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Entretien sur « L’Homo Creator face à une Planète Impitoyable »

HARMONIE PERDUE, CETTE PENSÉE ARCHAÏCO-MAGIQUE

Yves Roucaute : « Les écologistes ont oublié 7 millions d’années de combats acharnés de l’humanité pour survivre face à une nature impitoyable« 

Publié le 7 juin 2020 sur Atlantico

Atlantico : Votre dernier livre, L’Homo creator face à une nature impitoyable, dont le sous-titre est « 7 millions d’années contre l’idolâtrie de la nature », se présente comme le livre de chevet du camp du progrès face à Greta Thunberg, Nicolas Hulot et à tous les écologistes qui idolâtrent la planète. Vous les accusez de déprimer l’humanité, en particulier la jeunesse et de pourchasser quiconque ne croit pas en une Gaïa-la-Terre bienveillante. Par cette histoire de 7 millions d’années et par vos enquêtes auprès des dernières populations nomades, vous montrez que l’humanité ne peut survivre dans la nature sans l’affronter. Vous affirmez le droit voire le devoir, de coloniser la planète, de la dominer et d’assujettir tout ce qui s’y trouve. Ne craignez-vous pas d’être très isolé alors que la mode est plutôt à célébrer les bienfaits de la nature et que les écologistes semblent avoir un poids de plus en plus important au niveau électoral ?

Yves Roucaute : Franchement, un virus venu de la prétendue sainte nature vient de tuer près de 400 000 personnes et en a meurtri plus d’un million, et il faudrait que je coasse avec Greta Thunberg « green, green la nature d’accord, la nature d’abord » ? Quand j’entends un écologiste aux ambitions présidentielles prétendre que le Covid-19 est une vengeance de Gaïa-la-Terre, devrais-je acquiescer ? Et faut-il, que je manifeste pour « sauver la planète » avec une jeunesse aliénée par une armada de démagogues qui vend de l’apocalypse en guise de barbe à papa ? J’ai préféré donner une arme fatale (rires) au camp du progrès face aux Ayatollahs de l’écologie qui vivent des angoisses de l’humanité.

Par ce livre, je veux exposer les faits, briser les idoles et libérer l’humanité, les femmes en premier car elles ne seront jamais libres tant que règnera l’esprit magico-religieux du culte de la nature. 

Il n’y a pas d’harmonie perdue avec la nature pour cause d’industrialisation, de croissance ou de mondialisation. Je raconte les 7 millions d’années de combats de l’humanité pour survivre face à une nature impitoyable quand elle ne connaissait ni industrie, ni commerce, ni technologies, ni science. Le combat fut si violent et si inégal qu’au paléolithique, il y a 3,3 millions d’années, il ne reste déjà plus rien de la lignée humaine, née 4 millions d’années auparavant, hormis une poignée de survivants. 100 000 seulement en 4 millions d’années. Les autres ? La sainte Planète qui ne pouvait être assujettie, les avait détruits. Puis, arrivent encore et encore des holocaustes. Les australopithèques ? Balayés par la planète. Auprès d’eux, des espèces humaines du genre Paranthropes et Homo. Des Paranthropes ? Les trois espèces sont détruites à leur tour. Et sur 22 espèces du genre Homo, une seule survit. La fameuse Gaïa-la-Terre bienveillante a éliminé les 21 autres de son menu du jour. Ils ont survécu mais à quel prix ! 500 000 humains seulement sont parvenus au néolithique, il y a 12 000 ans Un gain de 400 000 individus seulement en 3,3 millions d’années, de moins de 500 000 en 7 millions d’années ! Et l’espèce est si meurtrie que seuls 12% peuvent espérer, et dans quel état !, dépasser les 40 ans.

