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Le gaullisme est le vrai visage de la République

Contribution dans « le Monde » du 27 mai.

2603_58109804354_4619293_n-2Le gaullisme est le vrai visage de la République

par

Yves Roucaute

Philosophe, écrivain, professeur des universités, agrégé de science politique et de philosophie, auteur de « Eloge du mode de vie à la Française » et «Les origines chrétiennes de la démocratie libérale en Europe » (Contemporary Bookstore)

Nicolas Sarkozy peut-il appeler son parti « Les Républicains », et mérite-t-il ce nom lui-même ? Etrange débat. Si l’ancien président n’est pas républicain, qui peut l’être ? Et pourquoi l’Union républicaine de Gambetta, le Mouvement républicain populaire de Georges Bidault, le Parti républicain de Valéry Giscard d’Estaing, voire le François Mitterrand de 1965 « candidat des républicains », ne déclenchèrent-ils pas ces cris d’orfraie ? Las, au lieu d’une discussion rationnelle et apaisée, sophismes et procès en diabolisation produisent un bruit de crécelle.
Retour au sens des mots, donc, et au cas Nicolas Sarkozy.
Est républicain celui qui défend les valeurs de la Res publica. Il est plusieurs sortes de nations, donc plusieurs façons d’être républicain. En France, depuis Clovis, fut inventée la nation civique, fondée sur des valeurs universelles, contre la conception de la nation ethnique, fondée sur le sang. Par l’interdiction du mariage entre Francs s’engagea un processus de mixité ethnique et d’unification par l’éthique, qui aboutit avec les républiques successives. Ce qui autorisa la Convention, en 1792, à déclarer citoyens d’honneur Georges Washington, Anacharsis Cloots ou Thomas Paine, pour avoir « préparé les voies de la liberté ». Ce qui permet à tous ceux qui partagent les valeurs de ce sol qui les vit naître, et à tous ceux qui fuient la tyrannie, d’être des citoyens, sans considération d’origine.
L’assimilation des valeurs communes n’est donc pas un choix mais une obligation. Elle interdit le communautarisme. Elle condamne le nationalisme tout autant, en opposant à son ethnisme destructeur de l’unité française, le patriotisme d’une nation aux racines multiples.
Critiquer Nicolas Sarkozy ? Pourquoi pas. Défauts, maladresses, erreurs ? Certes. Mal entouré parfois, trahi même ? La politique est un art, non une science, disait Aristote, et le propre des humains est d’être faillibles dans un monde contingent. Reste l’essentiel. Nicolas Sarkozy est le rempart républicain contre le F.N. dont la nature nationaliste et socialiste apparaît chaque jour plus évidente. Surtout, par lui, pour la première fois dans l’histoire de France, un fils d’immigré put parvenir à la Présidence de la République. Fils de Hongrois devenu fils de France, fils de France devenu chef d’Etat, il incarne l’esprit républicain de la nation civique.
Reste ce nom « Les républicains ». Captation d’héritage ? Quel parti pourrait pourtant mieux défendre les valeurs universelles françaises d’origine judéo-chrétiennes et ce mode de vie poli par elles?
La gauche ne le peut. Nous devons aux Jacobins, à leur anticléricalisme, relativisme et nationalisme, cette impossibilité. Leur tentative de hold-up sur le mot « républicain » signale seulement un simulacre. Leur refus de poser la prééminence des droits de l’Homme, sans doute préparée par ce mois d’août 1789 qui crut utile de mêler droits de l’homme et du citoyen, suffit à les disqualifier, sinon les massacres de prêtres, d‘intellectuels, de femmes et d’enfants. Tout juste peuvent-ils être démocrates, sanctifiant le pouvoir (« cratos ») du peuple (« demos ») à travers le culte rousseauiste de la souveraineté populaire. Leur rencontre avec l’esprit révolutionnaire de la lutte des classes qui déclara bourgeoise toute pensée humaniste et patriotique, a clos la mascarade. En 1981 encore, le député André Laignel ne fut pas démenti d’avoir répliqué à un député de droite qui protestait contre une mesure politique au nom des droits de l’Homme: « il a juridiquement tort, car il est politiquement minoritaire ». Entre ces jacobins et les réformistes, véritables républicains, la tension dit la confusion.
Pour les gaullistes, chrétiens-démocrates, libéraux, radicaux, croyants ou non croyants, l’héritage des valeurs universelles va de soi. Ils savent les droits de l’Homme enfantés par la tradition judéo-chrétienne à partir de cette croyance en un Dieu, créateur d’humains libres et égaux. Et non par les Rousseau, Helvetius, Diderot, d’Holbach et autres Condillac qui étaient relativistes et n’y croyaient pas.
Par sa référence à la spiritualité judéo-chrétienne, Nicolas Sarkozy ne viole donc pas l’esprit républicain, il l’assume. Du partage du pain et du vin à la construction de cette nation civique cette spiritualité a certes dû suivre un long chemin avant d’imposer ses valeurs dans les consciences. Déjà au Moyen-Âge, au nom du droit de propriété du corps, l’esclavage qui existait partout ailleurs depuis le néolithique, est prohibé dans l’hexagone. Le respect des femmes, perceptible dans l’amour courtois, est imposé par l’Eglise. Et la solidarité aux nécessiteux par les impôts, origine de notre système social. La laïcité naît qui consiste à rendre à César ce qui appartient à César et à Dieu ce qui appartient à Dieu, et qui s’épanouira dans cette façon d’être ensemble où chacun vit sa foi, ou sans elle, dans les limites du respect de la dignité d’autrui. Et la fraternité elle-même apparut dans le triptyque républicain en 1848 grâce aux prêtres qui célébrèrent le Christ-fraternité et bénirent les arbres de la liberté.
Et ce nouveau parti n’a pas plus de difficultés à hériter de ce droit de résistance et d’intervention humanitaire, venu de saint Augustin. Quand les socialistes refusaient l’intervention pour sauver la république espagnole écrasée par Franco, Charles de Gaulle la demandait. Quand la chambre des députés, élue en 1936, vota les pleins pouvoirs à Pétain, il prit les armes. Quand la IVème République fut incapable de constituer une Cour garante des droits contre la majorité, Charles de Gaulle créa le Conseil constitutionnel..
Cette force morale est la vraie clef de la puissance des républiques, elle explique l’interdiction exigée par Nicolas Sarkozy de la burqa et du niqab.
Face aux corporatismes et à une concurrence internationale exacerbée, dont celle de nos alliés, face aux demandes d’intervenions multiples, pas toujours fondées en raison, Nicolas Sarkozy devra à présent prouver sa capacité à proposer une véritable stratégie de redressement républicain. Pour cela, comme le disait le général de Gaulle, il devra « viser haut et se tenir droit ». Et s’il ne le fait pas, qui le fera ?
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