Petits rappels à ceux qui croient que l’Eglise catholique se « rapprocherait » du Front National ».
ENTRETIEN:
ATLANTICO :
COMMENT EXPLIQUER QUE L’EGLISE, QUI A OCCUPÉ UNE POSITION CENTRALE DEPUIS PLUSIEURS MILLÉNAIRES EN EUROPE, SEMBLE SI MAL CONNUE DES MÉDIAS ET DE LA SOCIÉTÉ, NOTAMMENT, EN CE QUI CONCERNE L’ÉGLISE CATHOLIQUE, SUR SES POSITIONS AU COURS DE LA SECONDE GUERRE MONDIALE ?
YVES ROUCAUTE:
Sans doute faut-il d’abord rappeler fermement les faits, tel que je le fais dans « La Puissance d’Humanité » (éditions Contemporary Boosktore) sous peine de disserter à perte de vue face à ceux qui glosent sur la prétendue passivité des églises chrétiennes face au fascisme et au nazisme, voire sur leur collaboration avec les systèmes totalitaires. Être sur une position défensive ne me paraît pas une position juste. La malheureuse attitude qui consiste à laisser trop souvent sans réponse argumentée les pires accusations n’est pas sans effets pervers car elle n’affaiblit pas seulement le message chrétien, elle alimente aussi les idéologies qui soutiennent les systèmes totalitaires, ou les idolâtries qui ont permis et permettent encore les grandes dérives de la modernité.
Pour interpeler les contempteurs du christianisme, il me semble qu’il faut commencer par rappeler que les trois grandes figures unanimement acceptées de la lutte antifasciste sont les protestants Roosevelt et Churchill et le catholique de Gaulle. Tous chrétiens.
Si nul ne remet d’ailleurs sérieusement en doute le fait de la résistance du monde protestant, qui se concrétisa par l’action des Etats-Unis, du Royaume-Uni, de l’Australie, de la Nouvelle Zélande, du Canada anglais … qui sacrifièrent tant de leurs fils pour la liberté, le catholicisme continue lui à être en accusation.
Alors posons le problème ainsi : Alfred Einstein a-t-il tort qui a dit, s’agissant en particulier de l’Allemagne: « Dans la campagne entreprise par Hitler pour faire disparaître la vérité, seule l’Eglise catholique se tenait carrément en travers du chemin. Je ne m’étais jamais spécialement intéressé à l’Eglise auparavant, mais maintenant je ressens pour elle une grande affection et admiration, parce qu’elle seule a eu le courage et la persévérance de se poser en défenseur de la vérité intellectuelle et de la liberté morale. Je suis donc bien forcé d’avouer que, maintenant, c’est sans réserve que je fais l’éloge de ce qu’autrefois je dédaignais. » ? (« Time », 23 décembre 1940). Et le grand Rabbin de Rome, Elio toaff, erre-t-il quand il écrit « Les Juifs se souviendront toujours de ce que l’Eglise catholique a fait pour eux sur l’ordre du Pape au moment des persécutions raciales. De nombreux prêtres ont été emprisonnés et ont sacrifié leur vie pour aider les Juifs » ? (« Le Monde », 10 octobre 1958).
Les faits donc.
D’abord, le pape Pie XI.
Où est sa passivité ? Il condamna sans réserve la législation antisémite de Benito Mussolini et refusa de recevoir Hitler. Son Encyclique Mit brennender Sorge, écrite exceptionnellement en allemand, a été préparée par son conseiller, un certain cardinal Pacelli, qui deviendra le futur Pie XII, et qui fut le Pape le plus décrié par la gauche athée. Cette Encyclique est lue dans toute l’Allemagne, le dimanche des rameaux, le 23 mars 1937.