Nos marchands d’apocalypse vendent un équilibre naturel de la planète mais où cela ? Durant 7 millions d‘années, elle a offert sa bénédiction non à la vie humaine mais à sa destruction via des glaciations en nombre, 17 lors des seuls 2,6 derniers millions d’années, des réchauffements climatiques terribles que nos idolâtres ignorent puisqu’ils ne permettent pas de culpabiliser l’humanité, des éruptions volcaniques, des secousses sismiques, des tempêtes, des cyclones, des tornades, des tsunamis… Étaient-ce des punitions de Gaïa la terre contre l’industrialisation qui n’existait pas ? Faut-il comme Nicolas Hulot appeler punitions les virus et les bactéries létales, car coqueluche, tuberculose, lèpre, syphilis… qui n’ont pas attendu l’industrialisation pour décimer l’humanité depuis sa naissance ? Mais punitions de quoi ? De même, cancers, maladies génétiques, handicaps… attestés depuis le paléolithique seraient-ils dus à l’industrie nucléaire ou au manque d’éoliennes et non à la vie selon la nature insuffisamment dominée ? Et que dire des attaques animales dont quelques benêts pensent qu’elles sont dues aux humains qui ne respecteraient pas respecter la vie animale ? Croyez-vous que le léopard d’Amazonie aujourd’hui ou le tigre aux dents de sabre de 3,90 mètres de long d’hier vont ronronner auprès des nomades Guyaki d’Amazonie ou des australopithèques qui se montreraient courtois ? Qu’ils aillent donc en parler aux chevaux et aux bisons ! Et qu’ils regardent les coups de crocs sur les os de nos frères en humanité tués comme du gibier il y a plus d’un million d’années.

Le mode de vie dans une nature laissée à ses règles ? C’est le régime paléolithique, le vrai, le seul, celui de la destruction des humains. L’équilibre dans la nature ? Un conte à dormir debout pour enfants attardés. Les animaux eux-mêmes en riraient s’ils le pouvaient : les espèces animales ont disparu à 90% depuis 7 millions d’années, à 99,9% depuis 20 millions d’années. Coupables les humains qui n’existaient pas même encore ? Il est d’ailleurs toujours amusant de voir les idolâtres s’extasier devant des animaux qui démontrent une cruauté incessante et tenter de culpabiliser des humains qui sont en passe, par les biotechnologies, d’abolir la souffrance animale.

Oui, toute l’histoire de l’humanité a été celle de la lutte pour dominer la nature, domestiquer la planète, assujettir tout ce qui s’y trouve.

Et quand j’entends les clochettes de nos bonimenteurs « Green, Green, green, la nature d’accord, la nature d’abord », je vois aussi les charniers du passé. Idolâtrer la planète sans l’humaniser ? À chacun son camp, à chacun sa vertu. Ce livre appelle le camp du progrès à combattre ceux qui polluent la pensée au nom de la pollution et préfèrent la défaite de l’humanité à la planète défaite. Il préfère briser les idoles pour entonner : « L’humanité, d’accord, l’humanité d’abord ».

Que représente la figure de l’Homo creator ? N’y-a-t-il pas une proximité avec Nietzsche que vous critiquez pourtant ? 

Homo creator est ce qui définit l’humain et c’est la clef du combat d’aujourd’hui contre la pensée magico-religieuse. Je démontre que l’humanité n’a pu survivre et ne le peut qu’en allant à l’assaut de la nature par sa créativité. L’humanité ne dispose ni de crocs, ni de griffes, ni de fourrure, ni de vitesse ni de force remarquables… ni d’aucun habitat naturel, seule cette énergie créatrice fut la cause de sa survie. En Homo creator, nos ancêtres ont fabriqué des outils en arrachant à la planète les biens nécessaires, en brisant des rocs puis en taillant des pierres, en cassant des arbres pour fabriquer des perches et des poteaux, en tuant des animaux pour utiliser les peaux et les os pour faire les murs ou les sols, les habits et les armes pour chasser, pécher, se défendre. Même dans la cueillette et le charognage humains qui ne ressemblent pas à des activités animales, je démontre la créativité humaine. Ils ont créé des habitats fluctuants et changeants, ici en plein air, là dans des grottes, sur les eaux ou sur terre…ils ont détourné les cours d’eau et migré sur des milliers de kilomètres, tâtonnant, cherchant, échouant souvent… dessinant sur les parois des roches, créant des rituels partout où ils passaient, transformant chaque lieu de vie en l’un des mille plateaux de la créativité humaine.

