Appel du 18 juin : la défaite du politiquement correct

Par

Yves Roucaute

Quand, ce 17 juin 1940, le général de Gaulle arrive à Londres, au 6 Seymour Grove, avec deux valises, 100 000 francs et son aide de camp, Geoffroy de Courcel, il sait que la guerre se gagne d’abord dans les têtes. Winston Churchill, qui le reçoit dans l’après midi, le sait tout autant. Dans quelques jours, le maréchal Pétain va capituler. Et la débâcle morale des élites françaises, gauche en tête, n’y est pas pour rien.

Dés 1936, la victoire du Front populaire, qui suit celle du centre gauche de 1932, a préparé la défaite. Les 149 députés socialistes, emmenés par Léon Blum, et les 159 radicaux sont « pacifistes ». Tels Jaurès, dans l’Armée nouvelle, ils refusent armée de métier et guerre, impérialiste par nature. Avec Pétain et Weygand, ils privilégient la défense pour arrêter les Allemands: un front continu de fortifications, depuis Dunkerque, Et la plupart voteront, en juillet 1940, les pleins pouvoirs à Pétain. Les 78 communistes ? Pacifistes, plus encore. En août 1939, avec le Pacte de non agression germano-soviétique, l’ennemi allemand devient même un allié : en juin 1940, comme en Norvège, Danemark et Belgique, ils demanderont l’autorisation de publier l’ « Humanité »  et Staline félicitera Hitler qui descend les champs Elysées. Les 224 députés de droite ne valent guère mieux.

Politiquement incorrect, depuis Vers l’armée de métier (1934), de Gaulle dénonce le consensus. Le nazisme nous attaquera et la France est faible, faute de stratégie adéquate. Contre la « défense passive », il faut une stratégie offensive, mobile, rapide, puissante et professionnelle. Héritier de Clausewitz à l’heure mécanique, il veut un « corps cuirassé » : régiment de chars, brigade d’infanterie motorisée, corps de reconnaissance, deux régiments d’artillerie. En février 1936, il propose l’intervention contre les troupes hitlériennes entrées dans la Ruhr. En octobre, il prévoit l’agression contre Autriche, Tchécoslovaquie et Pologne. Il demande à la gauche, qui refuse, un soutien militaire de la République espagnole contre un Franco, soutenu par Hitler et Mussolini. Contre les accords de Munich, il proteste: « nous livrons à l’ennemi nos alliés Tchèques. Peu à peu nous prenons l’habitude du recul et de l’humiliation… nous boirons le calice jusqu’à la lie ». il veut l’alliance avec la Russie contre l’Allemagne nazie.

En France, le général Murin dit le sentiment général des élites au Conseil national de Défense, « adieu, de Gaulle !, Là où je suis, vous n’avez plus votre place ! ». En Allemagne, il est suivi à la lettre. Dans le bunker de Hitler, on découvrira Vers l’Armée de métier annoté par Heinz Guderian, stratège de la doctrine allemande. Celle qui a permis, après la Belgique et les Pays Bas, en cinq jours, de franchir la Meuse et d’arriver dans les Ardenne.

« Ce que j’ai pu faire par la suite, c’est ce jour là que je l’ai résolu » (Mémoires de guerre) écrit de Gaulle, ce 15 mai 1940. Dans la débâcle. Certes, le 17 mai, il attaque avec succès la 1ère Panzer division, à Moncornet, et, le 6 juin, Reynaud l’appelle au gouvernement. Mais face à Pétain et Weygand, partisans de la capitulation, il sait la défaite inéluctable.

Ce 18 juin, il se rend donc à Oxford Circus, siège de la BBC, studio 4B. Sans regarder le texte, contre le politiquement correct, le « chef de tous les Français libres » allume dans l’esprit de la nation « la flamme de la Résistance française ». Bientôt le brasier spirituel, patriotique éclairé par les valeurs universelles, libérera la France. Là où se tient la commémoration, se découvre la mémoire d’une nation.

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