Que dit-elle aux catholiques allemands ? Elle condamne le nazisme, son culte de l’Etat, son racisme et son paganisme. Elle proteste contre le rejet de l’Ancien Testament, l’antisémitisme et le remplacement du christianisme par la « confusion panthéiste » de dieu et de l’univers, et les croyances des « anciens germains ». Hitler lui-même est visé et il est appelé « prophète du néant ». Ceux qui l’ « adorent » sont mis en garde. Elle se termine par ces mots sans appel : « C’est pour quiconque confesse le Christ, un devoir de dégager nettement sa responsabilité, de libérer sa conscience de toute coopération à une telle machination et à une telle corruption. »
Ce ne sont pas des mots creux mais l’expression d’un courage que chacun peut aller vérifier. Il engage, au cœur même de l’Allemagne nazie, une résistance catholique sans précédent. Tel, Erich Clausener, qui dirige l’action catholique à Berlin, assassiné en 1934 par les nazis. Tel l’évêque de Münster, Clemens August von Galen, le « lion de Munster », qui dénonce les meurtres dans les hôpitaux psychiatriques et l’euthanasie, si populaire que les nazis après avoir tenté de l’arrêter et de le mettre à mort, reculèrent, s’emparant de 42 prêtres qui l’entourent, et en envoyant 10 trouver la mort dans des camps. Tel, Bernard Lichtenberg qui appelle dans sa cathédrale de Berlin à prier pour les juifs après la nuit de cristal. Des exceptions ? La règle. Comment oublier les 1100 prêtres allemands emprisonnés, les 304 prêtres envoyés à Dachau, dés 1938 ? Comment oublié qu’il a tout fait pour que son successeur soit… le cardinal Pacelli.
Précisément, certains demi-habiles acceptent de donner quitus à Pie XI mais c’est pour mieux condamner le cardinal Pacelli, élu en 1939 et qui choisit le nom de Pie XII pour montrer la continuité en ces temps terrible.
Pie XI, donc.
Comment celui qui avait co-écrit l’Encyclique Mit brennender Sorge, élu à l’unanimité, notamment par des cardinaux venus des pays libres, aurait-il pu garder un silence complice face aux nationaux-socialistes, aux fascistes, à Pétain?
Il n’a pas appelé à la guerre m’a-t-on dit une fois, lors d’une conférence. Certes, entouré par les fascistes, menacé par Hitler, le Vatican n’a pas donné l’ordre à ses 110 Gardes suisses de tirer sur les 17 890 000 membres de la Wehrmacht ni aux 575 gardes palatins d’occire le million de membres de la Waffen SS… Mais il fit mieux. Non seulement dans son rôle spirituel, il fut le continuateur de Pie XI, mais il organisa une résistance inouïe aux forces du Mal radical.
Déjà, quand il n’était encore que le cardinal Pacelli, il avait dénoncé les « faux prophètes à l’orgueil de Lucifer » et les « idéologies « possédées par la superstition de la race et du sang ». Non pas une fois, mais systématiquement, au point que, vicaire en Allemagne, il avait accusé le nazisme dans 40 discours sur 44. Élu Pape, il ne put même plus utiliser son organe de presse, l’ « Osservatore romano », censuré par Mussolini. Mais, quand ses futurs calomniateurs applaudissent les accords de Munich, et, au nom de la paix, se taisent devant l’invasion de la Pologne, dans son message de Noël 1939, il se tient debout encore en pleine tempête. Il ne craint pas de dire « ces actes exécutés au mépris de la dignité, de la liberté, de la vie humaine crient vengeance devant Dieu. » Un an plus tard, il dénonce l’ « Ordre Nouveau ».
Il soutint un coup d’Etat de l’armée allemande contre Hitler, en 1940. Et il avertit les alliés des plans d’agression allemands. Il suffit de lire les procès verbaux des ambassades pour voir son soutien aux Britanniques, aux Etats-Unis et à la résistance. Hitler y est dénoncé comme « ennemi de la civilisation chrétienne ». Sir d’Arcy Osborne, chargé d’affaire britanniques, nota : « Jamais dans l’histoire un pape n’a été engagé d’une façon aussi délicate dans une conspiration tendant à renverser un tyran par le force. »
Certes, menaces directes, répression anticatholique, meurtres de prêtres, conduisirent à beaucoup de clandestinité. Informé, en 1942, du sort réservé aux juifs, la papauté organise le soutien. Il agit avec ferveur pour soutenir les juifs secrètement et individuellement, comme le démontre l’historien Andrea Tornielli. Combien de juifs de Slovaquie lui doivent la vie ? Des milliers. Comment ne pas entendre sa dénonciation publique du 31 octobre 1942 contre le « déluge envahissant du néo-paganisme » ? Et le fidèle Montini, futur Pape Paul VI, avec son aide, sera l’une des clefs du renversement de Mussolini.