L’humain ne se distingue pas en effet des autres vivants par l’« intelligence », son côté « sapiens » (qui signifie « intelligent ») comme on l’a cru au XVIIIème siècle, à la suite de Carl von Linné qui a inventé le terme « Homo sapiens » pour désigner la dernière lignée humaine dont nous sommes issus. A tort, lui et ses successeurs pensaient que les animaux étaient comme des machines, avec des sortes de ressorts morphologiques. Ils ne savaient pas que non seulement les animaux possèdent eux aussi de l’intelligence mais qu’ils sont même parfois plus rusés que les humains comme ces lions géants qui traquaient nos ancêtres, utilisant leur cerveau et un flair bien plus puissant que le leur. Mais, jamais les animaux n’ont construit des civilisations, ni même d’outils, au sens propre, comme je le démontre. Jamais, ils ne sont sortis de ce qui leur était donné par la nature, de ce qui était biologiquement déterminé. Comme le disait avec humour le général de Gaulle, « La chasse c’est comme la guerre, sauf qu’à la guerre les lapins ne tirent pas ». Lions, hyènes, crocodiles qui effraient tant les humains du paléolithique et les dernières populations nomades ne tirent pas. Ils ne le peuvent pas, faute de créativité. Ils utilisent seulement les atouts donnés par leur morphologie naturelle dont les effets sont parfois terrifiants.

Cette énergie créatrice n’est pas le propre de quelques humains supérieurs mais, je le démontre, elle est dans tous les humains. Car depuis 7 millions d’années comme aujourd’hui encore au sein des dernières populations nomades, contrairement à ce que dit Friedrich Nietzsche, la créativité ne connaît ni genre, ni âge, ni origine, ni couleurs de peau seulement les visages de ces artistes appelés « humains ». elle est la chose du monde la mieux partagée, quand bien même toute l’histoire de l’humanité a été, et reste, la lutte contre la pensée magico-religieuse pour parvenir à la reconnaissance de son universalité.

Vous évoquez le combat de la vraie écologie contre l’écologie archaïque, quelle serait la véritable écologie ? 

Le temps est venu de révéler que ce qui freina la créativité humaine au paléolithique fut la vision magico-religieuse qui idolâtrait les esprits de la nature jusqu’à justifier non seulement que soit arrêtée la domestication de la planète mais aussi, parfois, que soient organisés anthropophagies et sacrifices humains. C’est cette même vision qui est aujourd’hui transportée symboliquement par les écologistes archaïques de nos Cités qui invoquent um prétendu équilibre de la planète qui n’a jamais existé pour répandre mauvaise conscience, dégoût de soi-même et arrêt de la créativité.

Ils réinventent l’idolâtrie venue du paléolithique. Néanmoins, je note que les nomades avaient plus de bon sens. Dans leur monde animiste, ils n’imaginent pas une déesse « Gaïa-La-Planète » bienfaisante mais des esprits bienveillants et, surtout, malveillants. Dans chaque activité naturelle qui les menace, des inondations aux éruptions volcaniques, des maladies aux attaques animales, à ils croient voir l’action de ces esprits. Face aux menaces de famine ou de changement climatique, ils doivent donc agir pour survivre. Et, pour cela, ils jouent les esprits bons contre les esprits mauvais, en flattant les uns, en exorcisant les autres.

Mais, à cause de leur idolâtrie de la nature, ils culpabilisent, comme les écologistes archaïques voudraient que nous le fassions. Ils s’imaginent responsables des dérèglements incessants de la planète. L’inondation qui noie des villageois, la maladie virale qui tue ? La tribu s’en attribue la faute. Les humains imaginent même que chacune de leur action, pourtant nécessaire à leur survie comme la chasse, la cueillette ou la pèche, est la source d’un déséquilibre dont ils seraient coupables. Tuer, ce serait ôter un esprit de la forêt, celui du léopard par exemple. Arracher une branche du palmier pour construire la hutte ? Voilà encore un esprit blessé, celui du palmier. Et ils imaginent, comme nos adolescents qui manifestent, que leur mauvais comportement est la cause de tous les malheurs. Un pêcheur emporté par le fleuve Amazone ? Voilà la preuve du mauvais comportement de la tribu punie par l’esprit vengeur du fleuve qui est aussi l’esprit du terrible anaconda.

Pris dans la pensée magico-religieuse de l’équilibre dû à la planète, ils imaginent qu’il leur faut donc compenser leur action en rendant aux esprits de la nature l’équivalent de l’esprit pris par la chasse, la pêche, la cueillette, le charognage… Un troc quotidien. Prières, offrandes, danses, chants… et parfois sacrifices humains, puisque l’humain apparaît comme le principal trublion sur terre, son sacrifiece est lui aussi potentiellement « naturel ». Par peur des esprits de la planète, ils font des promesses, via leurs chamanes, celles de ne pas tuer tel esprit animal, de ne pas prendre tel végétal, d’en prendre moins, de rendre un équivalent en esprit de ce qui a été pris.

