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Le charme discret de Teresa

Qu’est-ce que l’Angleterre ?

 

par Yves Roucaute

 
Paru Valeurs actuelles. 15 mai 2017
 
« Qu’est-ce que l’Angleterre ? Une colonie française qui a mal tourné » disait Clémenceau. Hélas !, la perfide Albion n’en finit plus de se moquer de son colonisateur d’antan et de donner à la droite française des leçons de maintien. Dernier coup de Jarnac : le raz de marée conservateur aux élections locales du 4 mai. N’était-il pas moribond, éclaté entre pro et anti-Brexit, menacé par l’indépendance de l’Ecosse? Gain de 500 sièges, socialistes écrasés, nationalistes réduits à 1 siège. Et il emportera les législatives du 8 juin. Gagner des élections ingagnables ? De quoi donner des maux de tête aux Républicains français qui ont perdu une élection imperdable.
« Mieux vaut une tête bien faite, qu’une tête bien pleine » (Montaigne) leur rappelle, à sa façon, la subtile Teresa May. Héler l’électeur d’un tonitruant « Demandez mon programme ! » qui exige mille mesures et le sacrifice des électeurs au nom de l’intérêt supérieur de la nation? Catalogue de la Redoute, catalogue de la déroute : rien n’est distinct quand tout est indistinct, et plus facile de trouver des raisons de mécontentement. Se réjouir d’une TVA augmentée ou de travailler 39h payées 35 pour les fonctionnaires ? Si l’idée de nation votait, cela se saurait. ,
Notre Teresa a préféré séduire sa nation réelle, les individus qui la composent. Une vision, celle de puissance dans l’unité retrouvée après le Brexit. Et une poignée de mesures seulement, clivantes mais non impopulaires, face à un ennemi identifié. Il faut « un leader fort et stable », patriote, face à l’Union européenne « qui s’unit contre nous », aux séparatistes écossais, « qui affaiblissent les Ecossais eux-mêmes », au leader travailliste Jeremy Corbyn, et à l’extrême-droite, chantres du « chaos » économique et de la dislocation du Royaume. Pour le reste ? Du flou afin d’éviter la fuite du chaland. Jusqu’à refuser tout débat avec Jeremy Corbyn, marri de n’avoir pas son show pour une confrontation détaillée programme contre programme.
À la façon de Thatcher naguère, de Trump dans la région des Grands lacs, Teresa May est allée porter le fer chez ses adversaires. Du porte à porte en Ecosse, dans l’Aberdeenshire, fief des indépendantistes, là où plus de 60% avaient voté contre le Brexit. Des réunions au pied des usines, pour séduire classes populaires socialistes et nationalistes du Pays de Galles et d’Angleterre. Et partout, patriotisme, puissance et croissance pour les classes moyennes. De la grande stratégie politique qui dit l’espérance. Ce charme de Teresa May qui manque à la droite aujourd’hui.

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