trump à 16% d’avance, tandis que la Pennsylvanie est à présent données à Trump (selon la moyenne des instituts de sondage) avec + 0,8%. 

Et ce ne sont pas les “ploucs” et le monde rural qui votent Trump, comme on le dit dans les dîners en ville new yorkais et sur certains plateaux français, mais aussi les ouvriers et cadres de l’industrie. Ainsi, si la Géorgie, État hier encore en « balance », donne une avance confortable à Donald Trump, de 2,4% et le monde rural, moins de 8% de la population, n’y est pas pour grand-chose, mais les travailleurs des mines (cuivre, manganèse…), de l’acier, des machines-outils, de la chimie et des services, peu rassurés par le « en même temps » de Kamela Harris. Et en Pennsylvanie, où le score paraît désormais si serré, il n’est pas anodin que 53% des votants disent qu’ils préfèrent la politique économique voulue par Trump contre 43% pour Harris.

De même sommée de se déclarer sur l’immigration, Kamela Harris n’est guère plus rassurante. Alors que 2,4 millions d’entrées illégales ont eu lieu à la frontière avec le Mexique, ce qui pèse sur les salaires, les systèmes de soins et l’intégration aux valeurs américaines avec les conséquences sociales, elle est longtemps restée silencieuse évitant d’évoquer son programme et répondant par des pirouettes sur des questions de société, comme l’avortement. Pour répondre à l’inquiétude américaines, son programme annonce une « réforme complète » du système d’immigration, sans dire ce que serait cette réforme, mis, « en même temps », elle continue discrètement à soutenir la politique d’ouverture des frontières et à dire que le problème principal est d’intégrer les clandestins. Ce qui ravit certes ses électeurs du Nouveau Mexique et les démocrates wokistes de Californie mais ce qui ne convainc pas en Arizona, où 57% des électeurs sont très inquiets par l’immigration massive à leurs portes et où Donald Trump, qui était derrière Kamela Harris mi-août, le devance de 2,3% selon la moyenne des instituts de sondage.  Il n’est pas anodin qu’en Pennsylvanie, où tout pourrait se jouer, les électeurs, sur cette question préfèrent Donald Trump à 54% contre 42% pour Kamela Harris.

De même, sommée de dire ce que Kamela Harris pense du wokisme, pour rassurer un pays où le rejet de cette idéologie est devenu massif, jusqu’à même perdre son influence en Californie, elle prend officiellement ses distances, annonçant qu’elle ne lui était plus favorable. Mais, « en même temps », elle défend toutes les positions du mouvement LGBT ce qui s’oppose aux démocrates conservateurs.

 Car il faut être un « expert en lecture du New York Times » pour ignorer qu’une grande partie de l’électorat démocrate est conservateur, au sens français. Ainsi l’électorat catholique, qui vote majoritairement démocrate, est globalement opposé au wokisme et insatisfait de ce « en même temps ». Quant aux électorats de Virginie, très démocrate, et à celui du Wisconsin, qui avait voté Biden, ils sont même opposés à l’avortement sur lequel on reviendra.

Et quand Kamala Harris est sommée de dire ce qu’elle pense de la guerre d’Israël envers le Hamas, le Hezbollah et l’Iran, pour satisfaire les hamiltoniens, elle dit qu’elle est favorable à la poursuite de l’aide à Israël, mais, pour satisfaire le courant wilsonien pacifiste de son parti, elle dit, « en même temps », à l’université du Wisconsin qu’elle est d’accord avec un étudiant qui dénonce le « génocide » israélien à Gaza et qui veut l’arrêt des fournitures d’armes, ce dont la félicite le sénateur Sanders. Ce qui est applaudi à San Francisco et dans certaines universités mais pas dans le reste du pays. 

Et Donald Trump ? De son côté, à l’inverse de ce que disent certains « experts » paresseux, il est parfaitement cohérent, suivant une stratégie jacksonienne classique et visible du « America First », celle qu’ont toujours suivie ses devanciers depuis les Président Washington et Andrew Jackson.

Pour aller vite, aujourd’hui, au nom du patriotisme, cette vision donne le même protectionnisme, une politique de réindustrialisation et de relocalisation des entreprises, le contrôle strict des frontières et de l’immigration, avec expulsions et mur, et une politique d’interdits d’exportations de certaines technologies sensibles, de taxations des importations, jusqu’à 60% envers certains produits chinois, qui seraient, selon lui, l’effet d’une concurrence déloyale. Et un repositionnement global, sur la base de l’America first envers les concurrents-alliés européens, sans états d’âme.