Il appelle l’Église à intervenir auprès des autorités, conformément à cette déclaration du 2 juin 1943 : « Et ne vous attendez pas à ce que nous exposions ici en détail tout ce que nous avons tenté ou réussi à accomplir pour adoucir leurs souffrances, améliorer leur situation morale et juridique, protéger leurs droits religieux imprescriptibles, subvenir à leurs besoins et nécessités. » Hitler n’était pas dupe : il tente, un mois plus tard, de l’assassiner.
Et ils sont assassinés, en 1943, ces résistants catholiques de la « Rose blanche » qui le suivent. Ceux qui bâtissent des radios chrétiennes clandestines, comme Walter Klingenbeck. Ceux qui organisent la conjuration du 20 juillet 1944 comme le père Alfred Delp ou ceux qui suivent le père Eckert. Et ces milliers de catholiques qui, au risque de leur vie, recevant le message christique de Pie XII, cachent les enfants juifs chez eux ne tremblent pas devant cette obligation de la morale universelle d’origjne judéo-chrétienne.
Aussi me faut-il l’affirmer, quand bien même je crus longtemps le contraire : Pie XII ne fut pas le déshonneur du christianisme mais son honneur, il ne fut pas une ombre ajoutée aux ténèbres mais une lumière qui pénétra les cœurs égarés et persécutés pour maintenir ouverte la voie de l’espérance. Il fut le passeur qui transmit intact, sans faiblesse et sans tâches, un message deux fois millénaire qui reliait le présent de la puissance d’amour au passé du sacrifice christique. Et qui, repris par ses successeurs, dans cette grande convergence oeucuménique des spiritualités du Livre, permit à la puissance d’humanité de l’emporter.
Tels sont les faits.
ATLANTICO :
L’EGLISE EST VICTIME DE PROFONDES MÉCONNAISSANCES QUI IMPLIQUENT TRÈS SOUVENT DES RÉDUCTIONS ET ACCUSATIONS FAUSSÉS. POURQUOI EN VIENT-ON À LUI FAIRE DES REPROCHES QUI SOUVENT NE SONT PAS JUSTIFIÉS ?
YVES ROUCAUTE:
Dés la libération, avec la guerre froide, il convenait de dissimuler une réalité historique et culturelle : si le catholicisme n’avait pas à rougir de son histoire face aux forces obscures, ce n’était pas le cas de la gauche révolutionnaire qui avait les mêmes racines culturelles que la droite païenne. Car nazisme et fascisme, comme d’ailleurs le communisme, sont tous des idéologies athées et antichrétiennes, nées à l’extrême-gauche. Et c’est dans le même terreau que le droite révolutionnaire païenne, fasciste et nazie, avait plongé ses racines : à l’extrême-gauche.
D’où un double mouvement.
D’abord, un discrédit porté envers les forces qui avaient été la clef de voûte de la lutte anti fasciste et qui devenaient la clef de voûte de la lutte anti communiste. Un phénomène qui n’était pas nouveau, car ces forces chrétiennes détestées depuis l’origine par les mouvements révolutionnaires nés au XIXème siècle.
Ensuite, une guerre idéologique intense pour transformer les mouvements fascistes en mouvements d’ »extrême-droite » afin de les relier à la droite dans l’imaginaire collectif et cela alors que l’extrême-droite n’avait rien à voir avec le racisme puisque, en France par exemple, c’était non pas un mouvement populiste mais un mouvement élitiste lié à certains groupements monarchistes.
Ce double mouvement échoua dans les pays nordiques et anglo-saxons mais il réussit dans l’Europe du sud, en particulier en France.
Premier mouvement donc : le discrédit du Pape.
