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Chrétiens de Corée du Nord, nous ne vous oublions pas !

Les chrétiens de Corée du Nord massacrés

(article dans Valeurs Actuelles du 25 février 2016)
Un appel à la mobilisation internationale des consciences pour les sauver et pour éliminer le gouvernement du dictateur communiste Kim Jong-un.
 

Nous ne vous oublions pas !

 
Par Yves Roucaute
 
Qui dira le régime de terreur subi par les chrétiens de Corée du Nord ? Certes, dans cinquante autres États, 2 406 églises ont été fermées ou brûlées, 150 millions de chrétiens ont subi des violences, des centaines de milliers fuient sur les routes, des dizaines de milliers sont morts. L’association Portes ouvertes, avec son “Index mondial de persécution des chrétiens”, le rappelle : aucune spiritualité n’endure autant de peine. Mais le pire des États antichrétiens dans le monde reste la Corée du Nord.
 
Pourtant, les dirigeants communistes de ce pays font rire, sourire, le coup du mépris. Tout juste prend-on ses menaces nucléaires au sérieux. Le secrétaire national du Parti communiste français, Pierre Laurent, y va même de son couplet : « La Corée du Nord est au communisme ce que le gros rouge qui tache est au bourgogne. » Avec lui, la gauche intellectuelle, toujours prompte à dénoncer la religion, prétendue cause des guerres, n’a pas de temps à perdre pour la bagatelle chrétienne.
 
Il est des circonstances où le silence dit la complicité avec le crime. Nous y sommes. Ah, le gros rouge nord-coréen qui tache ! Il tache mais ne tue pas ? Comme celui du socialiste athée Mussolini, du national-socialiste athée Hitler, du communiste athée Staline ?
Pour nos frères chrétiens de Corée du Nord, je veux dire ici la terreur, les camps de concentration, kyo-hwa-so, et, pires dans l’horreur, ces camps de travaux forcés, kwan-li-so, dont on ne revient jamais. En ce moment, plus de 300 000 personnes, selon l’Onu, dont une grande partie de chrétiens, sont dans les fers, torturés, mis en esclavage, exécutés.
 
Il y aurait seulement 1,2 % de chrétiens en Corée du Nord, pour 25 millions d’habitants, me dit-on. Étrange : de l’autre côté du 38e parallèle nord, qui sert de frontière, en Corée du Sud, ils sont 31 %. La magie du parallèle qui efface les chrétiens ?
Précisément. La Terreur rouge les efface. Tel est l’objectif de la dynastie communiste, créée par Kim Il-sung en 1948. Comment accepter cette spiritualité chrétienne qui dit l’amour au lieu de la haine de classe, qui interdit l’idolâtrie des chefs politiques et préfère la voix de la conscience à celle du parti ? Dans la capitale, Pyongyang, ex-“Jérusalem de l’Est”, il reste une seule église et un temple. Deux cents figurants y vont, une fois par semaine : l’eucharistie est néanmoins interdite, peut-être pour éviter toute envie. Des prêtres ? Pour quoi faire ? Seul culte autorisé : celui de Kim Jong- un. Il existe trois classes : centrale, indécise, hostile. “Hostile” ? Tous les chrétiens. Détenir une Bible ? Internement à vie ou peine de mort. Ainsi Mme Seo Keum-ok, arrêtée, torturée puis disparue, comme ses deux petits enfants et son mari. Car, dès qu’un membre a “avoué” le crime chrétien, la famille est internée selon la règle de “culpabilité par association”. Sans procès. Enfants, bébés, grands-parents chrétiens : tous au goulag, un goulag pour tous !
 
