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CORSE: ÉCOUTEZ LES POLYPHONIES

Pè a Corsica ?

Par Yves ROUCAUTE

(publié Valeurs Actuelles. 29 juin-5 juillet).
Trois députés nationalistes corses sur quatre aux législatives ? La polyphonie insulaire l’a emporté sur le « petit baratin partisan » (Winston Churchill) distillé depuis des lustres par les orchestres parisiens. Et il s’en fallut d’un rien, 13 voix au premier tour dans une circonscription de Corse du sud, pour un carton plein, quatre sur quatre. Dégager d’un revers de main pareille sanction des urnes, la confondre avec le « dégagisme » du continent? Mieux vaut saisir le sens de ce qui se joue.
Macromania continentale? Nulle en corse. Pas un élu de La République en Marche. L’abstention ? population est venue donner sa légitimité à ses trois hérauts : 49,3%, 54,5% et 55% de participation. Une seule circonscription y échappe : celle où les nationalistes n’étaient pas. Et quelle légitimité ! Jean-Félix Acquaviva, 63%, dont 69,7% à Corte, 75% à Calvi. Michel Castellani ? 60,81 %, dont 63,8% à Bastia. Paul-André Colombani ? 55%, éliminant les Rocca Serra qui régnaient depuis 1928. Que reste-t-il des 48,5% du vote Marine Le Pen aux présidentielles ? 4%. France insoumise ? Exit tout autant. Les Corses ont pris le chemin des listes Pè a Corsica, (Pour la Corse), relais du conseil exécutif de Corse
Bastia en 2014, collectivité territoriale en 2015, élections professionnelles, de parents d’élèves, assemblée de jeunes: les nationalistes emportent toutes les élections.
En jeu ? La nation corse. Son Esprit existe : les urnes l’ont rencontrée. Non pas une « région » et ses « régionalistes », mais une « nation » à l’histoire millénaire, avec mœurs, valeurs et langue, qui a donné au monde, en 1755, la première constitution démocratique. Qui refuse d’être réduite à une carte touristique ou à un terrain de jeux pour groupes criminels. La vote nationaliste ? Un vote « pour ». Pour les indépendantistes et les autonomistes qui ont rassuré par leur union et leur gestion. Mémoire, intérêt collectif et projet d’avenir, les citoyens applaudissent lutte contre la fracture territoriale, plans d’urbanisme, respect des territoires, développement équilibré, économie numérique, une fiscalité adaptée. Ils veulent cette « paix des braves » (de Gaulle) avec l’amnistie des prisonniers politiques, pour, par le pardon, prohiber la haine. Et un statut de résident pour favoriser l’arrivée de jeunes talents au lieu de transformer la plus belle île de Méditerranée en village de vacances.
Plus l’île se prend en main, plus elle est puissante. Et, la France aussi. Mais saura-t-elle écouter les paroles de la polyphonie corse ?

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