Une urgence. Staline va lancer cette opération idéologique d’envergure en 1945 pour le discréditer. Il ferme même les représentations du Vatican dans les pays soviétisés. Il avait vu le danger d’une spiritualité incompatible avec le totalitarisme. Un adversaire qui, d’ailleurs, finira par abattre le système avec l’aide, une nouvelle fois, de la puissance américaine. Le Pape décidait une opposition inflexible au totalitarisme communiste quand une certaine intelligentzia de gauche se donnait pour chef de file un militant athée, Jean-Paul Sartre qui, en Allemagne en 1933 et 1934, n’eut pas un mot pour dénoncer le nazisme, l’incendie du Reichstag, les autodafés, le parti unique, les campagnes antisémites… pas plus qu’il n’en eut plus tard… préférant faire jouer sa pièce « Les mouches », que les autorités d’occupation interprétèrent comme un acte antisémite.
Dans Divini redemptoris, ce Pape avait déjà dénoncé l’ignominie, née de la mauvaise répartition des richesses et de la montée de l’athéisme, tout comme le feront ses successeurs, au lieu de considérer avec Jean-Paul Sartre que le grand bonheur est d’être stalinien, que « tout anticommuniste est un chien », que Staline, Fidel Castro, les Khmers rouges, la révolution culturelle chinoise, la bande à Baader et quelques autres mériteraient l’admiration.
Pie XII osa, lui, rester fidèle à ses valeurs universelles et à la liberté. Il dénonça le totalitarisme communiste quand tant d’intellectuels de gauche, « progressistes » du Goulag, en chantaient les louanges. Avec lui, toute les églises chrétiennes. Au prix de leur liberté, de leur vie : la répression anticléricale ferme des églises, pourchasse les fidèles, remplit les camps, le cardinal Mindzsenty est arrêté, le primat de Yougoslavie torturé, les enfants du goulag tombent à la pelle. Plus de 100 millions de morts dans le monde. Chanter l’Internationale et la haine de classe au lieu de soutenir les victimes du Goulag et du Laogai où étaient enfermés les « neuf catégories de nuisibles » aurait-il été chrétien ? L’antisémitisme réel était vivace, à l’inverse, encore, et toujours, dans cette gauche révolutionnaire qui criait au loup. En particulier chez les staliniens russes qui, dés 1930, avaient éliminé les dirigeants juifs du Birobidjan puis de toutes les organisations juives. Communistes et leurs compagnons de route se taisent quand les juifs sont torturés à chaque « complot », quand sont assassinés les membres du « Comité juif antifaciste » et les 13 poètes juifs les plus populaires, en août 1952, avant ce « complot des prétendus médecins-empoisonneurs juifs.
Contre eux, l’Elise restait fidèle à sa volonté d’une paix en Europe fondée sur les valeurs universelles. Comment ne pas voir son esprit quand les catholiques Robert Schuman, Konradf Adenauer et Alcide de Gasperi lancèrent la grande réconciliation de l’Union européenne ? Comment, quatre ans après sa disparition, ne pas voir sa marque et celle de son successeur, à Reims, en 1962, dans cette Champagne qui vit tant d’humains sacrifiés pour nourrir ces effroyables Léviathan, dans cette cathédrale des Sacres où Clovis fut baptisé et 25 rois sacrés ?L’Église catholique organisait la rencontre du général de Gaulle et de Konrad Adenauer, de la nation française et de la nation allemande comme pour clore cette période qui avait commencé par l’horreur de 14-18. Un office présidé par Mgr Marty: » La cathédrale (…)vous accueille avec le sourire de son ange. L’ange du sourire, par une délicate attention de la Providence, a bravé toutes les destructions et est resté le signe d’une espérance joyeuse et tenace « .
Un fil de vie qui reliait la dénonciation de la modernité proclamée par Pie X à la défaite du soviétisme propulsée par Jean-Paul II. Et Pie XII se tient au milieu. L’optimisme de la volonté, la joie de l’intelligence.
La seconde raison de cette violence christianophobe de la gauche révolutionnaire tient à la volonté de faire oublier les racines d’extrême-gauche du fascisme lui-même. Il fallait les gommer pour permettre d’accroire l’idée d’un fascisme « d’extrême-droite ». Ce dont nous subissons encore l’illusion.
Les faits pourtant sont avérés.