Même règle pour les étrangers, tels ces deux pasteurs condamnés aux travaux forcés : Kim Jong- wook, en mai 2014, et le Canadien Hyeon Soo-lim, en décembre 2015. Depuis 2014, rencontrer des chré- tiens étrangers est même passible de travaux forcés : le progrès socialiste. Voilà pourquoi ils sont des mil- liers à fuir, telle Yeonmi Park, qui raconte sa fuite vers la Chine, à 13 ans, avec sa mère, dans un livre au titre émouvant, » Je voulais juste vivre » (éd. Kero).
Juste vivre ? Combien de chrétiens emprisonnés à vie ? 70 000 ? Beaucoup plus en vérité, car se dire chrétien est l’assurance d’une mort rapide et douloureuse. Combien “disparaissent” ? 300 000, au moins, depuis trente ans. Partis en fumée ? Oui, pour cer- tains, ceux qui sont épuisés par le travail forcé, envoyés sur des tapis roulants, comme au terrible camp de Yodok, le camp numéro 15, direction le four.
Les croyants nord-coréens sont condamnés à mort par dizaines de milliers.
Les camps. Celui de Yodok : 50 000 détenus. Deux zones : celle du “contrôle total”, des “crimi- nels” jamais libérés, chrétiens en masse ; celle de la “zone révolutionnaire”, pour les autres. Dans 378 kilomètres carrés, clôturés de barbelés de 4 mètres de haut avec fil électrique, miradors et chiens de garde, nos frères vivent dans des cabanes de murs de boue séchée. Sols et toits en paille. Qua- rante personnes pour 50 mètres carrés, sur des planches de bois, sans chauffage, à — 20 degrés l’hi- ver, entre poux, puces et parasites, avec tuberculose, pneumonie, sans traitement médical, des vêtements sales, souvent récupérés sur les morts, une vasque pour 200 détenus. Travail sans jour de repos, pour l’extraction du gypse, la forge, l’exploitation fores- tière. Des rations de 100 à 200 grammes. Rats, vers, serpents, insectes améliorent l’ordinaire, ou bien les vols d’excréments à la porcherie, à condition que les gardes ne voient rien, sinon les détenus sont frappés, parfois à mort, et torturés, bras attachés dans le dos, membres liés, suspendus pendant plusieurs jours.
Les enfants ? À l’école du parti, ils apprennent la supériorité de l’athéisme sur la religion et la pensée Kim Jong-un. Puis, travaux forcés, avec transport des charges de bois ou de fumier, de 20 à 30 kilos, sur 3 à 4 kilomètres, une dizaine de fois par jour. Et les femmes violées par les gardes ? Avortement forcé et parfois exécution. À la commission d’enquête de l’Onu, une rescapée raconte sa joie de voir un jour une mère avec un nou- veau-né. Pas longtemps : un garde entre avec une bassine et ordonne de noyer le bébé. La mère refuse : battue jusqu’au sang, pleurant, mourante, invo- quant le pardon du Ciel, à la fin, elle noie son enfant.
 
Oui, je veux vous parler du centre de Kaech’on, kwan-li-so numéro 14, le long de la rivière Taedong. Ici, une seule catégorie de prisonniers : tous “poli- tiques”, condamnés à perpétuité. Des chrétiens en nombre, des bouddhistes, des confucéens, des adeptes du Cheondogyo. Sur 155 kilomètres carrés, 15 000 prisonniers. Travail forcé dans les mines et les fermes, de 5 h 30 à minuit. Les morts par sous-ali- mentation ou par tortures sont quotidiennes. On s’y bat pour la chair des rats, pas assez nombreux, pour arrêter la pellagre, avec la diarrhée et la démence.
 
Oui, je veux vous parler de Haengyong, kwan-li- so numéro 22, près de la frontière chinoise, où, sur 50 000 prisonniers politiques, 500 à 2 000 meurent chaque année. De Chongjin, le camp numéro 25, doté de vrais murs, d’un crématorium ; camp dont nous ne savons presque rien, car aucun des 3 000 détenus n’en est jamais sorti vivant.
 
Et j’ai honte de ne pouvoir nommer ceux qui sont enfermés, depuis six mois, dans des cachots sans aération où l’on ne peut se tenir ni debout ni allongés. De ne pouvoir raconter ceux qui titubent pieds nus sur les chemins de croix pour avoir lu la Bible ou Confucius, pour avoir suivi le bouddhisme ou le Cheondogyo. Et de ne pas savoir les noms de ces enfants, parfois de 6 ans, battus à mort pour quelques grains de maïs volés.
 
Hélas, que faire quand la France se tait, quand l’Europe se terre, quand la Chine recouvre l’horreur d’un silence glacé ? « Je me suis souvenue de toutes les personnes qui priaient pour moi. C’est devenu ma force », dit Hea Woo, qui survécut ainsi quand ses bourreaux lui donnaient trois jours à vivre. Avec ou sans croyance en un Dieu créateur, il est mille façons de prier. Dire, c’est ma façon à moi. Contre la pensée correcte, qui révèle les jean-foutre de la moralité. Pour murmurer à ces pauvres âmes meurtries qu’il y a dans leur nuit des humains qui pensent à eux, quiles aiment, qui allument pour eux des bougies moins fragiles que leur vie. ●
 
 Yves Roucaute, Philosophe, écrivain, professeur des universités, docteur d’Etat, agrégé de philosophie et de science politique.

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