Suite à la circulation de photos sur les réseaux sociaux et aux interprétations diverses données sur ma présence dans ce pays en 2011, je dois faire cette mise au point et, finalement, je préfère mettre moi-même quelques unes des photos d’alors.
Les faits: j’ai soutenu de bien des manières, soit par l’association dont j’étais le Président, « Institut de l’Europe Libre », soit directement, en Europe et à Kaboul, le Commandant Massoud durant ses combats pour la libération de son pays contre les Russes (battus en 1989) puis contre les islamistes. Après son ignoble assassinat par les Talibans, le 9 septembre 2011, chacun sait que deux jours plus tard, le 11 septembre, les islamistes commirent l’un des plus infects crimes de l’histoire de l’humanité aux Etats-Unis. Ces deux événements étaient évidemment liés. Il est difficile de dire l’immense peine que j’ai éprouvée en apprenant la mort d’Ahmed. Et, je dois l’avouer, à la peine immense s’est mêlée une envie inexorable de vengeance après le 11 septembre.
Ce même 11 septembre, GeorgesW. Bush décida, et franchement, j’attendais cela, décida d’engager « la guerre contre le terrorisme ».
Je savais l’intervention inéluctable, accord ou pas des Pakistanais et de quelques autres pays qui, finalement le donneront. Je me tins informé des événements heure par heure par mes amis américains et afghans des préparatifs de l’intervention autant que cela était possible.
Après une série de bombardement, début octobre, les premiers raids débutèrent le 19 octobre. La première grande offensive pour libérer le pays des Talibans, eut lieu le 3 novembre, avec la bataille décisive de Mazar e Charif, dans le nord du pays, qui opposa les amis de l’alliance du Nord, appuyés par l’aviation américaine, aux talibans. Le 9 novembre, Mazar e Charif est libérée. Le 14 novembre Kaboul est libéré à son tour par l’Alliance du Nord, les Talibans ayant même déserté la ville.
Bien que la guerre fasse rage encore dans l‘ensemble du pays, le 17 novembre, nos amis de l’Alliance du Nord nous demandent si nous accepterions d’aller fêter cette libération symbolique de Kaboul à Kaboul. Inutiles de dire qu’immédiatement, Alain Madelin et moi-même fûmes enthousiastes. Nous décidons d’y aller, sans demander l’autorisation des autorités françaises que nous contactons via le ministère des Affaires étrangères, et qui voudraient nous l’interdire, prétextant que nous devrions entrer clandestinement sans passeports en règle puisque le gouvernement « légitime » serait celui des Talibans. Entrer clandestinement? La belle affaire. Ce n’était pas la première fois que je le faisais. La seule question était de savoir comment nous rendre à Kaboul.
Le 21 novembre, je pars avec Alain Madelin et nous emmenons avec nous deux amis. Nous décidons d’aller jusqu’au Tadjikistan, à l’aéroport de Douchanbé. Sans visa de ce pays (les visas c’st pas notre truc dans ce voyage), nous parvenons, le 22 novembre, grâce à nos amis Tadjiks avec lesquels nous avions discuté de la tactique à adopter, à passer discrètement la douane. Nous sortons en catimini de l’aéroport et sommes amenés rapidement en jeep le 22 novembre jusque dans le camp militaire de l’Alliance du Nord, à la frontière avec l’Afghanistan.
Nous devons partir le lendemain dans un des quatre hélicoptères historiques de l’Alliance du Nord puisqu’il avait été saisi par les hommes de Massoud aux Russes. Un hélicoptère criblé de balles dont les tours laisseront passer le froid et le vent quand nous serons à plus de 3000 mètres d’altitude.
Mais il faut comprendre que la guerre fait rage encore dans tout le pays, en particulier le siège de Kundoz a commencé, et Kunduz est à quelques kilomètres de vols d’hélicoptère de notre base. Il faut alimenter en médicaments et en armes les combattants de Kunduz. A commencé aussi la grande bataille de Kandahar, qui se terminera seulement le 7 décembre.
Le 22 décembre, nous sommes coincés dans le camp et le froid intense. Le 23 décembre nous partons, avec, dans l’hélicoptère des soins et du soutien logistique. Passant au dessus de l’Hindou Kouch, la fabuleuse montagne dont les sommets montent jusqu’à 7700 mètres, notre hélicoptère manque de s’écraser. Nous sommes à plus de 3000 mètres, du bruit, soudain les pâles tournent difficilement, l’hélico plonge. Des secondes interminables, des secousses, des prières, mais nos deux merveilleux pilotes parviennent à redresser l’appareil. Les problèmes mécaniques sont tels que nous devons retourner au camp.
Le 23 décembre, nous repartons, cette fois nous passons. Nous nous arrêtons en chemin pour déposer du matériel aux combattants dans la vallée. D’où les armes dans l’appareil en effet visibles sur une photo. Puis nous repartons et arrivons à l’aéroport de Kaboul, dévasté, au milieu des carcasses d’avion. Une photo publiée ici est celle de notre arrivée.
Dés l’aéroport, l’émotion est grande avec les soldats. Kaboul libéré, nous y étions. Alain Madelin part vers la maison de la radio q où nous devions être hébergés et je reste avec les militaires pour fêter les retrouvailles. Je ne nie pas, puisque cela a été écrit, que quelques tirs de mitraillette n’aient pas été de la partie pour manifester cette allégresse de la libération.
Puis, je décide de partir avec un chauffeur, nous étions en effet armés. Au premier check point, ,nous voilà en difficulté parce que le chauffeur a oublié le mot de passe. Pour des raisons de sécurité, ils changeaient toutes les heures. Un soldats nerveux tourne sa mitraillette vers ma poitrine et je me mets à souhaiter que le chauffeur retrouve sa mémoire qui est chose instable et fragile disait déjà Descartes. Le mot est cette fois le bon, nous passons avec une embrassade des soldats du check post tout heureux de voir un Français venir de si loin pour fêter la libération.
Le reste ce sont des détails trop longs à raconter. Je vais visiter l’école des jeunes filles qui était devenu un dortoir de Talibans où ceux-ci faisaient des expériences chimiques comme j’ai pu le constater. Les jeunes filles étaient en effet interdites d’école par les islamistes. Je rencontre des dirigeants militaires et politiques avec lesquels nous buvons le thé et évoquons la mémoire d’Ahmed, le lion du Pandjchir. Je vais me recueillir sur la tombe de Massoud. Nous allons dans la vallée du Panshir. Ici et là, parfois, rarement néanmoins contrairement à ce qui a été dit, au cours de ces jours, quelques tirs évidemment mais dans la guerre comment s’en étonner? Mais nul ne peut oublier que si la guerre est parfois juste et nécessaire elle reste un mal néanmoins.