C’est bien Benito Mussolini, N°2 du parti socialiste italien, et dirigeant le plus populaire, qui créa le premier Parti fasciste entrainant derrière lui l’immense majorité des socialistes et des élus syndicalistes ouvriers d’industrie et ouvriers agricoles italiens. Il se réclamait de Blanqui, ancêtre du parti communiste français, dont il mit une de ses formules en exergue de son quotidien fasciste « Il Popolo d’Italia ». Le fondateur du parti nazi français, l’ex-député communiste Doriot, fera d’ailleurs de même. Et Mussolini a pour principale conseillère Balabanovna, envoyée par Lénine. Et il reprochera dans un discours célèbre, à Gramsci, de ne pas défendre la classe ouvrière italienne mais le point de vue russe.
Adolf Hitler, pour sa part, est membre du « Parti Ouvrier allemand » qui se réclame officiellement du « bolchévisme », avant de créer le parti national-socialiste qui développe des thèmes du paganisme germanique et qu’Hitler dote, en février 1920, d’un programme copié sur les communistes russes (nationalisations, expropriation des grands propriétaires terriens etc…), un parti dont le drapeau est le drapeau rouge. « Les seuls vrais socialistes de l’Allemagne, de toute l’Europe même c’est nous » écrira Goebbels dans Die ZweiteRevolution. Hitler obtient par un vote lors du premier congrès, de remplacer la faucille et le marteau par la svastika prétendant que les socialistes nazis iraient plus loin encore que les communistes en changeant la nature humaine, ce qui nécessitait de s’attaquer aux fondements judéo-chrétiens de la nation allemande.
Tous les dirigeants facistes et nazis, en Europe, sont influencés par les socialistes révolutionnaires français du XIXème siècle.
On doit à la falsification de l’histoire que parmi les ancêtres affichés du nazisme certains aient été étiquetés d’ « extrême-droite », alors que celle-ci était monarchiste.
Auguste Blanqui eut, en France, une importance majeure. Inventeur de la conception du parti de classe sur le modèle militaire et de la théorie de la dictature du prolétariat. Il n’hésite pas à alimenter la haine religieuse dans les classes populaires en associant le capitalisme honni à la misère, au judaïsme et au christianisme. Son refus du suffrage universel même est dû à son antisémitisme : il permettrait l’« avènement des Juifs ». Et son plus fidèle disciple, le socialiste Gustave Tridon, rédacteur en chef de son journal « Candide », son parrain devant l’Association Internationale des Travailleurs en 1886, écrit un ouvrage jamais renié : Du molochisme juif. Les Juifs ? Une race inférieure. Les chrétiens ? Des dégénérés, infestés par le judaïsme. Son objectif : un Occident athée débarrassé des chrétiens et des Juifs, asservissant les races inférieures : « combattre l’esprit et les idées sémitiques est la tâche de la race indo-aryenne.
Car l’idée de race aryenne est née là, chez les blanquistes.
Les auteurs préférés des fascistes comme des nazis sont d’ailleurs des socialistes,.
Outre les blanquistes, ainsi, Georges Vacher de Lapouge (1854-1936), un des auteurs préférés de Joseph Goebbels (qui jamais ne reniera son socialisme) est socialiste, avec une détestation athée du christianisme et du judaïsme. Candidat socialiste en 1888, fondateur de la section de Montpellier du Parti Ouvrier français de Jules Guesde, son engagement militant le porte à défendre le socialisme « arryaniste » et antisémite traditionnel des blanquistes de la revue « Candide ». Lors de l’affaire Dreyfus, il publie « L’Aryen, son rôle social » (1899). Il croit au progrès et aux « Lumières ». La lutte des classes ? Une réalité sociale, comme la lutte des races. Il défend, à la suite de René Worms, la sociobiologie : infériorité des métis, supériorité naturelle de l’ « homo europeus ».
Sous son influence, le socialiste Ludwig Woltmann va redéfinir le marxisme en ajoutant un matérialisme biologique darwinien et géographique. Cela le conduit, dés 1898, à opposer à la morale chrétienne une morale « matérialiste » qui prône le culte des forces de la vie et de l’énergie. Il travaille alors sur l’ « histoire raciale » et produira en particulier « Marxisme et théorie de la race » (1905) et « Les Germains en France » (1907) qui influenceront la politique raciale nazie et explique pourquoi Goebbels se réclame du marxisme jusqu’à la fin des années vingt.
