Vers une France ingouvernable?
par
Yves Roucaute
Paru dans Valeurs Actuelles
« Une Constitution, c’est un esprit, des institutions, une pratique » disait Charles de Gaulle, en 1964. Hélas, aujourd’hui l’esprit de la Vème République n’est plus, les institutions sont moribondes et les jeux politiciens annoncent une mal-gouvernance pathétique. Le France oublie-t-elle que gouverner, réformer, maintenir un cap, appelle une majorité parlementaire solide ? Qui pariera qu’elle sera au rendez-vous de 2017?
Pour la première fois, depuis la Libération, gauche et droite classiques, avec moins de 45% de l’électorat, pourraient n’être pas présentes au second tour des présidentielles. Victoire d’Emmanuel Macron ou de Marine Le Pen? De leur possible couronnement élyséen, fondé sur des alliances de circonstance où compte d’abord le rejet de l’autre, une majorité peut-elle sortir ensuite des élections législatives? Et sans majorité parlementaire, voilà cohabitation, manœuvres florentines, motions de censures. Voilà le retour au régime des partis qui mit naguère la France à terre.
Déjà l’adoption du quinquennat, sous la pression des partis, et l’effarant comportement de François Hollande avant abaissé la fonction de chef d’Etat. Avec les « primaires », terminée l’époque où le candidat aux présidentielles avançait seul devant la nation, fort de sa vision, de son programme, de son style. Les partis classiques prétendirent qu’il fallait le choisir via des débats par eux organisés, avec des électeurs qui se reconnaissent en eux et signent leur charte à eux.
Les socialistes ont sonné l’heure du régime des partis. Le Président sortant, François Hollande, a été contraint par son parti à ne pas se présenter. À sa place : Benoît Hamon, élu des alliances cyniques entre courants socialistes, candidat d’un « rassemblement » hétéroclite, déjà prêt aux combines avec pour gouverner faute de majorité possible.
On leur doit la traque de François Fillon après celle de Nicolas Sarkozy. Une vision cohérente du monde, une majorité parlementaire possible, des réformes? Il faut tuer le soldat Fillon. Alors que le général de Gaulle avait refusé dans la Constitution tout « pouvoir » judiciaire, préférant une simple « autorité », le P.S. a transformé le parquet en arme politique. Enquêtes à charge et mises en examen pour disqualifier, ruiner des carrières, sans sanctions proportionnelles pour les juges qui violent allègrement l’esprit de la Constitution. Le vrai tort de François Fillon : annoncer qu’une mise en examen suffirait pour qu’il se retire. Nul n’est contraint de fléchir face à un droit, cache sexe de la force. Quant à l’avenir l’histoire et le présent le démontrent : rien n’est jamais écrit. Une seule chose certaine : le régime des partis signe toujours la débâcle de notre nation.