La décroissance, le refus du consumérisme et du productivisme, le refus de la libération de la créativité humaine ? Ils sont nés là, il y a 7 millions d’années, compagnons de l’animisme. La plus vielle forme de pensée, la plus archaïque, la plus liberticide.

À l’horizon, toujours le sacrifice humain. Symbolique, par le sacrifice du bien-être au nom du bien-être des esprits de la nature et le refus de la croissance au nom de l’équilibre des esprits. Mais ce sacrifice peut être réel aussi, comme le montrent certaines populations nomades, tels les Guayakis, qui vont jusqu’à tuer des fillettes « en trop », qui exigeraient, si elles survivaient, une chasse, une pêche ou une cueillette plus intensives pour les nourrir. Donc plus d’esprits pris à la nature, donc plus de déséquilbre et une vengeance des esprits de la planète en retour.

La nature d’abord, la nature d’accord ? L’écologie magico-religieuse des petits Maîtres de vérité d’aujourd’hui est conforme à la pensée magico-religieuse des chamanes d’hier. C’est toujours l’annonce du sacrifice humain et de la schizophrénie.

Il y a une différence qualitative avec l’écologie véritable. Dégagée du magico-religieux, celle-ci ne se prétend pas issue d’un « contrat » fantaisiste avec la planète idolâtrée qu’une Greta Grunberg, un Arne Næss ou un Michel Serres prétendent avoir trouvé je ne sais où, peut-être dans un abri sous roche connu d’eux seuls. Le seul contrat possible est celui qui lie l’humanité à sa liberté créatrice infinie et à ses droits. Ce qui est conforme au mot « éco-logie ». Car « éco » vient de « oikos » (οἶκος) qui signifie en grec « maison », et de « logos » qui signifie discours rationnel. Or, en grec, la « maison » ne renvoie pas à la « planète » ou à la « nature », n’en déplaise à ceux qui ont eu, avec sept millions d’années d’histoire, sinon avec la langue grecque, le plaisir de ne s’être jamais rencontrés. La « maison », « oikos » est une construction en dur produite par la créativité humaine. Il y a plusieurs millions d’années elle était déjà un artifice humain fait à partir de bois, de pierres, de peaux, d’os… arrachés à la planète. Son objectif ? Protéger l’humanité contre la nature, des changements climatiques aux attaques animales. Au centre de la maison, non pas des mottes de terre ni quelques tarentules, mais l’humain, en particulier la femme car, avec le chamane, et mieux que lui, comme je le démontre, elle a transporté depuis au moins trois millions d’années la spiritualité créatrice des tribus.

La vraie écologie défend la créativité pour l’humanisation de la planète. Elle la défend contre ceux qui, au sein de l’humanité même, détournent la créativité vers son contraire, la destruction par les pollutions et les substances néfastes à la vie, les guerres injustes et les tyrannies, les idolâtries et la démagogie.

Car elle sait que ce n’est pas par l’arrêt de la croissance et de la créativité que l’on parviendra à régler les questions posées à l’humanité mais, comme je l’ai aussi démontré dans Le Bel Avenir de l’Humanité contre Noah Yuval Harari, par toujours plus de croissance, de mondialisation et d’hybridation des savoirs. Nous souffrons de ce camp de l’ignorance qui, tout à sa détestation de l’humanité et des sciences, ne sait pas que sur le chemin ouvert il y a 7 millions d’années par la créativité humaine, l’énergie est inépuisable, que les nanotechnologies peuvent même transformer le CO2 en énergies propres utilisables, que les chemins de la créativité sont infinis. Nous ne souffrons pas de trop de développement mais de sous-développement, ni de trop d’assujettissement de la nature mais de pas assez. La vraie écologie est celle qui pose l’individu et sa nature d’Homo creator au centre, pour créer la seule planète qui vaille, la planète humanisée.

J’espère, qu’après avoir lu ce livre, comprenant que philosopher n’est pas « vivre volontairement sur la glace et les cimes » comme le disait Nietzsche mais gambader dans les mille vallées de la créativité humaine, chacun découvrant une œuvre aussi modeste soit-elle, fut-elle celle d’un bambin sur une feuille, s’écriera, admiratif, en ayant une pensée affectueuse pour l’enfance de l’humanité : « Voici l’Humain ! ». Ou, s’il parle latin, fort peut-être de son traducteur électronique : « Ecce Homo ! ».

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