Edouard Drumont sera sans doute la plus belle manipulation idéologique qui perdure aujourd’hui. Les manuels socialistes le diront « catholique » et d’ « extrême-droite », prétextant une conversion en 1880… reniée six ans après. Mais quand il dénonce Dreyfus dans la République, il est bel et bien socialiste. Jusqu’en 1902, quand il choisira… l’extrême-gauche plus radicale encore. Il collabore d’ailleurs à la Revue socialiste.Dés 1886, dans « La France juive », livre à partir duquel va se créer la « Ligue Antisémite », il avait repris les thèses d’Auguste Blanqui : il faut éliminer l’esprit juif qui a influencé l’esprit chrétien. « En réalité, il n’y a pas deux partis politiques, il y a un régime général, il y a un système, le système capitaliste et juif auquel sont également affiliés les représentants des partis qui se disputent le pouvoir » écrit-il. Il défend la lutte des classes, 1793 et les Lumières. L’église catholique ? Dégénérée, elle se serait « enjuivée ». Et en 1895, un an après la condamnation de Dreyfus, Jean Jaures, à propos de La France juive écrira lui, dans la Dépèche de Toulouse : « sous la forme un peu étroite de l’antisémitisme se propage en Algérie un véritable esprit révolutionnaire ». Édouard Drumont sera élu en Algérie…
Comme Humbert Alphonse, député radical socialiste, qui défend les antisémites lors des pogroms d’Algérie, « des Français très modernes, libres penseurs pour la plupart » dit-il. Barrès même ? Élu de la gauche boulangiste, il siégeait à l’extrême gauche à l’Assemblée. En 1893, il se présente comme socialiste indépendant, athée, favorable à la nationalisation des biens de l’église.
L’ensemble des courants socialistes étaient antisémites, de Pierre Leroux, pour lequel le juif est « odieux par son esprit de lucre et de spoliation » à l’anarchiste Proudhon qui dénonce « cette race qui envenime tout en se fourrant partout ». Toussenel, disciple de Fourier , dans Les Juifs, rois de l’époque explique : « J’appelle, comme le peuple, de ce nom méprisé de juif, tout trafiquant d’espèces, tout parasite improductif, vivant de la substance et du travail d’autrui. Juif, usurier, trafiquant sont pour moi synonymes. » Cette haine explique le soutien de certains au Boulangisme antisémite, tels Paul Lafargue, Emile Eudes, le proudhonien Pierre Denis, collaborateur de Jules Valles. En janvier 1882, le gendre de Karl Marx, Paul Lafargue, dans « L’ultimatum de Rothschild » écrit : « ce sont les descendants du pouilleux marchand de vieux habits de Francfort qui ont créé le crédit et la prospérité de la France, parce que, eux, si modestes encore en 1816, ont prélevé des centaines de millions sur la fortune sociale de la France (…) ». Et Louise Michel n’hésite pas à participer au meeting de la « Ligue antisémite », en avril 1890. Tous élargissaient d’ailleurs leur antisémitisme à leur antichristianisme.
Comme le dit Ernest Granger, » Nous pensons que le sémitisme a été funeste au génie aryen et nous déplorons que le sombre, persécuteur, impitoyable monothéisme juif ait triomphé des libres et naturalistes religions gréco-romaines. (…) nous n’oublions pas que le christianisme est une religion sémitique, fille du judaïsme, et nous avons une égale horreur du juif Jésus et du juif Moïse ».
La « Revue socialiste », le plus prestigieux organe socialiste, donnait le ton aux intellectuels. Elle était dirigée par Benoît Malon,qui avait présidé le congrès socialiste de Saint Etienne, en 1882. Admirateur d’Edouard Drumont, il n’avait pas craint d’écrire en juin 1886 : « Oui, la noble race aryenne a été traître à son passé, à ses traditions, à ses admirables acquis religieux, philosophiques et moraux, quand elle a livré son âme au dieu sémitique, à l’étroit et implacable Jéhovah. »
La gauche socialiste dénoncera plus tard la presse d’ « extrême-droite » antidreyfusarde. Drôle. La libre parole ? Antidreyfusard et socialiste. Son gérant ? Le communard Millot. Son directeur ? Edouard Drumont. Hugues Clovis, député socialiste en 1881, qui adhèrera à la Ligue des patriotes de Déroulède, y collabore. « L’Intransigeant »,le journal d’Henri Rochefort, sera l’un des plus féroces contre le « triomphe de la juiverie » et lors de l’enterrement de ce socialiste populaire échappé du bagne de Nouvelle-Calédonie, le 6 juillet 1913, une foule énorme viendra l’accompagner et ses ex-camarades viendront le saluer, de Drumont à Barrès en passant par le représentant des radicaux socialistes, des ex-communards et des ex-boulangistes.
