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Le naufrage et la question de l’immigration

Le naufrage et la question de l’immigration.

Mon entretien pour le site d’information « Atlantico »`.

Atlantico : A la question : « L’Union Européenne doit-elle débloquer des moyens supplémentaires pour accueillir les migrants fuyant des zones de conflit en Afrique et au Proche-Orient ? », près de 60% des Français se prononcent contre (voir ici). Comment expliquer ce décalage entre les bons sentiments véhiculés suite aux naufrages de cette semaine, et l’opinion réelle que l’on constate à travers ces résultats ?

Yves Roucaute : Les Français ont raison. Penser que ces résultats démontreraient une contradiction ou une confusion est erroné, car en réalité les deux sentiments s’inscrivent dans le même sens, le bon sens. J’y vois, d’abord, contrairement à ce qui est véhiculé partout et participe à un environnement pessimiste, la montée en puissance du sentiment d’humanité que j’ai décrit dans La Puissance d’humanité (Contemporary Boosktore). Que les autres humains soient nos frères en humanité est un sentiment qui prend actuellement une ampleur historique. La réaction à de drame démontre une sensibilité grandissante aux malheurs d’autrui.Rappelons-nous qu’à Rome, on faisait tuer des femmes et faisait se battre des gladiateurs au Colisée en dégustant des sucreries au miel, parfois en y emmenant des enfants. Aujourd’hui, qui accepterait de voir des hommes se faire massacrer par des lions ? Il y aurait un haut le cœur général. Nous sommes beaucoup plus attentifs à autrui. Regardons ce qui se passe actuellement en Indonésie ou au Népal : il y a deux siècles, les gens ne s’y seraient pas intéressés ! Ce n’est pas l’apanage des Français d’ailleurs, même si sa grande tradition chrétienne met la charité et la fraternité au cœur de sa vision du monde.
Mais les résultats de ce sondage montrent aussi que les citoyens refusent la démagogie qui consisterait à dire que puisqu’il y a des morts, il faut accueillir tous ces malheureux. C’est le bon sens encore. Ce n’est pas parce que nous souffrons du malheur d’autrui qu’il faut accepter une immigration non-contrôlée sur notre territoire. On pourrait considérer qu’il s’agit d’un calcul cynique selon lequel plusieurs millions d’immigrants auraient un impact sur l’économie et le confort de vie. Mais je le dis clairement : l’effondrement social et économique de notre propre population ne peut être moral. Et plus encore, si l’Europe accepte une foule d’immigrés clandestins, elle amputerait ainsi une partie de l’Afrique de ses capacités de croissance, car ce sont souvent les plus combattifs qui s’en vont et les plus diplômés. Cela revient à piller cette partie de l’Afrique de ses forces vives et, au lieu de contribuer à son essor, à l’enfoncer dans la misère. C’est donc immoral aussi pour l’Afrique qu’il faut aider par la diffusion du savoir et des techniques non par les mauvais calculs de la bonne conscience.

Atlantico :
En quoi le discours sur la perte de solidarité dans nos sociétés, qui peuvent intégrer une intention culpabilisante, cf dans un éditorial de Laurent Joffrin : « Allons-nous continuer à les regarder se noyer sans bouger » (Libération du mercredi 22 avril) a-t-il pu censurer une forme d’honnêteté intellectuelle ?

Yves Roucaute : Depuis le début des années 60, il y a eu une vraie volonté de la part d’une gauche intellectuelle de culpabiliser globalement la droite et ce qu’elle appelle « l’occident », le « capitalisme », le « libéralisme ». Un exemple d’actualité, c’est l’idée que l’esclavagisme serait de la responsabilité de l’Europe. Cette idée implique que l’on doit quelque chose à l’Afrique, elle justifie la haine contre l’Europe et l’exigence d’ouverture des frontières. Autre exemple, le colonialisme européen aurait amené l’appauvrissement et les conflits, et nous voilà coupables.
Dernier exemple utilisé pour refuser l’analyse de la montée du F.N., le fascisme et le nazisme seraient d’extrême-droite, donc la droite doit culpabiliser et la gauche pas du tout.
La culpabilisation est en réalité la grande stratégie de la gauche, celle qui cherche toujours à être dans la grande dénonciation. Cette stratégie est centrale car les mots construisent l’imaginaire qui est le socle à partir duquel les gens agissent.
Le grand prophète de cette stratégie fut Jean-Paul Sartre. notons qu’en Allemagne où il était à l’époque du nazisme, il n’a pas écrit une seule ligne à l’encontre des nazis, puis il n’a pas combattu aux côtés des résistants mais il a pu faire jouer sa pièce « Les Mouches », aux relents antisémites. Par la suite, il est devenu stalinien, puis maoïste. Voilà le modèle de la bonne conscience qui n’a cessé de culpabiliser les forces libres, en fermant les yeux sur les horreurs du XXème siècle.
Laurent Joffrin s’inscrit dans cette stratégie. C’est quelqu’un de parfaitement honnête, il ressent la souffrance d’autrui, et je préfère cela aux cyniques indifférents. Mais son voile idéologique l’aveugle. Comme le pensaient Aristote et Thomas d’Aquin une conscience libre doit s’appuyer sur le savoir et penser les conséquences de ses actes.
Est-ce que les républiques libres sont responsables de l’esclavage ? Voilà l’ignorance. La réponse est claire, c’est non ! Depuis le néolithique, toutes les populations du monde ont eu recours à l’esclavage, y compris les noirs mettant en esclavage des noirs, et ce qui est extraordinaire n’est pas que les Européens aient eu recours à l’esclavage mais qu’ils l’aient aboli. De même, les populations africaines connaissaient-elles la prospérité avant les Européens ? Bien sûr que non. C’était la guerre généralisée et la misère. Les Africains et les Asiatiques colonisaient et, ce qui est extraordinaire, c’est que les Européens aient finalement condamné cette immoralité. Le nazisme est-il né à droite ? Bien sûr que non. Mussolini et tous les dirigeants fascistes venaient du monde socialiste, comme Hitler et Doriot. Et ce qui est extraordinaire c’est que la droite de Churchill, de Gaulle et l’antisocialiste Roosevelt ait abattu le nazisme et non les ancêtres socialistes du député Serge Letchimy, qui exigea naguère de mettre sur le même plan toutes les civilisations, comme certains de ses ancêtres pacifistes ou collaborateurs trouvaient que la civilisation du IIIeme Reich valait finalement autant que celles qui défendent les droits de l’Homme. Et finalement, va-t-on vers moins de souffrance en ouvrant les portes de l’Europe ? La raison dit que non. On aura et l’appauvrissement de l’Europe et une misère plus grande en Afrique.

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