Au niveau domestique, comme ses devanciers, il est favorable au libre marché, avec une diminution des dépenses de l’État, donc des impôts, et des interventions de la bureaucratie détestée par ce courant. Entre l’abandon de la « transition écologique », qu’il voit comme une ineptie et une source d’affaiblissement de la puissance matérielle des USA, et son refus du wokisme, qu’il voit comme un affaiblissement moral des USA, soutenant sans réserves les industries nucléaires et extractives, les industries de transformation et les nouvelles technologies, moteurs de la croissance donc de la puissance selon lui, il réduit tout à une seule question : quel est l’intérêt des USA ? 

Insistons sur le principe qu’il défend et qui rassure (un peu) l’autre puissant courant dans le parti, celui de ses opposants jeffersoniens puissants au Sénat, très soucieux de l’autonomie des États. Lui aussi admet que ce qu’un État peut faire, Washington doit le laisser faire et ce qu’un comté peut faire l’État doit le laisser faire. Principe de subsidiarité qui vaut pour tout, de droit des États de décider de leur aménagement jusqu’à leur politique en matière d’avortement.

Sur cette dernière question, les plateaux français semblent en ignorer la teneur américaine en reprenant l’argumentation de Kamela Harris sans même aller y voir de plus près. Celle-ci l’a en effet mise au centre, et c’est une des seules préoccupations sur laquelle depuis le début de sa campagne elle a formulé une position claire, et c’est même pour cela qu’elle l’a mise au centre pensant ainsi marquer des points. Mais si cette préoccupation est réelle, elle n’est pas la première des Américains, entre 13 et 16%, loin derrière l’économie, la sécurité et l’immigration. Et il est vrai qu’en prétendant que si Donald Trump était élu il ferait interdire l’avortement, elle a obtenu le soutien de nombreuses femmes. 

Mais le vote est beaucoup moins « genré » que racial, la population noire vote entre 75% à 90% pour Kamela Harris. Sans ce vote noir, l’élection de Trump ne ferait aucun doute comme l’a parfaitement vu Barack Obama qui tente de mobiliser cet électorat pour inverser la tendance. D’autre part, si ce calcul de Kamela Harris est efficace car dans la plupart des États majoritairement les femmes votent majoritairement pour elle, ce n’est pas partout le cas. Par exemple, au Texas, en Floride ou, dans une moindre mesure, en Arizona, les femmes votent majoritairement Trump.

On peut aussi constater que dans les faits, la position de Donald Trump n’est pas celle que Kamela Harri lui attribue et qui a été doctement propagée par les médias proches des démocrates, c’est-à-dire dire la grande majorité et souvent reprise en France. La position répétée de Donald Trump est de dire qu’un Président n’a pas à intervenir sur ce sujet car c’est là le droit des États. Et il laisse son épouse mener une campagne pour le droit à l’avortement dans tout le pays. Joue-t-il en son for intérieur double ou triple jeu ? Je n’en sais rien. N’étant pas un expert en boule de cristal psychologique trumpienne, je m’en tiens aux faits…

Clairement, cette vision d’America First de donald Trump ne fait pas les affaires des pays européens qui sont jugés à l’aune du seul intérêt US sans autre considération politique ou morale. Mais les louvoiements de Kamela Harris ne sont guère plus rassurants. Ils présentent le danger notable de nourrir en Europe, et en France plus particulièrement, le doute sur la politique étrangère américaine et l’idéologie wokiste qui sape le socle des valeurs sur lequel la république française s’est construite. 

Comme spectateur, je trouve le spectacle américain passionnant. En tant que citoyen français, vivant dans un pays en décadence, et dans une Europe sans boussole, voilà des faits guère réjouissants dont chacun devrait prendre la mesure, sous peine d’en payer les frais…

Les 4 grands courants de l’histoire américaine et Donald Trump

Conf Bridgepoint. Nov 2020

Introduction

Ière Partie : La mise en place des 4 courants dans la révolution américaine : 1.1.   In God we trust. Le wilsonisme 1.2.Le courant washingtonien-jacksonien 1.3.Hamiltoniens 1. 4. Jeffersoniens. 2.1 Les jeux de Washington. 2.2.. L’élection de Jefferson. 2.3.. Disparition des fédéralistes et Andrew Jackson. La formation d’un tissu imaginaire qui façonne l’histoire.

2ème partie. Le traumatisme de la guerre de Sécession et ses conséquences. 1.1. Esclavage et crise des Jacksoniens.1.2.Naissance du parti républicain antiesclavagiste et traversé de courants. 1.3. Reconstruction et âge d’or. 1.4. Domination PR. 2.1. La rupture démocrate et Wilson. 2.2. Franklin Delano Roosevelt et America first.

3ème Partie. La redistribution des cartes. 1.1. la rupture Kennedy et la Great society 1.2.Un nouveau paysage politico-social. 2.1. La révolution Reagan .2.2.. Pourquoi la victoire de Trump prévisible mais pas forcément durable.