Les idéologues socialistes cataloguent « d’extrême-droite » la Ligue antisémite de France, créée par Jules Guérin. Or, Guérin est un ancien communard. Il affiche son antisémitisme en 1892, lors d’une manifestation du syndicat de la boucherie contre « ces grands capitalistes cosmopolites qui veulent détruire une industrie traditionnelle et corporative ».
Tels sont les faits qu’une mystification de l’histoire veut cacher aujourd’hui encore, au point de voir se profiler les mêmes effets : la reproduction des convergences idéologiques entre la prétendue « extrême-droite » et l’extrême-gauche, avec ces accents antisémites et antichrétiens caractéristiques. Il y a réellement, culturellement, plus de convergence qu’on ne le croit entre le Front national et le Front de gauche.
ATLANTICO :
QU’EST-CE QUI, DANS L’INCONSCIENT/SUBCONSCIENT DES FRANÇAIS, LES REND SI EXIGEANTS (PAR RAPPORT À D’AUTRES INSTITUTIONS) ET CONTRADICTOIRES AVEC L’EGLISE ?QU’EST-CE QUE CELA TRADUIT SUR LE RAPPORT DES FRANÇAIS AVEC ELLE ?
ROUCAUTE YVES:
La France est dans sa chair éthique, culturellement judéo-chrétienne. Jusqu’à avoir appelé son sixième jour de la semaine samedi, du latin « sambati dies », jour du shabbat, et le septième jour « dimanche », du latin dies Dominicus, jour du Seigneur. Entre le partage du pain et du vin et sa conception civique de la nation, quand bien même les Français, ne croient pas en Dieu, ils attendent de leurs églises chrétiennes une position claire sur les questions essentielles, celles qui tiennent à la vie spirituelle. L’enseignement de ces pasteurs et de ces prêtres de naguère face aux totalitarismes est celui d’une puissance d’humanité qui éclaire les consciences sur leurs obligations morales universelles et leur devoir de les défendre. Plus que les droits des humains, leurs devoirs. Au risque de leur vie s’il le faut. Et cela se voit encore dans maints pays. Non pas une position politique mais une position spirituelle. Donc une position courageuse.
Et puisque ces prêtres qui périrent n’hésitèrent pas à aller vers ceux qui croyaient en ces faux prophètes pour leur ouvrir les yeux et le cœur, c’est cela que chacun attend des églises. Qu’importe l’appartenance partisane, s’il y en a. Aller vers les âmes égarées par la détresse morale, qui s’appelle haine, et la détresse sociale, qui s’appelle misère, développer en chacun le souci de l’humain, appeler contre le laxisme, la liberté à la responsabilité, beaucoup attendent des prêtres qu’ils montrent l’exemple. Et si leurs faiblesses sont aussi inacceptables aux yeux de beaucoup c’est parce que si ces prêtres ne le peuvent, si ces pasteurs, ces popes, ces rabbins, tous ces religieux qui portent le message des valeurs universelles ne le peuvent, alors qui le pourra ? Paradoxalement, quand bien même nous voyons en nous cette faiblesse insigne de ne pouvoir répondre aux impératifs de l’humaine humanité, quand bien même l’esprit français persifle et caricature ceux qui travaillent sans relâche à élever l’esprit humain jusqu’à sa nature, nous voulons croire cette élévation possible. Si Pétain fut une honte, ce n’est pas d’avoir politiquement pactisé avec l’ennemi, mais plus encore d’avoir fait croire à des millions de Français que vivre spirituellement dans l’indignité était une nécessité. Vivre dignement, voilà pourquoi nos chérissons Blandine tout comme les étudiants résistants de la Rose Blanche.
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